(Le Prince de Sang-Mêlé) La jalousie d'Hermione
Comme le voulait la tradition, et surtout l'euphorie parmi les élèves, le soir venu, dans la salle commune de Gryffondor, la maison célébra la victoire, et acclama celui qui la leur avait apportée : Ron, grâce à ses magnifiques arrêts de but. Des bièreaubeurre, et aussi quelques boissons un peu plus alcoolisées, avaient été apportés en contrebande pour fêter le triomphe. Neville et Harry n'hésitaient pas à applaudir leur ami pour sa réussite, au contraire d'Hermione, à leur côté, qui jugeait encore que la triche était à l'œuvre.
« Tu n'aurais pas dû faire ça, Harry. », déclara-t-elle tout bas.
Neville lui jeta un coup d'œil. « Hermione, dans les gradins, tu encourageais tout autant que nous. »
« Et comment allez-vous faire la prochaine fois pour qu'il assure la victoire ? Un autre flacon ? »
Harry tourna la tête vers elle tout en mettant la main dans sa poche. « J'utiliserais peut-être le charme de confusion. »
Elle rougit un peu. « Ce n'était pas pareil. »
Harry lui montra le flacon. « Ou je lui redonnerais encore confiance. »
Hermione fixa le flacon plein.
« Il faudra expliquer à Ron après la fête. », décréta Neville. « Pour qu'il… »
Il s'arrêta soudainement alors que Lavande s'était jetée au cou de Ron et l'embrassait fougueusement. Extatique, le roux lui rendait avec ardeur. Beaucoup d'élèves se montrèrent impressionnés, et applaudirent de plus belle l'heureux couple. Hermione se détourna et s'éloigna de toute cette cérémonie et l'excitation. Ses deux amis la suivirent du regard.
« Qu'est-ce qu'elle… »
« Je vais y aller. », se désigna Harry. « Profite de la fête. »
L'adolescent aux yeux verts partit à son tour pour rejoindre la jeune fille. Il la trouva dans un endroit isolé, où la fête ne pouvait plus être entendue. Il s'agissait d'un avantage de se trouver dans une tour : ils pouvaient, même après le couvre-feu, monter ou descendre quelques escaliers afin de se terrer à l'écart. Descendant les marches, il arriva dans le dos de son amie, et prit place à ses côtés, assis sur les rehaussements de pierre. De petits oiseaux volaient autour d'eux.
« Je m'entraîne. », prétendit Hermione, la voix en larmes.
« Ils sont très bien réussis. », répondit-il doucement. Ils commençaient par faire apparaître serpents et oiseaux en métamorphose, car ces deux types d'animaux étaient les plus aisés à "créer à partir de rien". « Je me suis toujours demandé pourquoi la formule serait "Avis". Juste "oiseaux" ? Ça n'a pas de sens. Il faudrait parler d'apparition d'oiseaux. »
Hermione usa de sa manche pour essuyer des larmes. « Que dirais-tu à propos du sort d'apparition de serpent ? »
« "Serpensortia" pourrait venir de "serpens" pour le serpent, et de "ortus", le participe passé de "oriri", pour "être créé". Ça a déjà plus de sens. On pourrait même dire que le serpent "sort" de la baguette. »
« Je croyais qu'il pouvait… m'aimer. Il était tellement jaloux de Victor… »
« Ron est compliqué. Et puis, Lavande ne lui a pas vraiment laissé le choix. Draco m'a demandé ce que je sentais dans l'amortentia durant le match. »
Elle rit un peu, bien qu'empreinte de tristesse. « Il ferait tout pour te déconcentrer de ton match, n'est-ce pas. Qu'est-ce que tu lui as répondu ? »
« Que ce n'était pas ses affaires. Et j'ai peut-être parlé de vieux livres et de potions. Je suis surpris qu'il n'ait rien commenté sur le fait de sentir la salle de potion alors qu'on était dedans. »
« Les vieux livres ? Tu dors vraiment avec ce manuel, n'est-ce pas ? »
« J'aime lire le soir. Au moins, je ne passe pas tout mon temps sur la carte des maraudeurs. » Il la regarda d'un air taquin. « Et je préfère quelque chose avec des informations, pas une feuille vierge, contrairement à certains. »
Elle lui donna un coup ludique dans le bras.
Ils restèrent un peu en silence avant que Harry ne reprenne la parole. « Ron te fait trop pleurer, Hermione. Pourquoi t'intéresse-t-il autant ? Il déteste lire, et tu n'aimes ni le Quidditch ni les échecs. »
À ce moment-là, par la porte, seconde entrée à la salle, Ron surgit, riant, avec Lavande. Ils jubilaient et gazouillaient ensemble. Ils s'arrêtèrent face à Hermione et Harry. Ron les fixait avec étonnement, Lavande accrochée à son bras.
« Oh, la place est prise, on dirait. », commenta la fille heureuse. Elle commença à partir, tirant un peu son compagnon, mais sans insister lorsqu'il s'attarda. Elle l'attendrait ailleurs. Ron semblait vouloir faire un commentaire, mais ne pas en trouver un qui lui conviendrait. Alors il demanda à la place d'où sortaient les oiseaux. Harry se demandait s'il le faisait exprès où s'il l'ignorait vraiment. Le roux était plus doué que lui en métamorphose pourtant. Beaucoup moins en diplomatie.
Hermione se releva vivement, furieuse. « Oppugno. »
Les oiseaux se mirent en formation d'attaque. Harry jugea sage de ne pas intervenir. Ron fuit. Les oiseaux attaquèrent. Ron courut jusqu'à la sortie de la salle, et parvint à esquiver les oiseaux au dernier moment pour que ces animaux créés par magie s'écrasent contre la porte.
« T'es malade. », lâcha-t-il avant de partir rejoindre Lavande.
Hermione se laissa chuter sur les marches, et prendre dans une étreinte consolatrice de Harry, pleurant sans plus s'arrêter. Ils ne rentrèrent dans la salle commune que bien plus tard, alors que la fête était terminée, et que tous s'étaient couchés.
Le lendemain, Harry expliqua rapidement la situation à Neville qui jugea que ça terminerait mal. Ils tentèrent de convaincre Ron de ne pas trop se montrer avec Lavande, mais le roux refusait d'écouter, même s'il avait conscience de la colère que cela provoquait à Hermione. Il prétendait que ce qu'il vivait avec Lavande était physique, et qu'il ne s'en cacherait pas. De fait, sa relation devint exhibitionniste très vite. Et dès lundi, Lavande fit toute une jérémiade devant la salle de défense contre les forces du mal avant de laisser partir Ron, comme quoi il lui manquerait. Draco avait regardé ça avec grand dégoût.
Les cours de défense contre les forces du mal leur enseignaient tout un tas de technique de défense, et se divisaient en deux parties, l'une théorique, l'autre pratique. Les élèves devaient écrire beaucoup d'essais comme devoir en dehors des cours, à l'aide de nombreuses recherches à la bibliothèque. Les exercices pratiques s'approchaient de plus en plus de véritables duels. Le professeur ne leur apprenait aucun sortilège, maléfice ou malédiction, à moins qu'ils soient utilisables comme défense, mais ils devaient apprendre à contrer tous les sorts qu'ils pouvaient distinguer. Les élèves n'avaient pas besoin qu'on leur enseigne ces sorts pour les connaître.
Draco déclara forfait, sous prétexte que sa baguette renfermait un crin de licorne, et qu'il allait l'épuiser s'il continuait à lancer des sorts un peu sombres. Il décréta qu'il se contenterait de la position de défense, et n'attaquerait plus avec ne serait-ce que des sortilèges. Harry n'y croyait qu'à moitié, étant donné que les sorts favoris d'attaque du Serpentard étaient les sortilèges de repoustout et du pendule. Pourtant, il s'avéra que Draco tint parole, à l'exaspération de son binôme.
En dehors des cours — et même dans les cours d'ailleurs — Hermione et Ron ne se parlaient plus. Harry et Neville tentaient de faire un pont entre les deux, mais ne parvenaient pas à calmer la colère d'Hermione, ni les ardeurs du roux amoureux. Ces niaiseries exaspéraient aussi Parvati, qui passait alors beaucoup plus de temps avec sa jumelle qu'avec sa meilleure amie qui l'agaçait. Padma, en binôme avec Ron dans plusieurs cours, s'énervait aussi froidement contre l'adolescent dont la concentration chutait. Draco restait sombre, sans rien dire, et subissait cette situation autant que les autres. Jusqu'au jour de mi-décembre où l'adolescente furieuse évoqua la soirée de Noël de Slughorn où ils étaient conviés, et devaient venir accompagnés.
« Je vais y aller avec Cormac McLaggen. C'est ce qui pourra énerver le plus Ron. »
Elle se leva pour ranger ses livres avant de quitter la bibliothèque, puisqu'elle ne trouverait pas le poseur entre deux rayonnages.
Draco se tourna vers Harry et Neville. « C'est le grand blond arrogant de septième année ? Le Gryffondor stupide qui sort avec toutes les filles et donne des leçons à tout le monde ? »
« Celui-là même. », répondit Harry, lassé.
Draco se leva subitement, et se dirigea à grands pas vers les rayonnages où avait disparu Hermione.
« Qu'est-ce qui lui prend ? » s'étonna Neville.
« Il se décide enfin à nous aider. Je ne crois pas qu'il aime beaucoup Cormac. »
Sur ce, Harry retourna à son essai de charmes, bientôt imité par Neville.
Draco retrouva rapidement Hermione parmi les étagères de livres. Il la surprit en parlant soudainement dans son dos, sans qu'elle ne l'ait remarqué arriver.
« Pourquoi es-tu jalouse de cette hystérique de Brown ? Qu'est-ce que tu trouves à Ronald ? »
Hermione demeura stupéfiée devant la fureur qu'elle voyait danser dans les yeux de Draco alors qu'il continuait de lui parler.
« En quoi as-tu besoin de t'attacher à un tel idiot qui ne sait même pas reconnaître tes talents et ta beauté, et qui passerait tout son temps à critiquer ton amour pour les livres ? Laisse-le se bécoter autant qu'il veut avec Brown, se vautrer dans toute l'indignité qu'il choisit par lui-même. Tu n'as pas besoin de te soucier de ce… »
« Tu es jaloux. », le coupa-t-elle avec effarement.
« Non ! Je… De qui devrais-je l'être ? Tu es jalouse de Brown, et ça n'a aucun sens ! Tu es mille fois meilleure qu'elle. Tu n'as pas besoin de chercher l'attention de quelqu'un qui ne peut même pas le voir. Cormac McLaggen maintenant ? Tu ne rendras pas Ronald jaloux, ce qu'il vit avec Brown est tellement, d'après ses propres mots, merveilleux. »
« Je croyais que Ron m'aimait ! » lâcha-t-elle avec douleur. « De qui pourrais-je rechercher l'affection, si ce n'est de lui ? »
« Tu m'as moi ! » laissa-t-il échapper avant de pâlir de son erreur.
Ils restèrent tous deux statufiés un instant. Hermione rompit le silence avec un petit souffle de réalisation. « Tu… tu m'aimes ? »
Il sembla gêné, et jeta un coup d'œil à la ronde avant d'empoigner sa détermination et d'avouer. Après tout, pourquoi nier quand il l'avait à moitié déclaré et qu'elle avait compris, avec tout son génie. Surtout, pourquoi refuser d'admettre alors que quelqu'un devait bien faire le premier pas à un moment. Il plaça son regard bleu clair dans les yeux bruns de l'adolescente. « Oui. », annonça-t-il calmement. « Je… »
Il fut coupé par Hermione alors qu'elle se jetait à son cou et l'embrassait. D'abord surpris, il entoura ses bras autour de la taille de la Gryffondor. Elle cessa le baiser, mais resta dans ses bras.
« Pourquoi ? » souffla-t-il.
« Je t'aime aussi, Draco, depuis que j'ai quatorze ans. Je croyais que tu ne me voyais pas comme ça. J'en étais persuadée. Il y avait Parkinson, et ensuite Parvati… alors que Ron semblait toujours jaloux, alors je me suis rattachée à ça. Quand j'ai vu que finalement il prenait un autre chemin, j'ai craqué, parce que je ne pouvais pas t'avoir, et que lui aussi partait. »
« C'est toi la Gryffondor, tu aurais pu me le dire. »
« Donc d'après toi, les Serpentard ne se mettent jamais en couple ? Et avec toutes tes règles sur l'étiquette, tu ne trouves pas que c'était à toi de faire le premier pas ? »
« Je viens de le faire. », commenta-t-il, avant de l'embrasser à nouveau. Front contre front, il chuchota. « Alors, tu n'y vas pas avec McLaggen, n'est-ce pas ? »
« Oh, surtout pas. Il est insupportable. Qu'est-ce que tu as senti, dans l'amortentia ? »
« Mmh ? Les pommes. »
« Idiot. »
Les deux rires un peu, jusqu'à ce que la voix stridente et élevée de Madame Pince retentisse. « Qu'est-ce que c'est que ça ?! Où vous croyez-vous ? C'est une bibliothèque, ici ! Sortez immédiatement ! »
Les deux adolescents filèrent, et rejoignirent Harry et Neville, le souffle court et l'amusement mêlé de honte sur leurs visages. « Madame Pince nous a chassés de la bibliothèque. », expliqua Hermione en récupérant rapidement ses affaires, tout comme Draco. « On se retrouve plus tard. »
Le duo s'en alla promptement, sous les regards médusés de leurs deux amis.
« Qu'est-ce qui leur prend ? » s'étonna Harry.
« Aucune idée, mais elle n'a plus l'air énervée. »
Ils se retrouvèrent au déjeuner, à la table de Serdaigle. Harry et Neville s'installèrent en face d'Hermione et Draco. L'adolescent aux yeux verts prit la parole tandis qu'il s'asseyait.
« Alors, et Cormac ? »
« Tu plaisantes ? Ce n'est pas vraiment d'actualité. », répondit Hermione.
« Pourquoi ? »
Ils furent soudainement interrompus par l'arrivée de Pansy. « Draco ! » Elle se planta à côté de son camarade de Maison. Tout le groupe la regardait, Hermione et Harry avec froideur, Draco et Neville impassibles.
« Oui, Pansy ? »
« Si tu ne sors pas avec moi maintenant, je sortirais avec Blaise. », menaça-t-elle, hautaine.
« Avec plaisir. », répondit-il avec indifférence. Pansy sembla s'en ravir, triomphante, tandis qu'Hermione, hors de la vue de Draco, rougissait. Le Serpentard toisa son ancienne et lointaine amie comme s'il se demandait ce qu'elle faisait encore là. Il reprit la parole presque avec impatience. « Va avec Zabini maintenant. Au moins, il t'ouvrira les portes du club de Slug. Pour une soirée, disons. »
« Quoi ? » s'insurgea Pansy.
« Tu m'as très bien entendu, Pansy. Tu déranges tout le monde, ici. »
L'adolescente s'en alla, furieuse. Harry se mit à rire. « Elle est vraiment ridicule, parfois. », signifia-t-il après s'être un peu calmé.
« Elle m'épuise. », commenta Draco. Il releva le regard vers Harry. « J'escorterais Mione à cette fameuse grande réunion des anciens de Slughorn. »
« Vous devriez aussi vous trouver quelqu'un. », informa Hermione. Elle observait plus particulièrement Neville. « Et vous ne pouvez pas y aller avec n'importe qui. Plusieurs filles parlent de donner du philtre d'amour à l'élu. Romilda Vane, en quatrième année, semble particulièrement décidée. »
Neville s'horrifia. « Mais pourquoi ? Ne t'inquiète pas, nous irons avec des personnes de confiance. De bonnes amies. »
Harry grimaça. « Hermione, tu n'aurais pas pu y aller avec l'un de nous ? Je pensais qu'on pourrait s'arranger… »
Elle se pinça les lèvres, gênée. « C'est que… »
« C'est non négociable. », déclara Draco, très sérieux.
« Ce ne serait pas très… correct. »
Neville et Harry les fixèrent. Puis, le garçon-qui-avait-survécu rit. Harry cligna des yeux, alterna entre son meilleur ami et les deux autres, et enfin remarqua qu'ils se tenaient la main sur la table.
« Vous n'êtes pas sérieux ? » demanda-t-il.
« Si. », lâcha Hermione d'une petite voix.
« Après… mais, et Ron ? »
Hermione était rouge, pour le grand amusement de Draco. Elle entreprit de s'expliquer, honteuse. « Eh bien, Ron était… une substitution. »
Harry la dévisagea, blasé. « J'ai entendu assez d'histoire de couple pour l'année. »
« Vous devez tous les deux vous trouver quelqu'un pour la fête de Slughorn. »
« Nous irons. Avec des amies. », attesta Harry.
Plus tard, lorsque Harry et Neville se retrouvèrent seuls, celui aux yeux verts décréta en premier, s'excusant auprès de son ami, qu'il allait demander à Luna. Il ne lui demanderait pas de sortir avec lui, juste de l'accompagner à la fête de Slughorn. Alors Neville entreprit de se renseigner auprès de Ginny si elle avait quelqu'un. Elle évoqua qu'elle songeait à aborder Harry s'il n'osait, comme deux ans plus tôt, ne demander à personne. Neville rit presque amèrement à cela. Non, Harry n'irait pas seul, et se trouverait indisponible, puisqu'il avait demandé à Luna. Alors Ginny accepta d'accompagner Neville, comme au précédent bal de Noël.
