(Le Prince de Sang-Mêlé) Comme un oiseau


Le temps s'écoulait aussi sûrement que le sablier de sable vert Serpentard du professeur Slughorn durant une conversation des plus ennuyeuses. Draco n'en était que trop conscient. Il devait achever sa grande œuvre avant la fin de l'année, et plus de la moitié avait déjà passé. Il refusait de conduire une nouvelle tentative partielle qui se solderait en un échec volontaire. L'expérience avec la bouteille empoisonnée n'avait que trop mal fonctionné. Malgré tous ses efforts, il n'arrivait toujours pas à trouver beaucoup d'empathie pour Ron, mais il ne pouvait considérer que le savoir presque mort par sa faute ne lui insufflait aucun malaise. Sans Harry, Draco serait devenu un véritable assassin. Il refusait de prendre à nouveau pareil risque. Au cours d'alchimie suivant l'incident, son parrain avait accepté qu'il cesse de produire des preuves de sa bonne volonté. Toutefois, le dernier plan devait réussir.

Alors Draco se rendit, tel un condamné parcourant le chemin funeste vers la lente agonie, au septième étage. Il montait les marches comme si ses pieds pesaient deux fois le poids de tout son corps. Il se sentait terriblement seul tandis qu'il traversait les escaliers et les couloirs. Quoi de plus normal puisque, justement, il avançait en solitaire, dans un périple qui lui était propre. Ses amis ne pouvaient le suivre là où il allait. Et ce serait pire une fois cette tâche terminée. Il ne tiendrait qu'à lui de les soutenir, de loin, dans l'ignorance. Il ne garderait que son parrain, qui, comme lui, se cacherait dans l'ombre et attendrait son heure pour révéler ses véritables intentions à leurs vrais alliés. Les autres ne comprendraient pas.

Il était heureux que Tante Lily soit là. Sans elle, il ne saurait pas lui-même le véritable camp de son parrain, ni s'il pourrait lui faire confiance. Grâce à elle, il avait trois soutiens. Son parrain et mentor, qui le guidait au besoin, Tante Lily, qui pouvait le réconforter à défaut de le rassurer, et Dumbledore qu'il ne voyait jamais. Le vieil homme n'interagissait jamais avec lui, mais le simple fait de le savoir de son côté enlevait un poids. Il ne voulait pas que le centenaire meure, néanmoins il en savait à la fois l'importance pour sa propre vie et pour leur plan, et à la fois l'inéluctable destin d'un sorcier condamné par une virulente malédiction.

Et puis, Draco aurait toujours Kreattur, quoi qu'il arrive. Ô, comme il aimerait pouvoir l'appeler à Poudlard et lui demander quelques menus services. Toutefois, c'était impossible. Ce n'était pas admis non plus qu'il requiert l'assistance d'un elfe libre travaillant pour Poudlard, ce qui n'empêchait pas Dobby de continuer à accepter tout ce qu'il voudrait sans poser de questions, du moins la plupart du temps. Aussi, Draco avait appris à devenir très méticuleux dans les demandes qu'il pourrait être amené à faire auprès du serviable être. Conscient de la tendance bavarde et intrusive de Dobby, il ne pouvait guère lui quémander une quelconque participation, même lointaine, pour accomplir son grand projet. Pourtant, il le chargea de s'assurer que personne ne le suivrait jusqu'à la salle sur demande lorsqu'il s'y dirigeait. Il prétendait avoir parfois besoin de calme, pour "penser". Une bien piètre excuse qui fonctionnait surprenamment.

Il arriva devant la grande cage sphérique suspendue au détour d'un couloir, où se promenaient deux moineaux. Il entrouvrit la volière pour y glisser son bras et attirer un oiseau. Le blanc s'approcha, et il l'attrapa habilement dans sa main, avec douceur. Il ressortit son bras et referma la grille, l'animal délicatement détenu au creux de sa paume. Ensuite, il alla jusqu'au mur qu'il connaissait si bien, pour y faire apparaître l'accès à la salle sur demande. Il pénétra dans le lieu, comme d'habitude, et la porte disparut dans son dos. Il connaissait parfaitement le chemin qu'il devait parcourir pour retrouver l'armoire dans ce dédale.

D'un mouvement ample et vif, il découvrit une fois de plus le meuble du lourd rideau qui le cachait. Comme à l'accoutumée, il remettrait l'épaisse tapisserie une fois son expérience terminée. Il ouvrit la porte de bois vernie, et déposa en douceur l'oisillon. Il referma, et recommença le rituel comme précédemment pour faire disparaître l'animal. Quand il vérifia, l'oiseau n'y était plus. Il closit une fois encor l'armoire, et repéra cette plume duveteuse blanche qui s'était accrochée à sa manche. Il l'enleva délicatement, et contempla sa pureté. Devait-il vraiment le faire ? Exécuter cette expérience ? Accomplir cette mission de malheur ? Oui.

Il laissa s'envoler la plume, comme il devrait laisser partir ceux qu'il chérissait. Il n'y avait pas de place pour les sentiments. Il n'y avait plus le droit. Pourtant, il demeurait incapable de ne rien ressentir. Il y avait la peur, le désespoir, la préoccupation… et l'amour. Son parrain l'avait averti que cela ne ferait que plus mal après. S'attacher, se rapprocher, ne pouvait que conduire, lors de la rupture, de la séparation, qu'à une plus pénible douleur. Draco ne considérait pas qu'aimer de loin aiderait davantage. Il voulait en profiter tant qu'il pouvait. Il était égoïste. Ce n'était pas que lui qui aurait mal. Il savait où se situait son vrai camp. Ce serait les autres, ses amis, Hermione, qui penseraient tous qu'il avait trahi. Et la souffrance provoquée par la trahison de ceux qu'on aime est immense. Mais il aimait toujours, et il voulait aimer. Garder enfermées toutes ses émotions lui pesait à chaque fois. Il avait besoin de les exprimer. Il avait besoin de se sentir moins seul, même si ce n'était qu'une illusion et qu'il le savait, puisque ses amis ne pouvaient le soutenir dans sa tâche.

Et pourquoi ne pas en informer Théodore ? C'était lui qui, le premier, lui avait dit de prendre cette marque. Il avait déjà deviné que Draco était devenu un Mangemort, pourquoi ne pas savoir qu'il avait une mission ? Parce que cette mission était inavouable, et qu'il prévoie de la contourner sous les ordres de Dumbledore d'autant plus. Draco était comme cet oiseau, enfermé dans un lieu incertain, imposé par une intervention extérieure. En repensant à cet oiseau blanc, aussi clair que lui, il ne pouvait que saisir l'ironie qu'il avait laissé dans la cage un oiseau sombre, comme Théodore. Un oiseau qui pouvait toujours voler dans sa zone restreinte, qui pouvait chanter et se sentir en sécurité. Un oiseau dont le destin ne dépendait pas, du moins pour l'instant, des lubies d'autres personnes.

Draco exécuta la suite du rituel pour faire revenir l'animal innocent. Il n'entendait pas de mélodie harmonieuse. Il ouvrit la porte du placard seulement pour y voir, là où il l'avait plus tôt déposé, l'oiseau blanc, inerte, mort. Tremblant, il prit l'innocent volatile dans ses mains, et ne put que constater ce qui semblait bel et bien être un décès. Il avait échoué. Et il avait provoqué la mort. Il se laissa tomber à genoux sur le sol de pierre, devant cette armoire de malheur. Et il pleura. Il pleura pour ce trépas. Il pleura pour son échec. Il pleura pour ceux qu'il blessait. Il pleura de la lourdeur de sa tâche. Il pleura à cause de cette immense pression qui ne faisait que croître avec le temps. Il pleura à cause de sa connaissance sur la fin prévue. Tout autant qu'il pleura car tout n'était qu'incertitude, de la réussite de ce plan jusqu'à la victoire finale. Il pleura pour tout ce qui le tourmentait, il laissa ses émotions couler à flots et prendre le contrôle de son corps secoué de larmes durant de longues minutes. Peut-être cela dura-t-il une heure, peut-être deux, moins ou plus, il n'en savait rien.

Quand il se calma enfin, quelque peu, il replaça son masque pas tout à fait neutre, avec encore cette touche taciturne qu'il ne parvenait guère à totalement camoufler. Il ne chercha pas à savoir le temps qu'il était, et considéra tout ses cours de la journée abandonnés. Il retourna à son dortoir, sans intention de le quitter avant le lendemain matin, ou midi peut-être, pour ne revenir dans le monde des études qu'à son cours d'étude des runes.


Hermione s'inquiéta de ne pas voir Draco en arithmancie. Quand elle questionna les autres à ce sujet, aucun d'eux n'avait aperçu le Serpentard qui déjà au déjeuner ne s'était pas montré. Neville et Harry hésitèrent à aller demander à Severus si quelque chose s'était produit durant le cours d'alchimie, sachant que leur ami s'y était rendu, mais ils jugèrent qu'il valait peut-être mieux seulement attendre, et voir.

Au cours de potions, Draco n'était toujours pas là. Slughorn interrogea le trio de Gryffondor qui partageait d'ordinaire leur table avec le blond à ce sujet. Hermione expliqua qu'ils ne savaient rien. La dernière fois qu'ils l'avaient vu, c'était au matin, avant les premiers cours. Le professeur estima que peut-être, simplement, leur camarade était malade. Lily, présente, savait que l'adolescent morose n'était pas passé à l'infirmerie. S'il avait été malade durant le cours d'alchimie, sûrement Severus l'y aurait envoyé. Elle soupçonnait une nouvelle cachotterie entre les deux. Elle n'allait pas laisser ses deux Serpentard favoris continuer à se détruire.

Elle se dirigea vers la table de travail des Serpentard, et demanda à Théodore Nott de vérifier après les cours si Draco était dans leur dortoir, et s'il le trouvait, où que ce soit, qu'il lui envoie à l'infirmerie. Le garçon acquiesça poliment, observé attentivement par ses deux camarades de Maison. Une fois Mademoiselle Evans — ou Madame Potter, selon le jour et la personne — partie, Zabini et Pansy commencèrent à reprocher des choses et d'autres à leur camarade. Ce dernier ne prit pas même la peine d'interpréter ce qu'ils lui imputaient. Il se leva avec ses effets personnels, et se dirigea vers la table de Padma et Weasley, sous les regards éberlués de chacun. Seuls les adultes, ou plutôt la femme, ne paraissaient pas très perturbés. Evans affichait un léger étonnement surpris, mais détourna rapidement son attention pour s'occuper d'autres affaires. Slughorn ne semblait pas en revenir, comme la totalité, littéralement, de la pièce.

Même Padma se trouvait stupéfaite.

« Qu'est-ce que tu fais ? » demanda-t-elle dans un souffle chuchoté, sans reproche.

« Je change de voisins. Les anciens s'avéraient d'une nocivité insupportable. »

Pendant que Padma répondait tranquillement, Ron observait le Serpentard d'un air des plus contrariés avec le visage rougi par la jalousie. « Je peux comprendre. », concéda-t-elle, ses yeux dérivant un peu vers Pansy et Zabini. « Pourquoi maintenant ? »

Théodore continuait de s'installer, bien conscient du regard du Gryffondor. « La coupe est pleine. Elle a débordé. » À nouveau prêt à poursuivre le cours, il releva la tête vers le reste de la classe, et y découvrit encore des expressions éberluées. Padma, elle aussi attentive aux réactions, chuchota d'une voix qui indiquait que pour sa part, elle s'en souciait peu.

« Tu perturbes tout le monde. Ce n'est pas très courant un mélange de maisons, surtout avec Serpentard. »

Il sourit avec narquois. « C'est le Choixpeau qui sera content : trois maisons différentes à une même table, et sans ceux qui "acceptent tout le monde" d'après les préceptes de leur fondatrice. » Il tourna ses yeux brillants vers Ron. « Nonobstant, Parvati est aussi Gryffondor. C'est juste que Weasley ne la vaut pas. »

Padma, entre les deux garçons dont l'un se retenait tout juste de lancer un sort à l'autre, leva les mains de manière à signifier une trêve. « Ça ira comme ça. Merci de nous rejoindre, Théodore, nul doute que tu es d'un niveau bien supérieur à celui de Ron pour les potions. Évite juste de le provoquer. Nous devrions travailler, maintenant. »

Les deux garçons acquiescèrent, l'un bien mécontent et l'autre bien plus serein.

La fille tourna la tête vers le Serpentard. « Tu vas les abandonner définitivement ? »

« La taille moyenne des groupes n'en change pas. », répondit-il comme justification.

« L'objectif de cette table est de faire progresser Ron. Pour y être accepté, tu vas devoir y participer. »

Il la dévisagea avec ce que Ron pouvait distinguer comme une légère horreur. Il prit quelques instants avant d'orienter ses yeux foncés vers le Gryffondor qui lui rendaient un regard noir de défis. Le Serpentard recouvra sa contenance, cachant parfaitement le mélange d'effroi et d'aversion qui l'avait saisi, pour ne plus montrer que sa sérénité caressante et rusée tandis qu'il observait à nouveau la Serdaigle. « Eh bien, Padma, voici une gageure des plus complexes. À deux, peut-être arriverons-nous à devenir incontestablement la "meilleure classe à qui il ait été donné au professeur Slughorn d'enseigner". »

Le visage de Ron se décomposa, et il sentait venir la nausée. « Tu ne vas pas t'y plier. », demanda-t-il avec espoir et ahurissement plus qu'il n'annonça une conviction.

L'adolescent sombre tourna un regard d'un froid marmoréen vers le roux. « Bien sûr que si. Ce n'est pas ma première fois, tu sais. J'ai déjà aidé Longbottom et ses amis à effectuer leurs recherches sur le polynectar, à une époque où Granger demeurait en dessous de moi. J'ai de l'expérience en la matière. Ce que femme veut… » Il laissa sa phrase en suspens, comme de coutume.

Padma sourit, contentée, avec légère hauteur. Les deux intellectuels se plongèrent dans leur travail sans plus de bavardage, laissant Ron se concentrer difficilement avec cette mauvaise nouvelle. Le rouquin désirait plus que tout enlever sa tranquillité et son sourire de serpent à Nott. Et il trouverait le moyen d'y parvenir. Dusse-t-il demander conseil à Draco ou aux jumeaux.


Draco était allongé dans son lit, sur le dos, et observait le ciel de lit vert qu'il connaissait si bien et qu'il avait si peu contemplé. Il regrettait, nostalgique, celui de Regulus Arcturus Black, non pas qu'il fut particulièrement plus beau que le sien au manoir Malfoy, mais il se passionnait pour découvrir qui était le défunt cousin de sa mère, et le maître adoré de Kreattur avait bien décoré toute sa chambre, y compris voire plus spécifiquement cet endroit. Il songeait, dans le calme, lorsque ses camarades ouvrirent la porte. Il ne se redressa pas pour les regarder.

« Eh bien, eh bien… », commençait la voix douce et moqueuse de Théodore. Draco contracta sa mâchoire, soudainement de plus mauvaise humeur. Il ne pouvait pas bien lui en vouloir pour la prise de sa marque, certes, néanmoins il n'oubliait guère la "faveur" que l'autre lui avait demandée. Draco préférait encore traiter avec Zabini, qu'il pouvait détester et mépriser comme bon lui semblait. « Depuis combien de temps restes-tu ici ? » questionna le fourbe.

« Longtemps. », répondit le blond durement d'un ton qui indiquait tout son refus de discuter.

« Je vois. Sais-tu combien de cours tu as manqués aujourd'hui ? »

« Je sais compter, et je suis conscient des matières auxquelles je suis inscrit. »

Théodore, jusque-là bras croisés, l'épaule droite adossée contre le chambranle de la porte ouverte, et les pieds aussi l'un au-dessus de l'autre, se détacha du mur et s'approcha tranquillement du lit de son camarade qui avait omis de fermer ses rideaux. « L'infirmerie t'est grande ouverte, sais-tu, si tu as un problème. »

Draco ricana amèrement. « Un problème ? » Il consentit enfin à tourner la tête vers l'autre garçon, avec un regard d'acier, aussi cinglant qu'un pic de glace. « L'infirmerie n'est pas faite pour régler les problèmes. L'on y va lorsqu'on est malade. »

Théodore était toujours debout, droit, à côté du lit de Draco bien qu'éloigné d'un bon mètre du châlit. « Alors considère que Mademoiselle Evans t'a diagnostiqué une obscure maladie à distance. Tu es convié à te rendre de ce pas à l'infirmerie de ce château. »

« C'est n'importe quoi. », contra le blond avec mépris, avant de se retourner pour ne présenter que son dos à son camarade. « Pars. »

« J'ai un message à transmettre, et je n'ai pas l'intention de faillir à ma mission. »

Draco se crispa au terme de "mission". Théodore n'avait pas la moindre idée de ce qu'était une véritable mission. « Tu as transmis ton message. »

« Tu ne comptes pas y aller, n'est-ce pas ? »

« Cela ne te regarde plus. Disparais. »

« Je ne suis déjà plus dans ta vue, Draco. Non, j'ai pour devoir de t'y conduire. Soit tu te lèves maintenant et tu t'y rends en toute simplicité, et sans tenter de me duper, soit j'appelle Crabbe et Goyle. Ils sauront t'y pousser. Et Zabini pourrait apprécier de les y aider. Sans compter Pansy si on l'informe que tu es malade. »

Il se retourna vivement et se redressa en position assise. « Je ne suis pas malade ! »

Le visage fermé et l'expression serrée, Théodore semblait parfaitement neutre. « Tu ne vas clairement pas bien, Draco. Infirmerie. Maintenant. » Il avait prononcé ces deux derniers mots avec une insistance sévère et intransigeante.

« Je lance un sort au premier de vous qui tente de me faire bouger d'ici. », menaça le blond, glacial.

Théodore ne se montra pas intimidé. « Essaye. Lance un sort à l'un d'entre nous si tu penses que ça empêchera les autres d'agir. Lance-moi, maintenant, un sort sombre si c'est tout ce qu'il te plaît de faire. Montre-moi à quelle vitesse ta baguette de crin de licorne va résister à tes tendances… »

« Tais-toi, Théodore, tais-toi ! » hurla-t-il. Son camarade se figea, les yeux légèrement écarquillés de stupeur. Draco se leva et combla l'espace entre eux, menaçant. « Tu ne sais rien de ce qui se passe, tu ne sais rien de ce que je dois faire. Tu ne sais pas le poids que je porte ! N'ose pas tenter de me dicter mes actions, ne fais pas semblant de t'en soucier ! Ça ne te regarde pas ! Ça ne concerne que moi. »

Draco se détourna d'un coup pour quitter le dortoir, laissant l'autre garçon encore sous le choc. Quand Théodore tourna enfin la tête vers la porte encore ouverte de leur chambrée, Draco était déjà parti depuis plusieurs instants.

Draco traversa d'un pas rapide plusieurs couloirs, sans but, sans destination, avant de se calmer quelque peu. Puis, il prit une profonde et lente respiration, et décida de se diriger d'un pas calme vers l'infirmerie. Il n'avait rien à y faire, mais peut-être… il espérait toujours que celle bien connue sous le nom de Mademoiselle Evans puisse le réconforter. Sans doute n'y aurait-il pas de mal à accepter de réclamer une potion calmante, et de souhaiter trouver la femme disponible, comme la dernière fois, avec ce qui était arrivé à Katie Bell.


Quelle ne fut pas la surprise du professeur Slughorn d'accueillir Draco Malfoy à la soirée suivante de son petit club. Le jeune Serpentard se présenta à sa porte, dans des vêtements de velours vert si sombre qu'ils pouvaient aisément paraître noirs. Il sourit poliment, et demanda s'il pouvait entrer, explicitant qu'il acceptait l'invitation précédemment envoyée.

Depuis le retour des vacances de Noël, Slughorn avait décidé d'ajouter Draco au club. Ce dernier ainsi que Hermione soupçonnaient que ce fut grâce à leur discussion à la fête de Noël. Le jeune Serpentard avait hésité à refuser l'offre, et de fait ne s'était pas montré lors des soirées de janvier et février, mais jugeait tout récemment qu'il pouvait bénéficier d'y participer. Aussi s'était-il vêtu au mieux, et avait-il parcouru les couloirs des cachots jusqu'au bureau de l'homme.

Slughorn se reprit vite de sa surprise, et lui offrit d'entrer. « Bien sûr, bien sûr, rejoignez-nous donc. »

Draco pénétra donc sereinement dans la grande pièce, et atteignit la table où tous se réunissaient. Il sentait le regard confus et soupçonneux de Slughorn. Sans doute l'ancien chef Serpentard cherchait-il à comprendre pourquoi Draco se présentait maintenant après avoir décliné les précédentes invitations. Si l'homme se posait vraiment la question, elle serait probablement énoncée au cours du dîner, et était donc inutile à l'adolescent d'y répondre d'avance.

Draco n'ayant prévenu aucun de ses amis de sa présence ce soir, chacun d'entre eux sembla surpris de le voir. L'assemblée n'avait pas beaucoup changé depuis la rentrée : Marcus Belby n'avait jamais été réinvité, Draco venait pour la première fois, et tous les autres restaient les mêmes à chaque soirée. Slughorn révisa son plan de table pour arranger le nouveau venu, sans oublier ce qu'il savait déjà de ses relations clairement affichées et déclarées. Avec le même nombre de places que lorsqu'il y avait Belby, cela fut assez simple : il décala chacun de Hermione, Neville, Harry et Ginny d'un siège, afin de positionner Draco entre sa petite-amie et les jumelles de Serpentard.

Slughorn ne manqua pas, durant le dîner, d'aborder Draco au sujet de sa présence ce soir, et pourquoi ne s'était-il pas présenté précédemment.

« J'aurais beaucoup aimé pouvoir venir depuis que je suis convié. Malheureusement, le professeur Snape avait toujours quelques missions à me demander. Vous m'en voyez navré, mais en tant que préfet respectable, je ne pouvais m'y soustraire. »

Zabini renifla au mensonge éhonté. Draco tourna un regard neutre vers lui. Il ne comptait certainement pas abordé qu'il préférait profiter de l'absence de la majorité de ses amis pour se faufiler jusqu'à la salle des objets cachés afin de travailler sur son projet. Seuls Ron et Luna n'étaient pas conviés aux soirées de Slug, et le Serpentard avait l'excuse rêvée pour ne pas rester avec ce groupe réduit, d'autant que Ron ne s'était séparé de Brown que récemment. Les dîners de Slughorn étaient donc devenus les moments les plus propices pour ses manigances. Toutefois, depuis son dernier échec, il avait besoin d'une pause. Juste une toute petite, minime. Juste le temps de récupérer. Car, enfin, il serait incapable de travailler efficacement s'il était trop à bout. Il savait pourtant que rien ne pourrait le détendre.

« Oui, parfaitement, Zabini, c'est un plaisir et un honneur de venir ce soir, bien qu'évidemment, être parmi vous tous n'est pas toujours la meilleure compagnie. »

Slughorn semblait déjà regretter d'avoir tous ceux-là à sa table.

Zabini afficha un air de mépris. « Je confirme, certains ne valent pas mieux que… »

« Dis ce mot, et ce sera répété, Zabini. », coupa Draco, très habitué à la manière de parler de son camarade. Avant que ce dernier n'enchaîne, ou que ne vienne à l'idée du professeur de les interrompre ou pire de renvoyer l'un d'eux, Draco se tourna vers Ginny, sourire aux lèvres. « Au juste, Gin, le vert te va à ravir. Comment peux-tu trouver d'aussi belles robes avec les conditions financières de ta famille ? Ou bien, est-ce ta beauté qui rend grandioses les robes des plus banales simplicités ? »

« Ne laisse pas Ron t'entendre dire ça. », commenta Harry, tandis que Hermione et Neville s'échangeaient un regard incertain. Slughorn ne semblait pas pouvoir paraître plus étonné.

Alors que Neville jetait un coup d'œil vers Ginny, Hermione se retourna vers le blond, et posa sa main sur la sienne comme pour se rappeler froidement à lui. « Draco, tu as d'étranges manières… »

Il la regarda, interloqué. « Eh bien quoi ? »

Ginny prit la parole d'une voix claire. « Drac, as-tu complimenté Hermione sur son apparence ce soir ? »

La rougeur qui s'empara de ses pommettes pâles se présentait, comme à ces rares occasions où il prenait des couleurs, pour être tout un spectacle que certaines pourraient trouver charmant, d'autres mignon, et quelques-uns encore proprement ridicule. « Je n'en ai pas besoin. Mione est toujours… agréable… à regarder… »

Slughorn s'amusa. « Je pense que c'était encore un échec, mon garçon. Il faudra essayer avec plus de conviction la prochaine fois. »

Draco grimaça. « Certes. Tout ce que je voulais signifier, c'était que Zabini n'est qu'aveugle s'il ne sait pas reconnaître les belles choses. »

Slughorn afficha un air à la fois déçu et contrarié.

Zabini se moqua. « Ne sois pas ridicule, Draco. Je sais que Weasley est charmante. Elle n'en reste pas moins une infecte traître à son sang que n'importe quel sorcier authentique se respectant éviterait de toucher. »

Le sang de Harry ne fit qu'un tour. « Répète ça, Zabini, et je t'assure que… »

Neville coupa. « Nous sommes tous ici pour profiter d'une soirée agréable, n'est-ce pas ? Nous avons tous été sélectionnés comme étant les plus grands potentiels de cette école, du moins dans notre tranche d'âge. Nous devrions respecter l'hospitalité du professeur Slughorn, et apprendre à nous connaître… »

« Tu espères qu'on s'entende avec lui ? » s'ébahit Hermione en fixant son voisin de gauche. Tous savaient de qui elle parlait.

Neville lui sourit amicalement. « Oui. C'est le but de cette soirée. » Puis, il chuchota à l'intention de ses amis les plus proches. « Ignorez-le au moins. Nous ne voudrions pas que l'un de nous soit rejeté du club. »

Slughorn reprit l'animation, et ils parvinrent tous miraculeusement à éviter d'autres incidents… plus ou moins, étant donné que Zabini et Draco rataient rarement une occasion de s'envoyer des pics. Ginny, parfaitement capable de se défendre seule, ne manqua pas également d'insulter au moins une fois le grand basané, signifiant à quel point son talent résidait dans le mépris d'autrui et son apparence arrogante. Elle ne se gêna pas non plus pour rappeler à Harry et Draco qu'elle n'avait pas besoin qu'ils la défendent. Le Serpentard garda dans un coin de son esprit qu'il serait préférable d'évoquer en privé à la rousse que laisser Harry prendre position auprès d'elle serait bénéfique pour ses ambitions amoureuses.

En somme, ce fut une soirée tout à fait normale étant donné les invités. La moitié d'entre eux restaient en retrait ou profitaient du spectacle, pendant que les autres surveillaient les occasions de se critiquer sans exagérer assez pour mériter d'être retiré du club par le professeur très permissif. Ce n'était pas la première fois que certains membres du club entretenaient des tensions, et si Slughorn demeurait enseignant, ce ne serait pas la dernière non plus.