Posté à la fenêtre de la chambre d'Agatha, Majestic avait suivi attentivement ce qui se passait devant l'entrée. La soirée s'était déjà révélée du plus grand intérêt, au point qu'il ne regrettait plus d'avoir laissé à Proserpine et Réglisse le soin de régler son compte à une famille de souris récalcitrantes chez les Wilcox, le jeune couple qui venait juste d'emménager au 1, Privet Drive.
Il avait ressenti l'onde de magie qui s'était dégagée quand sa petite maîtresse avait crié. Et tout cela lui avait remis en tête des souvenirs de quand il n'était qu'un jeune chaton, un jeune chaton très différent de ses frères et sœurs. De toute la portée, il était le seul à avoir ce poil mordoré, ces grandes oreilles et cette longue queue qui finissait en panache. Sa Mère lui avait juste dit qu'il ressemblait beaucoup à son Père. Et puis il y avait eu cet après-midi où un fourgon s'était arrêté en bordure du terrain vague et trois hommes vêtus de combinaisons bleus qui en était descendu pour ouvrir les portes arrière pour prendre des longues perches qui se finissaient par des sortes de colliers. Au premier coup d'œil, il avait senti que si ces gens là avaient de bonnes intentions, et bien il était une souris et il avait filé aussitôt prévenir sa Mère et ses frères et sœurs. En pure perte car ils l'avaient rabroués, lui disant d'arrêter de prétendre qu'il pouvait prévoir ce qui allait se passer l'instant d'après. Impuissant, il avait assisté à leur capture et à leur embarquement pour ce qu'un vieux matou qui avait échappé avec lui à la rafle avait appelé d'un air triste et résigné« le voyage sans retour ».
Plus rien ne le retenait et il avait passé le reste de la journée à errer dans les rues jusqu'à ce que ces pas le conduisent à un lotissement en bordure de la forêt. Dans la petite rue tranquille, un groupe d'enfants interrompirent leurs jeux pour l'entourer et essayer de jouer avec lui.
« -Oh comme il est mignon. Viens jouer, petit chat, … ». Certains s'essayaient même à miauler pour l'attirer, lui faire des caresses. Même si il parvenait à saisir le sens de ce que voulaient dire ses enfants, le langage des humains et leurs pseudos miaulements sonnaient comme une cacophonie à ses oreilles. Un peu plus loin et alors que la nuit commençait à tomber, son attention avait été attirée par une maison pourtant guère différente des autres. Perchée sur la cheminée, une chouette hululait doucement en réponse à une des ses consœurs. Sur le trottoir devant la maison, une petite fille aux cheveux auburn et aux yeux d'un vert incroyable aidait sa Mère à sortir des sacs du coffre d'une voiture.
Tout de suite, il avait senti que la fillette était différente, que cette maison était différente. Mais différente, il était bien loin de s'imaginer à quel point. Aussi sa surprise fut on ne peut plus grande lorsque la fillette qui avait posé son sac pour s'accroupir devant lui et le caresser avait miaulé doucement un « Bonjour petit chat, tu es perdu ? Tu cherches ta Maman ? ». Elle avait un accent humain épouvantable, mais elle parlait le langage des chats ! Un humain qui parle le langage des chats ! Il savait que cela existait. Un vieux chat lui avait un jour raconté que certains humains avaient ce pouvoir, mais qu'ils étaient très rares, pour ainsi dire légendaires dans le monde des chats. Lui-même lui avait avoué n'en avoir jamais rencontré.
En quelques miaulements, il avait raconté ce qui c'était passé le matin avant que la fillette ne le prenne dans ses bras tout en se tournant vers sa Mère.
-« Dit Maman, ce petit chat est sans famille, on peut le garder avec nous, dit ? Il devrait bien s'entendre avec Westminster et Dot. Et beau comme il est, je vais l'appeler Majestic ».
Et c'est ainsi que Majestic était entré dans la famille Dursley. Et au fil des mois, il avait vite compris ce qui avait guidé ses pas vers cette maison et cette fillette. Sa petite maitresse était différente, une enfant avec des pouvoirs magiques dans une famille moldue.
Et puis il y avait eu la visite de cette étrange femme vêtue de jaune. Elle aussi, elle avait des pouvoirs magiques mais il avait immédiatement senti le danger qu'elle pouvait représenter pour sa petite maitresse et pour sa famille. Et plus que tout, après avoir contribué à son départ précipité il avait eu la surprise de sentir sa présence un peu plus tard dans la maison, sous la forme d'un scarabée. Qu'un humain puisse se transformer en scarabée cela constituait un mystère insoluble pour lui, mais il avait traité le problème en conséquence et l'humain-scarabée ne s'était plus jamais montré.
Et maintenant, voilà qu'il découvrait que les sorciers, sa famille semblait en connaître plus à leur sujet qu'il ne l'avait imaginé. La fillette qui ressemblait tant à Agatha, il avait senti au premier contact qu'elle aussi était une sorcière. Et son Père, l'homme au front marqué d'une cicatrice en forme d'éclair, lui aussi était un sorcier. Et cela n'avait pas eu l'air de surprendre le Père d'Agatha lorsqu'il avait discrètement sorti sa baguette pour annuler l'effet de la magie qu'avait employée Agatha.
Alors qu'il s'assoupissait, il ne pu s'empêcher de penser que décidément les humains ne cessaient jamais d'être surprenants.
