(L'Ordre du Phénix) Belle et jalouse
Le Chicaneur n'était pas la seule source d'informations gênantes au début du mois. Le lendemain, la Gazette du sorcier annonçait l'évasion de dix Mangemorts d'Azkaban, sans doute orchestrée par l'ancien auror Sirius Black, toujours recherché et cousin de l'évadée Bellatrix Lestrange. Harry, comme beaucoup de sorciers, élèves ou professeurs, recevait chaque matin un exemplaire du journal. Surtout depuis que le groupe avait décidé de se tenir informé sur les évolutions de la situation. Bien que le ministère mettait tout sur le dos de Sirius, ce qui demeurait encore une fois le cas, au moins certains événements étaient relatés.
Le bruit du marteau de Rusard, frappant encore le mur, résonnait jusque dans la grande salle, où Harry fixait la vieille photo prise de Bellatrix Lestrange le jour de son incarcération à Azkaban. Elle semblait furieuse, et pas très saine d'esprit. Elle hurlait telle une démente, ses cheveux bouclés dans tout les sens. À côté d'elle, une photographie de Sirius avait été remise, sans doute pour la similitude entre les deux. D'une manière ou d'une autre, ils avaient réussi à retrouver une image où l'auror s'énervait. Il n'agissait pourtant pas comme un fou, surtout en comparaison à sa cousine. Toutefois, la ressemblance physique entre les deux était indéniable. Ils avaient notamment les mêmes cheveux, mais ceux de Sirius étaient bien mieux entretenus, et ne lui donnaient pas cette apparence de dingue, plutôt une présentation soignée.
Harry devait trop serrer le journal, crispé, puisque Neville lui posa une main sur le bras. « Harry ? Qu'est-ce qu'il y a ? »
L'adolescent aux yeux verts releva le regard pour le fixer sur Draco, en face de lui. « Rien. », mentit-il doucement, tout en posant le journal sur la table. « Ils accusent encore Sirius pour tout, c'est tout. »
Draco fronça les sourcils, soupçonneux. Il n'avait lui-même pas accès à la Gazette depuis que son père lui coupait les vivres. Les enfants Weasley avaient pris l'habitude, pour économiser leur argent, d'emprunter les articles aisément trouvables à différents camarades. Neville, lui, se contentait toujours de lire après Harry sur l'exemplaire de son meilleur ami. Il n'avait pas tendance à utiliser l'argent laissé par ses parents en dehors des achats obligatoires. Seuls Hermione et Harry obtenaient le journal. Luna ne lisait que Le Chicaneur. Draco saisit le quotidien déposé par Harry, et parcourut rapidement les nouvelles de la une. Il pâlissait.
« Ton masque n'est pas au point. », ne put s'empêcher de commenter Harry tandis que le blond tournait un regard frénétique vers la table des professeurs.
« Mais qu'est-ce qui se passe, bon sang ! » s'impatienta Ron.
« Un nouvel article à accrocher au miroir. »
Draco passa le journal à Ginny à sa gauche, et se leva. Son regard demeurait fixé sur la table des professeurs. Harry observait attentivement son camarade.
« Si tu veux te faire remarquer, tu peux y aller, tu sais. Je l'ai déjà fait. Deux fois. Et tu es un Serpentard, toi, il n'y aurait aucun problème. »
Draco tourna la tête vers le Gryffondor. « Je suis plus raisonnable que toi. Je n'irais pas. Allons plutôt voir ce que Rusard a accroché. »
Pendant que le duo s'éloignait, Neville préféra demander le journal plutôt que de les suivre. Hermione lui tendit au travers de la table. Il dut tendre le bras au maximum pour s'en saisir.
« C'est plutôt grave. », déclara-t-elle. « Il y a eu une évasion. »
« De quoi ? » s'enquit Ron alors qu'il tentait de lire par-dessus l'épaule du plus proche.
« De Mangemorts. »
Neville comprit enfin ce qui pouvait tant perturber son ami. Là, sur ce journal, un nom particulier était évoqué. Un unique Mangemort évadé était précisé, Bellatrix Lestrange, apparemment cousine de Sirius. Il avait entendu le nom de Bellatrix récemment, une fois, le soir où Arthur Weasley avait été blessé, le soir où Severus leur avait enfin parlé de l'occlumancie, lorsque l'espion avait expliqué que l'utilisation de la legilimancie pouvait rendre fou. Ensuite, Harry avait demandé si cette Bellatrix Lestrange pouvait user de tels sorts, et s'il était possible que ce fût employé sur Lily et James. Neville n'aurait pas retenu le nom en temps normal, mais à voir les réactions de Harry et Draco, il pouvait deviner que les consonances similaires à son souvenir équivalaient à une égalité. Il savait aussi que ce n'était pas la première fois qu'il entendait ce nom, mais il ne parvenait à situer dans quel contexte exactement il l'aurait entendu.
Il se leva, journal en main. « Je vais découper l'article, et l'ajouter à l'exposition. »
« Dépêche-toi avant que la dame en rose ne décide de le censurer aussi. », commenta Ginny.
Alors que Neville s'éloignait, il pouvait entendre Ron s'étonner que Harry et Draco réagissent de manière aussi excessive à cette nouvelle. Même Hermione n'avait pas la réponse. Aucun ne pouvait soupçonner. Le garçon-qui-avait-survécu se trouva bien aise de rencontrer les jumeaux Weasley à la sortie de la salle, afin de découvrir le nouveau décret affiché au mur. Harry et Draco n'étaient nulle part en vue, probablement partis en direction des cachots dès qu'ils s'étaient informés, s'ils avaient seulement pris la peine de lire le décret avant.
« Décret d'éducation numéro soixante-dix-sept : Les professeurs ont présentement l'interdiction de donner aux élèves n'importe quelle information qui n'est pas strictement liée à la matière qu'ils sont payés à enseigner. »
Neville doutait que l'occlumancie fasse partie du cadre autorisé. Il savait que les cours perdureraient tout de même. Ni Severus, ni le professeur Dumbledore, n'étaient du genre à se laisser gêner par une telle consigne s'ils avaient décidé d'agir à leur bon vouloir. Et Neville savait à quel point ses cours d'occlumancie étaient importants.
« Pourquoi un tel décret ? » se demandait-il, à haute voix.
Les jumeaux regardèrent le journal enroulé dans sa main.
« Aucune idée. »
« Mais c'est sûr… »
« C'est encore une censure. »
« Elle ne veut pas… »
« … qu'on partage nos opinions. »
« Nos informations. »
« Qu'on communique… »
« … ce qu'elle veut cacher, »
« ce qui pourrait convaincre… »
« … du retour de Tu-sais-qui, »
« ce qui nous aiderait… »
« … à nous défendre. »
Neville releva la main où il tenait le journal. « C'est absurde, tout n'est que propagande de Ministère, dedans… »
« Mais les professeurs… »
« Ont aussi leurs opinions. »
Neville hocha la tête. « Elle ne pourra pas surveiller toute l'école. »
« Elle a su pour l'organisation. »
« N'importe quel élève peut l'informer. »
Neville remercia les jumeaux, et partit s'occuper d'ajouter la coupure du journal au miroir de l'AD.
Severus savait que le retour de Bellatrix ne présageait rien de bon. Pour autant, il s'y était préparé, car il était certain qu'elle sortirait tôt ou tard d'Azkaban, comme d'autres Mangemorts. Vu la manière dont le Seigneur des Ténèbres s'y était pris, il était plus que probable que l'évasion fut accompagnée de morts. Il était plus délicat d'établir si des Mangemorts faisaient partie de ces morts. Les membres les plus importants de l'organisation devaient être la priorité, et les autres pouvaient faire partie des dommages collatéraux sans trop de regrets. Toutefois, si certains avaient trouvé la mort, les Mangemorts qui avaient participé à l'évasion, c'est-à-dire tous ceux en liberté probablement menés par Nott senior ou Lucius, auraient sans doute été punis à leur retour pour des pertes inutiles dans leur propre rang.
Après quelques heures en liberté et réfugiée dans la cachette du Seigneur des Ténèbres, Bellatrix devait déjà avoir bien conté sa version de l'histoire et n'aurait certainement pas omis de mentionner ses opinions sur le retournement de Severus. Il était impossible qu'elle s'en abstienne ou ait oublié. Le maître des potions serait sans la moindre ombre d'un doute appelé bientôt, et une confrontation avec Bellatrix s'avérerait inévitable. Et si Severus parvenait à s'en tirer à bon compte, elle ne le supporterait pas. Il pouvait convaincre Voldemort, mais sa favorite était autre chose, surtout quand elle avait le sentiment d'être lésée. S'il s'en sortait malgré les protestations de Bellatrix, elle le verrait encore plus comme un ennemi, un rival personnel, car il fallait être assez estimé pour échapper au courroux de leur maître si elle accusait en personne.
Severus avait vérifié comment se portait Lily à la nouvelle. Ce fut une agréable surprise. Elle était bien sûr en colère et inquiète, mais rien que des réactions normales. Elle ne s'enfermait pas, et demeurait pleinement maître de ses moyens. En revanche, le fait qu'elle ne se souvenait pas de l'attaque de Bellatrix, bien que cela lui épargnait la douleur, n'était pas entièrement bon signe. Elle se protégeait toujours avec cette amnésie partielle qui lui avait fait oublier plusieurs années de sa vie.
Quand Severus entra dans son bureau, il fut étonné d'y voir ses deux étudiants favoris deviser sur les différents sorts de protections. Les deux adolescents étaient tant absorbés par leur discussion qu'ils ne remarquèrent pas en premier lieu l'arrivée discrète de l'homme. Si bien qu'ils furent surpris et sursautèrent lorsque la voix suave et grave du professeur s'éleva avec prudence.
« Si la grande inquisitrice vous entendait, vous seriez en proie à subir une de ses punitions fort bien prisées. »
« Qu'elle ose. », rétorqua Draco. « Si elle me met dans une de ses retenues, elle ne pourra plus s'en sortir avec de simples yeux doux au ministre. Qu'elle touche à un Sang-Pur de Serpentard, et il lui en cuira. »
L'homme s'avança jusqu'à son bureau pour s'y installer. « Que faites-vous ici, tous les deux ? Cette pièce, dans laquelle aucun n'est habilité à pénétrer en mon absence et sans mon autorisation, n'est pas non plus un lieu de travail pour étudiants en dehors d'heures de retenues déplaisantes, ni une bibliothèque. »
« C'est au sujet de Bellatrix. », déclara Harry sans détour.
« Je doute que vous ayez quoi que ce soit à en dire. Et il n'y a rien que je puisse vous communiquer. »
Draco roula des yeux. « La "Grande Inquisitrice" ? Son dernier décret est ridicule. »
« Il ne l'est pas. Mais chaque professeur est assez compétent pour savoir le détourner si nécessaire. Du moins, j'ose l'espérer. Cela n'empêche pas ce décret d'ajouter son taux de nuisance. Si vous avez lu la nouvelle dans le journal, il est peu probable que le ministre invente cette évasion. En ce qui concerne les craintes que vous pourriez avoir et que je peux encore deviner dans vos yeux… » Les deux adolescents grimacèrent à cette remarque implicite du manque d'occlumancie de leur part. « … je gère tout ce qui a trait aux Mangemorts, au Seigneur des Ténèbres, et à Bellatrix Lestrange en particulier. Elle restera toujours la même gêne qu'elle représentait avant. J'ai d'ores et déjà justifié mes actions à son sujet, et son témoignage n'y changera rien. J'aurais quelques arguments avec elle, comme c'était le cas avant son incarcération. »
Draco fit une moue septique et haussa un sourcil. « Qu'importe les relations que tu aurais pu avoir avec elle avant cela, je doute que son humeur reste la même. Tu l'a fait jeter à Azkaban. Vous pourriez être deux Mangemorts aux tempéraments incompatibles, c'est différent d'une Mangemort fidèle et un traître. Ça va dégénérer. »
« Elle ne pourra pas prouver ma traîtrise. Seulement qu'elle et moi avons toujours eu quelques combats. »
« Pas un simple combat. », lâcha Harry.
« Me voyez-vous inquiet ? »
« On te voit rarement quoi que ce soit. », rappela Draco.
« Je contrôle la situation. Si vous avez confiance en moi, pourriez-vous croire en mon assurance que je n'ai aucune raison de redouter le retour de Bellatrix davantage que celui du Seigneur des Ténèbres ? »
« Admettons… », glissa Harry lentement, toujours suspicieux.
« Alors vous pouvez sortir de ce bureau. »
Draco voulut bien s'insurger de ce renvoi immédiat, il fut entraîné dehors par Harry, plus obéissant. Le blond dut se calmer instantanément lorsqu'il repéra quelques Serpentard ébahis plus loin dans le couloir, qui les fixaient avec stupeur. Harry venait de le pousser en dehors du bureau, et de refermer la porte. Draco s'efforça de reprendre la contenance attendue d'un noble préfet autoritaire de Serpentard, et observa les plus jeunes.
« Simple démêlé entre Serpentard et Gryffondor. »
Harry avait tourné la tête, en suivant le regard de Draco, après l'avoir entendu prendre la parole. Se voulant rassurant, il sourit d'un air rusé que Draco lui rappellerait plus tard de ne pas montrer en public, trop semblable à Snape. C'était plus inquiétant que rassurant, mais Harry préférait souventefois provoquer les Serpentard que traiter diplomatiquement avec eux, ce qui influençait son attitude. « Oui, raison pour laquelle des préfets, représentant les deux Maisons, ont été appelés. Fort heureusement, les preuves étaient bien assez en faveur des Gryffondor pour que le professeur Snape n'ait d'autres choix que d'intercéder en notre faveur. Draco n'aime juste pas perdre. » Il se tourna vers Draco. « Pourtant, tu viens de perdre bien davantage de prestige encore en te comportant d'un air si enfantin. »
« Je ne vois même pas pourquoi un Gryffondor expliquerait tout ça à des Serpentard. »
« Parce que j'ai gagné. Se vanter fait partie des privilèges des gagnants. De plus, je suis un préfet. Il est de mon devoir de me montrer adulte et responsable, qu'importe la Maison d'en face. »
Draco se retourna vers les jeunes. « Retournez à vos affaires. Et vous n'aurez pas le fin mot de l'affaire, ni le début. Seules les personnes concernées peuvent être informées, et il ne me semble pas que vous en fassiez partie. »
Sur ce, les deux préfets se dirigèrent vers leur lieu de cours prochain, soins aux créatures magiques, où ils avaient toujours rendez-vous devant la hutte de Hagrid avant d'être menés là où le demi-géant voulait leur présenter de nouvelles créatures. Ils avaient déjà été tous prévenus que le grand homme était revenu, et qu'il reprenait dès lors les cours.
Hagrid salua ses élèves, et souleva un cadavre de vache sur son épaule.
« C'est permis d'être aussi fort ? » s'étonna un Poufsouffle.
Le demi-géant les conduisit dans la forêt interdite, et demanda le calme et le silence dès que certains commençaient à rappeler que la forêt était, justement, interdite. Ils suivaient un chemin que Neville et Harry connaissaient fort bien, et débouchèrent sur une clairière bien connue à leurs yeux.
« Nous y voilà. », chuchota Hagrid. Il se tourna vers ses élèves pour étudier leurs expressions.
Neville et Harry souriaient, d'un air complice et entendu, heureux. Hagrid aimait voir ces garçons, surtout Neville, de si bonne humeur. Il savait que ça plairait à son protégé. Hermione ne semblait pas partager leurs connaissances, puisqu'elle fronçait les sourcils, la tête allant de droite à gauche, à la recherche de ce qu'ils devraient y voir. Fort heureusement, elle gardait le silence, comme chacun de ses camarades. Inquiétude, suspicion, attente, beaucoup d'expressions différentes ornaient les visages de chacun des élèves. Un seul autre faisait exception en dehors de Neville, qui regardait paisiblement certaines créatures, et Harry.
Théodore Nott, ce chétif Serpentard filiforme qui avait la réputation d'être le plus intelligent de sa Maison dans son année auprès des professeurs, observait avec horreur l'une de ces majestueuses créatures.
« Nott, qu'est-ce qu'tu vois ? Décris pour tout l'monde, en détail, l'apparence. Dis-le comm'si personne l'voyait. »
C'était un adolescent qui voulait toujours bien paraître devant les enseignants, et le seul Serpentard qui respectait vraiment la classe de Hagrid, alors il se devrait d'obéir sans émettre ses réserves.
« Des chevaux ailés, squelettiques, dans le sens où ils ne semblent pas posséder la moindre chair entre leur ossature et leur peau. Ils ont des têtes de dragon, des ailes de chauve-souris, une longue queue… Ils ont le pelage noir, et deux yeux brillants au regard vide. »
Zabini n'y tint plus. « Il n'y a rien ! » s'exclama-t-il.
Hagrid jeta le cadavre de vache, et les animaux vinrent s'en repaître en groupe. Les expressions de chacun se muèrent en étonnement, peur, ou répulsion. Celle du jeune Serpentard apte à voir en détail la scène devint dégoût.
« Et ils ont des crocs pointus. », ajouta Théodore.
« Qui sait c'que c'est ? Oui, Hermione ? »
« Ce sont des Sombrals. »
« Très bien. 5 points à Gryffondor. »
« Mais ça porte malheur ! » s'effraya un Serdaigle.
« Pas du tout. Qui peut me dire pourquoi certain d'entre vous peuvent les voir et pas d'autre ? Neville ? »
« Les Sombrals ne sont visibles que par ceux qui ont vu la mort et qui l'ont ressentie sur le plan émotionnel. Ceux qui n'arrivent pas à faire le deuil du décès d'un proche ne pourront pas les voir. Il en va de même pour ceux qui ne connaissent pas la signification de la mort. La plupart des jeunes enfants qui auraient vu la mort ne pourraient percevoir les Sombrals. De plus, il faut avoir observé la personne mourir, comme se faire tuer par exemple, et pas seulement avoir regardé un cadavre. Il faut ajouter à cela qu'ils doivent conserver le souvenir de l'événement, et ne pas l'oublier. Sinon, les sombrals deviendront à nouveau invisibles à leurs yeux. »
« Bravo, c'est exactement ça ! 10 points à Gryffondor. Qui peut les voir, parmi vous ? »
Neville fut le seul à lever la main. Théodore semblait tenter de se cacher au milieu de ses camarades. Toutefois, il ne pouvait plus faire l'ignorant, et il était fixé par le professeur et quelques élèves de chaque maison. Alors après quelques instants d'indécisions, il finit par se reprendre avec un soupir et lever la main à son tour. Hagrid regarda Harry.
« Pas toi, Harry ? »
« Non. Et heureusement. Mais je me suis déjà occupé de quelques-uns sans les voir. »
Un vent de murmure et d'incrédulité traversa la foule et s'empara des élèves.
« Vous pouvez dire depuis quand et pourquoi vous voyez les Sombrals ? » demanda le demi-géant.
Neville observa, nerveux, le reste de la classe. Théodore scruta le professeur avec une neutralité presque froide. « Ça, Hagrid, c'est personnel. », déclara-t-il calmement, avec une certaine gravité sérieuse qui refusait toute négociation, mais sans le moindre énervement ou réel irrespect dans le ton. Le grand homme ne s'offusqua pas des paroles choisies, et changea de sujet, après quelques embrouillages dans sa barbe. Neville n'aurait jamais cru qu'il voudrait un jour remercier ce Serpentard, même s'il savait que l'adolescent l'avait fait davantage pour lui-même que pour lui.
Hagrid expliqua par la suite que l'origine des Sombrals était quelque peu floue. Ils seraient principalement originaires des îles britanniques et irlandaises, mais auraient aussi été vus dans certaines régions françaises et dans la péninsule ibérique. Ils étaient traditionnellement associés au peuple celte.
Puis vint Ombrage, qui parvint, ils ne surent comment, à les trouver pour inspecter le cours de Hagrid. Pendant qu'il expliquait, elle ne cessait de le perturber. Il peinait à développer que les Sombrals, omnivores, préféraient l'obscurité et avaient un excellent sens de l'orientation. Ces chevaux à l'apparence effrayante pouvaient être utilisés comme animal de trait ou comme monture, s'ils étaient dressés, comme ceux qu'ils observaient actuellement et qui tiraient les diligences de Poudlard.
Ombrage critiqua le choix d'étudier les Sombrals. « Cela fait des siècles qu'ils sont considérés comme mauvais présage, et vous les montrez en classe à des élèves de quinze ans ? Le ministère de la Magie les a classés comme dangereux. », appuya-t-elle.
« C'est une discrimination ! C'dû à leur apparence physique. Z'ont mauvaise réputation, et ont été à plusieurs reprises chassés ou maltraités par la communauté magique, mais ils méritent pas ça. En réalité, sont pas agressifs. Au contraire ! Ils sont bienveillants. Sont des superstitions ces histoires de malheur. »
Il appela les élèves à s'approcher des créatures, et tenta, anxieux, de leur expliquer comment s'en occuper. Neville et Harry vinrent à son secours, usant de toutes les connaissances qu'ils avaient, l'un grâce au demi-géant, l'autre grâce à son meilleur ami et à Luna. Hermione fut la première à accepter de s'avancer, suivie de Théodore. Au bout des trois heures, tous les adolescents s'étaient occupés des Sombrals, et aucun incident n'avait eu lieu. Ombrage fulminait, Hagrid soufflait.
Tandis qu'ils quittaient le cours, Théodore exprimait pour la première fois peut-être ses critiques à propos du cours et de la créature choisie. « Vous êtes bien aise de ne pouvoir les voir. Je ne veux plus les toucher ni même les approcher. »
« Le contact était le même pour nous tous. », rappela Pansy.
« Je n'en ai cure ! Vous n'avez pas vu leur… tout, tout ça, et leurs yeux. Ils sont symboles de mort. Ils sont bien trop glauques. »
« Oh, là, et moi qui croyait que tu aimerais l'obscurité. », commenta Daphnée.
« Pas un rappel obscur du deuil. »
L'adolescent partit rapidement, à une allure qui indiquait son absence de désir à être suivi.
« Qu'est-ce qui l'a piqué ? » s'étonna Pansy, au milieu du groupe de Serpentard qui s'était stoppé.
« Une mort. », glissa Draco en leur passant à côté avec ses amis de Gryffondor.
Neville était très satisfait par ce cours, et notamment l'acceptation de plusieurs élèves qui ne critiquaient plus les Sombrals comme synonymes de malheur. Il ne pensait pas que leur vue pourrait provoquer une telle réaction de la part de quelqu'un. D'autant qu'il fallait qu'il ait accepté la mort pour voir ces créatures. Le deuil devrait être terminé. Sinon, il ne les auraient pas vu, ou le rappel les aurait fait disparaître sous ses yeux, ce qui ne s'était pas produit. Du reste, il connaissait assez mal le Serpentard pour se faire une idée des raisons à son comportement.
