(L'Ordre du Phénix) L'occlumancie


Les deux Gryffondor attendaient patiemment le professeur dans son bureau. Neville était quelque peu calmé, par l'espérance que bientôt tout lui serait expliqué. Il s'inquiétait toutefois grandement, puisque la situation restait alarmante. Harry aurait préféré que la condition pour pénétrer dans ce bureau ne soit pas un événement catastrophique. Severus entra enfin, et se dirigea rapidement vers sa table tout en parlant, comme s'il présentait un cours de potion de première année.

« Ce soir, nous nous contenterons des explications. Harry ne pratiquera pas tout de suite. Neville en revanche… cela reste encore à déterminer. » Il étala sa trousse à outils sur la table. Neville détestait lorsqu'il effectuait ce geste intimidant. Il restait debout, et sa main planait au-dessus des ustensiles, à la recherche d'un en particulier. « Il semble qu'il y ait une sorte de connexion entre l'esprit du Seigneur des Ténèbres et celui de Neville. » Il se saisit de sa baguette.

Le garçon déglutit. « Alors il peut… il peut y entrer ? Comme moi je peux voir… ces choses ? »

« Y entrer, le contrôler, le détraquer. » Le professeur fixa son regard d'obsidienne dans les yeux effrayés du Gryffondor qui survivait encore et encore. « Par le passé, le Seigneur des Ténèbres a pris plaisir à envahir l'esprit de ses victimes. Il y créait des visions destinées à les torturer jusqu'à la folie. Ce n'est qu'après avoir extrait la dernière exquise goutte d'agonie, et après que ses victimes l'aient supplié de les achever, qu'il se décidait à les tuer. »

Neville savait reconnaître que le professeur tentait de leur faire peur, et il devait admettre que cela fonctionnait très bien. Même Harry semblait effrayé, alors qu'il prenait la parole. « Bellatrix Lestrange… elle… est-ce qu'elle pouvait le faire aussi ? L'a-t-elle fait avec Maman et James ? »

Severus, face à eux debout en silence, scruta Harry quelques instants qui parurent interminables sans mot dire. « C'est possible, mais incertain. »

« Et si… si elle l'a fait… pourras-tu la guérir quand même ? »

Il attendit encore un peu avant de répondre, toutefois plus rapide que précédemment. « Le temps nous le dira. Cependant, il est fort probable que ta mère s'en sortira. »

« Comment va-t-elle ? »

« Ce n'est pas le sujet. »

Neville plaida la cause de son meilleur ami. Cela était important pour eux tous, et moins inquiétant que le début de semblant de cours qu'avait entamé le professeur. « S'il te plaît, Harry a le droit et besoin de savoir. »

« De ce que je puis observer, Lily a recouvré récemment une vivacité similaire à celle qu'elle possédait avant le tragique événement. Seuls ses souvenirs semblent encore endommagés, et je ne sais comment ils peuvent être restitués. »

Harry baissa la tête, où des larmes silencieuses commencèrent à couler sur ses joues. Il ignorait s'il était rassuré ou désespéré d'entendre cela. Neville prit son courage à deux mains et une respiration, évitant de justesse de déglutir à nouveau, plaça son regard dans les yeux du professeur, puis retourna sur le réel sujet de préoccupation.

« Donc Voldemort entre dans mon esprit ? Pourquoi est-ce que je vois la scène des yeux de Nagini ? »

« Nous ne pouvons affirmer que le Seigneur des Ténèbres ait déjà pris connaissance qu'une telle connexion entre vous existe. Espérons qu'il l'ignore toujours. Utilisé correctement, le pouvoir de l'Occlumancie vous protégera des influences, et des intrusions… »

« Nous ?! » coupa Harry, surpris.

« Pourquoi crois-tu te trouver dans cette pièce à cette heure, Harry ? » demanda rhétoriquement le professeur.

L'adolescent prit un ton glissant de sarcasme. « Oh, je ne sais pas, il me semblait que seul l'esprit de Neville était connecté à celui de Voldemort. »

« Bien que cela soit exact, Harry, il semble que vous ayez une proportion non négligeable à vous retrouver dans des ennuis des plus dérangeants, souvent en compagnie d'une forme ou d'une autre du Seigneur des Ténèbres. J'espère que vous vous abstiendrez de vous retrouver une fois encore face à face avec lui, mais la possibilité d'une telle rencontre n'est pas à exclure. Or, Harry, nul dans la confidence ne peut écarter que tu possèdes une quantité d'information qui s'avérerait extrêmement compromettante pour ma position. Draco a déjà démontré à quel point l'occlumancie était d'une nécessité manifeste lorsqu'il s'agit de cacher des secrets au Seigneur des Ténèbres en compagnie de Neville. Il apparaît donc telle une évidence qu'il vous faille à tous les deux apprendre l'art de protéger votre esprit des intrusions extérieures. Maîtrise cet art, Harry, et nous pourrons te confier des secrets. Parvint à contrer un legilimens accompli, et seulement alors je pourrais avoir confiance en toi. »

Harry devint soudainement très déterminé à l'idée d'apprendre l'occlumancie. Non seulement il s'agissait d'une discipline de défense déjà acquise par Draco, c'était aussi une clef pour ouvrir la porte de l'Ordre, et surtout, enfin, pouvoir retourner auprès de Severus sans qu'il se défile, comme avant le retour de Voldemort. Peut-être même le professeur accepterait de s'occuper de lui tel un père avant qu'il ne soit trop tard.

Neville, de son côté, se sentait chavirer, couler, s'échouer. « Severus, est-ce que le directeur ne me fait plus confiance ? À cause de mon lien avec Voldemort ? »

L'homme observa, l'expression imperméable, son élève. « Les raisons du directeur lui sont propres, et bien souvent trop complexes pour que nous puissions les estimer. »

« Est-ce que ça en fait partie ? » insista durement l'adolescent.

« Le directeur est un assez bon occlumens pour cacher ses raisons. »

« Tu le connais assez pour savoir ! Severus, s'il te plaît ! Jusqu'à présent, je pouvais toujours me tourner vers lui, ou même vers toi, en cas de problèmes ou de besoins. Et cette année, il m'ignore sans cesse. Je ne sais plus quoi faire, je ne sais plus où j'en suis, ni même ce que je deviens. Je me perds, je désespère. J'ai des cauchemars, et je ressens cette colère qui n'est pas mienne, ces… J'ai l'impression de devenir comme lui. »

Le professeur le coupa. « Ton esprit est influencé par cette connexion. Qui sait ce qui pourrait arriver si tu ne maîtrises pas rapidement l'occlumancie. Arrêtez de vous plaindre et de geindre. Ces cours s'avéreront bien plus productifs si vous mettez du vôtre dans l'étude de cette discipline. Alors, êtes-vous prêt ? »

« J'en suis. », déclara immédiatement Harry. « Mais comment vont-ils se passer ? Et qu'est-ce que c'est exactement ? »

Severus ne détachait pas son regard du garçon-qui-avait-survécu. « Neville ? »

Le Gryffondor hocha prudemment la tête. « D'accord. J'ai voulu cela pendant des mois, bien sûr que j'accepte. »

« Tu n'as de toute manière pas le choix, Neville. C'est cela, ou te livrer toi-même et tout l'Ordre au Seigneur des Ténèbres. »

« Mais n'est-ce pas trop risqué que tu nous fasses les cours si Voldemort peut accéder à mon esprit ? »

« D'une manière ou d'une autre, le directeur juge préférable que je sois votre enseignant plutôt que lui. Nous sommes les deux seules options. »

En vérité, Severus aurait voulu commencer les leçons au plus tôt, mais il lui fallait une bonne excuse pour expliquer à Voldemort qu'il le faisait. C'était pour cela qu'ils avaient attendu un événement qui forcerait Dumbledore à prendre des mesures. Le Seigneur des Ténèbres savait que l'espion tenait un rôle d'agent double, et se devait donc d'obéir au directeur. Toutefois, la connexion entre les esprits du mage noir et du garçon-qui-avait-survécu forçait Severus à informer son maître qu'il commençait de telles leçons avec l'adolescent, et sans doute obtiendrait-il des ordres supplémentaires tels saboter les leçons, ne rien enseigner au garçon, ou chercher des informations qu'il ignorerait dans le pauvre esprit de l'adolescent pour les rapporter au chef des Mangemorts.

Les deux Gryffondor comprenaient sans mal qu'ils n'auraient aucun renseignement additionnel. L'homme restait délibérément vague dans toutes les questions concernant Dumbledore, et s'ils y réfléchissaient, cela était logique étant donné la connexion entre Neville et Voldemort.

« Vas-tu nous l'enseigner dès maintenant ? » s'enquit Neville, plutôt que d'insister sur un sujet où il n'obtiendrait aucune réponse.

« Comme je l'ai dit plus tôt, seul toi, éventuellement, commenceras dès à présent. Vos leçons se tiendront tous les vendredis soir, en présence de Draco que j'informerais moi-même demain. Bien entendu, tout le monde devra ignorer ce que nous pratiquons réellement. Aussi, vous serez officiellement en cours de rattrapages pour potions, puisque le directeur est très attaché à vous et que Merlin sait à quel point Neville en aurait besoin pour obtenir ses BUSEs. »

« Est-ce que j'en ai vraiment besoin ? » coupa Neville, anxieux à l'idée d'échouer sa BUSE de potion.

« Es-tu ne serait-ce qu'intéressé pour poursuivre en ASPIC ? »

« Peut-être… j'ignore quelles voies seront ouvertes ou bloquées par les potions, et j'ignore même le métier que je voudrais exercer après Poudlard. Tout ce que je sais c'est que les potions représentent la discipline la plus associée à la botanique et aux soins aux créatures magiques. »

« Vous aurez un entretien avec votre chef de maison à ce sujet au cours de l'année scolaire. Minerva devrait s'en occuper au plus tard au printemps. Les potions sont certes associées à la botanique, pas vraiment aux soins, plutôt aux créatures elles-mêmes ou à des parties de leur anatomie. »

L'adolescent gémit. « Ça ne m'aide pas à être motivé pour les potions. »

« Tu échoues lamentablement en pratique, mais ta théorie devrait être assez adéquate pour que tu obtiennes la BUSE. Passer en ASPIC est autre chose. Je ne suis pas même certain que tu puisses si je baissais mon niveau d'exigence, ce qui n'arrivera pas. Donc, oui, tu aurais réellement besoin de séances de rattrapages en potions. Il est à considérer toutefois que tu bénéficies déjà d'un net avantage sur la plupart de tes camarades qui n'ont pas eu comme toi autant de tutorat lors de leurs premières années à Poudlard, et qui s'avèrent pourtant meilleurs. »

« Et moi ? » questionna Harry.

« Toi, tu demeures un petit arrogant tout à fait capable, et qui devrait descendre de son piédestal de la troisième place en potions puisqu'il possède toutes les capacités nécessaires pour briller davantage qu'Hermione Granger si tant est qu'il se concentre davantage. »

« Personne ne peut battre Hermione. », grommela l'adolescent.

« Draco la bat. Et j'ai tendance à considérer qu'elle manque cruellement de l'imagination nécessaire pour les prouesses possibles qu'offre le véritable art des potions. Tu es doué, et moins académique qu'elle. Tu devrais pouvoir te glisser entre elle et Draco. »

Il roula des yeux. « Bien sûr, Draco est toujours meilleur. »

« Il est difficile de battre en potions ou en métamorphose un passionné d'alchimie qui se donne les moyens de ses ambitions. »

« De l'alchimie ?! » s'ébahirent les deux Gryffondors.

« Merlin, et vous vous dîtes ses meilleurs amis ? Certes, il nommera cela comme un simple passe-temps, puisqu'il a été éduqué pour devenir une jeune copie de son père. »

Harry le coupa. « Il ne compte certainement pas devenir un Mangemort. »

« La politique, Harry. »

« Il devrait laisser ça à Nott. »

« Quelle heure est-il ? » demanda soudainement Neville.

Le professeur se tourna vers lui. « Tard. Ou extrêmement tôt. Nous n'aurons toutefois pas le luxe de dormir tout de suite. Vous viendrez dans mon bureau tous les vendredis à partir de 20 h, dès cette semaine, pour vos séances de tutorat en potions supervisées avec l'aide de Draco Malfoy qui sera généreusement récompensé de cela par des points de Maison supplémentaires. »

Harry s'insurgea. « Et moi ?! Je n'ai pas besoin de soutiens, je devrais pouvoir faire le tutorat comme Draco. J'aurais des points ? »

« Tu seras un élève, Harry. Un élève qui a besoin d'apprendre ce qui vous sera enseigné durant ces cours de rattrapage. Au cours de ces leçons, je m'efforcerais de pénétrer dans vos esprits. Vous devrez résister. Pour ce soir, contentons-nous d'une petite "introduction". »

Neville fixait la baguette dans les mains du professeur. Il devenait certain que ces leçons s'avéreraient des plus désagréables. Le professeur devrait donner cela comme punition lorsqu'il menaçait des pires retombées : des cours d'occlumancie. À la fois utile et à craindre. Il n'avait guère envie de commencer au milieu de la nuit.

Harry, lui, était prêt à absorber les paroles du maître une fois de plus involontaire mais obligé.

« L'occlumancie n'est pas une matière que vous trouverez dans vos manuels scolaires. » Il lança un regard presque appuyé vers Harry, qui se demanda alors la signification de cette précision. L'incitait-il à chercher dans une quelconque bibliothèque des livres pour se documenter, ou signifiait-il qu'aucun ouvrage ne serait accessible, à moins qu'il ne déconseillât d'y jeter un œil. Le professeur poursuivait son discours. « Contrairement aux arts plus visibles et flamboyants comme la métamorphose ou les sortilèges, l'occlumancie se pratique dans l'ombre, loin des regards curieux. Il s'agit d'une discipline aussi obscure qu'essentielle, une des branches les plus rares de la magie mentale, qui exige de la part de celui qui ose s'y aventurer un contrôle absolu de son esprit et une volonté à toute épreuve. Puisque vous êtes doué pour résister à une légère malédiction de l'Imperium, vous devriez être apte à repousser les tentatives de legilimancie. »

« Qu'est-ce que c'est ? » interrompit Harry. « La legilimancie. » Un rapide jeu de l'esprit auquel il était entraîné depuis tout jeune pour chercher les étymologies souvent latines de chaque nouveau nom magique, afin de toujours savoir au mieux ce qu'il manipulait quand il touchait à l'inconnu, lui permettait d'identifier la racine legere qui signifiait "lire", et mens pour "l'esprit".

« La discipline sœur de l'occlumancie, qui consiste à pénétrer les pensées d'autrui, explorer leurs souvenirs, leurs peurs, leurs désirs les plus enfouis. La legilimancie à son plus bas niveau permet entre autres de reconnaître un mensonge. L'extrême complexité de la plupart des esprits rend cet art difficile non seulement à maîtriser, mais également à utiliser correctement pour interpréter sans erreur les découvertes. Toutefois, je ne vous enseignerais pas la legilimancie. Neville, prépare-toi. »

Le garçon paniqua. « Mais qu'est-ce que je dois faire ?! »

« Te concentrer. Tu dois faire barrage. La véritable maîtrise de l'occlumancie ne se limite pas à ériger des barrières mentales pour bloquer les intrusions, toutefois je ne vous demanderais pas plus que juste cela. Elle repose sur la capacité à rendre son esprit aussi impénétrable et illisible qu'un miroir sans tain. Un occlumens est capable non seulement de dissimuler ses pensées les plus intimes, mais aussi de créer un vide mental où aucun signe de résistance ne peut-être détecté par un legilimens. Dans votre cas, il est inutile de chercher à berner le Seigneur des Ténèbres. Contentez-vous de le bloquer, même de la manière la plus identifiable et provocante possible s'il le faut. »

« Comment ?! » insista l'adolescent apeuré et anxieux.

« Comment repoussez-vous la malédiction de l'Imperium ? Comment vous y prendriez-vous pour refuser de dévoiler vos plus sombres secrets après trois gouttes de Veritaserum ? La simple résistance aux attaques d'un legilimens repose sur le même principe. Vide ton esprit de toute pensée et de toute émotion. Prépare-toi. »

Le maître des potions se mit en position, sa baguette en main, de lancer un sort à l'adolescent. Harry ne savait que faire, tandis que Neville serrait les poings et affrontait le regard du professeur avec une angoisse indescriptible.

Severus prononça la formule. « Legilimens. » Il fouilla l'esprit rapidement, à la recherche du reste d'une quelconque autre présence étrangère. Il n'en décela aucune, et choisit de conclure que Neville demeurait lui-même. Il se retira de l'esprit de son élève qui n'était arrivé à, strictement, rien. « Un premier résultat fort décevant en connaissant ta faculté de résistance à l'Imperium. »

Neville était essoufflé, pas moins en sueur qu'après son cauchemar, et sa tête pulsait. Il avait vu défiler, bien trop rapidement pour être réellement interprétables, une grande quantité de ses souvenirs, récents ou anciens. « Pourquoi devions-nous commencer dès maintenant ? »

« Parce que de toute évidence tu voulais des réponses immédiates, Neville. Il me semble avoir saisi que tu as crié sur le directeur. »

« Tu n'étais pas encore là… », souffla Harry. Le professeur tourna un œil vers lui, sourcil relevé. Harry écarquilla les yeux. « Tu l'as vu à l'instant ! »

« D'une certaine manière, en effet. Nous arrêterons ici pour ce soir. »

Neville secoua la tête, sidéré et épuisé. « Les explications ne nécessitaient pas de pratiquer immédiatement, avant même un vrai cours ! »

« Le directeur voulait s'assurer qu'il n'y avait pas de présence du Seigneur des Ténèbres encore dans ton esprit. C'était peu probable, mais à vérifier. Pour l'instant, il semblerait que tu partages les pensées et émotions du Seigneur des Ténèbres lorsque ton esprit est le plus vulnérable, comme lorsque tu dors. Le directeur pense que ce phénomène ne cessera de continuer et de croître. Voilà pourquoi il faut que tu apprennes à clore ton esprit avant que le Seigneur des Ténèbres ne se rende compte qu'une telle connexion existe. Le lien est à double sens, Neville. Allez vous recoucher. »