(L'Ordre du Phénix) Un cauchemar trop réel


Une semaine avant les vacances de Noël, l'AD effectua sa dernière réunion du trimestre. La salle sur demande s'était adaptée à la période, et avait placé de nombreuses décorations de Noël, y compris un sapin. À la fin de la séance, Harry félicita tous les membres pour leurs fabuleux progrès, et informa qu'ils entameraient les sorts de défense, tels le charme de bouclier ou le Patronus, au retour des vacances. L'ambiance était joyeuse, à la fête, et les élèves partaient de bonne humeur. Les jumeaux, tout enjoués, retenaient Harry et Draco afin de présenter des idées de farces qu'ils pouvaient faire à Ombrage ou Rusard. Les deux favoris du chef Serpentard participaient avec motivation à la discussion de mauvais tours à préparer à celle qu'ils n'aimaient pas. Le Gryffondor du duo s'avérait plus réticent à gêner le concierge, mais admettait que l'homme, complice de la dame en rose, ne méritait pas sa pitié. Neville remarqua que Cho s'attardait devant le miroir, et s'approcha d'elle. Il se plaça à sa droite, et observa les photos et papiers affichés. Il devinait sans peine qu'elle contemplait le portrait de Cédric.

« Je ne sais pas ce que je pourrais te dire pour te réconforter. », commença-t-il doucement. Il continuait de fixer le cliché tandis qu'elle tournait un visage humide vers lui. « Nous nous battons pour rétablir la vérité. Et nous arrêterons ceux qui l'ont tué. »

Elle se mit à pleurer, du moins des larmes coulèrent de ses yeux, bien qu'aucun sanglot ne fut perceptible. Sa voix était triste, sans plainte. « Ça… tout ce qu'on fait ici… ça me fait penser que s'il l'avait su, lui aussi… peut-être qu'il ne serait pas mort. »

Neville tourna le regard vers elle. « C'était un sorcier très capable. Il connaissait tout ça. Mais la situation… il n'a pas pu éviter la malédiction. Je suis désolé, Cho. »

« Ce n'est pas toi qui l'as tué. »

« Non… » Neville ne pouvait s'empêcher de se sentir coupable pour la mort de Cédric. C'était lui qui avait insisté pour qu'ils prennent cette coupe ensemble. Il se tourna à nouveau vers les papiers, et fixa son regard sur l'ancienne photo de l'Ordre. Il observa ses parents. Il éprouva une colère sourde monter en lui. « C'est Voldemort qui l'a fait. Indirectement, peut-être, mais il en a donné l'ordre, et c'est sa baguette qui a lancé le sort. Tout comme il ordonne toutes ces disparitions. Combien sont morts déjà ? »

« Ce sont tes parents ? » demanda la voix soudaine de Luna derrière eux. Ils se retournèrent, surpris, vers elle. Elle scrutait innocemment la photo de l'Ordre. Cho suivit son regard.

« Ses parents ? Qu'est-ce que c'est ? Cette photo. »

Neville lui expliqua. « Un groupe de personnes, de résistants durant la Première Guerre contre Voldemort. La plupart avaient juste cinq ans de plus que nous à l'époque de cette photo. C'étaient des jeunes diplômés. Ce sont nos modèles. »

« Tes parents sont là ? »

Neville hésita un peu avant de répondre. « Oui… », admit-il doucement.

Luna prit à nouveau la parole. « Ils ont l'air très proches, très amoureux. Plus que n'importe qui d'autre sur cette photo. »

Les yeux de Neville dérivèrent vers les parents de Harry. Ils se tenaient la main. Il n'avait jamais remarqué auparavant. Mais ils étaient aussi écartés que Sirius l'était de James. En revanche, la mère de Neville était presque dans les bras de son père, et ils s'échangeaient un regard, à la fois langoureux et déterminé, encore plus complice que l'amusement partagé entre James et Sirius.

« Ce sont eux ? » demanda Cho en désignant avec succès le couple Longbottom. Neville hocha la tête.

« Tu leur ressembles. », déclara Luna.

Cho observa alternativement, en intense réflexion, Neville et ses parents pendant un petit moment avant de confirmer. « C'est vrai. » Le garçon avait toujours eu les mêmes oreilles décollées de son père, et si son visage rond d'enfant ressemblait à celui de sa mère, ainsi que sa faible carrure de l'époque, il s'épanouissait pour devenir aussi grand que son père, et son visage plus mature gagnait la structure allongée de celui de l'homme même s'il conservait le front et les orbites de la femme. Il arborait les cheveux de sa mère, et son sourire était semblable à celui de son père.

« Ce qui compte, ce n'est pas le physique. », commenta Neville. « C'est ce que nous sommes au fond de nous. Et ce que nous choisissons d'être. »

« Qu'est-ce que tu as choisi d'être ? » demanda Luna.

« Quelqu'un de bien. Mais je ne suis pas sûr d'y arriver. »

La plus jeune Serdaigle lui prit la main dans un mouvement de réconfort. « Je pense que tu y parviens très bien. »

Neville plongea son regard dans les grands yeux bleus de la fille, étonné et contemplatif. Cho commençait à se sentir mal à l'aise. Aucun ne remarquait le gui arriver. L'adolescente aux allures asiatiques considéra à nouveau la photo.

« C'est Mademoiselle Evans ? » s'enquit-elle avec stupeur. Elle fronça les yeux tandis que les deux autres se lâchaient la main et regardaient à leur tour. « C'est bizarre, il ressemble à Harry. En plus vieux, bien sûr. Ce serait… son père ? Mais… et là, le professeur Lupin, et Sirius Black. On dirait les jumeaux Weasley aussi… »

« Leurs oncles, en fait. », expliqua Harry qui les avait rejoints dans leur dos.

Cho le dévisagea. « Mademoiselle Evans… c'est vraiment ta mère ? Il y a eu une rumeur, mais plus personne n'y croyait… »

« Tiens, du gui. », coupa Luna. « Les Nargles infestent souvent le gui. » Elle rabaissa la tête pour regarder ses amis Neville et Harry. « Nous devrions aller manger. » Elle s'en alla en sautillant.

« Elle n'a pas tort. », commenta Harry.

« Qu'est-ce que c'est ? » demanda Cho. « Les nargles ? »

« Aucune idée. » Il se tourna vers l'adolescente. « Oh, Cho, ma mère est mariée à mon père. Ça devrait être une précision suffisante. Je sais que tu dois être triste pour Diggory. Tu n'es pas la seule à avoir perdu quelque chose à cause de Voldemort. Et c'est pour ça qu'on se prépare. Je comprends, tu sais. Je sais que ce n'est pas facile pour toi, mais je voulais seulement te faire toucher du doigt qu'une erreur peut être dangereuse. Surtout quand nous nous entraînons sans réel professeur. J'espère que tu n'as pas pris ma remontrance de la dernière fois trop à cœur. Je l'aurai fait à n'importe qui d'autre dans ces circonstances. Tout ça… » Il désigna les documents. « C'est là pour qu'on se souvienne. Mais pas pour nous déconcentrer. Toutefois, tu travailles bien, et tu obtiens de très bons résultats. Je suis aussi fier de toi que des autres. Bravo, et bonnes vacances. Tu devrais y aller, tu sais que nous sortons toujours en dernier. »

La fille hocha la tête, le visage baigné de larmes, et quitta le lieu.

« Elle ne va pas bien. », informa Neville.

« Oui. J'espère qu'elle ira mieux. Allons-y. »

Les deux adolescents se dirigèrent vers la sortie à leur tour.

« Tu sais, j'ai cru que tu allais l'embrasser. », reprit Harry.

« Qui ? »

« Luna, bien sûr. Quand la salle sur demande vous a ajouté le gui. »

« Tu me connais, je ne l'aurais pas fait. Et je n'avais même pas remarqué. D'autres finiront par observer la photo de l'Ordre plus attentivement. Ils remarqueront aussi. Tu as vu que tes parents se tiennent la main ? »

« Je n'y avais pas fait attention, j'avoue. Ma mère est peut-être sur la photo, mais ce n'est pas le cas de Mademoiselle Evans. Elle n'en a aucun souvenir, n'est-ce pas ? »

Neville acquiesça. Lily semblait aller bien, très bien, comme si elle n'avait aucun problème, elle agissait comme une personne normale à présent, mais elle demeurait quelque peu amnésique.

Dans la soirée, à leur coin reculé de la bibliothèque, où ils pouvaient être certains que Cho n'entendrait pas pour la simple raison qu'elle ou une de ses amies ne serait pas dans les parages, le duo relata la discussion au reste du groupe. Hermione expliqua alors que Cho était bel et bien en dépression depuis la mort de Cédric, et lista tout un tas de préoccupation de l'adolescente qui ébahit Ron. D'après le roux, personne ne pourrait ressentir autant à moins d'exploser, ce qui lui valut un pic bien senti de la première de classe au sujet de sa "capacité émotionnelle de petite cuillère". Draco précisa qu'en plus de tout cela, l'attrapeur de Serdaigle en pinçait pour Harry de manière évidente.

« Quoi ? » s'étonna l'adolescent concerné.

« Pourquoi crois-tu qu'elle soit si distraite ? » se moqua Draco.

« Parce qu'elle est en dépression, voilà pourquoi ! »

« Et elle doit bien culpabiliser de ressentir des sentiments pour quelqu'un alors qu'elle est en deuil. »

« Ce n'est pas drôle, Drac. », commenta Ginny.

« Je n'ai pas dit que ça l'était. Mais j'avoue apprécier l'ironie. »

Hermione souffla. « Il n'y a aucune ironie. Nous devrions retourner dans nos salles communes. Bonne nuit, Draco, Luna. »


Neville eut le sommeil agité cette nuit-là, comme beaucoup d'autres nuits. Il revoyait encore et toujours ce couloir de briques polies noires et de ciment blanc, et cette porte. Cette fois, pour la première fois, il pénétra à l'intérieur. C'était étrange, comme s'il glissait sur le sol. C'était… comme son cauchemar de l'été précédent, celui qu'il avait vu des yeux du serpent de Voldemort, Nagini. Un homme patrouillait dans l'allée, un homme roux familier. Monsieur Weasley. Le sorcier ne se retourna que trop tard, et le serpent lui sauta au visage. Neville se tournait et se retournait sur ses draps alors qu'il observait toute l'attaque. Il gémissait, et se démenait. Sa cicatrice le brûlait atrocement. Il pouvait la sentir même alors qu'il était plongé trop profondément dans son rêve pour en sortir. Soudainement, il se réveilla, d'un coup, en criant.

« Noooon ! »

Cela eut le mérite de réveiller ses camarades de dortoir. Harry se levait déjà pour questionner son ami. Neville fut plus rapide à enchaîner.

« Monsieur Wesley ! » Il tournait un regard implorant vers son meilleur ami pendant que l'adolescent roux s'approchait à son tour, inquiet. Bien sûr, ils ne seraient pas inquiets de ce que Neville pourrait dire sur Monsieur Weasley ; ils l'étaient davantage au sujet de l'état de santé du garçon-qui-avait-survécu. Il était clairement réveillé à présent, et parler d'un cauchemar avec un air aussi catastrophé ne pouvait pas être bien vu dans un dortoir de Gryffondor de cinquième année. « Il faut que je voie le professeur Dumbledore immédiatement. », affirma Neville avec urgence, pâle et en sueur.

« Qu'est-ce que… »

« Maintenant. », insista-t-il. Il tenta de se lever, mais trébucha et chuta au sol. Harry et Ron accoururent pour l'aider à se relever, et comme il était évident qu'il entrait en état de choc avec quelques difficultés pour bouger ou même s'exprimer dès lors, les deux adolescents continuèrent de le soutenir jusqu'au bureau de McGonagall, qu'ils furent bien aises de parvenir à réveiller en tambourinant à la porte de ses quartiers. La vieille femme sortit en robe de chambre pour exiger une explication.

« Vous étiez la plus proche. », déclara Harry. « Neville… »

Neville le coupa. « Le professeur Dumbledore… mon cauchemar. » Il releva des yeux mouillés de larmes, mais la directrice adjointe ne pouvait pas le conduire au directeur sans raison de la plus haute importance.

« Désolée jeune homme, mais… »

« C'est important ! » cria-t-il avec force. « Et très urgent. »

La femme appela un elfe de maison et lui demanda de réveiller le directeur et de l'avertir que Neville Longbottom était en marche vers son bureau pour une affaire de toute urgence. Les trois élèves et le professeur se rendirent le plus rapidement possible au bureau du directeur, qu'ils trouvèrent prêt à les accueillir dans son bureau, bien plus habillé que McGonagall, avec ses robes toujours aussi excentriques.

Neville s'empressa de raconter son rêve dans les moindres détails, et immédiatement, sans rien lui dire, Dumbledore commença à prendre des mesures comme si ce qu'il avait vu était réalité. Il ordonna à des portraits de se rendre au Ministère ou à Sainte Mangouste, il envoya McGonagall chercher les autres enfants Wealsey, il demanda au portrait d'un certain Phineas d'aller dans son tableau de Square Grimmaurd pour prévenir Sirius qu'Arthur était blessé et que ses enfants allaient être envoyés au quartier général. Neville tenta plusieurs fois d'attirer l'attention de Dumbledore, en vain. Il se sentait irrité, agacé, indigné, en colère, il voulait obtenir, enfin, un peu d'attention du directeur. Finalement, il explosa, et cria après l'homme pour qu'il le regarde. Le silence retomba dans la salle. Entre-temps, les jumeaux et Ginny étaient arrivés, tout autant en pyjama que tous sauf le centenaire. Harry restait auprès de son meilleur ami, et McGonagall était revenue avec les jeunes Weasley. Tous observaient le jeune garçon avec stupéfaction, tant il était inattendu de le voir et l'entendre agir ainsi. Neville lui-même identifia ce qui s'était passé. Il geignit, implorant d'avoir enfin une réponse, une explication, et surtout, de l'aide.

« Qu'est-ce qui m'arrive ? »

« Albus ? » appela Lily dans l'entrée de la salle, à la surprise des étudiants qui se tournèrent vers elle et purent alors observer la femme en robe blanche, et le professeur Snape dans ses capes noires usuelles. Les deux arrivants jetaient un coup d'œil curieux vers les adolescents, l'assistante de l'infirmière d'un air légèrement inquiet.

Le directeur sembla rassuré de les voir se présenter. « Ah, Lily, Arthur est blessé, j'aimerais que tu ailles assister Sainte Mangouste pour trouver un antidote au venin de Nagini. »

Elle hocha la tête. « J'y vais immédiatement. » Elle fit demi-tour précipitamment, passant à côté du maître des potions.

« Antidote ? » s'étrangla Ron.

« Minerva, veuillez déposer les enfants d'Arthur à Square Grimmaurd. Ils reviendront demain matin pour faire leurs bagages pour les vacances. »

La directrice adjointe appela les adolescents à la suivre, et ne restèrent plus que le directeur, le maître des potions, Neville et Harry. Le centenaire regarda son homme de confiance.

« Y arrivera-t-elle ? »

Le professeur répondit tranquillement. « Nagini est certes un serpent des plus particulier, et son venin unique au monde, Lily a toutes les compétences nécessaires pour trouver un antivenin. Je lui confierais ma vie. Si monsieur Wealsey n'est pas mort dans les minutes qui suivent son agression, alors nous pouvons espérer que le poison soit suffisamment lent. » Il haussa un sourcil en direction des adolescents. « Si je ne suis pas ici pour m'occuper de concocter de quelconques remèdes, pourquoi m'avez-vous fait appeler, directeur ? »

« Harry, retourne dans ton dortoir. »

Le garçon jeta un œil vers Severus, puis regarda à nouveau le directeur. « Mais, je voulais… »

« Harry. »

Le garçon baissa la tête, et accepta à réticence. Il sortit du bureau à son tour. Dumbledore se tourna alors vers l'espion.

« Il est temps, Severus. Ça ne peut plus attendre, pas même jusqu'au matin. »

Le professeur observa son élève. « Neville, dirige-toi immédiatement à mon bureau. Il vaudrait mieux qu'un préfet t'escorte. »

Le garçon ne se fit pas prier, et courut aller rattraper Harry le plus vite qu'il put. Ainsi donc, ils avaient réellement discuté de son problème de cauchemar, et une solution était prévue. Mais ils avaient décidé d'attendre un événement aussi dramatique pour agir. Pourquoi ?

« Tu lui as déjà donné ta vie, Severus, il y a des années de cela. », déclara le directeur lorsque l'adolescent eut quitté l'endroit.

Severus ne releva pas la remarque, et se contenta d'interroger le vieil homme sur la situation. Il ne put qu'apprendre que Neville avait eu une nouvelle vision, et demanda ensuite pourquoi le directeur mettait tant d'urgences soudainement pour que le problème soit traité.

« Parce qu'il change… », expliqua le centenaire d'une voix plus âgée que d'habitude. « Que cela soit conscient ou non, Voldemort l'influence. Et si la connexion demeure aussi forte ce soir, je crains ce qui pourrait arriver. Tâche de découvrir s'il y a une quelconque… présence encore dans son esprit. Mais ne te fais surtout pas remarquer. »