(L'Ordre du Phénix) Le Voile
« Ils ont peut-être abandonné. », chuchota Ron avec espoir au bout d'un temps.
« Ne t'illusionne pas trop, Ron. », murmura sa sœur en retour.
« Taisez-vous. », requit Harry. « Il faut les entendre arriver. »
Neville serrait fort contre lui la prophétie qu'il n'avait toujours pas lâchée. Il devait la tenir à la fois de telle sorte qu'elle ne lui soit pas arrachée, et qu'il puisse toujours menacer sans problème de la faire chuter.
« Le Voile indique la salle de la Mort. », finit par déclarer Luna.
« Pardon ? » s'étonna Hermione.
« C'est la suite. Le Voile, c'est ce qu'on voit sous cette arche. »
« Ça veut dire quoi, que quelqu'un va mourir ? » questionna Ron rhétoriquement avec inquiétude.
« Espérons que ce soit Bellatrix Lestrange. », répondit Harry.
« Luna, tu peux nous dire la suite ? » demanda Neville.
Elle lista d'une voix douce. « Draco appelle son père. La lumière verte du sort mortel. La face de serpent crache des flammes. Attention à la poussière de verre. Longbottom au sol. »
« D'accord, on va réfléchir à ça en silence. », proposa Harry.
« La face de serpent peut indiquer Voldemort. », se risqua Neville.
« Ça pourrait indiquer n'importe quoi à ce stade. Nott est nul pour transmettre les messages. »
« Faudra dire à Parvati de nous informer nous-même directement la prochaine fois. », commenta Ginny.
« Oui, il faudra. »
Soudainement, des bruits de transplanages retentirent, encore et encore. Tout se passa bien trop vite pour qu'ils n'aient le temps de réagir, et bientôt, seul Neville restait sur l'espèce d'estrade qui trônait au centre de la salle. Tous les autres étaient retenus à divers endroits bien écartés, chacun par un Mangemort. Comparés à leur capture dans le bureau d'Ombrage, les adultes semblaient bien plus menaçants et performants. Aussi bien Ginny, Ron et Luna étaient maintenus fermement par un bras à leur cou, et une baguette pointée directement vers leur tête. Ils pouvaient se débattre tant qu'ils voulaient, ils ne parvenaient à trouver d'échappatoire. Ces hommes sombres se montraient très déterminés dans leur tâche, et inflexibles. Quelque part, les baguettes de tous avaient été égarées au sol. Hermione était tout aussi fermement retenue par le col de son polo. Même Harry s'était fait prendre. Bellatrix tirait sur ses cheveux pour lui maintenir la tête basculée en arrière, et appuyait sa baguette le long de son cou, la pointe contre la base du menton.
Lucius s'avançait vers Neville, Draco à sa suite. Le Gryffondor jeta un coup d'œil à son camarade placide et presque morne, avant de se concentrer sur l'adulte qui s'adressait à lui avec son ton méprisant recouvré.
« Comment as-tu peux croire, comment as-tu pu être assez naïf pour penser, que des enfants avaient une chance contre nous ? Le choix qui s'offre à toi est simple, maintenant, Longbottom. Ou tu me donnes cette prophétie, ou tu regardes tes amis mourir. »
Lucius tendait la main, exigeant. Neville abaissa le regard dessus, puis le remonta vers le visage du Malfoy. Ensuite, il parcourut l'assemblée, observant chacun de ses amis aux prises des Mangemorts. Enfin, il se retourna de nouveau vers l'homme. Du coin de l'œil, il vit Draco bouger pour se placer plus dans le dos de son père, plus dans son champ de vision. Il suivit alors ses mouvements. Reconnaissant qu'il obtenait l'attention, le jeune Serpentard se mit à articuler « Chut… », tout en mimant avec sa bouche, il montait doucement son doigt, afin de pouvoir rapidement l'abaisser après un petit arc de cercle, « la. ». Neville n'était certes pas un expert en lecture sur les lèvres, il trouva le geste de chute assez explicite. C'était bien sûr également interprétable comme « pose-la dans la main de mon père ». Le garçon-qui-avait-survécu secoua doucement la tête de droite à gauche, et ses yeux revinrent sur le Lord.
« Elle vous intéresse tant que ça ? » Il releva le bras où il tenait la sphère au creux de sa main. « Allez la chercher ! » s'écria-t-il tout en la propulsant le plus fort qu'il put vers le sol. Elle vola en éclat.
Lucius sortit sa baguette de sa canne d'un coup vif. « Espèce de… » Un bruit caractéristique de transplanages, dans son dos, attira son attention. La voix menaçante qui s'élevait pendant qu'il se retournait ne pouvait qu'être connue de lui.
« Éloigne-toi de lui. »
Sirius profita que Lucius ait tourné la tête vers lui pour lui asséner un magistral coup de poing dans le visage qui l'envoya rouler au sol et choir de l'estrade.
« Père ! » s'exclama Draco, surpris. Il sauta pour rejoindre le Mangemort trop vite pour que Sirius ne parvienne à le saisir par le bras comme il essayait de le faire pour le rattraper. D'autres membres de l'Ordre, Remus, Tonks, Maugrey, Shacklebolt, étaient arrivés en même temps que Sirius, et la bataille entre eux et les Mangemorts avait commencé. La priorité des membres de l'Ordre était bien sûr de libérer les enfants et de les mettre en sécurité. Les sorts filaient à une grande rapidité sans la moindre formule émise verbalement, et les Mangemorts se souciaient heureusement plus des adultes que des adolescents qui pouvaient, grâce aux manœuvres expertes des soldats de la lumière, aller se cacher dans le décor.
Harry toutefois choisit de chercher sa baguette afin d'aller se battre. Il se trouva chanceux de la voir glisser sur le sol jusqu'à lui. Il s'agissait d'un coup de pied — ou de main — malencontreux de Draco alors que le Serpentard aidait son père, qui n'avait certainement pas besoin de soutien, à se relever.
« Tu sais ce que tu as à faire, Draco. », lâcha l'homme alors qu'il remontait l'estrade. « Black ! » appela-t-il son adversaire pour engager le duel.
« On va se battre pour la garde de mon petit cousin, Malfoy. »
« Je ne risque pas de la perdre. »
« Quand tu seras en prison, si. »
Draco observait, stupéfié, les deux hommes se battre. Voir son père chuter lui avait exposé ses options : il s'agissait soit de sa famille, soit de ses amis. Cette bataille lui disait tout, lui susurrait qu'il ne pourrait pas garder les deux. Il ne pouvait pas prendre une telle décision, c'était impossible. Il aimait ses parents plus que tout au monde. Et il aimait ses amis sans doute tout autant. Il ne pourrait supporter de perdre quiconque. Harry avait rejoint le combat, auprès de Sirius, et se battait dos à dos avec Neville dont les charmes de bouclier défiaient toujours l'entendement. Ils seraient tous deux bien plus efficaces s'ils parvenaient à s'empêcher de prononcer les sorts. Il y avait des Mangemorts partout, attaqués au mieux par les moins nombreux membres de l'Ordre. Un homme talentueux se battait aux côtés de son père.
« Draco ! »
Le blond se retourna vivement à huit heures à la voix d'Hermione.
« Ne reste pas là ! » appela Ginny.
Sa famille, ou ses amis. Ces derniers l'appelaient, mais… son père le ferait aussi s'il en avait l'occasion. Sa famille, ou ses amis, quel genre de choix impossible était-ce ? Il fixa trop longtemps les filles sans réagir.
« Drac… », appelait d'une voix plus faible la rousse.
Il serra son emprise sur sa baguette.
Une voix lui revenait à l'esprit. Les souvenirs d'une autre demande que celle de se cacher avec l'armée de Dumbledore.
« Rejoins le Seigneur des Ténèbres. »… ses amis. Était-ce le choix d'un ami ? Ou juste d'une connaissance, de quelqu'un de passage qui accomplissait ses propres objectifs par chaque exigence, d'un fourbe et vil compagnon à la loyauté vacillante dépourvu de remords.
« Reste en vie. » Était-ce vraiment cela, le choix ? La bonne conduite, la décision à prendre et à suivre ?
« Tu es un Malfoy. Ta parole devrait être d'or. Respecte-la. »
« Les Malfoy sont des commerçants. Des fourbes opportunistes, intelligents, qui cherchent les failles pour en profiter. »
« Alors tu es de mauvaise foi, Draco ? Sans parole ni honneur ? Votre fortune basée sur des générations ne s'est pas fondée uniquement sur des escroqueries. Tu es au-dessus de cela, non ? Soit un Sang-Pur, un sang noble. Respecte un marché que tu as passé. »
Il avait eu de trop nombreuses discussions avec Théodore. Le père du garçon se battait ici aussi, quelque part. Théo, celui qui pouvait le trahir lui et son parrain au Seigneur des Ténèbres, celui qui pouvait oser mépriser son propre père, acceptait de ne pas rejoindre Voldemort si Draco le faisait, alors qu'il pensait que c'était une question de vie ou de mort ?
« Tu ne peux pas dire non à ton père. Moi, si. »
Mais justement, Draco restait coincé, entre famille et amitié. Pourtant, il y en avait un qui pouvait avoir les deux, qui pouvait jongler d'un endroit à l'autre et se trouver famille et ami des deux côtés. C'était un qui risquait bien plus souvent sa vie que les combattants ou mêmes espions au camp fixé. L'agent double était le choix le plus terrible, mais la voie qui permettait de ne pas choisir, et d'avoir les deux. Suivre les traces de son parrain était la troisième porte, la petite discrète ouvrant sur un flanc de falaise abrupte au-dessus d'une mer déchaînée, mais d'où partait un petit sentier fragile jusqu'à la plus confortable des demeures pour qui parvenait à ne pas glisser sous orage, pluie battante, et désespoir. Son parrain ne l'avait-il pas formé à l'occlumancie, dans tous ses concepts ? À l'art de protéger son esprit et de tromper le legilimens même averti avec les procédés les plus subtils ? S'il n'était pas prêt, il mourrait. Toutefois, jamais son parrain n'aurait cessé ses cours s'il ne le pensait pas assez expert. Il tiendrait parole, après tout. Il y était forcé. Un marché était un marché, une faveur était une faveur, et son honneur resterait non entaché.
Il bougea très légèrement, lentement, sa tête de droite à gauche. C'était un non.
Sous le regard silencieux et interdit des deux filles, il s'élança dans la bataille, pointant habilement sa baguette vers un duo rapproché d'adversaire. Le Mangemort se retrouva soudainement suspendu par la cheville, la tête en bas.
« Merde. », grinça Draco entre ses dents dans un murmure. Il agita sa baguette, et le mage noir retomba très brutalement au sol, s'assommant sur le rocher inégal à côté de lui. Remus, l'opposant de cet homme, tourna un instant son regard vers Draco, comme s'il cherchait à comprendre une énigme, puis s'élança dans la bataille contre un autre homme.
Le jeune Serpentard allait s'élancer vers une bataille qu'il aurait intérêt à ne pas échouer aussi magistralement, lorsqu'il remarqua de justesse un sort qu'il esquiva. Il tourna son attention vers l'origine. Bellatrix Lestrange, perchée sur un rocher qui surmontait une partie du décor. Il ne devait ni être le seul à avoir vu le sort passé, ni le seul à avoir identifié le lanceur, puisque son père, toujours en duel contre Sirius et Harry bien que sans son collègue Mangemort qui l'avait plus tôt rejoint, se tournait vers la femme.
« Pas mon fils, Bella ! »
« Expelliarmus ! » cria Harry, profitant de l'inattention du leader pour éjecter sa baguette de sa main. Sirius termina le travail, et le père de Draco se retrouva propulsé plus loin, hors de combat.
« Tu sais que tu t'en prends au dernier Black ? » nargua Sirius alors qu'il lançait son sort suivant vers sa cousine. Reconnaissant la priorité d'adversaire, la sorcière se tourna vers Sirius pour engager le duel, qui devint bientôt du deux contre un puisque Harry décidait d'attaquer celle qui avait tant fait souffrir ses parents. Mais elle était habile, talentueuse et puissante. Le combat fut de courte durée. Malgré le soutien de son filleul, Sirius ne pouvait parer les sorts pour le protéger lui et Harry que de justesse, à une fréquence effrénée. Et soudainement, la voix de la femme retentit dans un écho entrechoquant contre les hautes parois de la salle.
« Avada Kedavra ! »
L'inattention de Draco alors qu'il observait, stupéfié, la mort de Sirius, lui coûta sa liberté d'action : Maugrey surgit derrière lui et l'attrapa par le col. Draco demeurait immobile, le regard figé sur Sirius, et la peur terrifiante qu'il éprouvait pour Maugrey depuis que le faux l'avait changé en fouine lui imposait un calme encore plus imparable.
Le corps de Sirius chutait avec une lenteur ralentie vers l'arche. Harry hurlait, et Remus avait dû se précipiter et bondir dans le dos de l'adolescent pour l'empêcher de commettre l'erreur fatale de rejoindre son parrain. Sirius bascula dans le Voile, et son corps disparaissait en s'élevant un peu, devenant une autre ondulation étrange, ou alors partit où nul ne le saurait jamais.
Neville vit le regard d'abord de malaise de Bellatrix qui se mua en un sourire satisfait, puis un rire euphorique alors qu'elle s'enfuyait par une sortie qu'ils n'avaient jusqu'alors pas identifiée.
Harry parvint à se soustraire à l'emprise de Remus dans un mouvement de torsion, et s'enfuit à la suite de cette folle sorcière, immédiatement accompagné de Neville. Draco avait réagi du même coup, reprenant ses esprits avec une détermination qui surmontait sa crainte de Maugrey. Il pointa rapidement sa baguette vers le visage de l'homme derrière lui.
« Furunculus. »
Étonnamment, l'effet du sort poussa l'auror expérimenté à relâcher son emprise, peut-être à cause de la surprise inattendue que l'adolescent lui lance un tel sort douloureux. Draco profita de l'ouverture et s'enfuit à la suite de ses amis.
Tandis que les trois garçons quittaient la pièce, le combat reprenait — ou se poursuivait — entre Ordre et Mangemorts.
« Ce sont… toutes nos baguettes ? » murmura soudainement Ron, le regard rivé sur les quelques baguettes posées sur le muret derrière lequel ils se cachaient. « Quand sont-elles arrivées là ? »
Hermione saisissait la sienne. « Aucune idée, ce n'est pas vraiment un endroit qu'on regarderait en temps normal. »
Ron ne trouva rien à redire à la remarque qui demandait implicitement pourquoi il avait abaissé la tête pour les voir. Alors qu'Hermione décidait de rejoindre la bataille, Ginny puis Luna récupéraient également leurs baguettes.
« J'aime vraiment bien Draco. », commenta naïvement Luna.
Ron fut le dernier à récupérer son arme, et à décider de retourner au combat.
Harry poursuivait Bellatrix avec toute la rage que son cœur pouvait contenir. Elle avait torturé ses parents, elle les avait rendus fous, et elle avait tué Sirius. La dernière fois qu'il avait parlé avec l'homme, il lui avait dit qu'il le dégoûtait. Il s'en voulait profondément, mais rien ne surpassait sa haine de Bellatrix. Elle riait, chantait, se vantait qu'elle avait "tué Sirius Black".
« Endoloris ! » hurla Harry. Il voulait qu'elle souffre comme elle avait fait souffrir ses parents. Elle tomba au sol, et se retourna vers les trois adolescents. Elle ne disait plus rien, ne hurlait pas non plus, ni ne souriait.
« Expelliarmus ! » lança Neville pour être certain qu'elle n'utiliserait pas sa baguette. Toutefois, il n'approuvait pas l'usage d'une telle malédiction de la part de son meilleur ami. « Harry… »
La femme tourna ses yeux vers le blond à gauche de Harry, en retrait. « Et toi, mon petit Draco, tu vas me jeter un sort, aussi ? »
Le jeune Malfoy demeurait aussi dormant qu'une étendue d'eau calme. « Attaquer ma tante ? Je ne touche pas à la famille. »
« Tu es avec eux ? » questionna froidement Harry, sa baguette toujours dirigée vers la sorcière noire.
« Il a attaqué l'un de nous ! » contra Bellatrix.
« Et je n'ai pas fait exprès ! » répliqua Draco. « Je ne suis pas habitué à un tel combat. Je visais Rem-us Lupin, mais ils bougeaient tous les deux tellement… »
Le rire de Bellatrix commençait à revenir peu à peu, fou, tandis qu'elle regardait Harry. « C'est tout ce que tu peux faire, bébé Potter ? Tu ne peux même pas te concentrer sur un simple sort ? »
La main de Harry aurait pu trembler. Elle ne le fit pas. Si Bellatrix s'était tordue ou avait hurlé comme l'avaient fait ses parents ou l'araignée, alors Harry aurait pu hésiter. Elle restait tellement calme, qu'il n'avait aucune raison de se restreindre. « Endoloris ! » répéta-t-il encore, et elle cessa à nouveau de rire. Elle devait payer. Elle les avait torturés. Œil pour œil, dent pour dent. Sirius était mort de sa main.
Une voix basse, douce, envoûtante, s'éleva autour d'eux, sifflante et corruptrice. « Il faut le vouloir, Harry Potter. Elle l'a tué, elle le mérite. »
Harry et Neville se retournèrent en un instant vers l'homme dans leur dos. Aussi vif, Draco put saisir le bras de Harry pour l'abaisser. « Non ! » cria le Serpentard avec urgence. Un simple mouvement, informulé et sans baguette, de Voldemort et la baguette de Neville tomba au sol dans un petit bruit plat.
« Trop faible. », commenta le Seigneur des Ténèbres. Dans le dos des adolescents, Bellatrix allait discrètement récupérer sa baguette.
« Ce n'est pas faible de refuser de torturer ou de tuer. », contra Neville, le regard inflexible face au puissant mage noir.
Harry tourna la tête vers Draco. « Qu'est-ce qui te prend ? »
Voldemort répondit doucement, tandis que Draco enlevait sa main du bras de son ami, non sans lui avoir arraché sa baguette. « Il aura suffi de vingt-quatre heures. Vingt-quatre petites heures pour le convaincre. Voyez, vous pourriez aussi décider de me rejoindre… »
« Jamais ! » refusa Neville.
« Endoloris ! » lança Bellatrix dans le dos de Harry. L'adolescent s'effondra sur le sol en hurlant de douleur. La sorcière parlait d'un ton jouissif. Elle aimait, elle adorait, apporter la souffrance. « Je peux t'enseigner comme y arriver, bébé Potter. Je peux te montrer comment on fait. »
« Tu pourrais enfermer la douleur. », commenta doucement Draco. « Ce n'est qu'un sentiment, une sensation. »
Harry ne tarda pas à comprendre l'allusion à l'occlumancie. Était-ce ce que Draco utilisait depuis le début ? Cela n'aurait aucun sens, il lui avait pris sa baguette. Il oublia pour un temps les actions de Draco, et se concentra pleinement sur la gestion de sa douleur. Pouvait-il vraiment la cataloguer, et l'enfermer dans une boîte avec l'occlumancie, pour l'oublier comme n'importe quel sentiment ? Sensations et sentiments étaient-ils vraiment comparables ? L'esprit est une chose bien complexe, à plusieurs niveaux. Peut-être… La malédiction de Doloris était un sort dont la seule fonction était de faire souffrir, rien ne pourrait la contrer… pourtant n'était-il pas possible de se soustraire à l'Imperium grâce à la volonté ou à l'occlumancie. Harry s'efforçait d'user de toutes ses connaissances pour suivre le conseil du jeune Serpentard bien plus expérimenté que lui.
Pendant ce temps, Voldemort s'adressait à Neville. « Tout ce que tu obtiendras en me tenant tête, c'est de voir ceux que tu aimes souffrir. C'est votre plus grande faiblesse, ce prétendu amour que vous partagez les uns pour les autres. Une stupidité. »
« Ce n'est pas faible. C'est la magie la plus puissante qui soit. »
« Tu as bien appris les discours de Dumbledore. Pourtant, n'as-tu pas brisé ma prophétie, alors que tes "amis" risquaient la mort ? »
« Votre prophétie ? Pourquoi ne pas être allé la chercher vous-même ? Vous auriez évité que je la fasse tomber. Je suis très maladroit vous savez. »
« Ça n'avait pas l'air d'une maladresse. », rétorqua froidement l'homme comme s'il lisait dans l'esprit de Neville ses souvenirs. Le garçon-qui-avait-survécu s'efforça de construire un barrage mental. Il ne fallait surtout pas que l'homme puisse identifier entièrement la scène, voir l'implication de Draco… L'homme se tourna vers le blond. « Draco, qu'est-ce que c'était ? »
« Quoi, mon Seigneur ? »
« Ce "conseil" que tu as donné à ton "ami". »
« Si vous évoquez sa méprisable action au sujet de la prophétie, je lui indiquais de la remettre à mon père. Et il a refusé. Il m'a clairement signifié son désaccord juste avant de la jeter au sol. »
Soudainement, un bruit de cheminette retentit, et tous se tournèrent vers l'endroit où Dumbledore apparaissait entre les flammes vertes.
« C'était une erreur de ta part de venir ce soir, Tom. Les aurors sont en route. », déclara le vieil homme. Bellatrix avait relâché son sort, et Neville aidait Harry à se relever.
« Quand ils arriveront, je serais parti, et toi, tu seras mort, vieillard. »
Aussitôt, un grand duel commença entre les deux hommes. Le premier mouvement du directeur fut d'éloigner ses élèves grâce à un puissant sort de vent. Les trois adolescents coururent se mettre à l'abri comme ils pouvaient. Voldemort persistait à dévier quelques sorts vers les enfants comme pour rappeler à Dumbledore qu'ils étaient toujours là et qu'il devait continuer de veiller à les garder protégés, rendant le conflit inéquitable. Bellatrix en avait profité pour filer par le feu de cheminette.
« Est-ce que vous voyez quelque chose qui ressemble à une face de serpent ? » questionna Harry à voix basse.
« Une face de serpent ? » s'étonna Draco. « C'est comme ça que Théo parle du Seigneur des Ténèbres. D'où… »
« Mais oui, bien sûr ! L'information vient de Nott. »
« Quelle information ? »
Neville lui expliqua prudemment. « Il va cracher des flammes. »
« Il aurait relayé le message de Parvati de la pire façon qui soit. », développa Harry.
Avant qu'ils ne puissent faire quoi que ce soit, Voldemort envoya un puissant sort de flamme maudite, sous la forme d'un immense serpent, un basilic peut-être, que Dumbledore parvint à contrer par prodige.
Draco était convaincu. « Ok. Qu'est-ce qu'il a dit ensuite ? »
« Il a parlé de verre. »
« De poussière de verre. », précisa Neville.
« Et que Neville finirait au sol. »
Le combat se poursuivait, et les adolescents devaient s'efforcer de rester derrière le directeur afin de garder une protection. Ils s'approchèrent lorsque le centenaire enferma Voldemort dans une bulle d'eau. Le directeur les repoussa derrière lui, plus près de la fontaine, pour les écarter de la suite du combat qu'il savait non terminé. Ce geste permit au Seigneur des Ténèbres de se libérer. À nouveau les pieds sur terre, l'homme éleva les bras, et toutes les vitres se brisèrent.
« Ça, c'est le verre. », informa Draco, assez fort pour que le directeur l'entende et tourne un œil curieux vers eux. Les morceaux de verres brisés foncèrent vers eux.
« Attention ! » s'exclama Neville.
Le directeur se concentra pleinement sur l'offensive de Voldemort.
« De la poussière de verre… », chuchota Harry.
Le directeur leva un bouclier.
« Attention à vos yeux ! » s'écria le garçon aux yeux verts.
Le bouclier du directeur changeait le verre en poussière. Tous se protégèrent les yeux du mieux possible. Voldemort sembla peu satisfait de l'efficacité de son attaque. Subitement, il disparut, comme s'il s'était changé en poussière. Dumbledore restait sur ses gardes, alors aucun des étudiants ne baissa sa vigilance. Tout d'un coup, Neville s'effondra sur le sol poussiéreux. Il sentait la possession douloureuse, la tentative de Voldemort de s'emparer de son esprit, de le contrôler, de le détraquer. Ses amis et le directeur s'agenouillaient à côté de lui, alors que ses yeux s'illuminaient d'un vert pâle étrange et que sa voix n'était plus la sienne.
« Tu as perdu, vieillard. », entendait-il son corps prononcer. Ce n'était pas lui, c'était Voldemort. Neville revoyait les souvenirs de la mort de Cédric, ceux de l'arrestation de Hagrid, le basilic, la souffrance, la mort. Et cette voix incessante dans son esprit qui lui rappelait sa faiblesse. Mais il n'était pas faible. Il se concentra sur ses souvenirs plus heureux, sur l'amitié, et l'amour, ces scènes du quotidien où il riait avec ses amis, les moments terribles où ils faisaient front unis, toujours là les uns pour les autres. Ce n'était pas lui, le faible, c'était Voldemort, celui incapable de reconnaître la valeur de cette force, incapable de ressentir ce sentiment inébranlable de l'amour. Voldemort ne connaîtrait jamais ce que la vie avait de plus merveilleux à offrir, et pour cela, Neville le plaignait sincèrement. Il parvint, par la force de sa volonté, à repousser la possession de Voldemort. L'homme reparut debout devant lui, protégé des attaques éventuelles par un mur de poussière.
« Tu es un idiot, Neville Longbottom. Et tu vas perdre, tout perdre. », menaça-t-il un instant avant que les membres du ministère arrivent en grand nombre par les feux de cheminette. Le ministre lui-même, en pyjama et peignoir, débarquait à l'avant, et son souffle se coupa en voyant le mage noir. Voldemort avait relevé la tête au son des entrées, et disparu, partant vraiment cette fois dans un transplanage inaudible.
« Il est revenu. », lâcha, béat, le ministre.
