(L'Ordre du Phénix) Chercher vengeance


Ils eurent leur deuxième vrai cours d'occlumancie vendredi soir, comme convenu, si ce n'était le premier véritable. Severus voulut s'assurer qu'ils avaient correctement travaillé durant les vacances, et Harry lui présenta bon nombre de ses travaux théoriques issus des livres disponibles à Square Grimmaurd. Le professeur testa les défenses des deux Gryffondor, qu'il complimenta pour leurs efforts et ne pas être de totales incapables qui lui feraient perdre son temps.

Draco s'avéra être un tuteur compétent, capable d'expliquer convenablement des fondamentaux à celui qui ne s'exerçait pas directement avec le professeur, et même de s'incruster dans l'esprit de son camarade avec le sort pour le pousser à l'éjecter. C'était presque comme si Draco mettait plus du sien que Severus, et il était prêt à les conseiller même en dehors des séances de tutorat, comme lors de quelques sessions d'études autres à la bibliothèque. Il suffisait qu'ils s'éloignent à plusieurs pour chercher des livres, ou qu'ils se passent des mots en douce à table. Ils respectaient la consigne de ne pas évoquer l'occlumancie devant leurs amis, même si Hermione était déjà informée.


Les réunions de l'AD reprirent dès le premier week-end de retour des vacances. Harry et Draco commencèrent à enseigner les sorts de protections, tels le charme du bouclier, Protego, et toutes ses variantes prévues dans leur programme de cours, Protego totalum, Protego horribilis, Protego Maxima, Protego Duo… mais guère le Protego Diabolica que Draco proposa et que Harry refusa. Cette fois, Neville s'illustra particulièrement. Il était bien plus à l'aise avec les sorts de défenses qu'avec ceux offensifs. Avec l'utilisation de ces sorts lors des duels d'entraînement, le garçon-qui-avait-survécu s'en sortait bien mieux, et trouvait son aise avec beaucoup plus de facilités. Même Hermione ne parvint aucunement à briser son bouclier.

À la fin du cours, Harry s'attarda devant le miroir, et la brochure découpée par Neville qui parlait de l'évasion de Bellatrix Lestrange. Il fixait la vieille photo de la sorcière hystérique. Son meilleur ami s'approcha.

« C'est elle, n'est-ce pas ? » s'enquit doucement le plus grand garçon.

« Bellatrix Lestrange a torturé mes parents. Pendant des heures. Elle les aurait tués, et moi avec, si Sev n'était pas intervenu. C'est le souvenir que je revois quand il y a un détraqueur. J'entends les hurlements, et j'entends son rire à elle. Elle aimait ça, tellement. Je jure que je la tuerais. » Neville tourna un regard inquiet vers son ami, dont les yeux brillaient de rage à présent, toujours orientés vers le journal. « Je la retrouverais, je me fiche de s'il y a d'autres Mangemorts ou pas. Je me fiche de Voldemort. Elle, je lui ferais payer. »

« Harry, la vengeance ne mène à rien. » Harry se tourna vers son meilleur ami. Ce dernier poursuivait. « Sirius n'était plus lui-même quand il s'agissait de Peter Pettigrow. Je ne veux pas que ça t'arrive. »

« Peux-tu m'assurer, peux-tu oser affirmer, que si tu te retrouvais face à Voldemort, tu ne voudrais pas lui faire payer la mort de toute ta famille. Ta famille entière est morte, à cause de lui ! Il ne s'agit pas seulement de tes parents. »

« Je ne voudrais pas me retrouver face à Voldemort, et rien ne ramènerait ma famille. Si je voulais honorer leur mémoire, je me battrais pour ce qui est juste, ce qui n'implique pas nécessairement de me laisser entraîner dans la haine de l'autre. Ils ne voudraient pas que je me fasse consumer par ces sentiments sombres. »

« La vengeance est parfois juste. », déclara gravement le myope.

Si Neville ne pouvait convaincre Harry avec sa sagesse, il pouvait encore employer quelques arguments au moyen de comparaisons avec ceux que son ami aimait et qui avaient tous usé de méthodes différentes.

« Regarde Sirius, Remus et Severus. Chacun d'entre eux a été confronté à un événement qui demanderait vengeance. Severus aurait pu tuer Bellatrix Lestrange pour commencer, il ne l'a pas fait. Voldemort n'en aurait rien su, il n'aurait pas mis sa place en danger. Ceci évoqué, à qui voudrais-tu le plus ressembler ? Dans l'absolu, tu n'aurais pas la même préférence que moi, mais sur ce point, c'est discutable. Ils ont été confrontés à Peter Pettigrow. Tous avaient les mêmes droits de chercher vengeance.

« Sirius a pourchassé Peter, il a tout oublié à partir du moment où il a reconnu l'animagus, et en a fait sa mission, son but, tuer Pettigrow. Il était enragé. Il était effrayant. Il n'était plus lui-même. Est-ce cela que tu recherches, Harry ?

« Vint Remus, qui trouva Sirius et Peter. Nous connaissons tous son naturel doux, sage, raisonnable. Pourtant, il n'hésita pas à prendre le parti de Sirius. Il n'aurait pas pourchassé Peter Pettigrow. Cependant, une fois devant lui, l'opportunité offerte, il choisit aussi la vengeance. Il ne perdit pas toute son énergie dans la recherche, il continuait sa vie, sans gêne véritable. Il s'est simplement laissé aller lorsqu'il a été face au traître. Est-ce ce que tu attends de moi si je rencontrais Voldemort ?

« Afin, arriva Severus. Nous le connaissons tous, brutal en parole, franc et vif, avec une douceur perspicace transperçante et insultante. Ce n'est pas l'individu dont on s'attend à de la clémence. Il aurait pu tuer Peter Pettigrow ce soir-là, ou même se contenter de laisser Sirius et Remus faire. Pettigrow mort, Voldemort n'aurait pas eu connaissance d'une éventuelle traîtrise. Et sachant tout ce que ce rat aurait pu découvrir auprès de nous durant toutes ces années à Poudlard, le tuer aurait été préférable pour assurer la sécurité de sa tâche d'espion. Il a exigé que Pettigrow soit épargné. Il n'a pas été spectateur comme nous aurions pu être, il n'a pas cédé à la tentation comme Remus, et il n'a certainement pas couru après la vengeance comme Sirius, même si ce dernier point n'est pas vraiment à considérer étant donné que sa position aurait pu être compromise par un tel comportement. Je doute qu'il ait pardonné pour autant. Mais il est resté inflexible, et n'a pas cédé à cette saveur attirante et tentatrice qu'est la facilité de la vengeance des plus brutales.

« Alors, d'après toi, quel modèle devrions-nous suivre ? »

Harry sourit doucement. « Merci, Neville. » Il tourna son regard vers la photo du premier Ordre, et particulièrement sur les parents de son ami. « Tu sais, je pense qu'ils auraient été fiers de toi. Très fiers. »

« Je sais, je l'espère. Je ne sais pas grand-chose sur eux, à vrai dire. C'était des aurors, et ils se sont courageusement battus. »

« Ça fait plus de quatre ans que je sais pour Bellatrix Lestrange. Draco aussi sait. J'aurais peut-être dû t'en parler plus tôt, mais pour quel motif ? Il n'y avait aucune occasion, aucune raison d'y penser, et puis… je n'étais peut-être pas prêt. » Il regarda à nouveau son meilleur ami. « Tu es toujours de bons conseils, Neville. En fait, tu ressembles à Luna. Je suis désolé. Je pourrais te dire que j'ai compris, que je ne chercherais pas vengeance, mais ce n'est pas le cas. Je peux accepter de ne pas agir comme Sirius, je sais que je risque de prendre Remus comme modèle. Je ne pense pas que je trouverais la force de Severus de garder l'envie de vengeance au plus profond de mon esprit. Et je vais être le pire cancre de sa classe d'Occlumancie ! »

Il avait dit cette dernière phrase avec un sourire amusé, pour détendre un peu l'atmosphère, et cela fonctionna pour faire rire son ami.

« Nous verrons cela. J'ai du mal à imaginer qui que ce soit d'autre que Draco réussir quoi que ce soit. »


Au prochain cours d'occlumancie, seul moment en dehors des cours de potions où Harry pouvait parler avec Severus, l'adolescent demanda au professeur comment il avait pu résister à l'envie de tuer Bellatrix Lestrange ou Peter Pettigrow. Comment pouvait-il résister à la tentation ou au désir de vengeance. L'homme l'observa avec grand sérieux.

« Il y a un certain nombre de phrases toutes faites que le professeur Dumbledore pourrait être tenté de te donner pour t'abreuver de sa sagesse si tu lui posais une telle question. Son discours tournerait principalement autour de la veine quête, de la destruction intérieure, ou de l'importance du pardon et de l'amour à privilégier à la vengeance. Pour ma part, je ne pourrais pardonner que ce qui est regretté. Tout le reste peut mériter ma vengeance, et je ne suis pas capable de m'y soustraire contrairement à ce que tu sembles penser, ce que le directeur sait fort bien puisqu'il a tendance à me rappeler que je devrais pardonner. Toute vengeance n'est pas de sang et de larmes, et mon approche est en effet autre. Le dédain est la forme la plus subtile de la vengeance. »

Le cerveau de Harry ne fit qu'un tour à cette dernière phrase, et ce n'était pas parce qu'il apparaissait évident que Severus préférerait la subtilité. « De quoi voudrais-tu te venger auprès de Sirius ? »

« Un certain nombre de choses qui ne te concernent pas. Le cours, maintenant, commence. »

Harry ne voulait pas lâcher le morceau. « Et au sujet de Remus ?! Il ne t'a jamais rien fait ! » Il était vrai également que Severus méprisait beaucoup moins Remus que Sirius, mais le sentiment y était toujours, même ténu. « Et mon père ?! »

« Je te conseille de te préparer. », avertit le maître occlumens et legilimens, en position avec sa baguette. Harry revint vite à la réalité du cours, toutefois guère assez pour que son esprit ne s'égare pas dans ces pensées et que les souvenirs qui montraient les moments de mépris affiché par Severus ne resurgissent à l'avant. Le garçon échoua lamentablement cette séance, ses préoccupations au sujet de Bellatrix Lestrange et ses envies de vengeance n'arrangeant rien.

Neville compatit en silence pour son ami qui décevait grandement le professeur. Les progrès de Harry semblaient avoir disparu en poussière de l'avis du maître.


Quelle ne fut pas l'horreur de la dame en rose lorsqu'une beuglante hurla dans la Grange Salle un petit matin. L'enveloppe, rouge, fut ouverte pour cracher avec venin un nombre de remontrances totalement faramineuses, et ne put, bien sûr, être détruite par personne avant de se réduire en confettis toute seule.

« Décret d'éducation numéro quatre-vingt-un : Les Beuglantes rouges sont interdites dans le château. Il est inacceptable d'ouvrir des beuglantes dans l'école. »

Aussitôt après cela, les jumeaux Weasley se donnèrent à cœur joie de fabriquer et distribuer de fausses beuglantes, qui crieraient n'importe quoi à l'ouverture. Ce fut une pluie, un déluge, de beuglantes illégales de farces et attrapes.


Puisque Rusard se montrait toujours incapable d'empêcher les élèves de se rendre à ces maudits cours de défense illicites, Ombrage mit en place une nouvelle méthode.

« Décret d'éducation numéro quatre-vingt-deux : Tous les élèves seront interrogés au sujet des activités illégales suspectées. »

Ainsi commença la longue série d'interrogatoires. Tous les élèves, comme annoncé dans le décret, passèrent un à un dans le bureau de la Grande Inquisitrice. Elle leur proposait toujours du thé, dans lequel elle versait un peu de véritaserum minutieusement fournis par le maître des potions du château qui s'était bien donné la peine de préciser les doses prescrites et de déconseiller tout abus.

Ombrage avait voulu mettre en place cette méthode avant Noël, mais Severus avait prétexté avoir besoin de temps avant de pouvoir lui apporter la potion complexe, qui lui prendrait un mois à brasser. Elle n'avait d'autre choix que d'attendre les doses présentées par le potionniste très coopératif, puisqu'il serait illégal qu'elle s'approvisionne où que ce soit. Le ministre ne la désapprouverait absolument pas, mais si c'était su à l'extérieur, cela poserait plus de problèmes.

Bien entendu, la potion authentique que lui prodigua le généreux brasseur était de la plus haute qualité, et ne saurait laisser passer le moindre mensonge des élèves. Nuls ne pourraient omettre la moindre vérité, cacher des renseignements ou toute autre chose qu'un véritable Véritaserum empêcherait. Toute influence provoquée par ce produit interdit aurait lieu dans la plus grande sincérité. Garantie de l'espion multiple dont l'allégeance était indiscutable.

Aussi, Neville ne trouva rien à conter, en dehors de l'affirmation que Voldemort était de retour et que toute l'interview avec Rita Skeeter ne contenait que des informations véridiques.

Harry persista également sur sa ligne de « Je ne mens pas. », « Neville ne mentirait pas. », « Voldemort est de retour. », « Voldemort était à l'arrière du crâne de Quirrel. », « Lockhart était un escroc qui ne sait qu'exécuter un Oubliette, tentez de me contredire, même Lucius Malfoy l'a dit. », « Oncle Remus était le meilleur professeur de défense contre les forces du mal. », et tant d'autres allégations.

Il en allait de même pour chaque membre de l'AD, qui détaillaient leurs convictions, mais jamais une quelconque information sur l'organisation secrète.

Ombrage s'énervait.

Severus lui donnait du Veritaserum.

Les élèves parlaient, pas de l'AD.