(L'Ordre du Phénix) Pas le bon père
Harry s'était précipité, suivi par un Draco plus pâle que neige, vers l'infirmerie où il était sûr de trouver sa mère. Les larmes déferlaient de ses yeux sans qu'il ne puisse les retenir. Il réfléchissait vite à ce qu'il pourrait faire. En parler à Sirius et Remus. C'était pourtant impossible. Ombrage avait fait condamner toutes les cheminettes, sauf celles de ses bureaux, lorsqu'elle s'était emparée du poste de Dumbledore. Et il n'était pas question de demander à Severus son aide.
Tout paraissait évident. Toute l'attitude de Severus, le refus de prendre la place de son père, les commentaires sur l'arrogance perpétuels… était-ce réel ? James et Lily, ce mariage idéal dont parlait Sirius, avait-il vraiment existé ? Harry n'avait jamais eu de sentiments tangibles au sujet de son père, mais cette perspective étrange le brisait. Et la relation entre sa mère et Severus, qu'était-ce ? Elle avait souri, il l'avait insultée, elle avait emprunté ce surnom dégradant en échange. Harry avait déjà vu ses amis se disputer, et il avait lui-même eu quelques querelles avec Draco. Oui, ils auraient dû se réconcilier. Et son père, son propre père, qui menaçait Sev pour sortir avec sa mère ?! Pour ensuite la menacer elle de lui jeter un sort ! Était-ce le genre de héros que Sirius voulait qu'il adule ? Très peu pour lui. Pour ce qu'il en savait, le père de Draco, tout Mangemort qu'il soit, demeurait meilleur que James Potter, et c'était beaucoup dire.
Draco se ressassait en boucle l'insulte lancée par son parrain. Il se souvenait de la répulsion maladive du professeur à ce mot. D'une manière ou d'une autre, Draco savait que quelque chose s'était brisé ce jour-là. Et probablement ce passage faisait partie des souvenirs perdus de Lily. C'était étrange qu'au milieu de tous ces souvenirs, ils soient tombés sur une telle chose. Le jeune Serpentard doutait que son parrain ait insulté sa "tante" à chaque détour de couloir, ou à chaque humiliation. Il se remémorait fort bien ce que son père lui avait conté. Comment ce groupe de Gryffondor attaquait autant que possible leurs camarades, et en particulier son parrain.
Harry entra en trombe dans l'infirmerie. Fort heureusement, seule sa mère était présente, aucun blessé ou malade, ni même Pomfresh.
« Il me faut un moyen. », lâcha-t-il. « Je dois parler à Sirius et Remus. »
« Et deux potions calmantes. », requit Draco, seulement légèrement moins perturbé que son ami. D'accord, possiblement nettement moins. Toutefois, les protagonistes, en dehors de James Potter, demeuraient des personnes avec qui il avait des liens ou des relations.
Lily pouvait voir sans difficulté qu'ils avaient, en effet, peut-être besoin de calmant. « Que s'est-il passé ? »
« Nous avons accompli une bêtise plus grande que tous les anciens sorciers auraient pu commettre en un siècle. »
« Puis-je avoir le détail ? » demanda-t-elle pendant qu'elle leur tendait les flacons.
« Non. », refusa Harry.
Draco se montra davantage coopératif. « Un petit coup d'œil à la pensine de mon parrain. Il avait tourné le dos. »
Lily parut furieuse, mais Harry s'exclama avant elle. « Nous avons assez vu ! C'était une punition plus que suffisante pour notre curiosité déplacée. »
« Qu'est-ce que vous avez vu ? » s'inquiéta alors la mère.
« Rien qui ne concerne la guerre. », argumenta Draco.
« Il faut que je parle à Sirius ! » s'emporta Harry.
« Je suis désolée, Harry, mais à part attendre le week-end Pré-au-Lard et espérer avoir conservé vos droits de vous y rendre… »
« Très bien. J'enverrais une lettre à Sirius. Et je verrais Pré-au-Lard sans qu'Ombrage ne me voie. »
Harry se faufila sans trop de difficulté jusqu'à la cabane hurlante, ou plutôt avec une facilité déconcertante si Ombrage l'avait su, mais comme le but était précisément qu'elle n'en sache rien, elle continuerait de l'ignorer. Harry y alla seul, c'était son affaire. Seul Draco aurait pu vouloir venir, mais ce n'était guère au goût du Gryffondor, alors ses autres amis retenaient le Serpentard. Après tout, Neville avait bien besoin d'un peu de soutien pour ses BUSEs de métamorphose et de potions, même si pour le second cas, c'était surtout la pratique qui pêchait.
Sirius et Remus l'attendaient dans cette salle miteuse où ils s'étaient tenus deux ans plus tôt.
« Ça semble tellement approprié. », glissa sarcastiquement Harry à l'entrée de la salle d'un ton snapien qui indiquait toute sa mauvaise humeur.
Sirius se leva et s'approcha de lui rapidement, bras tendus. « Harry, qu'est-ce qui se passe… »
« Non. », coupa durement l'adolescent, un bras croisé et une main en l'air en signe d'arrêt et de refus à l'étreinte de son parrain.
Remus, resté assis dans un siège, fronçait les sourcils, soucieux. « Pourquoi voulais-tu nous voir, Harry ? »
« Avec autant d'urgences en plus ! » ajouta Sirius, debout devant lui. L'homme cachait sa vexation au geste précédent de son filleul énervé.
L'expression de l'adolescent devint sombre davantage. « J'aurais dû savoir… lorsque vous aviez parlé de cette "farce" mortelle, j'aurais dû comprendre que c'était mauvais signe. Je savais que vous ne vous entendiez pas, mais de là à imaginer… »
« De quoi parles-tu, Harry ? » s'enquit Remus.
« Cela ne surprendra personne si je vous annonce que Draco ne veut plus rien avoir à faire avec vous après que nous ayons, avec Neville, piqué une tête dans la pensine de Sev sans son approbation. »
Sirius sourit, plaisantin. « Tu vois que tu peux écarter le "respect" de temps en temps et lui faire une sale crasse. »
« Tu t'entends parler, Sirius ?! Avez-vous la moindre idée de ce que j'ai pu voir ? »
« Ça concernait l'Ordre ? Voldemort ? »
« J'aurais préféré voir une scène de torture par les Mangemorts. », déclara froidement l'adolescent.
« Ça va trop loin, Harry. », avertit Remus. « Quoi que tu aies pu voir, rien ne justifie une telle comparaison. »
« J'ai vu vos années d'études. »
« Oh, si y'a qu'ça. », repoussa Sirius.
« Vos années d'études, au travers des souvenirs de Sev. Peux-tu avoir une idée du genre de comportement que j'ai pu voir de votre part respective à tous ? »
Remus tenta d'argumenter. « Eh bien, ils n'étaient pas très amis… »
« Toujours la bonne vieille excuse ! Qu'est-ce qu'il vous a fait ?! Il existait, c'est ça ?! »
Les deux hommes blêmirent.
Prudemment, Sirius demanda. « Qu'est-ce que tu as vu, exactement ? »
L'adolescent roula des yeux. « Oh, je suppose que ce n'est pas assez explicite pour que tu te souviennes des détails. Ça arrivait souvent, comme événement ? Ce que j'ai vu, c'est qu'à mon âge, mes parents se détestaient. Ma mère a assez explicitement décrit son dégoût pour lui, et je ne peux que l'approuver ! Comment ont-ils pu finir ensemble ? Il lui a donné un philtre d'amour ? »
« Ton père ne ferait jamais ça ! » s'indigna Sirius.
« Vraiment ? On parle vraiment de ce merveilleux père, ce modèle de bravoure et de chevalerie, ce Gryffondor authentique et toujours là pour ses amis, le bien, et la lutte contre Voldemort ? Parce que ce que j'ai pu en voir, c'est qu'il a tenté de faire chanter ma mère pour sortir avec elle, en attaquant sans raison son meilleur ami. Et quand elle a refusé de vous laisser vous "amuser", il l'a menacé de lui jeter un sort ! Après ça, tu ne peux pas t'étonner que j'ai des doutes ! »
« Nous avions quinze ans, Harry… »
« Quoi ?! Moi aussi, j'ai quinze ans, Sirius ! Je peux même te dire que Neville et moi avons un léger béguin pour la même fille, et aucun de nous n'agirait comme ça ! Mon père était un salaud ! »
« Ton père était quelqu'un de bien, Harry ! »
Remus s'interposa avec flegme. « Il a mûri ensuite. Il a arrêté de s'en prendre aux autres durant sa sixième année, et est devenu préfet-en-chef lors de sa septième. En dernière année, ta mère a fini par ouvrir les yeux sur lui, et ils sont tombés amoureux, véritablement. »
« Ah oui ? Remus, tu défends ce que mon père et Sirius faisaient ? »
« Non, bien sûr que non… mais j'étais… trop lâche pour leur demander d'arrêter. C'était mes seuls amis, et j'avais peur de les perdre. Mais ton père a vraiment changé, et ils se sont aimés. Il n'a usé d'aucun subterfuge. »
« Après ce que James et Sirius faisaient à Sev, ma mère leur a pardonné ? Juste parce qu'ils ont arrêté ? »
Sirius eut un raclement de gorge gêné, exprimant une contradiction. Il n'avait pas pu l'empêcher, et son filleul tourna vivement la tête vers lui.
« J'ai manqué quelque chose, Sirius ? »
« Snape était un cas à part, tu vois. James et lui se sont toujours détestés. Il donnait autant qu'il recevait. Donc… oui, James a arrêté de s'en prendre aux innocents. »
Harry le scruta plus froidement que jamais. « Pardon ? » Il se tourna vers Remus. « Maman savait ? »
« Non, absolument pas. », répondirent les deux hommes en cœur, Sirius avec un amusement totalement déplacé qui révulsa davantage Harry.
Harry fixa son parrain avec répulsion. « Tu me dégoûtes. Tout ce que je voulais savoir, c'était comment mes parents ont pu finir ensemble. Quant au reste, vous n'avez pour ma part aucune excuse. Je voulais vous confronter à ce sujet, mais il apparaît évident que Sirius ne regrette rien. Ça ne m'étonne pas que Sev ne puisse pas te supporter. Il n'y a positivement aucune chance pour qu'un jour je veuille la moindre relation avec ce salopard de James Potter. Mets-toi ça bien dans le crâne, Sirius. »
Harry fit volte-face, mais retourna la tête un instant vers Remus avant de partir. « J'aurais attendu mieux de ta part, Oncle Remus. Pour un Gryffondor, tu es aussi décevant que Peter Pettigrow. »
Il partit en trombe, ignorant les appels répétés de Sirius. La seule raison pour que son parrain ne s'élance pas à sa poursuite devait être que Remus le retenait.
Le trio d'indiscrets redoutait le prochain cours de potions. Ils furent surpris, comme tous leurs camarades des deux Maisons, de se voir purement et simplement ignorés par un maître des potions indifférent. Si Neville en était soulagé, Harry aurait préféré traiter avec un professeur justement énervé qu'avec cette attitude détachée. Le professeur ne pouvait-il pas deviner à quel point ce pouvait être pénible pour lui d'avoir assisté à une telle conduite de son père ? Draco n'appréciait pas davantage. Il n'aurait pas apprécié faire face à un parrain courroucé, mais que l'homme agisse comme s'il n'existait tout simplement pas était blessant.
Au milieu du cours, Harry tenta d'attirer l'attention de force vers lui, commençant à gâcher sa potion exprès, et s'attelant même à la rendre dangereuse. Le professeur évapora le contenu de son chaudron sans un commentaire. L'adolescent décida alors de sortir un livre quelconque de son sac, et de lire.
À côté de Draco, Théodore étudiait son camarade de Serpentard avec ce regard qui signifiait qu'une explication serait de mise afin de satisfaire sa curiosité. « Tu n'as rien à savoir. », lui glissa le blond au bout d'un moment.
« Monsieur Nott, ne restez pas à fixer le vide, et concentrez-vous sur votre potion. », appela froidement le maître.
« Le vide. », répéta, béat, Zabini. Puis, il sourit. « Celle-là, je vais la retenir. »
« Bien qu'il serait appréciable que vous changiez de vos grossièretés habituelles, Monsieur Zabini, il n'est pas tolérable de votre part d'oublier que vous êtes ici dans ma salle de classe. Taisez-vous. » Il parla ensuite à l'assemblée. « Le prochain qui émettra un son se verra attribué trois heures de retenues avec moi. »
« Je suis désolé. », déclara soudainement, à voix bien haute et forte, le plus grand fauteur de trouble de Gryffondor en salle de potions.
« Excepté s'il s'agit d'imbéciles arrogants avec lesquels je ne pourrais me permettre de perdre mon temps. »
Après la scène à laquelle ils avaient assisté quelques jours plus tôt, il y avait une insulte que Harry ne pouvait vraiment plus accepter, bien qu'il ne la tolérât pas déjà avant. « Je ne suis pas arrogant. » Il prit une respiration pour calmer son ton. « Je m'excuse simplement pour avoir cassé ce pot lors de ma dernière séance humiliante de rattrapage de potions. »
Severus se retourna vers l'impudent. « En ce qui me concerne, monsieur Potter, vous n'avez rien à faire dans cette classe. Si vous avez quoi que ce soit à dire, vous attendrez la fin de ce cours. Si je vous entends encore une seule fois, je vous expédie à l'extérieur de ma salle de classe, et vous devrez vous débrouiller seul pour vos BUSE. Et ne croyez pas que cette décision à votre égard dérangerait Madame la Grande Inquisitrice. »
À la fin du cours, le trio de coupable à regret resta dans la salle. Le professeur ferma la porte d'un coup de baguette.
« J'ose espérer que Neville vous a informé. », déclara-t-il tout en retournant à son siège.
« Nous n'aurions pas dû. », lâcha immédiatement Harry.
« Vous croyez ? » se moqua le professeur froidement.
« Nous sommes vraiment désolés, Oncle Sev ! » implora Draco.
« Pour ce que vous avez fait, pour ce que vous avez vu, ou pour mon attitude à votre égard ? »
« Le premier. », murmura Neville tandis que les deux autres s'exclamaient « Les trois ! »
Harry enchaîna. « Tu nous as toi-même expliqué que des excuses méritaient le pardon. »
« Le véritable regret attend un pardon en retour de la part de celui qui est assez fort pour pardonner. »
« Et l'amour est la base du pardon. », précisa Neville, résolu.
« Dans ce cas, Neville, tu es la personne la moins à même de recevoir mon pardon, et pourtant tu es celui qui le mériterait le plus. »
Draco observait son parrain avec des yeux humides. Il avait déjà perdu l'estime de son père, il ne pouvait pas supporter de perdre aussi celle de son parrain. « Le principe d'une erreur, même terrible, est qu'elle a été commise avec ou sans conscience du mal. Le regret peut venir pour chaque erreur. Et le désespoir de se faire pardonner. »
« Avec les objectifs que vous aviez en tête, ce n'est pas uniquement moi que vous trahissiez, mais l'Ordre et les projets du directeur. Dois-je vous rappeler que je suis un espion ? Pensez-vous un seul instant pouvoir vous permettre de jouer avec les informations dont je dispose ? Et si vous étiez tombé sur quelque chose de capital qu'un legilimens talentueux pourrait extraire de votre esprit sans la moindre difficulté ? »
Harry le fixait de ses yeux verts si semblables à ceux de sa mère. « On a été stupide, et on serait désolé aussi. … Les regrets seraient peut-être venus un peu plus tard, lorsqu'on aurait réalisé l'erreur. »
« Au moins, c'est honnête. Je prends note de vos regrets et de vos excuses exprimés. Toutefois, je ne peux oublier et pardonner dans l'immédiat. Ma déception envers vous sera votre punition. Toute cette affaire restera entre nous. Vous pouvez partir, maintenant. »
Neville hocha la tête et se leva doucement, tout comme Draco accepta à contrecœur. Harry devait encore régler un détail.
« Pourrais-je te demander une faveur ? »
L'homme acquiesça dans un mouvement à peine perceptible. « Ne t'attends pas à ce que j'y accède. »
« Ne me compare plus à James Potter. Invente toutes les insultes que tu veux si c'est vraiment utile, ce que je ne pense toujours pas, mais ne rapporte rien à lui. »
« C'est ton père. »
« Je ne suis pas mon père. »
Les deux sorciers s'observaient intensément, les yeux noirs dans les yeux verts. Severus pouvait deviner toutes les raisons qui pousseraient Harry à se révulser à l'idée d'être comparé à son père. Lui-même n'aurait pas accepté la moindre allusion au sien, et pourtant il redoutait de lui ressembler alors que Harry n'avait absolument aucune raison de craindre une telle chose. Harry était tout le contraire de James Potter. Définitivement, il aurait été préférable que le garçon continue d'ignorer les actions de son père. Non pas que Severus pardonnait à Potter ou apprécierait que Harry se rapproche de son géniteur, mais en l'état actuel, si James reprenait ses esprits, les relations risqueraient de devenir très houleuses.
« Soit. J'y songerais. »
« Merci. », souffla Harry avec un timide sourire avant de s'en aller.
« Décret d'éducation numéro cent trente-six : Tous les élèves doivent être coopératifs et venir faire part de leurs observations de comportements suspects ou d'activités illégales. »
Les jumeaux Wealsey rendaient la vie impossible à la dame en rose. Parmi leurs coups d'éclat les plus phénoménaux, ils avaient placé un marais dans le couloir devant le bureau de directrice d'Ombrage. Rusard était à présent obligé de la faire traverser en barque. La Grande Inquisitrice avait bien convoqué tous les professeurs afin qu'ils fassent quelque chose, mais ils prétendirent tous ne pas savoir l'enlever.
Sans surprise, ce dernier décret ne lui permit pas de trouver un élève capable d'évaporer cette création ingénieuse des jumeaux Weasley.
Les jumeaux riaient sous cape qu'elle devrait faire un décret similaire concernant davantage les professeurs que les élèves. Peut-être qu'avec un peu de chance, les enseignants deviendraient moins hypocrites lorsqu'il s'agissait de l'aider.
