(Le Prince de Sang-Mêlé) Métamorphose humaine
Le lendemain matin, comme à chaque départ en vacances, le château était en effervescence. Harry usa de la carte des Mauraudeurs pour localiser où se trouvait Draco, et partit à la chasse en compagnie de Neville et Hermione. Il avait avoué à huis clos à son meilleur ami qu'il avait espionné le duo de Serpentard, et même s'il ne lui avait absolument pas tout relaté, il avait évoqué l'idée de leur camarade de demeurer en reclus, à Poudlard, durant les congés. Suivant l'exemple de Sirius, Harry invitait autant qu'ils voudraient les membres de l'Ordre, et en particulier la famille Weasley, à loger à 12 square Grimmaud. Hermione restait bien sûr la bienvenue également, mais cette fois-ci, elle passerait toutes les vacances avec ses parents. Leurs affaires à tous trois étaient prêtes tôt, et ils pouvaient bien s'égarer un quart d'heure pour discuter avec un blond trop solitaire ces derniers temps. Celui-ci se tenait assis sur un rebord de fenêtre, dans un couloir calme et lumineux, rédigeant une lettre à sa mère sur un genou, entouré de quelques oiseaux divers gazouillants.
« Draco. », appela Harry. Le Serpentard releva la tête vers eux, tranquille, sans sourire. « Que fais-tu là ? On pourrait presque croire que tu ne rentres pas à Noël. »
« Et vous ? »
« Nous avons fini nos bagages. Comme toi, je suppose. », répondit posément Neville. « Je ne reste pas à Poudlard pour Noël. J'accompagne Harry au manoir Black. Tu feras le trajet dans le train avec nous, n'est-ce pas ? »
Draco détourna le regard et fixa la lettre pour sa mère. « Je reste ici. »
« Tu t'es inscrit il y a une semaine auprès du professeur McGonagall ? » questionna Hermione.
Le blond ne répondit rien. Neville reprit alors la parole.
« Tu ne peux pas rester, si tu n'es pas sur la liste. Tu ne veux pas retourner voir ta mère ? »
« Elle a un empêchement. Elle voyage en France. », mentit-il. En vérité, sa mère demeurerait au manoir Malfoy, comme sa tante. Et il préférait fuir cette dernière que passer du bon temps avec la précédente. Il espérait que sa mère comprendrait, et c'était la raison pour laquelle il tentait de lui écrire une lettre qui, si elle tombait entre de mauvaises mains, ne devrait pas pouvoir être interprétée de manière qui les mettrait, lui ou sa mère, dans une situation délicate.
« Qu'est-ce que tu faisais ? » s'enquit Hermione.
« Entraînement à l'invocation d'oiseau. »
« Ce que tu écrivais ? »
« Une lettre, pour souhaiter de bonnes vacances à ma mère malgré tout. »
« Tu ne préfères pas venir avec nous ? » proposa Harry. Draco releva enfin les yeux vers eux. « Je peux t'inviter à… »
« Tu ne peux pas. », rappela Neville. Tous tournèrent des regards interrogatifs ou soucieux vers lui. Il sourit tristement. « Il y a un Fidélius sur la propriété, et Dumbledore en est le gardien. Et Dumbledore est absent. »
Harry hésita. « Peut-être que Sev… pourrait nous obtenir un bout de parchemin pour Draco. Autant essayer. » Il se retourna vers le Serpentard. « Tu peux passer les vacances avec nous, entre amis. Ne reste pas tout seul. Si Helen était encore là, elle te taperait sur les doigts pour songer à demeurer solitaire à Noël. »
« Je me fiche complètement d'Helen. », répliqua le blond avec une légère contrariété.
« Draco, s'il te plaît. », sollicita Hermione. « Je ne peux pas t'inviter auprès de mes parents à l'improviste, mais accepte la demande de Harry au moins. Vous serez tous ensemble, en dehors de moi et Luna. Tu verras même Remus. »
Il soupira. « Si tant est qu'on obtienne la permission à cause du Fidélius, et que je vienne avec vous, ne pensez-vous pas que cela poserait problème si on m'apercevait, moi, le fils de Lucius Malfoy, partir en vacances avec l'élu ? »
Ses trois amis réalisèrent alors, pourquoi le Serpentard demeurait aussi maussade et songeur depuis la rentrée. En effet, il devait avoir de bonnes raisons de s'inquiéter, même si Théodore Nott semblait parfois être de son côté, ce qui n'était peut-être plus tout à fait le cas au vu des divers petits messages désagréables que Draco lui avait envoyés depuis septembre à l'aide des jumeaux Weasley, il y avait toujours Crabbe et Goyle qui n'hésiteraient pas à dénoncer leur camarade auprès de leurs familles.
Et puis, Harry eut une idée. Il sourit, amusé. « Tu peux devenir méconnaissable. Personne ne ferait attention à une fouine. »
Draco pâlit. Hermione donna un coup sur le crâne à Harry avec son livre.
« Mais, aïe ! »
« Qu'est-ce qui te prend ? » exigea l'adolescente.
« D'accord, désolé, je plaisantais pour la fouine. » Il se montra quelque peu plus sérieux. « Nous avons commencé la métamorphose humaine ce mois-ci… ça peut être utile, que ce soit pour changer d'apparence ou pour se changer en animal. »
Draco se trouva plus attiré par le défi de métamorphose que par l'idée de passer les vacances avec eux. « Il serait plus prudent de performer un changement d'apparence. »
« Mais d'aucuns pourraient se demander d'où tu sortirais. Un animal sera plus discret. »
« Je n'ai pas dit que je vous accompagnais. »
« Kreattur se ferait une joie de t'accueillir. Imagine-le, vivre dans la même maison que des Sang-Mêlé ou des traîtres à leur sang de Gryffondor en majorité, avec peut-être une Poufsouffle, et éventuellement un Serdaigle ? Il va vraiment finir par perdre la tête. En plus, je pense que tu auras une chambre toute désignée. »
« Ce n'est pas raisonnable. », coupa Draco.
« S'il te plaît. », insista Neville.
Le Serpentard soupira. « Commencez par obtenir la permission d'Oncle Sev, et qu'il fournisse le "papier" de Dumbledore. On en reparlera après. » L'expression sur le visage de Draco, à moitié moqueur et à moitié amer, indiquait qu'il ne croyait pas un seul instant que ses amis en soient capables.
« Ce serait plus simple si nous y allions toi et moi. », nota Harry.
« Non, je ne fournirais pas d'efforts. Débrouillez-vous. Maintenant, si vous le voulez bien, j'ai une lettre à écrire. Il vous reste peu de temps avant le départ vers la gare. »
Le trio décida de se rendre tout entier au bureau du chef Serpentard. L'homme s'y trouvait bien, mais le convaincre parut bien ardu. Il affirmait que Draco devait rejoindre sa mère, et que le professeur Dumbledore demeurait indisponible. Ils argumentèrent longuement pour faire valoir que leur ami ne voulait de toute évidence pas rejoindre sa mère, que se détendre en toute amitié ne pourrait que lui procurer du bien, que cela impacterait également l'humeur de Kreattur, et toute autre idée qui leur vint à l'esprit allant jusqu'à évoquer Remus, Lily et même Tonks. Toutefois, restait le problème du gardien du secret absent. Severus leur rappela comment fonctionnait la protection et qu'un parchemin écrit de la main du gardien ne marcherait pas sans l'accord de ce dernier. Néanmoins, ils insistèrent tant et tant qu'à la fin, Severus accepta d'en parler au directeur — qui voyageait toujours, bien entendu. Il chassa les adolescents de son bureau là-dessus, sans garantie de pouvoir communiquer avec le vieil homme.
Pour gagner du temps, le trio retourna chercher Draco, à nouveau grâce à la carte des Maraudeurs, réflexe fort heureux puisque le Serpentard avait décidé de changer d'endroit. Une fois arrivés là où seul leur camarade se trouvait, ils restèrent un instant stupéfiés, indécis, à la vue d'un inconnu qui lisait un livre épais. Des cheveux courts et lisses, plus semblables à sa coupe de première année qu'à l'actuelle, châtain clair ; la peau toujours aussi pâle, mais plusieurs éléments du visage modifiés, imperceptiblement, toutefois suffisamment pour que l'ensemble paraisse bien différent.
« Draco ? » lâcha Harry, étonné, après un moment. Le groupe finit de s'approcher tandis que l'inconnu relevait des yeux vert pomme vers eux. Il eut un petit mouvement de tête agacé, avant de les observer tranquillement.
« Comment avez-vous deviné ? »
Harry leva sa main qui tenait le parchemin vierge plié. « La carte des Maraudeurs. Elle me permet de savoir où chaque personne se trouve dans le château. Un petit trésor familial. »
Le Serpentard sembla lassé devant une telle annonce. Il ne dit rien. Hermione s'approcha de lui, et étudia son visage. Il la regardait en retour, toujours silencieux.
« Impressionnant. », souffla-t-elle enfin. « Tu as vraiment un don pour la métamorphose. Mais il reste un problème… »
« Lequel ? » questionna-t-il sans cacher entièrement sa curiosité.
« Severus a accepté d'intercéder auprès du directeur… »
« Qui est toujours absent. », ajouta Neville.
« … et en attendant qu'il revienne avec l'accord du professeur Dumbledore, parce qu'il n'y a aucune raison pour qu'il ne l'obtienne pas, nous avons donc le temps de nous entraîner un peu… Ta métamorphose est très bien, seulement, il vaudrait peut-être mieux que Draco Malfoy soit vu entrer dans le train. Au moins pour aller chercher tes affaires dans les dortoirs de Serpentard. Il faudra être capable d'effectuer toutes les métamorphoses en un clin d'œil une fois dans le train… »
« Sans oublier les devoirs de préfets. », précisa Harry.
Draco ne quittait pas Hermione des yeux. « Donc tu veux passer notre temps à s'entraîner à la vitesse et la discrétion ? Je relève le défi. Mais il n'y a que moi et toi qui essaierons. Harry et Neville ne sont pas assez compétents en métamorphose. »
Les deux garçons ne s'offusquèrent pas de cette remarque qu'ils jugeaient tous les deux tout à fait exacte. Ils venaient tout juste de commencer à étudier ce domaine délicat de la métamorphose, l'un des plus complexes, pire encore que l'apparition d'oiseaux ou de serpents. Ils ne saisissaient même pas la logique où la métamorphose humaine serait plus compliquée que les autres métamorphoses animales. Peut-être que leur incompréhension faisait partie de leurs difficultés à réussir en métamorphose. Leurs spécialités étaient ailleurs, et ils le savaient.
Hermione et Draco continuèrent de s'entraîner, et les deux autres lisaient, l'un le livre du Prince de Sang-Mêlé, l'autre l'ouvrage de métamorphose de Draco, jusqu'à ce que Severus vienne les trouver lui-même. Ils ne se demandèrent pas comment le professeur les avait trouvés. Le professeur trouvait toujours tout le monde.
« Un message du directeur, Draco. N'informe pas ta mère de cela. », déclara l'homme en tendant un bout de parchemin plié à son élève. Draco s'en saisit avec un bref remerciement, et lut, cachant le contenu à ses amis et en particulier Hermione juste à ses côtés. Il y avait l'adresse, mais pas que. Il brûla le papier après en avoir pleinement pris connaissance. Ses amis furent étonnés, mais le professeur hocha légèrement la tête en approbation. Le Serpentard releva un regard souriant vers son chef de Maison. L'espion savait y voir la résignation forcée.
« Tu nous souhaites de bonnes vacances ? » demanda le blond avec une voix sans joie contrairement au sourire qu'il offrait.
« Certainement. À vous tous. Draco, une consigne supplémentaire pour toi : repose-toi. Tu te surmènes beaucoup trop ces derniers temps. Profite de la pause pour te rafraîchir les idées. »
« Bien sûr. », répondit le garçon avec dérision.
« Assurez-vous d'être discrets et dans le train, et à la gare. Lily participe à la sécurité du train, vous vous retrouverez à la sortie. Lupin viendra également vous chercher. »
« Deux adultes pour cinq adolescents et leurs bagages… j'espère qu'ils sont très doués en transplanage. », nota Draco.
« Ils le sont. Les autres membres de l'Ordre, en particulier les Aurors, s'occuperont de la sécurité de la gare. Dépêchez-vous d'aller chercher vos affaires et de vous rendre au Poudlard express maintenant. »
À ces mots, les élèves se levèrent tous pour obéir, et commencèrent à partir.
« Harry. », rappela Severus. L'adolescent se retourna vers lui, curieux, son précieux livre toujours dans sa main et caché sous son bras. « Ton manuel de potion semble particulièrement abîmé. »
« Oh. » Harry chercha rapidement une excuse. Sauf qu'il n'en trouvait aucune. « En fait… comme tu n'es plus notre professeur, je travaille d'autant plus, pour conserver un niveau acceptable, donc, je le lis beaucoup. Et comme je me promène tout le temps avec, des accidents arrivent. »
« Il ne s'est pas même écoulé quatre mois. »
« Parce qu'avec cinq mois de plus, tu trouverais cet état plus correct ? Mon livre est comme ça, c'est tout. »
« Et je suppose que c'est l'étude approfondie de cet ouvrage qui t'a soudainement permis d'effectuer des prouesses assez impressionnantes pour rendre Slughorn extatique à la mention de tes compétences. »
« Exactement. »
« Donc tu ne travaillais tout simplement pas lorsque j'enseignais ? »
Harry cherchait une fuite. Il n'y en avait pas. « Je vais vraiment être en retard à la gare. On pourra en reparler à la rentrée ? »
L'homme le toisa durement, ce qui augmentait encore le stress du jeune menteur, avant d'enfin reprendre la parole. « Accordé. File. »
L'adolescent ne se fit pas prier.
À la montée du train, Hermione et Draco décidèrent finalement de s'enfermer ensemble dans des toilettes pour placer les métamorphoses en toute discrétion, à l'abri des regards, pendant que les autres allaient se trouver une place. Ron se joignit à Harry et Neville, et leur demanda comment s'était passée la soirée de Slughorn. Neville commença à lui résumer, tandis que Harry se cloîtrait encore dans sa lecture. Ils cessèrent de discuter lorsque Lavande arriva devant la porte de leur compartiment, et que Ron lui offrait un sourire idiot après avoir lâché un « Oh, non. » gémissant. L'adolescente créa de la buée en soufflant sur la vitre, et y traça un cœur avec leurs initiales, avant de lui dire qu'il lui manquait. Enfin, elle s'enfuit.
« Tu lui manques déjà. », répéta Harry avec sarcasme.
« J'en ai marre. », geignit Ron. « Elle passe son temps à me bécoter… »
« Pourquoi restes-tu avec elle si tu n'en peux plus ? » critiqua Harry, sans la moindre touche compatissante pour les plaintes du roux au sujet de ses lèvres toutes gercées.
Hermione, suivie d'un inconnu brun, se stoppa devant la porte, fixant le cœur dégoulinant. Elle leva son regard froid sur Ron. À l'intérieur du compartiment, les trois garçons l'observaient en attente de voir sa réaction. Derrière elle, l'adolescent lui chuchota quelques mots. Exaspérée, elle ouvrit la porte et pénétra dans le compartiment.
« Neville, Harry, vous ne voulez pas aller à côté de Ron, plutôt ? » demanda-t-elle.
« C'est-à-dire que, non. », répondit Harry. Neville, toutefois, bougea. « Pourquoi le fais-tu ? »
« Ils veulent être côte à côte. », lui expliqua Neville en se calant à côté de l'entrée.
« Et ils peuvent l'être à côté de Ron. »
Ron coupa. « Euh, attendez, c'est qui l'autre, là ? »
« Mon petit ami. », informa Hermione, en cœur avec Neville et Harry sauf pour ce qui était du déterminant possessif.
Ron changea de couleur. « Quoi ? » s'étrangla-t-il. « Depuis quand ? »
« Tu es bien avec Lavande. », rétorqua Hermione, bras croisés.
Derrière, le brun s'agaça, et s'installa à côté de Harry. « Tu pourrais au moins te décaler à la fenêtre ? » Le Gryffondor le fixa, impassible. « S'il te plaît, Potter. », insista l'autre.
Ron fronçait les sourcils en scrutant l'inconnu dont la voix de l'était pas. Harry soupira. « Bon, très bien. » Il se décala à sa gauche, contre la fenêtre. Hermione s'installa alors entre lui et le Serpentard.
« Draco ?! » s'exclama Ron. « Tu… T'as joué avec la métamorphose ? Tu t'es loupé ? »
« Je pourrais l'enlever si je voulais. », rétorqua-t-il durement.
« Mais le principe, c'est de ne pas l'enlever. », expliqua Hermione.
Ron semblait dégoûté. « Ouais, faudrait pas qu'on voie un Malfoy et une née-Moldue ensemble. »
« La raison est autre. », marmonna Harry, le nez dans son livre. « C'est pour être incognito à la gare. Il vient avec nous, au lieu de rentrer avec sa mère. J'ai comme dans l'idée qu'une certaine Bellatrix Lestrange s'y trouve aussi. »
« Absolument pas. », refusa d'admettre le Serpentard.
« Depuis quand ils sont ensemble ?! » répéta Ron.
« Si tu n'étais pas si concentré à bécoter Brown, tu le saurais. », répliqua Draco.
Soudainement, Ron eut la langue collée au palais, et écarquilla les yeux de surprise plus que de désagrément, émettant quelques sons étranges en essayant de parler. Draco palissait, et tourna la tête, fixant rapidement son regard sur la baguette de Harry. « Enfin un peu de silence. », déclara tranquillement ce dernier, toujours le nez dans son livre. Hermione et Neville fronçaient les sourcils, sans comprendre. Draco se leva, avec la ferme intention d'arracher son livre au Gryffondor, mais celui-ci se montra plus rapide pour cacher l'ouvrage dans son dos. Le Serpentard posa ses poings sur les hanches, l'expression sombre rivée sur son camarade.
« Je ne trouve pas Ron très silencieux. », riposta Hermione, juste avant de devenir furieuse. « Tu as utilisé un autre sort du Prince de Sang-Mêlé sur eux ?! »
Harry rendait un regard dur au blond debout devant lui. « Je désirais un trajet dans le calme, et ils semblaient incapables de ne pas se disputer. »
Ron continuait ses bruits insurgés. La surprise passée, il trouvait l'effet du sort des plus désagréables.
« Enlève-leur, s'il te plaît. », demanda Neville un peu sévèrement.
Harry libéra Draco, puis Ron, grâce au contre-sort informulé qu'il avait préalablement repéré dans le manuel du Prince de Sang-Mêlé.
« Merlin, Harry, qu'est… », commença Draco, énervé, avant que le Gryffondor ne le coupe.
« Je le remettrais si vous recommencez. »
Cela dissuada également Ron de se disputer. Le Serpentard retourna s'asseoir, et s'adressa à Hermione. « Un sort du Prince de Sang-Mêlé ? Il y a des sorts dans le manuel de potion ? »
« Oui. D'après l'expertise de Harry sur le sujet, le Prince de Sang-Mêlé les aurait créés lui-même. » Elle se tourna vers le fautif. « Quel était ce sort ? »
Le Gryffondor était à nouveau plongé dans sa lecture. « Rien de dangereux. Il "bloque la langue". Le Prince de Sang-mêlé est capable d'inventer des sorts en se basant tout autant sur le latin que sur l'anglais. Je sais distinguer les sorts acceptables de ceux à éviter. »
« Combien de sorts as-tu trouvés ? » s'enquit Draco, curieux.
« Sans compter les contre-sorts, j'en ai retenu une demi-douzaine. »
« Et vas-tu les communiquer avec nous, ou préfères-tu te garder ces avantages en duel pour toi ? Forcer un adversaire à ne pouvoir employer que des sorts informulés paraîtrait des plus efficace. »
« Il y a le charme de mutisme. », commenta Hermione.
« Dont le contre est plus connu qu'un sort inventé par le Prince de Sang-Mêlé. »
Harry reprit. « Si je t'apprenais ce sort, je ne pourrais plus utiliser la menace de vous le lancer. »
Neville soupira. « Harry, s'il te plaît. Abstiens-toi de ce genre de menace. »
Ron toisa Draco d'un œil critique. « Tu ne connais pas déjà tous les sorts du Prince de Sang-Mêlé ? »
« Pourquoi le ferais-je ? Harry garde tout le temps le livre pour lui. Nev et moi pouvons seulement suivre en cours de potions, et pour l'instant, il n'y avait pas de sorts à côté des recettes. »
« Oh, je ne sais pas, peut-être parce que le premier sort que Harry a testé était ton sort favori ? »
Draco fronça un peu les sourcils. Il était vrai qu'ils avaient des sorts de marques : le charme de désarmement pour Harry, le charme de bouclier pour Neville, et le sortilège du pendule pour sa part. Ron ne pouvait pas indiquer autre chose que le Levicorpus, mais il n'était pas possible que ce sort soit là. Il s'agissait d'un des deux sorts personnels de son parrain. Ce dernier avait bien déclaré devant lui et McGonagall que c'était sa propre invention. « C'est… absurde. »
« Je te rappelle qu'on a vu James le lancer aussi. », intervint Harry.
« Dans ce cas, une petite discussion avec Remus s'imposera. »
« J'y comptais bien, mais d'ici là, ne pars pas du principe que nous savons le réel créateur. Le Prince de Sang-Mêlé l'a de toute évidence inventé lui-même, dans ce manuel de sixième année datant du milieu des années 40. Tout ce que nous avons à découvrir, c'est comment mon géniteur et Sev l'ont appris. »
Durant le reste du trajet, Harry restait enfermé dans la lecture du vieil ouvrage usé. Levicorpus, Bloclang et en particulier Muffliato présentaient un intérêt certain. Le premier lui avait inculqué qu'il devait se méfier d'une traduction trop vague, et ne pas tenir pour acquise l'innocence des effets supposés. Le sort faisait exactement ce qu'il disait, et Harry devait demeurer prudent dans ses interprétations. Pour autant, le sortilège du pendule prouvait son efficacité, et la présence de son contre-sort rassurait quant à la sécurité de son utilisation. Le second sort s'avérait une petite merveille pour remplacer un charme de mutisme trop connu, tant qu'on était prêt à supporter les borborygmes des victimes parfois bruyantes. Il ignorait quelle était la classification de ce sort, mais il pouvait supposer qu'il s'agissait d'un charme ou plus probablement d'un sortilège, mais sans doute pas plus sombre. Le troisième, enfin, était un charme dont Harry connaissait l'efficacité depuis longtemps. Il était idéal pour tenir des conversations secrètes, ou même empêcher un adversaire d'entendre les sorts formulés employés.
Toutefois, Harry commençait aussi à s'interroger sur l'étendue des domaines de prédilection du Prince de Sang-Mêlé. Il avait pu trouver ce qui était nommé maléfice d'agrandissement des ongles de pied, et pouvait se douter qu'il serait moins inoffensif que les charmes et sortilèges du Prince. Ce n'était pas un sort qu'il testerait sur un ami, même volontaire ou énervant.
Mais parmi tous les sorts écrits dans ce manuel, c'était une note singulière en haut d'une page qui attirait le plus l'attention de l'adolescent et lui insufflait le plus de questionnement. « Sectumsempra – Pour les ennemis », avait été inscrit de cette écriture bien connue à présent aux yeux du garçon. Toutefois, ce n'était pas avec de fins traits, les plus petits possibles pour avoir toute la place d'écrire dans les marges, non, c'était tracé en grand, visible et remarquable, et aucune recherche ne semblait avoir été menée à côté. Il n'y avait que le nom du sort, et la seule description Pour les ennemis. Il n'y avait jamais pareil avertissement à côté des autres sorts. De plus, Harry, pourtant toujours aussi passionné par le travail du Prince de Sang-Mêlé, ne pouvait que ressentir une appréhension quant à la signification de ce sort. Sectum, du verbe latin seco, désignait "couper", "tailler" ou encore "trancher", voire "amputer" ; tandis que Sempra, de l'adverbe semper, signifiait "toujours", "continuellement", "perpétuellement" ou encore "à jamais". Rien n'indiquait un effet bénin. Ce sort ne pouvait qu'être une malédiction, capable "d'éternellement couper".
Harry était à la fois méfiant d'un sort qui se traduirait de la sorte, ne se souvenant pas ailleurs que trop bien des avertissements de Severus au sujet de sorts inconnus dont les traductions inspireraient défiance, et à la fois d'une curiosité croissante. Il voulait découvrir ce que provoquerait réellement cette possible malédiction. Pourtant, s'il s'agissait d'une telle magie noire, ne devrait-il pas se méfier des effets sur sa propre âme s'il le lançait ? Et pouvait-il se permettre d'exécuter, même sur un ennemi, un sort de coupure éternelle ? La mention pour les ennemis indiquait clairement qu'il ne s'agissait pas de tailler une pierre. Le sort était fait pour des êtres de chair et de sang.
L'arrêt du train extirpa Harry de sa lecture attentive des notes du Prince de Sang-Mêlé, et plus particulièrement de ses sombres pensées à l'étude de ces quelques mots en haut de la page, sur cette malédiction pour les ennemis. Quand Harry leva la tête de son manuel, Ron et Neville étaient déjà debout, discutant tranquillement en s'approchant de la porte. Le couple formé par Hermione et Draco ne tardait pas à se lever à leur tour, avec quelques regards vers Harry juste le temps de s'assurer que l'adolescent émergeait bien de sa lecture et se préparait à suivre. Le lecteur avide suivit ses amis dans les couloirs du train, jusqu'à la sortie à la gare. Ils allèrent récupérer leurs affaires dans le wagon de transport des bagages, puis cherchèrent des yeux les adultes qui devaient les attendre. Ils localisèrent Remus, et avant qu'ils ne l'atteignent, Hermione repéra ses parents. Elle se sépara alors du groupe, avec un au revoir, et rejoignit les moldus. Neville, Harry et Draco se dirigèrent vers le loup-garou, suivis par un Ron qui regardait attentivement les alentours, les yeux particulièrement rivés vers une Lavande impétueuse qui se séparait des jumelles Patil. Parvati saluait Lavande de la main avec un sourire poli, tandis que Padma ne cachait pas sa lassitude ; même de loin, remarquer son irritation envers la blonde de Gryffondor s'avérait aisé. Ron repéra également Ginny s'éloigner de Luna pour venir vers eux.
Remus était pour le moins surpris de voir s'approcher de lui non seulement Harry et Neville, mais aussi un adolescent inconnu aux cheveux châtain foncé, qui ne ressemblait à personne à qui il aurait enseigné trois ans plus tôt. Sa mémoire n'était pas infinie, mais il se serait souvenu d'un ami de ses protégés. Le brun, entre Harry et Neville, s'arrêta comme les deux autres devant lui. Ron demeurait légèrement en retrait, son attention ailleurs, et Ginny était encore loin. Remus fixa ses yeux jaunes — la pleine lune n'étant que pour deux jours plus tard — sur "l'inconnu".
« Draco, à quoi joues-tu ? » demanda-t-il avec calme, malgré une légère lassitude.
Le non-blond croisa les bras, quelque peu pompeux. « Ça ne se voit pas ? Je viens dans le manoir de ma famille maternelle pour les vacances. »
« Tu ne peux pas… »
L'adolescent le coupa. « J'ai l'encouragement de Dumbledore, l'autorisation d'Oncle Sev, et l'invitation du maître des lieux. »
Harry approuva. « Je ne lui laissais pas vraiment le choix. »
Ginny rejoignait enfin son frère et ses amis. « Draco vient ? »
L'intéressé grimaça un peu avant de se retourner vers elle, inexpressif. « Comment peux-tu m'avoir reconnu ? Ne parle pas trop fort, Gin. »
Elle haussa les épaules. « Il n'y a pas beaucoup de Sang-Pur arrogants que Neville et Harry pourraient côtoyer. »
Lily arrivait à son tour. « Bonjour, Remus. Je vois que tout le monde est là. Comment comptes-tu procéder pour les transplanages ? »
Le loup-garou porta son attention vers la femme. « Lily, je ne pense pas que Draco… »
« J'ai vu avec Severus. Tu ne pourrais refuser à l'héritier de Regulus Black de venir au manoir, tout de même. »
Draco intervint. « Je signalerais que le gardien du secret m'en a donné l'accès. »
Remus céda. « Bon, très bien. »
Il organisa le transport de chacun des adolescents et de leurs bagages. Il s'occupait des Weasley et Neville, pendant que Lily se chargeait d'Harry et Draco, les bagages de tous réduits dans leurs poches, en dehors des plantes de Neville, et des familiers. Ils arrivèrent devant le numéro 12 de square Grimmaurd, sur la pelouse de l'allée, et Draco put découvrir pour la première fois cette architecture parfaitement alignée du Londres moldu. Comment les Black, ces fanatiques de la pureté du sang, pouvaient-ils avoir décidé et accepté de vivre ici, à un endroit où ils ne pouvaient pas même disposer de jardin pour permettre à leurs enfants de voler sur leurs balais ?
« Rentrons vite. », décréta Remus en poussant un peu les adolescents.
Sans se faire prier, Harry saisit Draco par le poignet et l'entraîna. « Viens. On va commencer par dîner, et après je te ferais les honneurs de la maison. »
« Laisse-moi au moins enlever ma métamorphose ! » s'insurgea le non-blond.
Remus soupira devant l'excitation des adolescents. « Pas à l'extérieur. », rappela-t-il.
