(Le Prince de Sang-Mêlé) Weasley et Malfoy
Il ne fallut pas bien longtemps avant que les jumeaux ne parviennent à coincer Draco, dans sa chambre. Le plus jeune savait pourquoi ils venaient, mais les deux roux identiques commencèrent par jeter un coup d'œil des plus critiques aux nombreuses vieilles coupures de journaux parlant de Voldemort.
« Je n'ai pas encore eu le temps de refaire la décoration. », engagea Draco, même s'il n'avait absolument pas envie de changer les couleurs de Serpentard qui régnaient dans toute la pièce. Il n'avait aucune raison particulière non plus pour ôter la photo de l'équipe de Quidditch à laquelle Regulus avait appartenu. Comme il était déjà bien heureux que Kreattur le laisse s'installer dans la chambre où l'annotation "Défense d'entrer sans l'autorisation expresse de Regulus Arcturus Black" apparaissait avec toute la lisibilité attendue pour une telle pancarte sur la porte, il ne comptait pas en plus enlever les souvenirs du précédent occupant de l'endroit où il n'était qu'invité. Et il était indifférent devant la peinture des armoiries des Black au-dessus du lit.
« C'était un obsédé. », commença l'un des deux sorciers facétieux. Comme de coutume, l'autre enchaînait.
« Il ne jurait que par Voldemort. »
« Adoration ? »
« Haine ? »
« Qu'est-ce qui pouvait le conduire… »
« … à collectionner toutes ces informations ? »
Draco haussa les épaules. « La passion du sujet. Savoir quels étaient ses réels objectifs est impossible à moins que vous puissiez parler aux morts. » Il songeait que ces vieilles coupures de journaux pourraient intéresser Théodore, si le garçon ne les avait pas déjà, et il se doutait pourtant que le solitaire n'avait aucun sentiment pour le Seigneur des Ténèbres ou sa cause.
Les jumeaux, ayant apparemment terminé de débattre intérieurement sur l'aspect de la pièce auparavant interdite, dirigèrent leur attention vers leur objectif initial.
« Alors. », fit le premier.
« Ginny. », compléta l'autre. Draco les fixa sans trace d'émotion. Les jumeaux laissèrent planer la sentence avant de reprendre.
« Comment ça se passe ? »
« Tu devais les rassembler. »
« Et nous n'avons pas l'impression… »
« … que les choses aient avancé. »
Draco joua avec la plume d'oie noire qu'il tenait dans sa main. « Nous nous sommes trompés de cible. »
Les jumeaux l'étudièrent avec curiosité. « Comment ça ? » demandèrent-ils en cœur.
« Nev et Gin sont juste amis. L'attirance de Gin pour "l'élu" n'est due qu'à ce fait. Proprement ridicule. Que pensez-vous d'Harry ? Ils ont une passion commune avec le Quidditch. Et à bien réfléchir, ils semblent avoir un attrait réciproque l'un pour l'autre. Les lois du sport les rapprochent. »
« Tout comme elles t'éloignent d'Harry. », commenta l'un. Ils semblaient douter.
« Harry, une passion pour le Quidditch ? »
« Harry joue, très bien même. »
« Mais est-il passionné ? »
« Il ne sera pas joueur professionnel. »
Draco les dévisagea. « Vous pensiez que Nev deviendrait joueur professionnel ? Il a horreur de voler. Trouvez-moi un point commun entre Neville et Ginevra, et je réfléchirais à les mettre ensemble. En attendant, c'est Ginny qui a choisi Harry. Par contre, il faudra faire quelque chose au sujet de Ron. Il s'énerve dès que quelqu'un s'approche de sa sœur. Ça m'inclut, et ça pourrait bien inclure Harry. Ou même Neville, si vous insistez pour que ce soit lui. »
« Du moment que ça va à Ginny. »
« Ça nous ira. »
« Si c'est quelqu'un de correct. »
« Harry est très bien. »
Draco hocha la tête. « Tant mieux, parce que même si Neville est mieux, il ne va juste pas du tout avec Ginny. »
Les jumeaux ne semblaient pas d'accord, mais ils jugèrent que cette mise au point suffisait. En revanche, ils n'hésitèrent pas à faire comprendre au Serpentard qu'il avait intérêt à s'occuper de sa part du marché s'il ne voulait pas subir les retombées de jumeaux lésés et contrariés.
Dans le manoir, séjournaient aussi bien les Weasley que Remus et Nymphadora. Le plus surprenant pour Harry, et les autres adolescents également, fut de découvrir que Remus et Tonks restaient très proches, jusqu'à partager la même chambre. Et ce n'était certainement pas pour occuper moins de chambres. Tonks semblait la plus méfiante à l'égard de Draco. Elle prétendait avoir eu un ami Serpentard, comme pour assurer qu'elle n'avait pas vraiment de préjugé. Peut-être disait-elle vrai, mais sans doute n'avait-elle pas d'avis neutre vis-à-vis des Malfoy en particulier.
Lors des repas, les places devinrent fixes, et les adolescents conservaient presque celles qu'ils avaient prises le premier soir. Draco, Harry, Neville et Ron s'alignaient d'un côté, le blond sur le bord. Afin d'être plus conviviale et rapprochés, au lieu de se placer à gauche de leur sœur, les jumeaux s'installaient face aux deux autres plus Serpentard de la tablée. Ginny se décalait donc face à Neville. Elle était à côté de Tonks, et la ligne se poursuivait avec Remus, puis Lily. Ron se retrouvait à côté de son père, ce dernier tout naturellement auprès de son épouse.
Fred et George eurent toute l'occasion de voir Draco et Harry s'échanger coup de coude, regards et messes basses imperceptibles, avec des coups d'œil vers les adultes malheureusement situés sur la même rangée qu'eux, à l'autre bout. Le duo avait clairement quelque chose à demander, mais d'une part restait indécis quant à qui prendrait la parole et comment, et d'autre part se trouvait gêné par les positions, séparé de leur futur interlocuteur par leurs deux amis. Les jumeaux s'amusèrent de cette observation, et ne firent rien pour les aider. Enfin, Harry se décida à interpeller Arthur.
« Monsieur Weasley, nous avions une question d'ordre… généalogique. »
L'homme, comme la plupart des convives, porta une attention surprise à l'adolescent. Ce n'était guère le genre de discussion auxquelles il était habitué.
« La question vient de Malfoy ? » interrogea Tonks avec un mélange de narquois et de curiosité.
« C'est d'un commun accord. », répondit le blond.
Harry développa, regardant toujours vers Arthur. « Nous essayions de compléter les trous dans l'arbre des Black. Cedrella Black a été rejeté pour avoir épousé un Weasley, et nous nous demandions si vous saviez de qui il s'agissait. »
L'homme répondit sans difficulté. « Bien sûr, il s'agissait de Septimus Weasley… mon père. »
Draco blêmit. « Quoi ?! Mais alors, nous sommes… »
Arthur semblait amusé. « Cousins, oui. Mais éloignés. »
Draco se remémorait l'arbre rapidement dans son esprit. « Gin, les jumeaux et Ronald sont les petits-cousins de ma mère ! » Harry roulait des yeux pendant que Draco enchaînait ses calculs de généalogie par ailleurs beaucoup trop vite humainement parlant. « Vous êtes le cousin issu de germains éloigné au 1er degré de ma mère. Vous êtes mon cousin issu de germains éloigné au 2ème degré. » Il tourna son regard vers Ginny. « Nous sommes petits-cousins éloignés au 1er degré ! »
Elle rit. « C'est très éloigné, tu ne trouves pas ? »
Il la toisa. « Nous sommes à une génération d'écart. », rétorqua-t-il très sérieusement. « Vous êtes de la génération de ma mère. »
« Drac, c'est là qu'est toute la différence entre les familles avec sept enfants et celles avec un seul. Les plus jeunes des grandes fratries peuvent avoir l'âge des enfants des aînés. »
Il grimaça. « Pas à ce point-là, tout de même. »
Harry secoua la tête. « Toutes les familles de Sang-Pur sont vraiment liées, n'est-ce pas. Même celles qui ne peuvent pas se supporter. »
Soudainement, Draco changea d'attitude pour se montrer bien plus désintéressé par le sujet, et surtout sans plus d'inquiétude. « Nous ne sommes pas vraiment liés. C'est une relation de sang très éloignée. De plus, ce lien n'a pas été admis par les Black. Ils ont coupé les Weasley de l'arbre, et ainsi indiqué l'absence de relation entre eux. Malfoy et Weasley ne sont donc pas liés, même par les Black. »
« Vous allez vraiment parler pureté du sang ? » questionna Tonks.
« Nous parlions cousinage. », signifia Draco.
« Et nous allons arrêter d'en discuter, puisque c'est inapproprié. », appuya Harry avec un sourire serein.
Ron, pourtant, ne jugea pas opportun d'arrêter là. « Draco a laissé entendre qu'effectivement nos familles ne se supportaient pas. »
« Il y a une différence entre famille et individu. », protesta le blond.
« Tu ne représentes plus ta famille ? Tu es l'héritier, et le seul descendant il me semble. Et le seul à ne pas être à Azkaban aussi. »
Draco le fixa froidement. « Eh bien, en ce qui me concerne, tu es celui qui voulait se battre contre moi dernièrement. Je ne vais pas être courtois avec ceux qui veulent me lancer des bouteilles à la tête. »
« Je n'allais pas le faire ! » contra le roux, rougissant, davantage encore lorsqu'il sentit les regards pesants de ses parents dans son dos.
« C'était bien imité. », ajouta Ginny.
Ron regarda sa sœur, horrifié. « Ne me soutiens pas, surtout ! »
« Bien sûr que non. Pourquoi le ferais-je ? »
« Elle n'a pas tort. », marmonna Neville.
Les adultes ordonnèrent le retour du calme, puis exigèrent des explications sur cette histoire. Ron détesta entendre les accusations sans hésitations de Ginny et Draco. Cette affaire remontait à presque deux mois, pour quoi tenter de le faire punir maintenant ? Neville et Harry se montrèrent moins rancuniers, et plaidèrent la cause de Ron, désireux de lui éviter une punition qu'ils jugeaient à présent dépassée, bien qu'ils s'obligèrent à acquiescer à chaque vérité des deux autres.
« Maître ne devrait pas être là. »
Le vieil elfe de maison plus ridé que permis se tenait, voûté comme son âge avancé l'y obligeait, à l'entrée de la chambre fermée. Ce n'était pas la première fois qu'il le signifiait, de sa voix caressante de respect mais pleine de reproche. Draco comprenait que la créature s'inquiète. Il tentait lui-même de ne pas s'inquiéter de cette décision totalement déraisonnable de visiter le quartier général de l'Ordre alors qu'il était un Mangemort marqué, filleul de celui envers qui Voldemort avait le moins confiance. Néanmoins, ce n'était pas son choix. Les circonstances l'avaient forcé à venir à cet endroit, à cause de cette insistance déplacée d'Harry, avec la complicité de Neville et Hermione, puis l'accord étrange du directeur et de l'espion en chef. Depuis que Draco était arrivé, l'elfe avait plusieurs fois mentionné, en privé, l'irresponsabilité pour le jeune Sang-Pur de se tenir dans le lieu de réunion des sang-mêlé et traîtres à leur sang.
Le blond soupira, assis au bureau de son cousin germain éloigné au 1er degré décédé. « Je sais parfaitement que je ne devrais pas, Kreattur. Le répéter n'y changera rien. Et j'ai des consignes. »
« Maître ne devrait pas. Si le Seigneur des Ténèbres l'apprenait, ou si ses parents l'apprenaient, le Maître aurait des ennuis. »
« Fort heureusement, il n'est guère prévu que quiconque de l'autre côté en soit informé. Et si jamais cela arrivait, j'aurais l'excuse idéale. »
Il se leva, reposant la plume sur son support, et récupéra sa cape sombre, encore un ancien héritage de Regulus Arcturus Black, pour la passer sur ses épaules, dos tourné à l'elfe. Ce dernier continuait de trouver des idées de sermons à lui faire. Draco remerciait Merlin que son étrange complice ignore tout de sa relation particulièrement avancée avec Hermione. Il interrompit les plaintes de l'elfe fou.
« Kreattur, assure-toi plutôt que personne ne nous verra dans le couloir. »
« Ils sont tous dans leurs chambres. », rétorqua sans attendre l'être servile.
Draco se retourna vers lui, un sourcil haussé. « Même les adultes ont quitté salon ou salle à manger ? »
Il était tard, mais peut-être pas tout à fait assez. De plus, les couloirs et les escaliers ne resteraient pas forcément silencieux sous les pas des sorciers qui y marcheraient, et l'adolescent ne comptait vraiment pas se faire remarquer. D'un autre côté, que les occupants du manoir soient au rez-de-chaussée ou dans leurs chambres, ils pourraient toujours percevoir les grincements de plancher. L'idéal serait que chacun dorme d'un sommeil lourd.
L'elfe l'étudia d'un œil critique. « Le Maître peut renoncer, s'il n'est pas rassuré. Il aurait raison. Maître ne devrait pas être ici, mais il ne devrait pas non plus faire ce qu'il prévoit de faire. »
« Au contraire, Kreattur, je le dois. », déclara sereinement le Sang-Pur. Il balança un pan de la cape pour la jeter sur l'épaule opposée, de sorte pourtant à conserver une bonne liberté de mouvement de ses bras, mais toujours également la place de cacher d'éventuelles trouvailles à l'abri des regards de ceux qu'il espérait surtout ne pas croiser. « De quoi ai-je l'air ? » demanda-t-il avec curiosité.
« Maître ressemble à un digne Sang-Pur. Il a l'air d'un noble Lord qui partirait en soirée et ne s'abaisserait pas à risquer sa vie pour les autres. »
« Je ne fais rien dans ce sens. », contra Draco froidement. Il sourit. « Merci du compliment, Kreattur. »
« Maître ressemble à Maître Regulus. Maître Regulus est mort de ce qu'il faisait. »
« Je ne compte pas mourir, et je lui ressemble peut-être parce que toute ma garde-robe, grâce à toi, est composée de ses vêtements. Trêves de bavardages. Montre-moi toutes ces salles "interdites", et en particulier les endroits où je pourrais trouver des objets sombres, ou de quoi jeter des malédictions à certains… ennemis. »
Le vieil elfe secouait la tête. « Maître ne devrait pas faire ça. »
Comme attendu pourtant, il ne pouvait refuser un ordre direct, et fut forcé de conduire l'adolescent dans les couloirs. La seule lumière visible perçait par les escaliers et provenait de la salle habituelle où les adultes se réunissaient pour discuter. Ils pouvaient entendre quelques sons de voix ténues, qu'ils étaient bien incapables de déchiffrer. Du moins, Draco n'y parvenait pas, et il ignorait tout de la portée des oreilles des elfes de Maison. Kreattur lui fit donc cette visite complète du manoir aussi silencieux que possible, c'est-à-dire sans un mot sauf lorsqu'il devait expliquer ce qu'était une pièce ou une autre, ce qu'elle contenait, ou pourquoi elle avait été condamnée par Sirius quand elle l'était. Draco n'aurait assurément pas le temps de tout fouiller dès à présent, et ce ne serait pas non plus raisonnable. Il se contentait de retenir toutes les informations prodiguées sur le manoir, dans le but de les réutiliser plus tard, lorsqu'il pourrait fureter avec moins d'inquiétude, et plus de certitude que chacun serait bien occupé. Il n'avait que quinze jours à peine pour trouver de pareilles occasions, et il lui faudrait du temps afin d'avoir une chance de dénicher quelque chose d'utile. Autrement dit, la mission donnée par Dumbledore et son parrain sur ce fichu papier où il avait lu l'adresse serait presque impossible à réaliser.
