En quelques instants, tout bascule pour Dudley toujours posté devant le portail d'accès au quai 9 3/4. Tout d'abord un nouveau crac qui résonne à quelques mètres de lui. Dudley, intriqué par ce nouveau crac, se déplace de quelques mètres, assez pour qu'il puisse comprendre, mais trop tard, qu'il va encore faire les frais des facéties des sorciers. Du coin de l'œil il voit un chariot chargé à ras-bord de bagages reculer vers lui et se vider de son contenu sur lui.

-Sacré p... de m... de s…. de foutrecaillerie de bagages à la c... !

Submergé par un amoncellement de bagages, il parvient cependant à voir son cousin sortir du quai 9 3/4 et marquer un temps d'arrêt.

-Harry, sors moi de là!

Dans la cohue, celui-ci se précipite pour l'aider à s'extirper de l'amoncellement de malles et bagages divers tandis que des employés de la gare, se confondant en excuses insistent pour qu'il aille au moins voir les secouristes de service à la gare.

-Je vous remercie, mais mon cousin est docteur. Je devrais pouvoir survivre, fait-il avec un clin d'œil à l'attention d'Harry.

Une fois le calme revenu, les deux cousins se retrouvent face à face, pour la première fois depuis bien des années. Dans l'esprit de Dudley, les mots s'embrouillent au point qu'il reste de longues secondes à chercher ses mots, bouche à moitié ouverte. C'est Harry qui rompt le silence qui commençait à devenir pesant.

-Lily a raison, tu as des soucis. Mais ne restons pas comme çà comme deux idiots. Sortons d'ici et faisons quelques pas et si le cœur t'en dit, je connais un endroit où nous pourrons discuter tranquillement, à l'abris des oreilles indiscrètes.

Une fois sortis de la gare et chemin faisant, c'est Dudley qui est le plus loquace. Une fois la gêne des retrouvailles passées, il semble vouloir rattraper les années perdues.

-Une fois sorti de Smeltings, je n'avais aucune envie de rentrer à la Grunnings, bien que papa ai insisté. Et puis, j'avais envie de voir du pays. Mon éducation me semblait singulièrement limitée, étriquée aussi. Un de mes amis s'est engagé et j'ai fait de même. Un an à Sandhurst (*) et je me suis retrouvé sous-lieutenant en partance pour l'Afghanistan.

C'est à mon deuxième et dernier séjour que tout a basculé. J'ai vu des choses que même les psys ne pourraient pas comprendre, encore moins expliquer.

Dudley reste silencieux quelques instants avant de reprendre.

-Madjib qu'il s'appelait. Mais au bataillon, tout le monde a eu vite fait de le surnommer « Magic Madjib ». Il travaillait avec nous comme interprète et guide. Et je peux te garantir que ses montagnes, il les connaissait par cœur, et même plus. Quand on partait en patrouille ou en opé., avec lui, je te jure que les hommes étaient heureux parce qu'ils savaient que tout se passerait sans trop de problèmes.

Mais, il y a eu une patrouille où il s'est passé des choses bizarres et après çà, je te jure que j'ai vraiment voulu en avoir le cœur net.

- Des choses bizarres ? Tu veux dire, de la magie ?

- Oui, de la magie, je ne peux pas expliquer autrement ce que j'ai vu. Cela aurait pu très mal ce passer pour nous. On est tombé dans une méchante embuscade et ce pauvre Madjib, avec son bâton de marche dont il ne se séparait jamais, il a fait des trucs bizarres. Tout le monde était bien trop occupé avec les insurgés pour y prêter attention, mais moi, après le premier éclair, je te jure que j'avais toujours un œil sur lui.

Çà a commencé par ce brouillard qui s'est levé en quelques secondes, encore plus épais que notre fog. Ma section était en bas du dispositif, Madjib avec nous. Je peux te dire qu'il avait pas peur, le bougre. Il s'est levé avec son bâton, a baragouiné des trucs dans son patois et en quelques secondes, un brouillard à couper au couteau s'est levé à partir du ruisseau. Bien trop petit d'ailleurs ce ruisseau pour générer autant de brouillard et aussi vite surtout. En face, on les entendait gueuler, mais nous, je te garantis qu'on a pas moisi sur place

Il est interrompu par la sonnerie de son téléphone lui annonçant la réception d'un SMS

-Ta Mère m'a envoyé un SMS. Ils partent ce soir pour Barcelone mais elle a dit qu'il faudrait qu'on se voit quand ils reviennent, c'est rapport à ce qui c'est passé l'autre jour. Elle a aussi retrouvé une photo de la fameuse tante Lily. Elle l'a photographiée avec son portable. C'est en PJ. Tu vas voir, Agatha a les mêmes yeux qu'elle.

-Oui, j'avais remarqué, et elle lui ressemble rudement - se dit-il à lui-même avant de reprendre - Ah oui, j'en étais où ? Oui. Donc on a décroché en bon ordre sauf une section qui avait deux blessés et qui était à la traine En face, des insurgés ont réussis à se rapprocher pour commencer à les allumer et Madjib a empoigné le lance-roquette d'un de mes gars. Il a épaulé en bloquant son bâton contre et a tiré, enfin il me semble. En tout cas le « tir » était trop court pour toucher les insurgés. Par contre, l'explosion a fait comme un mur de poussière et on aurait dit que les tirs des insurgés perdaient en précision. Je dis çà parce qu'on voyait les traçantes pour ainsi dire contourner le groupe à la traine.

Harry reste un instant perplexe. C'est sûr que son cousin a changé, mais remarquer tous ces détails que souvent les moldus nient ou prennent pour des coïncidences, …. En tout cas, la petite frappe de banlieue qu'il a connu n'est plus. Elle a fait place à quelqu'un de plus mûr, de moins obtus.

-Je présume que ce n'est pas pour çà que tu as cherché à me voir. Parce que tout çà c'est du passé, je devine.

-Oui, c'est du passé, mais il y a d'autres choses aussi. J'ai donné ma démission à la fin de ce séjour. La patrouille suivante, j'ai été séparé de ma section, porté disparu pendant 4 jours. Obligé de me terrer comme un lapin avec ces fous furieux qui m'auraient surement trucidé s'ils m'avaient trouvé. Quand il a su çà, Papa a fait une attaque. Il a faillit en claquer, … Moi, j'ai eu encore de la chance. Ou plutôt c'est Madjib qui a eu de la chance. Je sais pas comment il a fait, mais de ce que j'ai compris il est sorti en solo et a retrouvé ma piste Dieu seul sait comment. Après, çà a été comme si nous étions invisibles aux yeux des insurgés. On a rejoint le camp à la faveur de la nuit. A certains moments, je sais pas comment ils on fait pour pas nous voir. Mais moi au matin j'étais au milieu de mes hommes et le Chef de Bataillon rédigeait une demande d'attribution de la Military Cross pour mon sauveur

-Ce Madjib, donc pour toi c'était un sorcier.

-J'ai pas trouvé d'explication cartésienne à tout çà. Les psys qui suivent les anciens d'Afghanistan, je me suis bien gardé de leur en parler, ils diraient que tout çà c'est dû au syndrome post-traumatique. Foutaises ! Surtout de la façon dont ce pauvre Madjib a fini. Je suis pas près de l'oublier, tu parles. C'était ma dernière patrouille et après, la quille ! Officiellement, un obus de mortier est tombé à côté de lui. Un obus de mortier, mon œil ! Si çà avait été le cas, moi aussi j'aurais fini éparpillé façon puzzle parce que j'étais à pas plus de deux mètres de lui quand c'est arrivé. En face, peut être qu'ils avaient aussi un sorcier avec eux, va savoir. Il y a eu un rayon de lumière vert et noir, comme une explosion. Quand je me suis relevé -Dudley ferme les yeux un instant – c'était pas beau à voir.

Il est interrompu par Harry qui s'est arrêté devant une petite porte noire surmontée d'une antique enseigne en fer forgé représentant un chaudron percé.

-C'est moi ou bien elle est apparue à notre approche. En tout cas, Je passe souvent dans le quartier, mais je n'avais remarqué cette enseigne.

-Normal. Le Chaudron Baveur est invisible aux yeux des moldus. La porte n'est visible que pour les sorciers et ceux qui les accompagnent.

Une fois la porte passée, Dudley reste quelques secondes les yeux ébahis à observer la salle et la galerie qui en fait le tour au 1er étage. Sur le bar, une bouteille en lévitation remplit d'un liquide ambré une rangée de verres qui s'envolent vers un groupe de consommateurs attablés dans un coin. Abandonné sur une table, un exemplaire de la Gazette des Sorciers affiche en une « Jour de rentrée à Poudlard ». La photo animée d'un groupe d'élèves provoque un grand sourire de Dudley.

-C'est cool comme endroit. Oui, on sera mieux là que dans la rue pour ce que j'ai à déballer. Désolé de t'avoir bassiné avec mes souvenirs d'ancien combattant. Mais bon, dire que sa fille parle aux chats, qu'elle aime les chouettes et qu'elle a pulvérisé le record du 300 km de course à pied, un moldu qui aurait suivi la conversation m'aurait pris pour un maboul échappé de l'asile. Pour peu qu'il alerte un policier et on en avait pour la journée à s'expliquer.

Scotché, Harry marque un instant de pause avant de refermer la porte sur le bruit et la cohue de Charing Cross Road, et sur le monde des moldus.

* Sandhurst est l'école qui forme les officiers de l'Armée Britannique.

** DSO