(L'Ordre du Phénix) Le commencement


Tous les Mangemorts qui avaient participé à l'attaque, à l'exception de Bellatrix, furent arrêtés. Les baguettes de tous avaient été récupérées, à l'exception de celle de Lucius Malfoy qui semblait s'être volatilisée. Cela n'empêcha pas le riche Sang-Pur d'être envoyé à Azkaban comme les autres. En parallèle, la réputation de Dumbledore et Longbottom fut rétablie, et le ministre démissionnait. Ce dernier fut remplacé par Rufus Scrimgeour, chef du Bureau des Aurors, qui céda donc sa place à un certain Gawain Robards. La Gazette du Sorcier annonça au monde le retour de Voldemort. Le directeur de Poudlard, réintégré, était allé rechercher Ombrage auprès des centaures, et la femme fut suspendue de ses fonctions le temps d'une enquête. Malheureusement pour les plans de Draco, son père n'avait plus aucun pouvoir pour la faire incarcérer. Une fois Ombrage partit, il ne fallut guère plus de 10 minutes aux professeurs pour enlever le marais du couloir, et Flitwick remarqua qu'il fallait admirer le travail des jumeaux.

Pendant que le groupe était parti au ministère, Théodore et Parvati étaient allés se présenter aux encadrants des épreuves pour demander à ce que tous puissent repasser celle de l'histoire de la magie, étant donné la perturbation importante qui avait eu lieu. La vieille femme qui gérait l'académie accepta aisément, et avait fait prévenir les élèves que l'épreuve aurait lieu à nouveau samedi, le temps qu'ils préparent un nouveau sujet d'examen.

Après la fuite de Voldemort, les quelques membres de l'armée de Dumbledore n'avaient pas tardé à être reconduits à l'école, tous avec un passage obligatoire à l'infirmerie où ils furent traités par Pomfresh et Lily. Cette dernière se montra assez sèche et mécontente de leur "irresponsabilité". Le seul qui trouva grâce à ses yeux était Draco, ce qui ne fut pas pour plaire à ses camarades. Ils eurent aussi droit à la visite d'un maître des potions en colère, qui leur fit une bonne leçon de morale.

Quand il avait quitté le bureau d'Ombrage et était retourné dans les donjons, Severus avait commencé par questionner ses élèves sur Draco, pour découvrir qu'en effet le garçon avait été appelé par son père la veille, et que personne ne l'avait vu depuis. Il savait très bien que tant que Lucius trouverait un minimum de courage et de colonne vertébrale, l'homme protégerait son fils. Il savait également reconnaître que la vision de Neville pouvait avoir été fabriquée par le Seigneur des Ténèbres. Toutefois, il envoya son patronus à Sirius pour le mettre au courant, et insister notamment sur la possibilité que des Mangemorts et peut-être le Seigneur des Ténèbres lui-même se trouvaient au département des mystères, dans la salle des prophéties. Le travail de Black consistait ensuite à réunir quelques membres de l'Ordre. Severus les avait laissé gérer jusqu'à ce qu'il découvre que certains étudiants assez particuliers avaient fugué de l'école. Il était immédiatement allé interrompre la joyeuse discussion de Black et ses amis pour les presser un peu plus à l'action. Il avait de plus, cette fois, envoyé son patronus au directeur pour l'informer de la folie de son cher Longbottom. Et comme il était un espion, il n'avait personnellement à n'interférer d'aucun des deux côtés.

S'il ne conta pas cela aux élèves, il obtient en revanche des informations de leur part sur le déroulé de leur nuit, et notamment la mort de Sirius qui mettait Harry dans tous ses états. À présent en sécurité, le garçon ne pouvait s'empêcher de pleurer, de préférence dans les bras de sa mère.

Une fois soigné, Neville se dirigea vers le bureau du directeur. Pour la première fois de l'année, il parvint à y accéder. Le directeur l'accueillit avec un sourire triste et l'invita à s'asseoir sur une banquette autour d'une table basse pour prendre le thé qu'ils allaient partager. Le vieil homme prit place face à lui, et reconnut la terrible erreur qu'il avait faite en ignorant le garçon toute l'année. Il pensait que s'il s'éloignait, Voldemort serait moins enclin à entrer dans l'esprit de Neville. Après quelques discussions, Neville aborda le sujet de la prophétie.

« Pourquoi Voldemort ne l'a-t-il pas récupéré lui-même ? Ou un de ses Mangemorts ? Pourquoi m'avoir attiré là-bas pour ça ? »

« Tu vois, Neville, seul quelqu'un qui fait l'objet d'une prophétie peut la retirer. »

« Je l'ai brisée. »

« Ce n'est pas très grave. Comme ça, plus personne, et surtout pas Voldemort, ne pourra la prendre. Il ne t'attirera plus dans ce genre de piège. »

« Et si… et s'il retentait d'entrer dans mon esprit ? »

« L'expérience a dû être aussi douloureuse pour lui que pour toi. Je ne pense pas qu'il réessayera. »

Neville hocha doucement la tête. « J'ai entendu le début. », lâcha-t-il subitement, avec grand sérieux.

« De la prophétie ? » demanda le directeur.

« Oui. Ça disait que quelqu'un naîtrait fin juillet avec le pouvoir de vaincre Voldemort. Et que Voldemort le marquerait comme son égal. Pourquoi ça parlait de moi ? Pourquoi pas Harry ? »

Le directeur prit une profonde respiration. « Parce que Voldemort t'a choisi comme son égal, en te faisant cette cicatrice, il a scellé son propre destin, et a désigné celui dont parlait la prophétie. »

« Pourquoi m'a-t-il choisi ? Pourquoi il voulait me tuer ? Il savait déjà ? Mais alors pourquoi il aurait besoin de cette prophétie ? Et comment a-t-il su qu'elle existait ? »

« Il y a très longtemps, un jeune Mangemort a entendu le début de la prophétie, et il est allé la rapporter à son maître. À l'époque, Voldemort avait le choix entre deux garçons. Toi, et Harry. Il nous a fait croire qu'il s'en prendrait à Harry, mais pour une raison inconnue, il a finalement décidé de s'en prendre à toi. Et l'amour de ta grand-mère t'a protégé. Je ne dis pas que tes parents ne t'aimaient pas, bien au contraire. Toute ta famille était heureuse de t'accueillir. Ils savaient tous aussi que des Mangemorts pourraient vouloir s'en prendre à Frank et Alice, parce qu'ils étaient des membres de l'Ordre, des ennemis du Seigneur des Ténèbre. Alors ils s'étaient tous réunis dans la même maison pour vous protéger. Mais quand Voldemort est venu en personne en pleine nuit d'Halloween, ils n'ont rien pu faire. Voldemort a tué tes parents sans hésiter. Comme te l'a dit la prophétie, ils l'avaient défié par trois fois. Le genre d'affront pour lequel Tom est peu tolérant. Il a affronté toute ta famille, et a exterminé le nom Sang-Pur des Longbottom. Cependant, quand est venu le temps de s'en prendre à toi, ta grand-mère te protégeait aussi. Augusta était une sorcière très puissante, très respectable. Je ne doute pas que Voldemort ait voulu lui offrir une chance de s'écarter, et de le rejoindre. C'est son refus de vivre et de te laisser mourir qui a rendu son sacrifice protecteur. C'est son amour qui a placé en toi sa protection, celle qui a permis de vaincre Voldemort cette nuit-là, et encore lorsqu'il possédait le professeur Quirrell. Quand il est revenu l'année dernière, il s'est souvenu de la prophétie, et a pensé qu'il lui fallait absolument la fin. Heureusement, grâce à ton courage, il ne l'aura jamais. »

« Pourquoi a-t-il choisi Harry en premier ? »

« Je n'en ai pas la moindre idée. À vrai dire, je ne sais pas s'il pensait vraiment à s'en prendre à Harry. Ce pouvait être une simple diversion pour que nous concentrions tous nos efforts sur la protection des Potter, et que nous oublions celle des Longbottom. Je suis navré que ce plan de Tom ait fonctionné, vraiment. »

« Jusqu'où a-t-il connaissance ? Quelle partie lui a rapportée le Mangemort ? »

« Seulement le tout début, la partie qui indique ta naissance. Il ignore même que celui dont parlait la prophétie sera marqué par lui. »

« Mais alors, il pourrait encore penser qu'il s'agit de Harry ! »

« Non, je ne pense pas. Tu lui as échappé suffisamment de fois, même quand tu étais bébé, pour qu'il soit convaincu que ce soit de toi qu'il s'agisse. En voulant empêcher l'accomplissement de la prophétie, en y croyant, il a scellé son propre destin. »

Neville rit ironiquement. « Oh, alors nous devrions remercier le Mangemort qui la lui a transmise. Sans cela, il n'aurait jamais été vaincu, et nous aurions subi la guerre en continu encore pendant 14 ans sans qu'il disparaisse. » Il s'arrêta soudainement, et fixa Dumbledore. « Comment en savez-vous autant sur la prophétie, directeur ? Comment pouvez-vous savoir la partie qui aurait été entendue et répétée par un Mangemort ? Qui était-ce ? »

« J'étais présent, lorsque le professeur Trelawney a énoncé cette prophétie. C'est pour cela que je l'ai recrutée, même si elle ne fait pas un très bon professeur. Elle avait dorénavant besoin de ma protection, puisqu'un Mangemort l'avait entendue. J'ai remarqué la présence de quelqu'un, et ce jeune Mangemort a fui sans que je puisse le reconnaître. »

« Alors comment savez-vous qu'il s'agissait d'un Mangemort ? »

Le directeur sembla tout d'abord peu enclin à lui répondre, puis finit par reprendre la parole. « Je l'ai découvert plus tard. »

« Donc vous savez de qui il s'agissait, professeur ? » insista l'adolescent.

« Ça, Neville, je crains de ne pas pouvoir te le dire. J'ai peur que tu t'enfermes dans le ressentiment, un peu comme Harry vis-à-vis de Pettigrow ou de Bellatrix Lestrange. »

« Je n'aime pas la vengeance, professeur Dumbledore. Elle détruit la beauté intérieure d'un être, et sa paix. Je ne veux pas entacher mon âme de tels sentiments. »

« Aussi pure que soit ta conviction, Neville, même le meilleur des hommes peut se laisser tenter lorsqu'il s'y attend le moins. »

Neville décida de laisser tomber le sujet… pour l'instant. « Si vous avez entendu la prophétie, directeur… vous connaissez la fin ? »

Le vieil homme sourit. « Tu es curieux, Neville, n'est-ce pas ? »

« Je l'avoue, oui. Et puis, je suis concerné. »

« Tu es dans ton plein droit. Je vais te la dire. À moins que tu préfères voir mon souvenir ? Ce serait pour le mieux. »

Neville se sentit quelque peu gêné. « Euh… je préférerais éviter de… retourner dans une pensine tout de suite. »

« Y a-t-il un problème, Neville ? »

« Eh bien, j'ai peut-être… avec Harry et Draco… ils voulaient fouiller la pensine de Severus, et au lieu de les en empêcher, je les ai accompagnés. Vous pourriez deviner la suite. »

« Et qu'avez-vous vu ? » demanda l'homme avec un mélange de curiosité aimable et de gravité. Il ne semblait pas du tout sur le point de le réprimander.

« Juste un souvenir, et pas entier, avant que Severus ne nous en sorte. Disons pour faire cours que nous avons vu comment se comportaient les Maraudeurs à son égard, et je ne pense pas qu'il apprécierait que je vous en parle, directeur. »

« Je sais déjà beaucoup de choses à ce sujet, Neville. », informa gentiment le vieil homme.

« Je préfère oublier que m'en rappeler, directeur. Pouvez-vous me dire la prophétie, s'il vous plaît ? » Il jeta un œil vers le mur qui cachait, il le savait, la pensine du directeur. « À voix haute. », précisa-t-il.

« Bien sûr. Si c'est ce que tu préfères. »

Alors il lui récita, à l'exactitude parfaite.

Celui qui a le pouvoir de vaincre le Seigneur des Ténèbres approche… Il naîtra de ceux qui l'ont par trois fois défié, il sera né lorsque mourra le septième mois… Et le Seigneur des Ténèbres le marquera comme son égal, mais il aura un pouvoir que le Seigneur des Ténèbres ignore… Et l'un devra mourir de la main de l'autre, car aucun d'eux ne peut vivre tant que l'autre survit… Celui qui détient le pouvoir de vaincre le Seigneur des Ténèbres sera né lorsque mourra le septième moi…

À la fin, Neville était pâle comme la mort.

« Alors… ça veut dire que… que l'un de nous devra tuer l'autre ? Ce sera lui ou moi à la fin ? »

Le vieil homme hocha la tête. « Je le crains. »

« Et ce… pouvoir dont il ignore l'existence, c'est l'amour, n'est-ce pas ? »

« C'est aussi ce que je pense. »

« Tout ça, cette prophétie… va-t-elle forcément se réaliser ? »

« Il est difficile de savoir interpréter une prophétie, et beaucoup ne se réalisent jamais, ou alors pas quand on le croit et seulement bien plus tard, avec un sens différent de celui qu'on avait cru comprendre à l'origine. Toutefois, quand on croit fermement à quelque chose, alors on finit par le voir. Par exemple, vous êtes allé dans la salle de la Mort, cette nuit. La vieille arcade en son centre est dite séparer le monde des vivants de celui des morts. Seuls ceux qui croient en son pouvoir, qui croit en une vie après la mort, peuvent entendre les voix qui s'en élèvent. Voldemort croit en cette prophétie, et ses actions poussent à sa réalisation. J'aurais tendance à penser que les derniers événements montrent qu'elle se réalisera. Nous pouvons aussi juger que la deuxième prophétie de Trelawney, celle que tu as entendue en troisième année, s'est déjà accomplie : il s'agissait du retour du Seigneur des Ténèbres, et de Pettigrow à ses côtés. »

Neville n'aima pas entendre que la prophétie était vraie. « Mais… le fait que l'un de nous devra tuer l'autre, ça ne veut pas dire que… je dois le faire seul, n'est-ce pas ? »

« Toi seul, et Voldemort, êtes concernés. Mais oui, tu peux avancer sur le chemin avec le soutien de tous ceux qui sont là pour t'aider. Tu devrais retourner auprès de tes amis. Ils ont besoin de toi, surtout Harry. Nous en parlerons davantage l'année prochaine, si tu veux bien. »

Neville le fixa, impassible. Il resta immobile un certain temps, avant de reprendre la parole. « Cette fois, nous en parlerons vraiment à la rentrée, professeur ? »

« Bien sûr, Neville. J'ai commis une erreur cette année, et je ne recommencerais pas. Je suis désolé de t'avoir laissé si seul. Va retrouver tes amis. »

Le sourire encourageant du vieil homme poussa l'adolescent à obéir. Même si Neville n'avait pas la moindre idée de la manière dont il pourrait soulager la peine de Harry.


Ils passèrent toute la journée entre eux, à l'infirmerie. Le lendemain, ils firent leurs bagages le matin, et se rendirent à leur dernier examen l'après-midi. Aucun d'eux n'avait vraiment la tête à répondre à des questions d'histoires, que ce soit sur les guerres goblines : « La législation sur les baguettes magiques a-t-elle favorisé les émeutes de gobelins au XVIIIe siècle ou, au contraire, permis de mieux les contrôler ? » ; la loi du secret : « Comment le Code du secret fut-il volé en 1749 et quelles mesures furent prises pour éviter que cette situation ne se reproduise ? » ; ou bien même les questions les plus grotesques dont certains d'entre eux ne savaient même pas de quoi cela parlait : « Décrire les circonstances qui ont mené à la fondation de la Confédération internationale des sorciers et expliquer pourquoi les sorciers du Liechtenstein refusèrent d'y adhérer. ». Seule Hermione retrouvait encore la capacité d'écrire intensément ses réponses. Neville se trouvait plus concentré que Harry et Draco, l'un éminemment endeuillé, l'autre aussi, en quelque sorte, par l'arrestation de son père ; et Ron finit par juger que puisqu'il n'avait fait que dormir durant le cours, il pouvait bien faire de même durant l'épreuve. À l'inverse d'eux, Parvati se montrait beaucoup plus appliquée sur son devoir que la fois précédente, même plutôt satisfaite d'en savoir bien plus que deux jours auparavant, tout comme sa jumelle Padma. Quant à lui, Théodore gravait les réponses sur son parchemin avec un enthousiasme rare.


Alors qu'ils se dirigeaient vers le banquet, Neville et Harry trouvèrent Luna en train d'accrocher des papiers aux murs. Ils s'approchèrent d'elle.

« Qu'est-ce que tu fais ? » demanda Harry.

Elle se retourna vers eux. « Oh, j'ai perdu toutes mes affaires. Apparemment, des gens les ont cachés. »

« Tu devrais le dire au professeur Flitwick. », conseilla Neville.

« Non, ce n'est pas très grave. Seulement, comme c'est le dernier jour, il faut que je les récupère. »

« Tu veux qu'on t'aide à chercher ? » proposa Harry.

Elle secoua la tête. « Ça ira. Et puis, ma mère disait toujours que les choses qu'on a perdues finissent toujours par revenir… » Elle levait le regard vers l'ogive la plus proche, où des chaussures suspendues pouvaient être aperçues. « … seulement, pas toujours de la manière qu'on pense. »

Neville sortit sa baguette pour les décrocher, et les faire léviter jusqu'à eux. « J'aurais au moins réussi cette partie de mon examen de charmes. », affirma-t-il. Il offrit les chaussures à la fille.

« Merci. » Elle profita que les lacets soient attachés entre eux pour les passer par-dessus son cou. « Je pense que je vais aller au banquet. »

« Après, nous pourrons t'aider à chercher. », insista Neville alors qu'ils faisaient demi-tour vers le banquet.

Malgré le manque de fair-play dû à quelques événements, qui n'avaient guère besoin d'être rappelés, Dumbledore décida de donner tout de même la coupe de Maison, non sans avoir accordé à chacun de Neville, Harry, Ginny, Hermione, Luna et Ron, 50 points. Ainsi, Gryffondor n'était plus en négatif, et Serdaigle gagnait la coupe. Beaucoup rirent aux éclats quand il fut révélé que malgré les déductions de points douteuses de la brigade inquisitoriale, Serpentard ne gagnait pas la coupe.


Le soir, Draco trouva Théodore installé sur un des canapés à côté de la cheminée, travaillant encore, une pile de deux livres et plusieurs parchemins posés à côté de lui pendant qu'il lisait avec un ouvrage en équilibre sur son genou, tout de même soutenu par sa main, et griffonnait des notes sur le papier déplié sur son autre jambe. Draco songea qu'avec un tel tableau, le garçon ressemblait davantage à un intellectuel zélé qu'à un politicien. Il s'approcha, saisit la pile — ce fut ce mouvement qui attira le regard, assez mécontent d'ailleurs, de son camarade — et s'assit à ses côtés.

« Il faut qu'on parle. », déclara Draco, tout en redéposant la pile à côté de lui, c'est-à-dire plus loin encore de Théodore.

« Non. », répondit, catégorique, le garçon qui pourtant ne quittait pas des yeux le visage du blond.

« Sais-tu le nombre de fois où tu m'as dit cette phrase, et où je n'ai pas pu m'y soustraire ? »

Cette fois, la réponse fut plus détendue, et presque souriante. C'était, en fait, une politesse feinte. « Un certain nombre. Mais je suis plus doué que toi. Pourrais-tu me rendre mes livres ? »

« Je suis sûr qu'ils sont à la bibliothèque de Poudlard. Pourquoi tu travailles encore ? Le train part demain matin ! »

« J'ai donc jusqu'à demain matin pour les rendre. Dois-je te rappeler que nous avons toujours des devoirs de vacances, même si nos matières ne sont pas encore définies ? »

« Ce qui est absurde. »

« Connais-toi toi-même, et tu sauras assez précisément les cours que tu parviendras à suivre l'an prochain. Puis-je, je te prie, récupérer ces ouvrages et mes parchemins. »

« Quand nous aurons discuté. Tu vois, je ne m'en sors pas si mal. » Draco souriait tranquillement. Théodore souffla.

« Très bien. Qu'est-ce que tu veux ? »

« Ton père est à Azkaban. »

« J'avais noté. » Le plus étrange, était le changement soudain d'attitude de Théodore, dont un sourire de la plus haute satisfaction possible germait sans qu'il puisse le cacher. Ses doigts se mettaient à jouer avec sa plume comme s'ils voulaient danser, et toute son expression semblait plus légère.

« Ton père. », insista Draco, totalement déboussolé.

« Oui, c'est cela. Le tien aussi, d'ailleurs. Tu as autre chose à dire ? » Même sa voix chantait presque.

« Cache ta joie, surtout. », commenta Draco sarcastiquement, toujours perturbé.

« Non, c'est pas la peine. », éluda-t-il rapidement. « Alors, que voulais-tu ? »

« Savoir comment tu le prenais. », répondit-il avec incertitude, sourcils froncés d'incompréhension. Il se reprit pour plus d'assurance. « Et où tu irais, maintenant. Ton père est ta seule famille, n'est-ce pas ? »

« Eh bien, j'aurais pensé que notre accord tenait toujours. Tu sais, tu me devais une faveur. Sinon, légalement, je vais avoir une petite discussion avec le professeur Snape. »

« Il ne va pas s'en occuper ! » s'indigna Draco.

Théodore le regarda, blasé. « C'est notre chef de Maison, Draco. C'est dans son rôle de gérer ce genre de situation. » Il se leva, livre, parchemins et plume dans ses mains. « D'ailleurs, je vais y aller. » Il posa son matériel sur la table basse, et partit.

La seule chose que Théodore comptait négocier, était de ne surtout pas se retrouver dans une famille de Mangemort. Ce qui incluait le professeur. Il voulait s'en éloigner le plus possible.


Le lendemain matin, le train partait pour emmener les élèves à Londres, où chacun retrouverait sa famille. Neville restait sur le quai, avant de retourner auprès de Hagrid dans sa hutte au bord de la forêt interdite. Harry observait le paysage, silencieux durant tout le trajet, s'interrogeant sur le vide que la perte de Sirius causerait à Square Grimmaurd où il avait été autorisé à retourner durant l'été, avec sa mère. Cette dernière avait retrouvé la garde de son fils, car après tout, personne ne pourrait interdire à une mère de s'occuper de son enfant sous prétexte d'amnésie partielle. C'était la seule consolation que Harry avait après la mort de son parrain.

Avant d'aller dans la maison où ils passeraient l'été à faire le tri dans les affaires de Sirius, ils devaient commencer par se rendre à Gringotts pour la lecture du testament. Quelle n'avait pas été la surprise de chacun d'apprendre par courrier officiel que Sirius avait fait un testament auprès des gobelins lorsqu'il était toujours considéré comme un fugitif par le monde sorcier.

Lorsque la mère et le fils entrèrent dans la salle de réunion prévue pour la lecture du testament, ils ne furent guère surpris d'y voir Andromeda Tonks, cousine bien-aimée de Sirius, et sa fille Nymphadora. En revanche, la présence de Draco et surtout de sa mère était une grande surprise. Lily sourit à la femme blonde.

« Bonjour, Narcissa. »

La Sang-Pur la gratifia d'un léger hochement de tête sec. Elle ne semblait guère se présenter au mieux de sa forme. Il fallait admettre que le fait que son époux ait été reconnu criminel et placé à Azkaban devait sans nul doute y jouer un rôle. Harry n'aurait pas pitié d'un homme qui était prêt à utiliser son propre fils pour arriver à ses fins. La femme se tenait droite, mais bras croisés, et très clairement les deux sœurs se faisaient la tête. Elles étaient chacune sur les sièges les plus éloignés possibles dans la salle, Narcissa à droite, Andromeda à gauche. Leurs enfants étaient chacun juste à côté de leurs mères respectives. Harry décida d'aller immédiatement s'asseoir à gauche de Draco, étrangement observé par Nymphadora. Elle ne semblait pas au courant. Lily alla docilement à côté de son fils. Pendant un instant, Harry avait cru voir Bellatrix Lestrange en apercevant le visage d'Andromeda, mais la femme avait des cheveux brun plus clair que les noirs profonds de Bellatrix. Une place supplémentaire avait été laissée, aussi chacun supposa à raison que la lecture attendait quelqu'un d'autre. Et en effet, un Remus aux yeux rougis entra quelque temps plus tard, et s'assit entre Nymphadora et Lily. La métamorphomage lui prit la main en signe de consolation.

La lecture du testament put commencer.

« Dernières volontés et testament de Sirius Orion Black… »

Il y eut quelques formules avant de passer aux donations.

« À Harry James Potter, mon filleul, je lègue le manoir Black, la maison où il a grandi qu'il chérira bien plus que moi. Je lui lègue aussi toutes les possessions qui n'auront pas été léguées à d'autres d'après la suite de ce présent testament. Je lui demanderais également de toujours accepter Remus John Lupin sous ce toit.

« À Remus John Lupin, mon meilleur ami et mon meilleur soutien durant toutes ces années, je lègue la totalité de ma fortune familiale, afin qu'il ait toujours la sécurité dont il a besoin, et le nécessaire pour obtenir les ingrédients les plus rares.

« À Andromeda Tonks, ma cousine préférée, qui a déjà tout ce dont elle a besoin et qui ne voudrait rien de Black, je lègue la lettre ci-jointe, afin de lui exprimer toute mon affection. J'ai hésité à te donner de l'argent, mais je me suis dit que tu n'en avais pas vraiment besoin.

« À Nymphadora Tonks, une merveilleuse auror avec qui il a toujours été un plaisir de travailler, je lègue tout mon matériel de travail d'auror, et mon bureau au ministère, si tant est que quelqu'un ne l'ait pas déjà fait disparaître ou réquisitionné. Tu peux toujours essayer de t'arranger avec Rufus Scrimgeour.

« À Draco Lucius Malfoy, qui n'a ni besoin de maison ni d'argent, je lègue toutes les possessions de mon frère Regulus Arcturus Black, dans l'espoir qu'il en fasse un meilleur usage, ainsi que Kreattur, à condition qu'aucun ordre ne puisse lui être donné à fin d'aider d'une quelque manière que ce soit le Seigneur des Ténèbres alias Lord Voldemort alias Tom Elvis Jedusor et j'espère que j'ai donné assez d'alias pour que tout le monde comprenne. »

« Y'a pas à dire, Sirius a une façon bien à lui de parler informellement, même dans les documents les plus sérieux. », lâcha Draco. Il se reçut une légère réprimande pour avoir interrompu, puis la lecture reprit.

« De plus, Kreattur reste l'elfe de la Maison des Black, Square Grimmaurd, et ne doit pas rejoindre les "réserves" Malfoy. Je te préviens, Kreattur a un sale caractère, même avec certains Sang-Pur. Au moins, tu es un Serpentard, toi. Il est même devenu fou depuis la mort de mon frère. Mais tu peux toujours essayer d'en tirer quelque chose. Évite juste de lui dire que tu es ami avec des sangs impurs. »

« Hermione n'aurait pas aimé l'entendre en parler comme ça. », chuchota Harry.

« Ça m'a tout l'air d'un cadeau empoisonné. », grinça à voix basse Draco.

Narcissa renifla de dédain. « Sirius a toujours mal traité Kreattur, même avant Poudlard, alors que Regulus l'adorait. Bien sûr que Kreattur en préférait un. »

Harry lança un regard noir à la femme qui insultait son parrain décédé. « Kreattur idolâtre la mère de Sirius, ou du moins son tableau. Pourtant, ça m'étonnerait qu'elle ait été très correcte avec cet elfe. »

« Nous ne sommes pas là pour de quelconques disputes. », réclama Lily. « Terminons cela, et partons. »

« Retourner voir ce cher Severus ? » se moqua Narcissa avec mépris et amertume.

« Eh bien, il n'a pas attaqué des enfants, lui. Ni personne, en sommes. »

« Mesdames, s'il vous plaît… », appela Remus.

Tonks poursuivit. « Même si Madame Malfoy ne respectait pas Sirius, elle pourra toujours se battre à l'extérieur. »

La séance se termina rapidement, et ils se séparèrent en deux groupes. Draco et sa mère retournèrent au manoir Malfoy, tandis que les autres se rendaient au quartier de l'Ordre, la demeure de Sirius Black, à présent celle de Harry Potter. Ainsi se terminait l'année pour Harry, sur la mort de son parrain, mais l'honneur de pouvoir habiter sa grande maison en compagnie de sa mère. Ils étaient en sécurité ici, tout comme Neville l'était sous les protections de Poudlard activés même durant l'été. Ils avaient tous besoin de sûreté. La seconde guerre des sorciers avait commencé.