(L'Ordre du Phénix) L'armée de Dumbledore


Le groupe se mit en marche vers Poudlard. Ils débattirent des possibles noms pour l'organisation. La plupart d'entre eux étaient à court d'idées, en dehors des jumeaux qui enchaînaient les propositions. Relativement rapidement, Ginny trouva tout de même une idée, aidée par le souvenir de la discussion avec Sirius.

« Et pourquoi pas l'armée de Dumbledore ? » offrit-elle.

Draco sembla horrifié. « Hors de question. Je préfère encore écouter ces deux zigotos proclamer leurs idioties. »

Les jumeaux ne s'interrompaient même pas pour commenter cela. Ils continuaient d'alterner l'un et l'autre les propositions, sans se laisser perturber par quoi que ce soit. En réponse, les plus jeunes ne les écoutaient pas.

« C'est pourtant logique. », affirma Ginny. « Ils nous empêchent d'apprendre à nous défendre parce qu'ils craignent que Dumbledore nous utilise comme une armée pour prendre le pouvoir. Quoi de plus ironique que de se nommer ainsi ? En ne nous enseignant pas, ils ont créé ce qu'ils redoutaient. »

« Nous ne sommes pas une armée. », contra Neville.

Harry tenta de convaincre son meilleur ami. « Je suis plutôt d'accord avec Ginny. Et puis, nous voulons aussi lutter contre Voldemort. C'est notre propre groupe, étudiant, en parallèle avec l'Ordre des adultes. Ne pas chercher à renverser le ministère ne veut pas dire que nous ne nous battrons pas contre les vrais ennemis du monde sorcier. »

Draco n'en revenait pas. « Vous vous rendez compte que les autres n'ont pas signé pour ça ? »

« Nous ne forçons personne. Simplement, ceux qui désirent se battre avec nous pourront. S'ils souhaitent juste apprendre à se défendre, qu'ils s'en contentent. »

« Ils pourraient s'offenser simplement du nom que vous êtes en train de songer à choisir dans leur dos. »

« Ce serait étonnant. », intervint Luna.

« Et en quoi, Lunatique ? »

« Tout le monde ne croit pas la Gazette du Sorcier. Beaucoup gardent juste le silence. S'ils demandaient encore à Neville la vérité, c'est qu'ils n'ont pas renoncé à lui faire confiance. Ceux qui ont signé aujourd'hui savaient tous que vous aviez deux objectifs avec ce groupe. Ils savent que vous croyez au retour de Vous-savez-qui, et ils savent que vous voulez permettre à tous de réussir les examens, et d'être capable de se protéger à l'extérieur de Poudlard. Si Neville avait l'occasion de tout raconter, et si tout le monde pouvait l'entendre, plus de gens croiraient le retour de Vous-savez-qui. »

« Et comment Nev pourrait parler à tout le monde, exactement ? »

Ron intervint. « Il ne peut pas en prononcer deux mots sans se prendre une retenue ! Harry non plus. Aucun de nous ne peut en parler à ne serait-ce qu'un petit groupe. »

« Ombrage n'est pas toujours là. », songea Neville.

Luna répondit tout de même à sa manière. « En lisant le journal, par exemple. »

« Le journal est sous le contrôle du ministère. », rappela Draco.

« Pas tous les journaux. »

« Tu parles de ce… cette chose que tu lis ? » demanda Ginny, après s'être retenue de justesse d'insulter la lecture de la Serdaigle.

« Le Chicaneur ? C'est le journal de mon père. Il y traite de toutes les créatures magiques. »

« Y compris de celles qui n'existent pas. », clarifia la Gryffondor de même année que la blonde.

« Ce n'est pas parce que quelqu'un n'y croit pas qu'elles n'existent pas. »

Neville approuva. « Certaines choses sont invisibles aux yeux de la plupart, et n'en demeurent pas moins réelles. »

« Les Sombrals ? » devina Hermione. « J'ai fait des recherches, ils existent, en effet. Mais ça ne veut pas dire que tout le reste existe. Personne ne lit le Chicaneur, et tout le monde sait que ce sont des bêtises. Qui croirait ce que dirait Neville si c'était noté dedans ? »

Draco sourit soudainement malicieusement. « Tout dépendrait de celui qui aurait écrit l'article. »

« Mon père écrit tout ce qu'il y a dans le Chicaneur. », informa Luna.

« Oui, parce que personne de sensé ne voudrait écrire dedans. Mais si nous pouvions convaincre un journaliste bien connu et très écouté de faire l'interview, puis l'éditer dans un journal non contrôlé dans le ministère… »

Harry compléta, l'interrompant. « … et fournir toutes les ressources nécessaires pour que le journal soit imprimé en grande quantité, alors nous pourrions le distribuer à un grand nombre de personnes, à toute l'école, tout le monde serait informé ! J'ai largement assez d'argent pour me permettre cette excentricité. »

« Il reste un problème. », contesta Hermione. Elle se tourna vers Draco. « Où comptes-tu trouver un journaliste qui accepterait de faire ça ? »

« Mon père a souvent dit qu'il était important de connaître les forces et faiblesses de son entourage, de ses ennemis, et des personnes influentes. Il n'est pas en mauvaise relation avec Rita Skeeter, et il a maintes fois évoqué devant moi qu'elle n'était qu'un cafard facile à amadouer. »

« Ça ne dit pas comment "l'amadouer". », nota Harry.

Les jumeaux intervinrent. « Lucius Malfoy insulte tout le monde. », déclarèrent-ils à l'unisson, avant de reprendre séparément, comme d'accoutumée.

« Mais ça ne dit pas… »

« … pourquoi la traiter de cafard. »

« Appeler ses "amis" et bonnes relations… »

« … par un nom d'animal… »

« … n'est quand même pas très usuel. »

Draco le regarda du coin de l'œil. « Mon parrain traite souvent Sirius de "chien". »

« Ou de cabot. », affirma Fred.

« De sale cabot. », précisa George.

« Et c'est un animagus de grand chien noir. », poursuivit le Serpentard.

« De sinistros. », rappela Ron. « Et il mord fort. »

« Oh, pauvre Weasley. », se moqua le blond. Il ignora le regard noir que lui lança le roux.

Hermione devint suspicieuse. « Tu es en train de dire que Rita Skeeter serait une animagus ? De cafard ? »

« Ou autre insecte du genre. Pettigrow est bien, littéralement, un rat. »

Ron geignit au souvenir désagréable d'avoir dormi durant des années avec ce Mangemort.

« Ce qui est sûr, c'est que ce n'est pas très légal. », affirma encore le blond.

« Il faudrait vérifier si elle est dans le registre des animagi. », remarqua Hermione.

Harry ne comptait pas patienter d'obtenir les résultats d'une recherche qui n'aboutirait nulle part. « Ou alors, Draco pourrait lui écrire une lettre avec les bons sous-entendus, et nous verrons bien si elle réagit ou non. » Il tourna le regard vers le Serpentard. « Ton idée, ton travail. »

« Personne ne ferait cette tâche mieux que moi, de toute façon. », affirma l'adolescent, légèrement hautain.

Ils arrivaient proches de Poudlard lorsque Neville changea de sujet, le nom de "l'armée de Dumbledore" ayant été validé par tous, y compris Draco bien qu'à contrecœur après que le Serpentard ait obtenu les contreparties que, d'une part, le garçon-qui-avait-survécu accepte de procéder à l'interview si Skeeter répondait favorablement, et d'autre part que le Serpentard puisse, au même titre que Harry, dispenser les cours à l'organisation au lieu de les recevoir. Harry avait sournoisement acquiescé qu'il le nommerait comme son assistant, ce sur quoi le blond avait rebondi pour signifier que c'était parfait, puisque Severus avait été "l'assistant" de Lockart. Même Neville n'avait pas pu s'empêcher de rire de cela, bien qu'il s'excusa doucement auprès de son meilleur ami pour la honte apportée.

« Nous avons une semaine pour trouver un endroit où nous réunir. », rappela le protégé de Hagrid et Dumbledore.

Harry approuva. « Il faudrait que chacun de nous pense à différents lieux. »

« L'important est qu'Ombrage ne nous trouve pas. », affirma Draco.

« Et si elle nous trouve ? » s'enquit Ron. Les deux garçons s'échangèrent un regard noir.

« On s'en fiche ! » déclara Hermione.

« Pardon ? » lâcha Harry, incrédule.

« Quoi ? C'est excitant de ne pas respecter le règlement. », plaisanta-t-elle.

« Je ne dirais pas cela, non. », commenta Neville. « Mais c'est un fait qu'on n'a déjà pas mal ignoré le règlement et la prudence ces dernières années. Qu'est-ce qu'une fois de plus quand ces règles sont injustes ? Et puis, rien ne nous interdit de nous réunir pour travailler nos cours… et le règlement stipule qu'en présence d'un préfet, des élèves peuvent s'exercer à la pratique. »

Harry n'en revenait pas que son meilleur ami connaisse mieux les règles que lui, un préfet justement. « Je crois que cette exception ne vaut que pour les plus jeunes élèves. Ceux du même âge ou plus âgés que les préfets devraient avoir la supervision d'un professeur. »

Les jumeaux interviennent. « Ce ne sera pas à but récréatif. », déclara l'un.

« Et ce ne sera pas dans les couloirs. », poursuivit l'autre.

Ils rentrèrent dans le bâtiment, sans se douter que du haut d'un balcon, Ombrage chuchotait des consignes à Rusard après les avoir bien observés.


Les jumeaux Weasley, ayant encore une vengeance à accomplir quant aux mesquineries d'Ombrage à leur égard, ne manquèrent pas de lui jouer une farce de plus dès la réunion à la Tête du Sanglier terminée. La réplique d'Ombrage, courroucée, ne se fit pas attendre.

« Décret d'éducation numéro soixante-sept : Les bonbons explosifs ne sont plus autorisés à exploser. Ils doivent être immédiatement remis à l'unité de rejet du ministère. »

Les élèves rirent de bon cœur un à un en découvrant cette nouvelle règle, d'autant que les jumeaux ne se cachèrent pas d'être à l'origine de celle-ci. Les écriteaux commençaient à être nombreux, et assez hauts. Ils n'atteignaient pas tout à fait le sommet de la grande porte, mais s'en approcheraient probablement d'ici Noël à ce rythme-là.


« Décret d'éducation numéro soixante-huit : Toutes les organisations d'élèves sont désormais dissoutes. Tout élève ne s'y conformant pas sera renvoyé. »

Les jumeaux, toujours au fait des nouvelles règles, vinrent informer le groupe de Neville qu'ils feraient mieux d'aller voir la dernière. Ils regardèrent tous cela d'un air sombre. Quelqu'un avait trahi. Quelqu'un avait dénoncé. Luna ne manqua pas de signifier que ce n'était pas forcément le cas. Peut-être que l'information provenait de l'extérieur.

« Alors il nous faut définitivement un endroit plus sûr, introuvable. », déclara Neville.

Draco avait comme un sentiment vertigineux de naufrage, accentué lorsque, après qu'il ait tourné la tête en saisissant un mouvement du coin de l'œil, il remarqua Théodore les observer à l'écart, avec une neutralité qui le désignait comme coupable. Théodore capta son regard, avant de décider de faire demi-tour, s'éloignant de la Grande Salle.

« Je vais écrire la lettre pour Skeeter maintenant. Ne m'attendez pas. », mentit-il pour prendre congé du groupe et suivre l'autre Serpentard.

Théodore l'avait effectivement attendu plus loin. Draco accéléra le pas, mécontent. Le fourbe reprit la marche à l'allure des promenades, avec un léger mouvement de tête pour indiquer à son camarade de l'accompagner.

« Tu penses que je vais me balader tranquillement avec toi ? » questionna froidement le blond. « C'est toi, n'est-ce pas ? Tu es allé la voir ? Qu'est-ce que tu sais ? Pourquoi tu as fait ça ? Ça t'amuse de toujours nous gêner ? Es-tu vraiment pour lui ? »

Théodore le coupa. « C'est ce que tes amis pensent de toi ? Songent-ils que tu puisse les avoir "trahi" ? Sauf qu'il n'y a rien à trahir. Ombrage sait que plusieurs élèves se sont réunis de manière étrange et louche à Pré-au-Lard. Elle ignore tout ce dont il peut s'agir, tout comme moi. C'est Zabini qui a remarqué. Il allait l'informer. Draco, tu devrais ouvrir les yeux, te réveiller de ton rêve idiot et irréaliste. Le Seigneur des Ténèbres est revenu, et ton père fait partie de ses suivants. Tu n'as aucun choix. Tu ne veux pas mourir, tout de même. Il faut que tu t'en rendes compte, Draco, c'est dangereux. Dangereux pour toi. Tu as entendu pour ces disparitions. Ça a commencé comme ça la dernière fois. Il est en train de passer à l'action. Et quiconque sera son ennemi, quiconque le gênera, subira un sort funeste. Tu sais que tu n'est pas à l'abri. Personne ne peut te protéger, pas même ton père ou le professeur Snape. »

Draco renifla de mépris, bien que ce ne fut pas orienté vraiment contre Théodore. « Tu sembles ne pas si bien me connaître, Théo. Certes, je suis un trouillard. Je suis facilement débordé dans une situation critique et dangereuse, même Neville, crois-le ou non, s'en sort mieux que moi. »

« C'est un Gryffondor. »

« Connu pour sa couardise. »

« Elle a semblé s'éloigner au cours de l'année dernière. Mais ce n'est pas le sujet. »

« En effet. Ce n'est pas le sujet. Je suis conscient de ma faiblesse. Je sais que je ne suis pas le meilleur soutien face à un basilic ou un loup-garou. En revanche, face à un sorcier, je n'ai plus aucun mal. Et tu sais, un détraqueur ne me ferait pas peur. »

« On parle du Seigneur des Ténèbres, Draco ! Et de ses Mangemorts. »

« On parle de loyauté, Théodore. Aussi étrange que cela puisse paraître, il semble que tu n'en saisisses pas le concept. Je ferais tout pour mes amis. Contrairement à toi. »

Il avait une mine presque dégoûtée, derrière laquelle Théodore parvenait tout de même à percevoir l'immense déception. Le brun secoua la tête. « Tu sais que je… »

« Je me fiche de tes raisons, Théo. Abandonne juste le sujet, veux-tu bien ? J'ai choisi mon camp. Je ne les lâcherais pas. Et tu sais quoi ? Voldy peut aller se faire voir. »

Théodore devint d'une pâleur extrême, incapable de placer le moindre mot pour s'exprimer. Draco ouvrit son sac en bandoulière, l'enleva de son épaule, et le renversa, dispersant son contenu de pommes vertes à terre.

« Et je vais agir avec eux. », ajouta le blond. D'un coup de baguette, il fit s'envoler tout ce qui n'était pas des pommes pour retourner dans son sac. Il shoota dans quelques-uns des fruits verts pour donner un dernier coup d'avertissement. « Je n'ai pas besoin de me cacher. »

Il se détourna et repartit en direction de la bibliothèque.

Théodore releva lentement le regard, et observa son camarade, les yeux écarquillés et la bouche entrouverte par la stupeur. Soudainement, alors que le blond était loin, il s'écria.

« Draco, attends ! »

Aimablement, le Malfoy s'arrêta et tourna la tête de profil pour signifier qu'il l'écoutait.

« Qu'est-ce que vous faisiez ? Que préparez-vous ? Pourquoi… »

« Nous avons besoin de cours. », déclara Draco. « Et nous avons un excellent professeur. »

Le blond repartit, abandonnant l'autre Serpentard à sa stupeur au milieu du couloir.

« Pour apprendre à se défendre. », chuchota l'observateur rapide. Il s'accroupit pour ramasser une des pommes parfaites de Draco et la contempler. Un lent sourire se dessina sur son visage. « Ils vont apprendre à se battre. »