(L'Ordre du Phénix) La brigade inquisitoriale
Le mois de janvier s'était écoulé, et Draco se plaignait d'une deuxième année sans Quidditch, rejoint chaque fois par Ron, et bien souvent Ginny et Harry. Ces débats sur le sport agaçaient quelque peu Hermione.
Nott, Crabbe et Goyle étaient dorénavant rarement vus en compagnie de d'autres, même des Serpentard. Le Chicaneur, bien que censuré, avait fait bien assez sensation, et convaincu plus d'un. De ce que Draco savait, ses camarades avaient peu accepté la tromperie de Théodore, et Pansy dirigeait le groupe des filles… où Zabini faisait acte de présence. Draco et Théodore ne perdirent pas l'occasion de signifier ce qu'ils pensaient de Zabini, et d'user de cette appartenance au groupe des filles pour évoquer du moins implicitement que le grand dadais manquait d'un petit quelque chose. Draco aimait bien la nouvelle facette de Théo qui ne cachait jamais son mépris envers le brun basané. C'était assez ironique lorsqu'il fut clairement entendu que Zabini méprisait lui-même les Mangemorts, bien qu'il fut un puriste du sang. Sachant ce que Théodore en pensait de son côté, le blond Malfoy songeait que les deux pourraient s'entendre… si l'un n'était pas le plus méprisable idiot de leur classe et l'autre le plus vicieux intelligent. Draco oubliait bien souvent de considérer Crabbe et Goyle, qui étaient plus stupides que Zabini. Théodore avait quelques fois prévenu Draco que si la compagnie de Longbottom et les autres l'avait rendu plus supportable, il restait vraiment pénible quand il s'agissait de leurs camarades de Maison.
À la fin de la deuxième semaine de février, Ombrage mit en place son plan suivant.
« Décret d'éducation numéro quatre-vingt-dix-huit : Ceux qui désirent rejoindre la brigade inquisitoriale pour avoir des droits en plus peuvent s'inscrire dans le bureau de la Grande Inquisitrice. »
Peu d'élèves, en vérité, semblaient prêts à goûter à l'euphorie de servir la dame en rose. Peu d'élèves l'appréciaient, elle, ses mesures disciplinaires, ses décrets et ses cours.
Théodore choisit la première occasion où il pourrait saisir Draco sans les Gryffondor ou la Serdaigle pour engager la conversation. Il avait déjà fait passer le mot, discrètement, à tout Serpentard à l'exception probable du Malfoy, qu'il valait mieux attendre une journée pour réfléchir à l'offre, puis que tous les volontaires se regroupent et se rendent à ce bureau en un seul corps. Ce fut à la sortie d'un cours que Théodore trouva son aubaine d'aborder Draco, qui s'éloignait seul sur son propre chemin.
« Tu as une occasion de paraître intelligent, mais le temps est compté. Ne la rate pas. »
Draco scruta attentivement son camarade qui s'était glissé dans son dos pour parler à voix basse. Aucun de leurs condisciples n'était alentour, pas même Crabbe et Goyle. « De quoi parles-tu ? »
Théodore soupira. « Faut-il vraiment tout t'expliciter ? Le nouveau décret d'Ombrage appelle à candidature pour asseoir son autorité, et plus que certainement mettre des bâtons dans les roues au petit club des cinquièmes années. Bien sûr, les Serpentard n'y étant pas conviés, certains pourraient en avoir pris ombrage et décidé de, comment dire, gêner les activités dont ils sont exclus. Je ne peux malheureusement rien y faire. »
« Tu te fiches de moi. » C'était plus une affirmation qu'une question. « Qu'est-ce que tu veux ? »
« Moi, je ne veux rien. Rien de tout cela ne me concerne, et j'en suis plutôt indifférent. En revanche, c'est un problème pour toi et tes amis. Les filles paraissaient particulièrement intéressées à l'idée de rejoindre la dame en rose. »
Draco renifla de dédain. « Elles ne pourraient rien faire. »
« Le crois-tu ? » Théodore se mut pour se placer juste en face de Draco, yeux dans les yeux. Un sourire presque mauvais, familier, se dessina sur son visage. « Paris-tu ? »
Draco avait déjà entendu ce ton, cette voix, ces paroles. En première année, et ce pari s'était mal terminé pour lui. Il serra les dents, et poussa Théodore. Il était peut-être lui-même assez peu corpulent, il ne possédait pas aucune musculature athlétique, et l'autre adolescent, en revanche, demeurait rachitique. « Que pourraient-elles faire, franchement ? »
Théodore se replaça aux côtés de Draco, et poursuivit. « Avec des pouvoirs accordés par Ombrage, elles pourraient devenir une véritable gêne. Je n'ai tout de même pas besoin de te signifier l'antagonisme qu'il existe entre Parkinson et Granger ? De plus, Ombrage cherche activement à débusquer une certaine activité illicite. Sa brigade inquisitoriale aura certainement pour fonction de l'y aider. Je ne vois aucune raison pour que quelques Serpentard ne parviennent pas à apporter un fort soutien à ce guignol de Rusard. »
« Attention à ce qu'il ne t'entende pas. »
« Enfin bref, je suis juste venu t'avertir. Libre à toi d'en faire ce que tu veux. Ou plutôt de ne rien pouvoir en faire. »
Théodore commença à s'éloigner, mais Draco le saisit par le poignet. « Ne me prends pas pour un idiot. Tu as un plan. »
Théodore l'observa. « Et aucun intérêt à appliquer quoi que ce soit. Je n'y gagnerais rien. Donc je ne ferais rien. »
« Tu pourrais aider, et tu le sais, mais tu prends plaisir à nous narguer lorsque des ennuis s'approchent ?! Es-tu à ce point… »
« Neutre. Sans filiation. Désabusé. Opportuniste. Je vais là où je trouverais un intérêt, ou nulle part. »
Draco s'emporta. « Alors pourquoi n'irais-tu pas directement voir Ombrage et t'y inscrire ?! Tu y aurais un intérêt, vas gagner tes points, ou ces maudits privilèges quels qu'ils soient ! »
« J'y songeais. », annonça tranquillement le jeune roublard. « Ça me prendrait du temps, mais cela m'occuperait. Je n'ai rien à y perdre, d'ailleurs. Toute l'école me rejette déjà depuis le petit coup d'éclat de Longbottom, Lovegood et toi. Je dois admettre que ce n'est pas si terrible que cela : la compagnie de certains commençait à m'insupporter. Toutefois, me rendre auprès d'Ombrage et demander à rejoindre sa brigade inquisitoriale pourrait me redonner quelques pouvoirs. Si mon intérêt se trouve quelque part, il s'agit bien de m'y rendre. Alors pourquoi ne le ferais-je pas ? »
Draco étudia son camarade. Les yeux du garçon pétillaient de malice, et son visage neutre dégageait l'atmosphère d'un léger sourire. Ce fils de Mangemort était assez fourbe pour profiter de cet avantage offert par Ombrage et commettre les pires crasses dans son propre intérêt. Théodore Nott n'avait pas d'amis, pas d'états d'âme. Et Théodore le poussait clairement à dépenser une faveur inutilement selon ses propres règles. Néanmoins, Draco ne pouvait ignorer que s'il ne dépensait pas sa faveur, Théodore irait réellement auprès d'Ombrage, parce que, après tout, il ne pourrait qu'en tirer profit.
« Tu me dois encore une faveur. »
« Oh, vraiment ? Deux, je crois. En effet, cela comprend une faveur. Tu as une idée soudaine ? Me voilà surpris, et qu'est-ce que ce serait ? »
« Tiens, tu as appris le sens de l'humour ? Ce n'est pas drôle, Théo. Ne rejoins pas la brigade. »
Une légère déception passa comme une ombre dans les yeux et le sourire presque inexistant de l'adolescent brun. « Comme attendu… Draco, pourrais-je te demander d'y penser plus attentivement ? Mon avantage pourrait réellement être d'incorporer le groupe. Et je n'aurais alors aucune difficulté à me placer à la tête de la brigade. Je pourrais agir comme je l'entends, pousser dans la direction que je désire et non laisser le vent contrôler ces intempéries. Mon intérêt est de rejoindre, et ton intérêt est de m'avoir dans ton camp… l'un n'exclut pas l'autre. Et là, je me trouve fort généreux de te l'expliciter, parce que, clairement, je t'avais donné l'occasion de te montrer intelligent, pas de profiter de mes idées. »
Draco ne remit pas un instant en question les capacités de Théodore à contrôler un groupe stupide comme il l'entendait, surtout si ce groupe était principalement composé de leurs camarades les plus proches. « Si tu es prêt à m'aider, pourquoi dépenserais-je une faveur ? »
Théodore devint froid. « Car il s'agit de ta seule garantie de mon efficacité à tes côtés. Depuis plusieurs mois, j'aurais toutes les raisons de te tourner le dos. Tu exiges trop, et tu ne donnes rien. La protection de la maison Malfoy est intéressante, mais inutile quand tu participes à discréditer mon nom auprès de toute l'école et du monde sorcier. En fait, j'aurais des raisons de vouloir les aider à te déranger, Draco, toi et tes petits copains. Je te donne l'opportunité de m'ordonner un camp dans cette affaire précise avant que ce ne devienne irrattrapable, mais ce n'est qu'une opportunité à temps limité. Crois bien ma sincérité lorsque je t'annonce que je voudrais peut-être faire tomber tes amis, et peut-être même toi avec. »
Les deux adolescents s'arrêtèrent dans le couloir, face à face, yeux dans les yeux, glace par l'apparence contre glace dans l'attitude. Draco savait qu'il n'était pas assez qualifié en legilimancie pour discerner si son camarade lui mentait ou non, mais à bien le connaître, il était sincère.
« Tu es une plaie, Théo. »
« Je suis ta plaie. »
« Très bien. Je dépense cette maudite faveur pour que ton inclusion à la brigade inquisitoriale soit tout en ma faveur. Soit averti que je choisirais soigneusement, avec la plus grande des précautions, ma dernière faveur pour qu'elle te soit la plus indigeste possible. »
« Je n'en attendais pas moins de ta part, Draco. J'accepte de te rendre cette faveur, mais sois prévenu cependant que j'agirais toujours dans mon intérêt et éventuellement celui de Serpentard tant que l'occasion m'est donnée. Je retarderais autant que je le pourrais les opérations visant à attraper votre groupe de défense, et tu ne seras personnellement pas impacté si j'ai mon mot à dire, mais nous savons toi et moi que tout ne dépendra pas de moi. Aussi, lorsque vous serez trouvé, tu ne pourras pas me le reprocher, ni chercher à regagner une faveur de ma part. Ces termes te conviennent-ils ? Ils ont tout intérêt, car je ne suis pas disposé à les changer. »
« Marché conclu. », accepta Draco, en lui tendant la main. Théodore la fixa un instant avant de l'accepter. Le pacte était acté.
« Décret d'éducation numéro quatre-vingt-dix-neuf : Les élèves ne sont pas autorisés à changer leur couleur de cheveux, la couleur de leurs yeux, leur pointure ou toute autre anormalité physique par magie. »
Les jumeaux Weasley étaient une fois encore en faute, et s'en amusaient grandement. Bon nombre de leurs bonbons, qui passaient encore par des voies illicites, provoquaient des "anormalités physiques". Ils regrettaient presque que Nymphadora Tonks ne fût plus à l'école. Ses capacités de métamorphomage, et son naturel enjoué et farceur, auraient été mis en pratique pour beaucoup de divertissements. Ce décret ne les empêcherait pas de changer les cheveux des élèves selon leurs maisons de Poudlard, ou de faire pousser des mentons grands et flasques aux visages.
Comme prévu, Théodore se joignit au groupe de Serpentard qui avait décidé de soutenir et coopérer avec Ombrage. Pansy, Daphnée et Milicent faisaient partie du lot. Zabini ne s'était guère fait prier. Cela l'occuperait. Crabbe et Goyle accompagnaient Théodore. C'était vraiment les cinquièmes années. Avec eux, deux joueurs de Quidditch, des septièmes années, semblaient avoir résolu qu'à défaut de jouer à leur sport favori, ils pourraient participer à la traque des renégats. Leurs noms étaient Graham Montague et Cassius Warrington. Les deux étaient aussi massifs que le jeu des Serpentard l'attendait des batteurs sur le terrain de Quidditch. Leurs postes s'avéraient aisés à deviner, du moins on pourrait le croire, puisqu'ils étaient en réalité tout deux poursuiveurs. Crabbe et Goyle étaient les batteurs. Théodore se retint de rire lorsqu'il vit Rusard dans la file, dans le bureau d'Ombrage, recevoir à son tour la médaille. À cela, s'ajoutait une fille de sixième année que Théodore n'avait pas pris la peine d'apprendre à connaître. Nuls Serdaigle, Gryffondor ni Poufsouffle ne s'affichaient à l'horizon. Toute la brigade tenait dans ce simple petit bureau, au grand complet, dix Serpentard accompagnés du vieux concierge cracmol. Deux septièmes années, une sixième année, et sept cinquièmes. Ils étaient risibles. C'était tout ce dont Théodore avait besoin.
Ils furent rapidement lancés à la traque de l'association de défense des Gryffondor de cinquième année et leurs amis. N'était-ce pas ridicule que tout se résume à cette promotion ? Absurde, même. Mais après tout, tout ne pouvait tourner qu'autour du garçon-qui-avait-survécu et du plus riche héritier Sang-Pur, Malfoy. En vérité, Théodore était plus que content de répondre à cette faveur de Draco. Il ne voulait pas que ce groupe soit trouvé. Ce n'était qu'une défense pathétique, mais c'était mieux que rien, et la première lueur d'espoir que l'adolescent voyait dans le combat contre Voldemort. Tout ce qu'il avait à faire, c'était reprendre du pouvoir, et s'amuser à voir les autres membres de la brigade se ridiculiser comme Rusard. Théodore n'avait jamais ri autant que la fois où il avait lancé Zabini, Rusard et d'autres courir après le passage de Lovegood droit vers la grande porte qui rétrécissait à vue d'œil, et se cogner à l'ouverture de cette porte dont ils ne s'étaient pas méfiés après sa stabilisation à l'état de vieux bois à taille normale. Ils se retrouvèrent affalés en partie dans un placard à balais qui contenait tout le nécessaire pour nettoyer les couloirs. Théodore s'amusa à vérifier la poussière des alentours afin de pouvoir indiquer ce qu'ils avaient manqué avant d'entrer à la poursuite de la belle blonde.
Les jumeaux Weasley n'avaient pas cessé leur distribution de beuglante, bien au contraire. Ils décidèrent d'en envoyer à chaque membre de la brigade inquisitoriale dès que ceux-là se firent connaître. Des farces humiliantes aux insultes bien pensées ou aux noircissures honteuses. Théodore avait dû se retenir de rire quand il reçut la sienne qui injuriait ouvertement son père. Il espérait bien que son sourire, caché derrière sa main, était passé inaperçu. Nul doute qu'il aurait été beaucoup plus gêné d'obtenir une semblable à la plupart des autres, mais celle-ci le laissait tout à fait indifférent… ou presque. Il méprisait bien assez son père pour apprécier le pic. Il aurait particulièrement détesté la beuglante qui mentionnait que le destinataire aurait oublié l'anniversaire de sa mère. De fait, il se la reçut quelques semaines plus tard, et cette fois il devint sans doute assez insociable durant le reste de la journée pour faire comprendre à tous qu'il n'en goûtait pas l'humour. Le fait que Draco tente maladroitement de s'excuser pour celle-ci, ce qui laissait entendre qu'il savait, ne le mit guère de meilleure humeur.
Le jour où les tenues de chaque membre de la brigade devinrent roses, les jumeaux Weasley probablement guère cachés très loin, Théodore fut juste blasé. Il jugeait cela totalement immature, et sans intérêt. Il devait pourtant reconnaître que ça ne faisait pas mal, et qu'en revanche l'humiliation publique était totale. Pansy, qui par ailleurs appréciait le rose, était rouge de honte et de colère.
Outre ces passe-temps du week-end, ayant toujours lieu à des horaires différents qui nécessitaient une vigilance constante pour traquer le bon moment, il y avait l'occasion perpétuelle de pouvoir soustraire des points à tout élève, préfets compris. Lorsque Pansy était venue en enlever à Granger sous prétexte qu'elle était une née-moldue, dénomination soigneusement sélectionnée pour éviter tout problème futur avec certains tel notamment le professeur Snape qui serait assurément averti, cela déclencha un grand élan de fulmination, et Weasley gagna l'occasion de perdre davantage de points pour sa maison. Tout leur groupe y passa. La fille Weasley pour être une fille de traître à son sang, Longbottom pour être un pathétique sorcier selon les termes de Pansy, Potter pour être le fils d'une Sang-de-Bourbe d'après le choix de Zabini, et la Serdaigle pour ne pas aligner deux mots cohérents. Seul Draco fut épargné, pas grâce à Zabini.
Une fois les Serpentard écartés, Harry grogna. « Zabini a intérêt à ne pas vouloir rejoindre le cours d'ASPIC de potions. Nos cours pourraient devenir très, très problématiques pour lui. »
« Pourquoi ? » s'enquit Ginny.
« Pour appeler ma mère comme ça. »
Ron cligna des yeux. « À se demander comment toute l'école n'est pas encore au courant après le scandale que ce vieux crapaud rose a fait dans notre classe. »
« Excellente question. », nota Draco, le nez dans sa coupe, innocent et curieux.
