Installé devant un panneau posé sur deux tréteaux, Dudley est en plein travaux, occupé à préparer le chantier qui va réunir les 4 et 6 Prive Drive en un seul logement. Une chambre pour chacun des enfants, un vrai bureau et non plus un coin de la table du séjour, un grand salon, refaire l'escalier. Et surtout, surtout faire disparaître à tout jamais le placard sous l'escalier, condamné depuis des années et dont la simple existence le remplis de honte. Pour quelques instants, Dudley sait qu'il va avoir l'esprit tranquille, occupé à faire les métrages.

Tout en mesurant la fenêtre d'une des chambres, Dudley est distrait par le passage d'une femme vêtue d'un curieux tailleur jaune, chaussée de bottines, comme sortie d'une gravure de mode de la fin du 19ème siècle .La soixantaine bien conservée, grande, le visage aux traits durs que des lunettes à monture carrée n'adoucissent pas, bien au contraire, à son épaule un grand sac de cuir jaune, elle sonne au 3 puis au 5, Privet Drive sans que personne ne lui ouvre.

-Au moins, on ne risque pas de la perdre de vue un jour de brouillard. – fait Dudley amusé.

Sur un des piliers du portail, Majestic et Proserpine semblent eux aussi observer avec la plus grande attention cette étrange promeneuse. Après quelques instants, Proserpine saute du pilier pour retourner vers le jardin tandis que Majestic emboite le pas de la dame en jaune.

A toutes les portes auxquelles elle frappe, elle n'obtient, quand quelqu'un lui ouvre, que des réponses évasives à ses questions. Toute une litanie de « non, je ne connais pas », « Désolé, mais je n'habite ici que depuis quelques années », « mon mari n'est pas encore rentré. Si vous pouvez repasser, peut-être pourra t'il vous renseigner », …. Sa dernière tentative s'annonce du même tonneau. C'est une vieille femme qui lui répond « Harry comment ? Potter ? Connait pas ». Elle va pour claquer la porte au nez quand derrière elle on entend clairement une autre voix crier pour couvrir le son de la télévision qui hurle dans le salon. « Attends, j'le connais moi machin Potter, là ! Attends, j'arrive !

L'homme, maigre, le visage en lame de couteau, vêtu d'un simple short et t-shirt crasseux, une canette de bière à la main et visiblement passablement alcoolisé, écarte brusquement la vieille femme et se cale contre le montant de la porte. Une gorgée de bière et un rot monumental plus tard, il parvient à articuler quelques mots.

-Harry Potter ? Un petit binoclard maigrichon avec les cheveux en bataille et une cicatrice en forme d'éclair sur le front ? – Il ponctue sa phrase d'un nouveau rot encore plus monumental que le précédent -Le cousin de ce gros porc de Dursley? Ouais, j'lai bien connu. Arrivé de nulle part. Parait que ces parents étaient morts dans un accident de la route. Toujours fringué comme un clodo qu'il était. Un jour il a disparu et on l'a plus jamais revu. Aussi taré que le reste de la famille si vous voulez mon avis. Mais regardez, on nous espionne ! Oui, regardez ! C'est encore un de ces sales chats de la fille Dursley. Aussi fêlée que le reste de la famille cette petite peste ! Allez, fiche le camp sale bête ! – Et il ponctue son propos d'un geste brusque à l'attention de Majestic qui se borne à reculer de quelques pas tout en sifflant et crachant, le regard fixé toujours sur la dame en jaune.

La dame en jaune se retourne un instant pour constater que le chat la regarde fixement. Sous le coup de la surprise, elle écarquille les yeux un instant avant de se retourner vers son interlocuteur.

-Effectivement, Monsieur, ….. ?

-Piers. Appelez-moi Piers. Entrez donc cinq minutes et partageons une bière. Je suis sûr que vous en mourrez d'envie, ma p'tite dame. – Et il ponctue sa phrase d'un rire sans équivoque.

-Sans façon. Et ce M. Dursley, où puis-je le trouver ?

-Au 4, Privet Drive. – Et il lui claque la porte au nez.

Restée seule sur le trottoir, la dame en jaune se retourne pour constater que ce ne sont plus un mais trois chats qui la regardent fixement, et que le plus gros miaule d'un air menaçant. Talonnée par les trois matous, elle remonte à grandes enjambées Privet Drive. Arrivée à hauteur du 4, elle marque un temps d'arrêt avant de reculer de quelques pas. Devant la porte, trois chats se dressent brusquement, tous poils hérissés et s'avancent vers elle. En quelques secondes, le drame se joue. Entourée de toute part, la dame en jaune recule encore avant de trébucher et de tomber à genoux. Aussitôt, les chats se ruent sur elle. Les jambes en sang et la robe passablement lacérée elle appelle au secours tout en repoussant tant bien que mal les assauts des chats.

La porte du 6 s'ouvre sur Dudley qui marque un temps d'arrêt avant d'empoigner un balai pour disperser la horde de chats. Une fois les félins tenus à distance, il se tourne vers leur victime pour l'aider à se relever.

-Je ne comprends pas ce qui leur a pris. D'habitude ils sont plutôt amicaux. – Puis avisant les marques ensanglantées sur les jambes de la dame en jaune. – en tout cas, ils ne vous ont pas loupé. Entrez un instant pour souffler. J'en profiterai pour vous désinfecter çà, on n'est jamais trop prudent.

-Très aimable à vous, Monsieur ?

-Dursley, Dudley Dursley. Tenez, installez vous, je vais chercher de quoi nettoyer çà. – Puis à l'attention de son épouse – Je ne sais pas ce qui arrive aux chats, mais ils ont pris cette dame pour cible. Si tu veux bien préparer un peu de thé – se retournant vers la dame en jaune – à moins que vous ne préfériez un petit remontant, j'ai un Mac Allan dont vous me direz des nouvelles.

La dame en jaune esquisse un sourire de triomphe avant de commencer.

-Je suis bien contente de vous rencontrer M. Dursley. On m'a confirmé que vous sauriez me renseigner.

-A propos de quoi ?– fait Dudley qui revient avec une trousse de secours et marque un temps arrêt en réalisant que sa visiteuse à changé de regard. De banal, et un peu effrayé, il est devenu froid, calculateur, impression qu'accentuent encore les lunettes à monture carrée. – Madame ? – Son ton se faisant d'un coup plus circonspect, comme s'il se sentait face à quelqu'un de fourbe.

-Rita, appelez-moi Rita. Je réalise un reportage pour la Gazette du So, … Euh la Gazette du Surrey.

-La Gazette du Surrey, vous m'en direz tant. – Puis il entreprend de désinfecter les traces de griffes des chats avant de réaliser que la chatière de la porte s'entrouvre pour laisser passer Majestic. Il se retourne à temps pour attraper le chat par la peau du cou – Regarde-moi bien Majestic, si tu attaques encore cette Dame, je te transforme en civet ! Reçu ? – Puis il entrouvre la fenêtre et met le chat dehors – Heureusement que ma fille n'est pas là, sinon je me serais encore fait enguirlander. Il faut dire que les chats sont ses animaux préférés. Mais vous me disiez que vous faisiez un reportage.

-Oui, et c'est un de vos voisins, M. Piers, qui m'a dit que vous connaissiez bien, …

Elle est interrompue par Dudley

-Tiens, j'ignorais que ce sac à bière de Piers était sorti de prison. Et que vous a-t-il raconté ? Pas ses exploits, au moins. La dernière fois, il s'est fait prendre en braquant une épicerie, une cagoule sur la tête avec l'étiquette à son nom qui dépassait. Le roi des bras cassés. Mais je vous ai interrompu.

-Oui. Donc ce M. Piers m'a dit que vous connaissiez bien un certains Harry Potter, qu'il était même de votre famille. Je réalise un reportage sur lui.

Il secoue la tête lentement d'un air désolé avant de répondre.

-Ce pauvre Piers. Et dire que nous avons grandi et fait les 400 coups ensemble. Mais je crois que l'alcool ne lui réussit décidemment pas. Quand à ce Monsieur, Potter ? C'est bien çà ? J'ai bien peur que vous n'ayez été induite en erreur. Ce nom ne me dit rien. Mais, en quoi connaitrais-je ce M. Potter et surtout, à quelle époque cela remonte t'il ?

-Années 80-90. Il a même prétendu que c'était votre cousin.

La moue dubitative, Dudley se tourne vers son épouse.

-Mon épouse fait un peu de généalogie, elle va vite nous éclairer sur ce point. Dis-moi mon amour, avons-nous des Potter dans notre parenté ? Parce que là, moi ce nom ne me dit strictement rien.

Devant la réponse négative d'Allison, il ne peut que de même répondre négativement à Rita.

-Désolé, mais bon, il semblerait que ce cher Piers vous ait raconté des salades.

Du coin de l'œil, il voit les chats rassemblés sur la fenêtre et les piliers de l'entrée et ce dit que maintenant il va falloir exfiltrer prestement la dénommée Rita.

-Je vais vous raccompagner en voiture parce que si vous passez la porte, vous avez un comité d'accueil qui vous attend. – fait-il en montrant Majestic qui gratte furieusement au carreau. – Je me demande vraiment ce qui leur prend. D'habitude, ils sont plutôt amicaux, même avec les étrangers. Nous allons prendre la voiture de mon épouse qui est dans le garage, comme çà vous serez en sécurité. Si vous voulez bien me suivre – fait Dudley en ouvrant la porte intérieure – Ne faite pas attention au bazar, je suis en pleins travaux.

Une fois installés dans la voiture, Dudley appuie sur la télécommande de la porte du garage. A peine la porte a-t-elle commencée à se relever que Majestic se rue sur la voiture et saute sur le capot pour gratter furieusement le pare-brise.

-Majestic ! Dégage ! –Un coup d'essuie-glace et de lave-glace ont vite fait de faire fuir un Majestic trempé qui saute du capot en crachant furieusement.

Le même jour, en début de soirée.

Hiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii !

Dans la salle de bain, Dudley se rue sur le palier, roule sur les billes laissées par les jumeaux au milieu du palier et se retrouve à dévaler l'escalier en roulé-boulé.

Il se relève en maugréant quelques jurons bien sentis à l'attention des jumeaux qui, comme de coutume, on laissés leurs jouets au milieu du palier. Dans la cuisine, son épouse est juchée sur une chaise, en proie à une intense terreur.

-Fiche moi çà dehors ! –fait elle en pointant du doigt un minuscule scarabée noir et jaune qui traverse lentement la cuisine.

-Calme toi mon amour, c'est quand même pas la petit bête qui va manger la grosse. Après tout ce n'est qu'un petit scarabée.

Ce trait d'humour ne fait pas du tout rire Allison qui lui jette un regard noir.

-Tiens regarde, au moins on peut compter sur Majestic.

Indifférent au tumulte, le chat prend délicatement le scarabée dans sa gueule et sort de la cuisine, traverse le salon et sort par la porte-fenêtre entrouverte. Une fois dans le jardin, il se dirige derrière le tas de bois, gratte quelques instants afin de creuser un petit trou. Il y dépose délicatement le petit scarabée, puis se retourne et lui fait ses besoins dessus. Après quoi il s'en retourne comme-ci de rien n'était.

Un peu plus tard dans la soirée, la maison a retrouvé son calme. Dudley va pour se coucher lorsque des petits miaulements se font entendre dans la chambre d'Agatha. Discrètement, il ouvre la porte. Sur le lit, Agatha est en grande conversation avec Majestic.

-Ah, vous tombez bien, tous les deux ! Agatha, veux-tu bien demander ce qui lui a pris d'agresser cette dame cet après-midi ?

-La dame en jaune, il m'en parlait justement. Il me dit qu'il est désolé mais la situation l'imposait. Enfin c'est ce qu'il me dit. D'après lui, elle essayait de demander des renseignements sur un certains Harry Potter, mais plus que tout, il sentait que cette personne était fourbe et qu'elle représentait une menace pour nous. Et dit moi, tu le connais ce Harry Potter, hein Papa ?

Dudley s'assoit au coin du loup et prend sa fille dans ses bras.

-Moi aussi, j'ai eu la même impression que Majestic. Cette bonne femme, je la sentais pas plus que çà. Pour ce qui est de Harry Potter, oui, je le connais. Un de ses jours, je t'en parlerai. Mais en attendant, c'est notre secret, d'accord.

Sur le palier, Allison n'a rien perdu de la petite scène qui vient de se jouer.

Encore un petit intermède pour vous faire patienter, avec le personnage qui m'horripile à chaque fois que je lis "HP et la Coupe de Feu", j'ai nommé cette chère Rita Skeeter. Bonne lecture à tous