(L'Ordre du Phénix) Surprise Weasley


Le lendemain, au petit matin, Molly repartit à Sainte Mangouste. Elle revint rapidement, avec Arthur. L'homme possédait de multiples bandages encore, et de nombreuses marques de blessure. La femme l'aida à s'installer en bout de table, contente d'annoncer son retour. La distribution des cadeaux commença ensuite, observée dans un coin par Sirius. Harry ne comprenait pas pourquoi son parrain restait écarté des agitations familiales signées Weasley, mais il le respectait en silence. Quelle ne fut pas sa surprise, à lui et Neville, de se voir offrir un cadeau par Madame Weasley.

« Vous faites un peu partie de la famille. », insista-t-elle.

« Allez, prenez. », souffla Hermione discrètement.

Neville, puis Harry, prit l'emballage assigné, et y découvrit un pull. Cette fois, l'initiale de leur nom de famille avait été tricotée sur la face. L pour Neville, et P pour Harry. Ce dernier observa la mère de famille.

« Pourquoi ? »

« Pourquoi quoi, Harry ? »

« Pourquoi ces cadeaux ? »

« Nous fêtons Noël tous ensemble. Je n'allais pas vous exclure. Vous êtes aussi des amis de mes enfants, et… »

Elle s'interrompit lorsque soudainement de grands emballages peu discrets apparurent devant chacun des adolescents à l'exception d'Hermione et Neville. Les paquets non moins reconnaissables que celui du balai de Harry en première année prenaient de la longueur et dépassaient de part et d'autres des places devant lesquelles ils étaient apparus.

« Signé Draco. », commenta Harry.

« Tu crois ? » rétorqua Ginny avec sarcasme. Il n'y avait bien sûr aucun mot, ni nom sur les emballages.

« Comment peuvent-ils être arrivés ? »

Sirius expliqua de son coin. « Grâce à une coopération entre elfes de maisons, je suppose. »

« Pourquoi tous ces balais ? » intervint enfin Molly, étonnée.

Harry entreprit d'expliquer. « En fait, nos balais auraient dû être confisqués par Ombrage après l'annulation des matchs de Quidditch. Elle a brûlé ceux qu'on lui a apportés… »

Ginny choisit de couper lorsqu'elle identifia l'expression outrée et courroucée de sa mère. « Nos balais vont bien, Maman. Ils sont juste sous nos nez. »

Sirius éclata de rire. « Il vous a renvoyé vos propres balais ! Il faudra m'expliquer comment vous êtes arrivés dans une situation qui pouvait aboutir à cela ! »

« Y'a que moi qui trouve ça insultant ? » râla Ron. « Qu'il se permette de nous "offrir" nos propres affaires ? »

« Si cela peut te consoler, il sera bientôt très embarrassé. Surtout devant ses parents. »

« Pourquoi ? »

Pour toute réponse, Sirius fit un clin d'œil. « Profite de Noël, Ron, et du retour de ton père. »

L'homme roux en question leva son verre. « Portons un toast. À Neville, sans qui je ne serais pas là. »

L'amusement alla bon train, et l'ambiance des vacances apportait une détente bienvenue après la folie qu'Ombrage répandait à Poudlard.


Il s'agissait sans le moindre doute possible du Noël le plus sombre que Draco connu, et il escomptait bien que cela le reste. Au moins, il n'y avait aucun noir seigneur pour franchir la porte. Toutefois, l'ambiance n'était guère aux festivités. L'apparition de cadeaux non sollicités pour l'adolescent causa d'ailleurs toute une histoire. Ils arrivèrent portés par une chouette hasardeuse au vol boitillant et au plumage irrégulier, sale et mal entretenu. Qu'un tel oiseau parvienne à apporter le paquet tenait de l'exploit. Une fois l'emballage déposé devant Draco, un silence total s'abattit sur la tablée. Une autre chouette, noire et superbe, entra et lâcha un autre paquetage. Elle se posa impérieusement à côté.

« Ouvre. », finit par ordonner Lucius.

L'adolescent approcha sa main d'un paquet, mais le hibou noir claqua du bec avant de hululer. Draco jeta un œil à son père, puis décida de donner une pincée de nourriture du petit-déjeuner au volatile, qui s'en empara vigoureusement, le mordant presque au passage, avant d'enfin s'envoler et repartir, accompagné de l'autre oiseau. L'adolescent saisit alors les cadeaux, et ouvrit prudemment, sous les regards attentifs et lourds de ses parents. Il gémit intérieurement, et grimaça visiblement, en apercevant le contenu du premier paquet. S'il montrait cela à ses parents, il aurait définitivement des ennuis.

« Qu'est-ce que c'est ? » intima son père.

Il n'y avait aucun moyen de le cacher. Il souleva, le dépliant du même coup, le pull de laine bleu ciel pourvu d'un grand M blond-blanc. La rage froide du chef de famille devint assez perceptible pour que Draco sache qu'il en devinait la provenance.

« Comment est-ce arrivé ici ? »

« Par chouette. », répondit instantanément l'adolescent d'une voix claire. Répondre aisément, sans hésitation, dans une telle situation, paraissait un bon entraînement pour l'occlumancie. Sa terreur restait intérieure. Son audace s'affichait sans difficulté. Son père ne se calma pas.

« Pourquoi reçois-tu de telles choses ? »

« L'explication n'était pas fournie avec. », enchaîna le jeune Serpentard. Il abaissa ses bras qui tenaient le vêtement pour le déposer sur la table, et regarda encore le contenu du paquet.

« Il reste quelque chose ? » gronda froidement son père.

Draco fixait une paire de gants et un bonnet, sur lesquels était déposé un petit parchemin portant l'inscription "pour ton amie à l'écharpe".

« Une erreur d'expédition. », annonça-t-il.

Sa mère le scruta attentivement. « Vraiment ? Tu ne semblais pas avoir de doute pour le pull, et il nous semble à tous assez explicite. Aurais-tu trouvé un message ? »

Draco réfléchit rapidement à la dizaine de mensonges différents qu'il pouvait sortir. Il pouvait dire que c'était pour Granger — autant éviter de l'appeler Hermione, ou pire Mione, devant ses parents. Il pouvait prétendre que c'était pour Pansy, une fille de Serpentard. Ou alors, il pouvait décider de mettre Théodore dans quelques ennuis, ça pouvait être pour lui. Il pouvait prétendre l'absence de message, ou le déclarer. Il devait trouver quelque chose qui conviendrait avec le reste de ses propos. Il n'opta peut-être pas pour la meilleure option, mais celle-ci avait sa préférence.

« C'est une plaisanterie enfantine de Théo. » Il montra les gants et le bonnet, prenant grand soin par une prestidigitation habile de glisser le papier dans un pli de l'emballage. « Il fait référence à un oubli de ma part en deuxième année de mes gants sur la table de Serpentard. »

« Comment obtiendrait-il ce genre de tricot ? »

« Sa mère… »

« Est morte quand il était jeune. Très jeune. »

Draco se tut. Il ignorait totalement cette information, et ne savait pas comment il devrait se sentir de le découvrir. Ce n'était pas son affaire, vraiment pas. Mais d'une manière ou d'une autre, il n'avait plus aucune envie de rire ou de provoquer ses parents. Il voulait aussi découvrir de quoi elle était morte, et quand exactement. Depuis combien de temps son camarade vivait-il seulement avec un père, un vieux père aussi âgé que le Seigneur des Ténèbres. Même Harry, dont les parents étaient fous, bénéficiait de la présence d'une mère. Draco peinait à concevoir que grandir sans amour maternel était possible. Ce ne pouvait pas être la raison pour laquelle Théodore restait insensible la plupart du temps. Neville n'avait jamais eu ni père ni mère. Mais Neville était un cas spécial. Neville était le garçon-qui-avait-survécu, celui dont toute leur génération connaissait le nom avant qu'il ne soit capable de réaliser qu'il serait célèbre. Il était ce Gryffondor calme, aussi sage qu'un Serdaigle, aussi loyal qu'un Poufsouffle, et aussi brave que le plus pur des lions. Théodore n'avait aucune force d'âme, il était l'obscurité à l'opposée de Neville, la poussière insignifiante, le marionnettiste sans scrupule, la façade invisible, l'eau stagnante, le serpent venimeux, le dangereux et trompeur sable mouvant, le piège vicieux, la pièce inattendue, le support de la dernière chance, l'opportuniste, le traître, l'ami, aussi, et le garçon perdu dans des limbes obscurs que Draco espérait ne jamais atteindre.

« Je ne savais pas. », dit-il doucement.

« De toute évidence. », soupira sa mère. « Il ne s'ouvre pas beaucoup à toi. Alors, pourquoi as-tu reçu toutes ces choses Weasley ? »

« S'il n'y a aucun moyen d'y réchapper… »

« Tu n'aurais jamais dû penser pouvoir nous mentir, Draco. », déclara froidement son père.

« C'est réellement une erreur, seulement elle est pour Granger. »

Les yeux de sa mère se posèrent sur le pull. « J'ai comme un doute. »

« Eh bien, une partie est pour moi, et l'autre y est tombée par inadvertance. Elle a mal fait ses emballages, mais de quoi pourrait-on s'attendre d'autre d'une Weasley ? Quant aux raisons pour lesquelles je reçois cela, c'est sans doute parce que Weaslette a raconté à sa mère que j'étais présent il y a trois ans dans la chambre des secrets. Vous connaissez déjà l'histoire, Père. »

Sa mère l'observa intensément. « Que comptes-tu faire de ces gants et bonnet ? »

« Les renvoyer. Nous n'avons pas besoin de prendre les dernières noises d'une famille aussi pauvre. »

« De la… charité ? Avec ces gens-là ? » se moqua froidement son Père de sa voix douce et glissante de condescendance.

« Plutôt une absence de cruauté. Et puis, les cadeaux entretiennent les bonnes amitiés. »

Son père devint glacial. « Je ne veux pas que tu entretiennes des amitiés avec ces gens-là. »

Mauvais choix de mot, songea le jeune Serpentard pour lui-même. Sa mère vint à son secours.

« Qu'a apporté l'oiseau noir ? »

Draco déballa presque à contrecœur. Ça ne pouvait qu'être des ennuis supplémentaires. Il se figea, indécis sur ce qu'il devrait en penser.

« Je pense… », commença-t-il lentement. « … que Sirius Black se moque de moi. »

« Pardon ? » s'étonna froidement son père.

« Je pencherais pour… de la littérature d'origine inconnue. » Connaissant le spécimen, c'était plus que certainement moldu, mais il préférait ne pas l'émettre. « Une… photo de la tapisserie Black en guise de marque-page… »

« Montre-moi ça. », ordonna sa mère. Elle refusait ostensiblement d'y croire. Draco lui tendit la photographie qui bougeait pour montrer le tour de la pièce. Narcissa eut le bon réflexe de retourner le papier, et trouva l'écriture de son cousin de l'autre côté.

"Souviens-toi de Iola Black, de Phineas Black II, de Marius Black, de Cedrella Black, et d'Andromeda Black. Pense aussi à Sirius Black et Alphard Black. Choisis ton modèle."

Draco avait rarement vu sa mère aussi furieuse. En fait, jamais. Son expression était toujours en apparence mesurée, mais une froideur mortelle transparaissant dans sa voix, à son ordre impératif. « Lucius. Si tu retrouves mon cousin, apporte-le-moi. J'aurais quelques mots à lui dire sur la façon dont il cherche à détourner notre fils. »

« Qu'y a-t-il au verso ? » s'enquit l'adolescent.

Sa mère l'étudia attentivement, puis lui rendit le cadeau. « Malheureusement, je ne peux pas refuser de cautionner la présentation de la famille Black. En revanche, ne t'appuie sur aucun des noms cités par Sirius. Jamais. »

Il hocha la tête. « Bien, mère. »

« Y en a-t-il encore beaucoup ? » s'enquit Lucius avec lassitude.

« Je le crains. Au moins un équipement de Quidditch Serpentard qu'il tient de je-ne-sais-où. Merlin sait si c'est à ma taille. »

Sa mère était blême. « Montre-moi cela. »

Draco lui confia le reste entier du paquet. Il y avait un mot accroché dessus, mais il n'avait guère pris la peine de le vérifier avant. Sa mère le décrocha soigneusement, et le posa à côté d'elle sans le lire. Elle glissa délicatement sa main sur le vêtement.

Draco se moqua. « C'est ridicule et provocant qu'il m'offre une telle chose alors que le Quidditch a été annulé cette année. Et il le sait ! »

« Comment pourrais-tu savoir s'il en a connaissance ? » rétorqua son père, méprisant.

Malgré toutes les années qui passaient, Draco demeurait sans cesse blessé lorsque son père affichait sa déception envers lui. Il l'ignorait quand il s'agissait de ses relations avec Neville, Hermione, ou les autres. En revanche, cela restait délicat lorsque ses facultés intellectuelles ou une quelconque aptitude s'avéraient remises en doutes. « Je sais que son filleul l'a prévenu. »

« Comment ? Vos hiboux sont contrôlés. »

Draco émit une rapide demande de pardon mentale à Dobby, sachant pertinemment que l'elfe ne l'entendrait pas, avant de le dénoncer. « Depuis qu'il t'a fait libérer Dobby, cet elfe insupportable continue de le louer et de lui rendre service. », mentit-il en partie. Dobby l'avait fait. La personne qu'il remerciait était autre. Les parents de Draco n'en sauraient rien.

« Ça appartenait à Regulus. », souffla sa mère. Le père et le fils tournèrent la tête vers elle, et virent une larme couler sur sa joue. « J'ignore comment Sirius peut être parvenu à extraire cela des affaires du petit Reg sans que Kreattur ne l'en empêche. »

« Kreattur est un elfe de maison. », assura son père. « Et malgré toute l'aversion qu'il peut avoir envers son maître ou l'affection envers un défunt, il doit obéissance au premier plus que respect au second. »

Elle sourit tristement. « En ce qui concerne les Black, il doit autant à l'un qu'à l'autre. » Elle reprit sa contenance calme, sans la moindre émotion négative. Son masque aussi mental que physique, songeait Draco. « Tu peux le garder. Prends soin de tout l'équipement. C'est un véritable héritage de la famille Black. » Elle rendait le tout à son fils, après avoir replacé le petit mot qu'elle n'avait toujours pas regardé pour ce que Draco en savait.

« Ça remonte de quand ? » demanda-t-il.

« Du dernier vrai Black. »

« Héritage familial récent, mais de haute importance. », expliqua son père. « Qu'as-tu fait pour que Sirius Black t'envoie une telle relique émotionnelle ? C'est un véritable symbole… »

« Ça le serait si Sirius était comme nous. », coupa sèchement sa mère. « C'est un provocateur de la pire espèce, de ceux qui n'ont de respect pour rien. Il n'a sans doute pas saisi la complexité de ce cadeau. Il devait simplement se dire qu'il serait amusant de l'envoyer. Il se moque de nous tous, nous trois, avec ça. »

L'adolescent lisait rapidement la note, brève et simple. "Je te confie l'équipement complet de mon frère. Il manque le balai."

« Draco. », appela sérieusement, durement, son père. « Écoute-moi bien. Rien de bon ne ressortirait d'une association avec Sirius Black. Il est fou, déraisonnable, et déteste toute sa famille, plus encore qu'il ne déteste Serpentard. Je t'ai déjà conté comment il se comportait avec ton parrain. Je n'ai jamais plaisanté avec cela, ni menti. Il est instable, dangereux, et un ennemi du Seigneur des Ténèbres. Harry Potter a peut-être reçu une éducation convenable de la part de Severus, Sirius Black demeure un animal sauvage, un chien agressif, un ancien auror sans plus de scrupule qu'Alastor Maugrey lui-même. Ne t'approche pas de lui, pour ta propre sécurité. Est-ce bien compris ? »

« Oui, Père. Je suis conscient que les familles de mes camarades ne sont pas toujours de bonnes relations. Après tout, mes amis ne t'aiment pas non plus. » Les yeux de son père, semblables aux siens, se voilèrent de glace. Draco poursuivit. « Je me méfie toujours de Black. C'est un criminel, après tout. Il a tué Peter Pettigrow. Un de ses plus proches amis. »

« Draco… », commença sévèrement son père. La moquerie envers lui était rarement acceptée.

« Je ne pardonne jamais à ceux qui s'en prennent à mon parrain. », déclara-t-il solennellement. « Et le pire de tous est celui qui a déjà attenté à la vie d'Oncle Sev. Tu n'as aucune raison de t'inquiéter vis-à-vis de ma relation avec Sirius Black. Comme je l'ai dit : il me provoque et se moque de moi. Il détestait son frère, et je lui rappelle, paraît-il. Qui de censé songerait dans de pareilles conditions à s'en faire un allié ? »

Draco fut autorisé à embarquer le tout dans sa chambre. Il comptait bien trouver le moyen de maudire Weasley et Black pour la situation dans laquelle ils l'avaient placé ne serait-ce que momentanément.