(Le Prince de Sang-Mêlé) Soirée des anciens
La soirée de Noël de Slughorn avait lieu la veille du départ en vacances. Ils devaient se rendre à un endroit qu'ils avaient peu, très peu exploré du château. Slughorn avait fait aménager une grande salle, et tous les anciens membres du club étaient conviés, chacun pouvant amener un invité. Il s'agissait d'une petite tradition de l'ancien maître des potions, qui utilisait cette fête pour forger des liens, et mettre en relation des élèves actuels avec certaines personnes qui leur permettraient un bon avenir.
Neville et Harry revêtaient leurs plus beaux costumes, le premier en noir et blanc, le second dans un vert assorti à ses yeux. Ginny portait une élégante et légère robe vert forêt, et avait rendu ses cheveux ondulés. Luna revêtait une robe toujours aussi excentrique qu'elle-même, d'une couleur argentée qui lui seyait bien. Les deux couples décidèrent d'arriver ensemble, accompagnés d'une Hermione solitaire en fine robe rose pastel. Quand ils entrèrent, Slughorn vint immédiatement les accueillir.
« Ah, bienvenue à tous ! Neville, tu es l'invité d'honneur. Et qui est cette jeune fille ? » Il regardait Luna, au bras de Harry. Ce fut donc naturellement ce dernier qui répondit.
« Luna Lovegood, mon invitée. C'est une Serdaigle de cinquième année, tout simplement brillante. Une très bonne amie. »
« En parlant d'amis, il y en a plusieurs que j'aimerais vous présenter. Miss Granger, pourquoi êtes-vous toute seule ? »
« Je suis accompagnée… enfin, je le serais. Il a été retenu par le professeur Snape. »
Slughorn paraissait déçu. « Severus trouvera toujours un moyen d'éviter ma fête. Je voulais lui parler ce soir. Il n'osera pas retenir votre petit-ami très longtemps, j'espère. Savez-vous ce qu'ils font ? »
« Non, il m'a juste dit que le professeur Snape l'avait fait appeler dans son bureau. »
« À cette heure, la veille des vacances, c'est juste de la provocation de Severus. », se plaignait le bonhomme. « Enfin. Neville, j'ai quelques personnes à vous présenter. Avec votre amie Ginny si vous le désirez. »
« Bien sûr. », répondit Ginny. Ils venaient ensemble, alors ils devaient l'assumer. Au moins, ils resteraient toujours au minimum deux pour affronter les présentations de Slughorn.
« Oh, Harry, Lily est là-bas. », indiqua le vieux professeur avant d'embarquer Neville et Ginny avec lui.
« Bon. », déclara Harry une fois seul avec Luna et Hermione. « Que faisons-nous, maintenant ? »
« Tu peux me présenter ta mère. », proposa Luna.
« Tu la connais déjà. »
« Je l'ai vue en cours, mais ce n'est pas pareil. »
Harry regarda Hermione. « Il t'a vraiment lâché ? »
Elle se tenait un bras, gênée. « Il m'a assuré qu'il me rejoindrait. Il m'a dit de commencer sans lui pour ne pas gâcher ma soirée. Je vais me débrouiller. Ne faites pas attention à moi, tous les deux. »
« Si tu y tiens… » Harry emmena donc Luna se faufiler entre les invités pour rejoindre sa mère qui se trouvait encore vêtue de cette simple robe blanche qui lui donnait l'allure d'un fantôme.
Slughorn présenta Neville à Ambrosius Flume, le propriétaire de la boutique de confiserie de Pré-au-Lard ; le confiseur avait trouvé son premier travail grâce à Slughorn qui lui avait présenté un certain Cicéron Harkiss. Puis Dirk Cresswell, un sorcier né-moldu qui fut un élève très doué, et devenu directeur du bureau de liaison des gobelins. Ensuite l'écrivain Eldred Worpel, auteur du livre "Frères de Sang : ma Vie chez les Vampires", qui proposa à l'élu d'écrire sa biographie, ce que Neville refusa ; l'homme dû s'éloigner lorsqu'il repéra son invité, le vampire Sanguini, commencer à trouver enfin un intérêt à la fête en regardant vers un groupe : l'écrivain choisi de s'occuper d'attirer l'attention de son ami. La tournée se poursuivit sur une photo auprès d'un dénommé Adrian, avec Slughorn, Neville et Ginny. Suivi de la rencontre avec Barnabas Cuffe, le directeur de La Gazette du sorcier, qui s'excusa pour le comportement que le ministère avait forcé ses journalistes à prendre, et qui se montra très curieux au sujet des événements entourant Celui-dont-il-ne-faut-pas-prononcer-le-nom. Cette discussion déplaisait à un Neville trop poli. Ginny le sauva de cette situation qu'elle appréciait également peu quand elle prétexta avoir besoin d'un peu d'air, et qu'elle lui demanda de l'accompagner.
Neville et Ginny se rendirent derrière les rideaux transparents qui cachaient la vue des fenêtres. Ils n'allaient bien sûr pas ouvrir sur le balcon enneigé en plein mois d'hiver.
« De l'air frais, donc. », commenta Neville, amusé. Il regardait par la fenêtre la neige tomber à gros flocon.
« C'est mieux que rien. »
Soudainement, Hermione entra dans la cachette. Elle sembla très soulagée de les voir. « Neville, Ginny. Quel plaisir. »
« Que t'arrive-t-il ? » questionna Neville, soucieux.
Elle expira. « Cormac McLaggen. Il s'est mis dans la tête que puisque je suis toute seule, il pouvait m'aborder comme si j'étais son rendez-vous. Il a essayé de me coincer sous le gui. »
« Il y a du gui dans la salle ? » s'étonna Ginny.
« Apparemment. Je vais tuer Draco pour ça. »
Les rideaux s'ouvrirent subitement sur le professeur Snape. Il les toisa avec lassitude. « Vous devriez éviter de vous cacher ici de cette manière, tous les trois. Certains pourraient émettre quelques hypothèses qui vous déplairaient. Sortez. »
Les trois adolescents obéirent à la file indienne, Hermione, Neville puis Ginny. Le professeur referma le rideau et se retourna vers les élèves contrits. « Quels genres d'hypothèses ? » questionna timidement Neville.
« Je pense que des adolescents de votre âge pourraient se faire quelques idées. Le genre dont on pourrait s'attendre de vos amis Ronald Weasley et Lavande Brown. »
Hermione grimaça. « Ils sont écœurants. »
Il haussa un sourcil. « Admettons que je n'ai pas de temps à perdre à vous enlever des points la veille des vacances. Miss Granger, Miss Weasley, pourriez-vous nous laisser un instant ? »
Les deux filles sourirent avec hésitations et gênes, puis prirent congé pour se diriger vers la table de banquet. Neville attendit tranquillement que le professeur lui adresse à nouveau la parole, ce qui ne tarda pas.
« Je venais juste vous transmettre un message du directeur. Il m'a chargé de vous souhaiter de bonnes vacances, et de vous informer qu'il serait indisponible, car il… voyage. Et il ne reviendra qu'à la reprise des cours. »
« Il voyage. », répéta Neville, peu impressionné. L'homme le toisa sans mot dire. C'était comme au début de l'année. Une fausse excuse, sans doute. Si elle était vraie, elle demeurait peu convaincante. « Il y a autre chose ? » finit par demander l'adolescent.
« Vous devrez le rejoindre dans son bureau samedi après la première semaine de cours. »
Ils furent surpris par une exclamation de Slughorn. « Ah, Severus ! »
Le professeur et l'élève tournèrent leur attention vers le bonhomme qui s'approchait, tout joyeux, avec un Harry goguenard en compagnie d'une Luna Lovegood aussi rêveuse que d'habitude. Snape scruta le garçon aux cheveux ébouriffés qui ne cacha pas la pensée de son forfait : il avait repéré le plus jeune maître de potion, et prévenu le plus âgé.
« Ça faisait longtemps que je voulais en parler, mais après tout, c'est ce soir l'occasion parfaite, n'est-ce pas. Je me demande d'ailleurs à quoi tu travailles tout le temps dans ton bureau. Je ne te vois jamais, pratiquement. »
« Quelques recherches. »
« Elles avancent ? » demanda Harry avec hardiesse.
« Ce ne sont pas vos affaires, Monsieur Potter. Pour votre gouverne, j'en suis à une certaine phase de test, où une grande régularité est aisée à trouver pour valider mes recherches. Quant à faire des tests plus longs, je sais où trouver l'occasion. »
« Quelles sont tes recherches ? » questionna Slughorn avec curiosité.
« Cela restera confidentiel, du moins jusqu'à l'aboutissement sur des résultats probants. »
« Bon, très bien. », grommela le bonhomme à contrecœur, avant de s'élancer sur un nouveau sujet avec grand sourire. « Neville et Harry ont un talent tout particulier pour les potions, j'ai été émerveillé. Savais-tu que Harry avait fait un parfait philtre de la mort vivante ? Même toi tu n'avais pas un résultat aussi spectaculaire à ton premier essai. Oh, bien sûr, c'est grâce à toi sans doute, tu as été leur professeur pendant cinq ans. »
Harry pouffa. Slughorn se tut donc pour l'observer, interloqué.
« Harry, mon garçon, tu as trouvé quelque chose de drôle ? »
« Pardon, professeur. C'est juste… quelqu'un vous a appelé une fois "professeur de lèche-cul". Alors, eh bien, ça m'y a fait penser. »
Slughorn devenait vert, puis blanc, puis rouge. « Qui m'a… »
« Je pense que le coupable est facile à trouver. »
Neville était stupéfié par l'audace de son meilleur ami, autant que par les propos dont il devinait la provenance. Il ne se serait attendu ni à ce que l'un emploie ces termes, ni à ce que l'autre les répète.
Luna prit la parole. « Professeur Snape, c'est vrai que vous avez enseigné des cours de rattrapage à Neville et Harry l'année dernière, pour qu'il puisse obtenir leurs BUSE ? C'est pour ça qu'ils sont aussi doués maintenant ? »
« Potter a toujours démontré les talents de sa mère. », répondit tranquillement Severus.
« Moi, j'ai une autre question. », s'empressa Slughorn. « Est-ce toi qui lui as dit ça ? Tu m'as dépeint comme ça à tes élèves ? »
Severus lança un regard agacé à Harry qui lui répondit avec un grand sourire amusé et provocateur. Il se tourna vers son ancien professeur. « En tant que professeur, professeur Slughorn, je ne peux pas vous critiquer devant nos élèves, par souci de… solidarité au sein de l'équipe enseignante, comme nous le dirais le professeur McGonagall. »
« Lily ne m'aurait jamais appelé comme ça. », contra Slughorn.
« Appelé comment ? » demanda Lily dans le dos de Harry et Luna, face à Severus. Elle ne regardait d'ailleurs que ce dernier, qui l'observait en retour avec impassibilité. Harry détournait les yeux, en souvenir à l'interdiction de le répéter à sa mère.
Slughorn lui répondit avec un air outré et attristé. « Quelqu'un m'a appelé devant Harry "professeur de lèche-cul". »
« Si j'entends un élève employer de tels mots, il sera en retenue pendant une semaine. », annonça Severus très sérieusement, sans sourciller. Du point de vue extérieur, il apparaissait clairement que lui et Lily se lançaient dans un duel de regard.
« Je me demande qui pourrait avoir dit ça à mon fils. », rétorqua froidement Lily. Elle posa soudainement sa main sur l'épaule de Harry qui tentait de s'éloigner discrètement, et qui gémit intérieurement en retour.
« Interroge-le. »
« C'est ce que je vais faire. Harry. Qui t'as dit une chose pareille ? » Elle ne l'avait toujours pas regardé.
« J'ai oublié. J'ai dû l'entendre au détour d'un couloir. », prétendit l'adolescent.
« Ce n'était pas Cormac McLaggen ? » proposa Luna.
« Pourquoi aurait-il dit cela ? » s'étonna Slughorn.
Harry leva un sourcil. « La question se pose qu'importe la personne qui l'a dit. »
Slughorn fit mine d'être très sérieux. « Bon, expliquez-moi tout : Neville et Harry n'ont pas de problèmes avec Severus, n'est-ce pas ? Vous vous entendez plutôt bien, pour qu'il vous donne des cours particuliers. »
« C'était à la demande du directeur. », expliqua Neville.
Slughorn soupira. Certains pouvaient le trouver un peu ridicule parfois, mais il était surtout un homme d'expérience, qui connaissait beaucoup de choses à la vie, et qui possédait un très bon œil d'observateur et d'analyse. « Neville, Harry, venez avec moi. Il y a encore quelques personnes que je désire vous présenter… »
Les deux adolescents suivirent l'homme. Neville n'oublia pas d'embarquer Luna avec eux, et ainsi ils laissèrent Severus et Lily seuls, face à face. En vérité, Slughorn les conduisit dans un endroit un peu éloigné, mais ne leur présenta personne et se retourna pour observer l'interaction entre ses deux anciens élèves. La femme s'était rapprochée de l'homme et lui tenait la main. Le tableau lointain des deux silhouettes l'une toute en noire, l'autre tout de blanc avec un pétale orange en son sommet, offrait une belle vision. La robe claire de Lily semblait étrangement assortie aux capes sombres de Severus.
« Même un vieil homme comme moi peut être assez curieux, vous savez. », chuchota-t-il. « Harry, que sais-tu de l'histoire entre eux ? »
« Je sais qu'ils étaient amis jusqu'à un certain point, et j'ignore ce qui s'est passé ensuite. Je préférerais ne pas en parler, professeur. Monsieur, qui était votre meilleur élève de potion de toute votre carrière ? »
« Sans nul doute le seul avant vous à avoir produit un philtre de mort vivante assez excellent pour obtenir la récompense. Maintenant, bien sûr, vous le surpassez, tous les deux, surtout toi, Harry. »
« Quel était son nom, professeur ? » insista-t-il.
« Je… je ne devrais pas vous le dire. »
Neville intervint. « Même si c'était Tom Jedusor, vous pourriez nous le dire. Ou l'oncle de Belby. »
« Non, ce n'était pas eux… », répondit le professeur d'une voix basse.
« C'était un Sang-Mêlé ? » questionna Harry.
« Je ne suis pas certain que cela vous concerne, et ça ne vous avancera pas, mais après tout… oui, je crois bien que c'est le cas. »
« Il est encore vivant. »
« Oh, j'ai bien l'impression. Parfois, on pourrait se demander, pourtant. Mais là, je n'ai plus de doute. »
Les deux garçons échangèrent un regard. Si ça ne décrivait pas Voldemort, c'était définitivement très étrange.
La voix de Luna sortit encore claire et cristalline. « Certains dépérissent en perdant l'amour. Certains errent, et avancent, ils acceptent de continuer parce qu'ils trouvent un but, mais ils ne vivent pas. Ils jouent leur rôle sur le grand échiquier de la vie, comme des morts-vivants. C'est malheureux quand on ne peut pas savoir si quelqu'un vit ou s'il se restreint et avance tel un fantôme, que ses raisons soient justifiées ou non. »
Slughorn reprit la parole, comme s'il citait les mots de d'autres. « "La vie et l'amour sont la même chose. Quand il n'y a pas d'amour, il n'y a pas de vie." »
« Est-il dans la pièce ? » osa Harry.
Slughorn se reprit. « Nous allons arrêter là les devinettes. Allez, oh, Neville, tu ne vas pas laisser ta charmante compagne toute seule. Où est donc passée Miss Weasley ? »
Harry prit cela pour un probable oui, et contempla encore un peu sa mère et Sev ensemble, juste un instant, avant de se faire entraîner doucement par Luna.
