Vernon Dursley n'avait pas desserré les dents depuis qu'ils avaient quitté le 4, Privet Drive. Et la pluie battante n'arrangeait rien à sa nervosité. A ses côtés, Pétunia s'était comme de coutume endormie à peine passé le bout de Privet Drive, bercée par le ronronnement du moteur. Dans sa tête, il sentait bien que tout se bousculait et il ne pouvait s'empêcher de tirailler machinalement et nerveusement sa moustache qui avait vite fini par ressembler à une vieille brosse défraichie.

-« Les quatre ! Mes quatre petits enfants sont des sorciers ! Heureusement que Marge n'est plus là pour voir çà. Qui sait ce qu'elle aurait dit de çà ? »

Sans le réaliser, il avait parlé à voix haute et il manquât de faire un écart lorsque Pétunia marmonna.

-« Ta sœur aurait dit des horreurs, comme toujours ». Puis elle se rendormit après avoir ajouté « Vacharde comme elle était, pas surprenant qu'elle soit restée vieille fille avec ses clébards ».

-« Ouaih, pas surprenant.» puis il fit silence, concentré sur la circulation et les trombes d'eau qui réduisaient peu à peu la visibilité à néant. Pourtant, il ne pouvait empêcher son esprit de revenir à cette question : comment Agatha allait elle bien pouvoir se débrouiller dans son nouveau monde ?

-« Elle qui était si brillante en classe. Elle va se retrouver comme les gosses de ces réfugiés qui arrivent chez nous sans parler un traitre mot d'anglais. Sûr, la petite Lily et ses frères ne laisseront pas tomber leur cousine, mais nous qu'est-ce qu'on va bien pouvoir faire pour elle ? »

Et soudain, la peur que Harry se comporte comme lui. « Pas de quoi être fier de toi, Vernon. Et si les enfants de Harry se comportent comme toi, mon salaud » se morigéna t'il. « Et dire que tout avait si bien commencé » pensa t'il mais où est-ce que cela a dérapé ? Oui, il y avait eu ce voyou de James, arrogant et sur de lui et un repas de famille qu'il n'avait jamais pu oublier. Ce soir là, çà avait vraiment dérapé.

Bien des années auparavant, il avait vite compris qu'il y avait quelque chose qui clochait avec sa future belle-sœur. Lily était brillante et attachante, çà c'était sur. Et ses parents semblaient si fiers d'elle. Mais il avait vite compris qu'elle appartenait à un autre monde que le sien, que celui de sa Pétunia chérie. Mais bon, il l'appréciait telle qu'elle était. Et puis un jour elle leur avait présenté son fiancé, ce fameux James. Si courageux, si fort au Kouidditch. D'ailleurs c'était quoi ce fameux Kouidditch. Il n'en avait jamais rien su. Mais par contre, il se rappelait encore parfaitement de cette soirée.

James devait avoir déjà passablement bu car il n'avait rien trouvé de plus drôle que déplacer régulièrement la chaise de Vernon au moment ou celui-ci allait s'asseoir. Après cette retrouvé trois fois cul-par-dessus-tête, il avait jeté un coup d'œil à Pétunia l'air de dire « Dis à ta sœur de dire à ce guignol de se calmer, sinon dans cinq minutes il va se prendre un bourre-pif ».

Mais hélas, et au grand désarroi de Lily, Pétunia et de leurs parents, James ne s'était pas calmé et au bout d'un moment, Vernon en avait vraiment eu marre et avait fait signe à Pétunia « Maintenant, çà suffit, je pense qu'on va y aller ». Et pourtant, cela n'avait semble t'il pas suffit à James qui lui réservait un dernier tour. A peine Vernon s'était il levé de table qu'il avait entendu James dire un mot incompréhensible pour lui « Levicorpus » et il s'était retrouvé la tête en bas, comme suspendu à un crochet par la cheville.

De ce jour là, il s'était juré de ne plus avoir affaire avec le monde magique, ce ramassis de fous furieux et d'asociaux. Et il s'en était tenu à cette ligne, aveuglément. Au point de ce conduire avec son neveu d'une manière qui le faisait à présent rougir de honte. C'était son neveu, pas son beau-frère. Et lui avait été aveuglé par la haine au point de le compter pour moins qu'un des maudits clébards de Marge. Et çà, cela taraudait Vernon depuis des années, et avec encore plus de force depuis les évènements des dernières heures au point de ne plus trop savoir quoi faire.

A présent, la visibilité était vraiment devenue exécrable au point d'obliger Vernon à rouler presque au pas. Au tableau de bord, le thermomètre affichait +2°C et la pluie se transformait lentement en neige. Au bout de quelques instants, le panneau d'information lumineux dont il distinguait la forme se mit à faire défiler un message : « A5 fermée entre Shenstone et Great Saredon, suivre itinéraire bis par Cokeworth ».

Vernon resta un instant les yeux écarquillés, comme s'il essayait de saisir le sens du message sur le panneau. Dans le même temps, des images du passé lui revinrent en mémoire.

Quelques mois après la mort des parents de Pétunia, celle-ci lui avait demandé de porter dans la remise deux lourdes malles. Il n'avait rien dit mais il se souvenait encore parfaitement des plaques en cuivre au nom de leur propriétaire : Lily Evans.

-« Cokeworth ! Mais nom de Dieu, pourquoi je n'y ai pas pensé plus tôt ! » Et il ponctua ses mots d'un coup de frein qui fit déraper la voiture et se réveiller brusquement Pétunia.

-« Mais qu'est-ce que je peux être bête quand je m'y mets ! ».

Sur son siège, Pétunia regardait son mari d'un air inquiet.

-« Vernon, il y a un problème ? »

-« Rien, juste une déviation. Non ! Non, en fait je repensais à Cokeworth, aux deux malles que j'ai rangées dans la remise avec les vieux meubles de tes parents que tu voulais garder quand ils sont morts. Juste avant de louer la maison à ton cousin William, souviens-toi ! Après les meubles, j'ai porté deux grosses malles dans la remise, des affaires de ta sœur. Ecoute, je pense qu'on devrait s'occuper sérieusement de la question. Agatha va découvrir un monde dont elle ignore pour ainsi dire tout »

Pétunia ouvrit la bouche pour dire quelque chose. Dans son regard brillait une drôle de lueur. Mais Vernon l'interrompit.

-« Laisse-moi finir ! Je veux dire, on ne peut pas compter que sur la petit Lily ou sur Harry. Ces deux malles, vu le poids qu'elles faisaient, je suis à peu près sur qu'elles sont remplies de livres. Je sais pas moi, mais, il y a peut-être des choses qui pourrait lui être utiles avant d'arriver dans cette école, à Poudlard. C'est bien çà le nom ? Histoire qu'elle puisse, je sais pas moi, mais s'intégrer plus facilement. » Il marqua une pause « Et puis aussi faire la fierté de ses grands-parents. Hein, qu'en dis-tu ? »

Pétunia resta un instant silencieuse. En elle-même, elle ne put s'empêcher que Vernon changeait à vue d'œil. Les livres de Lily, ses affaires de classes, oui, tout cela dormait depuis des années dans deux grosses malles, tout comme cela avait dormi au plus profond de sa mémoire, peu être avev le secret espoir de pouvoir enfin comprendre sa sœur, et à nouveau de l'aimer.