(Le Prince de Sang-Mêlé) Le club des limaces


Draco s'arrangea pour tomber sur Harry au moment où il se rendait au dîner chez Slughorn. Il attendait, adossé à un mur proche du bureau de l'homme, bras croisés, dans l'ombre. Le seul problème était que sa cible arrivait avec Hermione et Neville. Qu'à cela ne tienne, il allait lui parler en tête à tête tout de même.

« Harry Potter, l'un de ceux sur qui ont entend le plus de ragots ces derniers temps. », appela-t-il d'une voix forte comme il savait faire ses entrées. Le trio, qui ne l'avait pas repéré avant, s'arrêta net et se tourna vers lui. Il sourit de son narquois travaillé. « Tu veux les connaître ? »

Ils ne remarquèrent pas que Slughorn, attiré par la voix inattendue, s'était placé de telle manière dans son bureau à voir au travers de la porte ouverte. Ils ne pouvaient pas savoir non plus que le vieil homme avait un très bon œil, et avait déjà vu quelque part les vêtements de Draco.

« Je n'ai pas le temps pour tes histoires, Draco. »

« Bien sûr que si. »

Il soupira. « Qu'est-ce que tu veux. Et franchement, pourquoi tu t'habilles comme ça, on dirait que tu vas à une fête tous les jours… ou que tu cherches à te camoufler dans les ombres. »

« Je te réponds, si tu m'accordes cinq minutes de ton temps. »

Draco ne regardait que Harry, et ses yeux ne s'égaraient jamais sur les deux autres. Neville compris aisément. « Hermione et moi y allons. Prenez votre temps. » Il observa Draco plus sérieusement. « Mais soit rapide, s'il te plaît. »

« Bien sûr. Il ne faut pas arriver en retard, ce serait impoli. »

Neville et Hermione se dirigèrent vers la porte. Harry croisa les bras. « Alors ? »

Draco vérifia que plus personne n'était à portée, avant de se pencher vers son camarade pour parler à voix basse. « Les ragots pour plus tard. Connais-tu les règles de bienséances, et de bonne conduite en société ? »

Harry ne lui répondit rien. Il enchaîna donc.

« Il s'avère que si une jeune femme entre dans une pièce, les hommes galants se lèvent en signe de respect. Même si elle est en retard. Et ils ne s'assiéront à table qu'une fois qu'elle sera assise. Voilà, une règle par jour est bien suffisante. »

« Tu es sérieux ? »

« Non, ça c'est pour ton parrain. C'est sa veste que tu portes ? »

Harry le toisa sans le moindre amusement. En silence.

« Ah, je devais répondre à ta question : Kreattur a choisi ma garde-robe. Ce que tu vois, ce sont les vieilles affaires de Regulus Black. Je respecte la dernière volonté de Sirius. » Il sourit malicieusement. « Passe une bonne soirée. »

Harry plissa les yeux, puis se détourna et se rendit au bureau de Slughorn, qui l'accueillit très heureux, et un peu curieux de savoir ce que voulait son camarade.

Draco s'éloigna dans le sens opposé, et trouva Ginny. Il la salua, et surtout, l'empêcha de passer. Elle lui fit face, impérieuse. « Tu veux quelque chose, Drac ? Tu sais que le dîner chez Slughorn est ce soir. »

« Bien sûr. Et je te proposerais plutôt de goûter au dîner que Dobby a préparé spécialement pour toi. Il nous a même préparé une belle salle pas très loin de la fête de Slughorn. »

« Pardon ? Tu m'invites à dîner ? À la place du dîner chez Slughorn ? Tu es jaloux de ne pas en être ? »

Il fit mine d'y réfléchir un instant, avant de laisser paraître sa totale indifférence. « Pas vraiment. Je te propose de t'y rendre en retard. Au dessert par exemple ? Les elfes de maisons se chargent de tout, donc Dobby nous avertira quand viendra le temps de t'y rendre. Mais en attendant, tu ne vas pas t'affamer tout de même. Donc, Dobby a préparé un dîner pour toi. Et moi. Autant que j'en profite pour être au calme loin de la grande salle. »

« Tu ne veux pas être seul avec Ron, ni avec les Serpentard, c'est ça ? »

« Il faut bien que j'y trouve un avantage pour moi. »

« Pourquoi moi ? »

« Parce que tu es celle qui pourrait trouver une surprise agréable en arrivant en retard au dîner de Slughorn. »

« Je ne vois pas en quoi. »

« Moi, je vois. »

« Ça ne m'intéresse pas. »

Il soupira. « Qui a permis aux Gryffondor d'être si têtus ? Je suis le Serpentard, laissez-moi appliquer mes plans comme bon me semble ! »

« Mais qu'est-ce que tu cherches ? À ce que Ron pense qu'on sort ensemble ? »

« J'espère que personne ne saura qu'on aura passé la soirée tous les deux. », répondit-il très sérieusement. « Je cherche à t'aider avec Harry avant que Ronald s'épuise à repousser tous les jeunes hommes qui voudraient s'approcher de toi. »

« En quoi Harry serait-il différent pour Ron ? »

Draco la regarda comme si elle venait de dire une absurdité. « En rien. », déclara-t-il telle une évidence. Il se reprit. « C'est celui qui t'intéresse, non ? »

« Pourquoi tu tiens tant à m'aider ? D'abord Neville, puis Harry ? »

« Je suis un homme d'honneur. Et tes frères, je parle ici des seuls convenables, m'ont forcé à accepter un marché avec eux. »

« Tu es ami avec Ron, quand vous ne cherchez pas à vous insulter ou vous lancer des sorts. »

« Tu sais de qui je parlais. »

« Fred et George essayent vraiment de me caser avec quelqu'un, n'est-ce pas ? Et qu'arrivera-t-il si je viens en retard ? »

« Tu verras. Peut-être rien. Peut-être un signe favorable. Fais-toi désirer, et on verra bien si Harry mord à l'hameçon. »

« Très bien. Je ne voudrais pas gâcher le plaisir de Dobby. Mais souviens-toi bien que tu es un fourbe, Draco Malfoy. »

Draco sourit. « Je vais prendre ça comme un compliment. », annonça-t-il. Il la conduisit jusqu'à la salle préparée, comme promis, par Dobby. Et Ginny ne pensait pas qu'elle regretterait d'arriver en retard. Elle veillerait surtout à remercier chaleureusement un certain elfe de maison.


Les convives s'installèrent pour le dîner autour d'une grande table circulaire, où Slughorn avait décidé des places de chacun. Ainsi, Neville et Harry étaient placés le plus en face de lui possible, surtout "l'élu". Hermione se trouvait à droite de Neville, et Ginny, quand elle se présenterait, serait à gauche de Harry. Slughorn était entouré par McLaggen et Zabini. Entre le Gryffondor et la fille aux cheveux indomptables, se trouvaient deux jumelles de Serpentard de septième année. Entre Zabini et la place vide, se tenaient un adolescent un peu empoté, et une jeune fille, sans doute Melinda Bobbin.

Pendant toute la soirée, Slughorn anima comme un parfait hôte. Il se renseigna sur les familles de certains, comme l'oncle Tiberius de Cormac McLaggen, celui qui était bien connecté au ministre de la magie, ou sur les compétences scolaires de d'autres, telles les nombreuses réussites scolaires d'Hermione, meilleure élève académiquement de son année, ou le don de Harry pour les potions, les sortilèges ou la défense contre les forces du mal. Ils trouvèrent l'occasion de vanter les mérites de Neville en botanique. En revanche, Slughorn sembla se désintéresser de l'un d'entre eux : Marcus Belby, le Serdaigle à côté de Zabini. Le maître des potions informa tout le monde que l'oncle de ce garçon, Damoclès, était l'inventeur de la potion tue-loup, fait qui intéressa également tout particulièrement Harry. Cependant, quand le professeur voulut avoir des nouvelles du brillant potionniste, Marcus eut la malencontreuse réaction d'expliquer qu'il ne lui avait guère parlé depuis longtemps, puisque son père et son oncle n'étaient pas en bon terme. Et pour cause : son père médisait sur les potions. Il venait à la fois de perdre son intérêt en tant que lié à une personne importante, et de critiquer au travers des mots de son père la matière qu'enseignait l'homme à qui il parlait.

Toute la soirée, Cormac envoyait des signaux déplacés à Hermione, qui s'en écœurait. Elle était heureuse de ne pas être proche de lui, puisqu'elle devenait persuadée que s'il l'avait pu, il lui ferait du pied, ou même pourrait oser poser sa main sur sa cuisse.

Quand Ginny entra, au moment du dessert qui prenait la forme de plusieurs boules de glaces dans une belle coupe en verre, Harry se leva. Son mouvement surprit tout le monde, mais Neville l'imita dans le silence gêné. Harry lui saurait gré plus tard de le faire se sentir moins seul. Il songeait aussi à maudire Draco pour un conseil apparemment d'un autre temps. Cependant, il sembla que Ginny fut touchée par l'attention alors qu'elle prenait place à table, après que Harry soit allé jusqu'à tirer sa chaise. Il n'avait pas besoin que Draco lui rappelle les règles ; il les connaissait déjà. Une fois seulement qu'elle fut installée, les deux jeunes hommes se rassirent. Slughorn félicita leur galanterie et savoir-vivre. Hermione se montra un peu amusée.

Bien entendu, la question de savoir pourquoi elle était en retard fut évoquée, pas par un de ses amis, en revanche. Elle expliqua avec un peu d'hésitation que le professeur Snape l'avait mise en retenue pour avoir maudit Draco. C'était toujours pratique de pouvoir mettre la faute sur le dos de Snape. Slughorn se renseigna sur la raison pour laquelle elle maudirait son camarade, en espérant qu'il ne s'agissait pas d'un Reducto. Ce commentaire déclencha quelques rires. Elle expliqua qu'il s'agissait du maléfice de chauve-furie, et que la manière dont le blond l'avait agacée ne revêtait aucune importance.

Après le dîner, Neville et Harry s'attardèrent. Le garçon aux yeux verts admirait un étrange objet à l'apparence précieuse sur le bureau du professeur, et bien sûr, le garçon-qui-avait-survécu restait avec lui. Il s'agissait d'un superbe sablier de plus de vingt centimètres. Trois serpents d'argents et d'émeraudes entouraient et soutenaient les deux compartiments de verre qui contenaient le sable d'un beau vert Serpentard. Les têtes de la mascotte de la maison se faisaient face trois à trois au sommet et au pied, tandis que les queues se croisaient deux à deux là où le verre s'amincissait. Comme beaucoup de sabliers, il était parfaitement symétrique. Mais le sable ne s'écoulait pas.

« Les garçons, vous devriez partir. », appela le professeur.

« Oui, désolé… », commença Neville.

Harry pouvait voir le sable se mettre soudainement à descendre en suivant un chemin sinueux, tourbillonnant, vers le bas. Il tombait vite. « J'admirais votre sablier, professeur. C'est étrange, le sable semblait figé, et tout d'un coup, il a commencé à s'écouler très vite. »

Slughorn les rejoignit. « C'est un sablier magique pour mesurer l'intérêt d'une conversation. Si elle est stimulante, il s'écoule lentement. Si elle ne l'est pas, alors il tombe rapidement. »

Subitement, Harry se sentait très gêné. « Oh, alors nous allons vous laisser… »

« Tout va bien. », affirma Slughorn.

Neville avait relevé le regard sur le mur derrière le bureau, où de nombreux cadres avaient été accrochés. Les photos des anciens membres du club. Slughorn s'en approchait de même, et expliqua.

« Tous ceux qui aspirent à devenir quelqu'un, aspirent à figurer sur ce mur. J'ai l'œil pour repérer les futurs grands sorciers. Bien sûr, Neville est déjà quelqu'un. » L'homme tournait un œil vers Harry. Le garçon n'avait guère besoin d'être un génie pour savoir qu'il n'était pour l'instant personne.

« Ce ne sont pas tout ceux que vous invitez à vos soirées, n'est-ce pas. Seulement vos favoris ? » Le sable commençait à s'écouler plus lentement.

« Je ne doute pas que vous y figurerez, Harry. Avec ce talent pour les potions… »

« Est-ce que le professeur Snape s'y trouve ? »

« Je dois admettre que le rôle de professeur n'est pas très ambitieux. Je trouve cela admirable, bien sûr, moi même je suis professeur, enseigner à la jeune génération, leur permettre de devenir quelqu'un d'important… mais seuls les directeurs de Poudlard restent dans l'histoire. Je ne devrais probablement pas le dire… Severus était brillant, sans aucun doute. Cependant, j'ai rarement vu un Serpentard avec aussi peu d'ambition. Je pensais quand même qu'il ferait des choses plus incroyables qu'enseigner, surtout qu'il n'était pas… »

Harry le coupa. « Social. Il était solitaire, froid et antipathique, c'est cela ? »

Slughorn le regarda attentivement, avec curiosité. « Où as-tu entendu ça ? »

« Je n'ai fait que deviner, professeur. », mentit-il sans problème.

Neville, qui observait chaque photo, prit la parole. « Est-ce que Voldemort a eu droit au mur ? »

Slughorn parut soudainement moins souriant.

Neville s'excusa. « Désolé, professeur. C'est juste… il a été votre élève, n'est-ce pas ? Et il était certainement brillant aussi. Le directeur nous a déjà dit que lorsqu'il était étudiant, il ressemblait à n'importe qui… alors, je me demandais… »

Slughorn semblait peiné. « J'ai eu des déceptions, bien sûr. Oui, quand il était étudiant, il était un garçon tout à fait normal. Personne n'aurait pu se douter… qu'il deviendrait le prochain Seigneur des Ténèbres. »

« Personne ne pourrait vous en vouloir si vous l'avez apprécié quand il était élève. Tom Jedusor savait se montrer très persuasif. Et je suppose que lorsqu'on enseigne à un enfant, ou même un adolescent, on ne s'attend pas à ce qu'il tourne mal. Et on ne voudrait pas le voir. »

Harry tenta de changer de sujet. Même si le sable s'écoulait lentement, il ne pensait pas que ce fut la meilleure discussion à engager. « Puis-je vous demander pourquoi vous avez choisi Blaise Zabini ? Ce n'est pas le meilleur élève de notre année, et de ce que j'ai compris ce soir, les sept époux de sa mère sont morts de façon douteuses. Zabini n'est connecté à aucun Mangemort, c'est sûr, mais… je ne comprends pas ce qu'il apporte à part se montrer plus fier et méprisant qu'avant. »

Contrairement à ce que Neville craignait, Slughorn semblait amusé. « Tu n'hésites pas à dire ce que tu penses, n'est-ce pas ? Comme ta mère. Toutefois, il faut éviter d'accuser sans preuve. La mère de Zabini, d'une grande beauté soi-disant passant, n'a jamais été accusée de quoi que ce soit. Certes, sept époux sont morts, mais rien ne dit qu'elle les ait tués. Avez-vous pensé à des malédictions, ou au hasard ? »

« Sept, c'est un peu beaucoup. », signifia Harry. Ils en avaient déjà parlé un long moment durant le dîner. Beaucoup d'autres possibilités que celle où la femme tuait ses époux pouvaient exister. Harry n'était pas convaincu. Surtout, il n'aimait pas Zabini, et personne ne pouvait lui en vouloir, vu que ce Serpentard méprisait tout le monde.

Neville posa une main sur l'épaule de son meilleur ami, et regarda respectueusement le professeur. « Je pense que nous devrions y aller, professeur. Il se fait tard, et même si Harry est préfet, ça ne nous autorise pas à circuler n'importe quand dans les couloirs. Si le professeur Snape nous surprend, nous aurons encore des retenues. »

Harry grimaça, et chuchota. « Rappelle-moi combien on en a, déjà ? »

« Trop. », chuchota son ami en retour.

Le professeur leur permit de partir, et leur souhaita le bonsoir. Les deux adolescents se dépêchèrent de rejoindre la tour de Gryffondor. Severus ne donnait aucune retenue qui ne soit pas justifiée, au moins depuis le début de cette année. Toutefois, il semblait qu'il avait demandé le "petit service" à McGonagall de les coller avec Rusard à la moindre incartade, avec comme réel prétexte qu'ils étaient allés risquer leur vie, encore, l'année précédente. À ce rythme, ils se demandaient qui avait eu le plus de retenue dans leur scolarité entre eux et les jumeaux Weasley.