-« Misère ! Je ne me souvenais pas que ces maudites malles étaient aussi lourdes » fit Vernon Dursley tout en se redressant et se tenant les reins. La seconde malle avait été chargée avec encore plus de difficultés que la première dans la fourgonnette qui s'affaissait à présent lourdement sur ses amortisseurs.

-« Je suis curieux de voir ce qu'elles contiennent. Encore que je ne serais pas surpris d'y trouver un stock d'enclumes vu le poids qu'elles font »

Cela faisait huit jours que Vernon voulait à tout prix récupérer ces malles tant l'intégration d'Agatha dans le monde des sorciers lui faisait soucis. Il en avait même perdu le sommeil et passé des nuits à s'imaginer le pire pour sa petite-fille adorée. A ses côtés, Dudley était dubitatif. Certes, il voulait que tout se passe pour le mieux pour sa fille, mais il ne sentait pas autorisé à mettre la main sur le contenu des malles de sa tante. Pour lui, leur seul propriétaire légitime était son cousin et il l'avait répété à son Père tout le long du trajet depuis Little Winging. Mais sa réponse avait été toujours la même, toute une série de variantes du style « En fait de bien meuble, possession vaut titre », « Je suis sur qu'il serait d'accord », etc., etc., etc.

Mais à présent, les malles étaient chargées sans que rien d'anormal ne se soit passé et les Dursley père et fils étaient en route pour Little Winging. Pourtant, certains signes auraient dû alerter l'ainé des Dursley. Dudley quant à lui ne disait plus un mot, dans l'attente des évènements qu'il jugeait comme inéluctable. Il en aurait mis sa main à couper. Lui, ou plus vraisemblablement son Père allait encore faire les frais de la magie.

D'abord, il y eu un petit grincement. Ils roulaient depuis moins d'une heure et se trouvaient à la hauteur de Northampton quand Dudley remarquât que depuis quelques minutes, un petit grincement se faisait entendre, en provenance du pont arrière de la fourgonnette. Au début, il n'y avait pas prêté attention. Mais à présent, le grincement se faisait plus intense au fil des kilomètres, il en était certain et en avait fait la remarque à son Père. Mais sa seule réponse avait été.

-« Moi, je n'entends rien. Cà doit être dans ta tête, mon garçon ».

A peine avait il refermé la bouche que Vernon Dursley dut admettre qu'il y avait affectivement un bruit bizarre. Bien obligé, car à présent le pont arrière émettait un grincement strident qui le fit arrêter la fourgonnette sur le bas côté tandis que Dudley ne put s'empêcher de dire mezza voce.

-« Je dis çà comme çà, mais on n'est pas encore arrivé. Maintenant, moi, j'dis çà, j'dis rien. »

Mais Vernon n'avait rien entendu et avait entrepris de faire le tour de la fourgonnette pour trouver la source de ce grincement. Pendant ce temps là, Dudley était sorti afin de faire quelque pas et s'éclaircir les idées. Sur un arbre tout proche, une chouette semblait observer la scène avec le plus grand intérêt. Après quelques secondes, elle prit son envol pour venir se poser sur le toit de la fourgonnette, comme pour observer de plus près ce qui se passait.

A seulement quelques mètres de la voiture, Dudley entendit distinctement le bruit du hayon arrière qui s'ouvrait lentement tandis que son Père se redressait après avoir inspecté le dessous de la fourgonnette.

-« Rien à signaler, ouch ! Saleté de hayon ! ». Vernon se tenait le front après s'être encastré dans l'angle du hayon. « Et ce hayon de malheur qui s'est ouvert pendant que je me relevais. C'est pas possible, je t'avais dit de vérifier qu'il était bien fermé ! ».

Tandis que son Père vitupérait contre ces saloperies de bagnoles japonaises, répétant que rien ne valait un bon vieux Bedford CF, Dudley ne disait rien mais, adossé à la portière, il regardait le hibou qui venait de prendre son envol pour se poser à quelques mètres de là sur un piquet. Une fois que Vernon eut fini de vitupérer, il allait pour remonter dans la fourgonnette quand un reflet métallique attira son attention. A son tout il s'accroupit pour se relever aussitôt, brandissant un gros clou.

-« A un centimètre prêt, tu te plantais çà dans le pneu arrière droit ».

Mais Vernon n'avait rien entendu et avait remis le contact pour démarrer en trombe à peine la portière refermée sur Dudley qui eut toutes les peines du monde pour boucler sa ceinture tant son Père passait les vitesses brusquement.

Le bruit étrange avait disparu pour faire place à un silence pesant. Vernon ne disait rien et appuyait de plus en plus sur l'accélérateur tandis que Dudley se demandait ce que leur réservaient encore les sorciers.

Ils roulaient depuis un bon quart d'heure lorsqu'une secousse se fit sentir, suivie par les vibrations caractéristiques causées par la crevaison d'un pneu. Avant de sortir pour changer la roue, Vernon eut un regard en coin vers son fils qui s'était assoupi quelques minutes auparavant et qui semblait dormir à poings fermés.

En quelques minutes, Vernon avait changé la roue et à présent, il faisait le tour de la fourgonnette afin de vérifier que tout était en ordre. A son goût, tout cela avait assez duré et il n'avait qu'une hâte, arriver au plus vite au 4/6, Priver Drive et ouvrir enfin ces deux malles.

Alors qu'il s'installait devant le volant et s'apprêtait à démarrer, son regard fut attiré par un mouvement juste à la périphérie de son champ de vision. Une masse sombre et mouvante survolait le bosquet qui se trouvait à quelques dizaines de mètres de là. Sa première réaction fut de penser qu'il s'agissait d'un vol d'étourneaux et il n'en s'inquiétât pas plus tout en tournant la clé de contact avant de s'engager dans la circulation qui devenait de plus en plus dense au fur et à mesure qu'ils se rapprochaient de Londres.

-« L'heure de pointe, juste ce que je voulais qu'on évite » fit Vernon. Il se tourna vers Dudley qui venait de se réveiller pour lui demander de jeter un œil sur la carte mais il s'interrompit car, sur le panneau de circulation qui enjambait l'autoroute, annonçant les différentes directions, tout un vol de hiboux venait de se poser. Dudley ne disait rien, mais lui aussi observait les hiboux, relevant la tête tandis qu'ils avançaient lentement. Une fois le portique passé et les hiboux perdus de vue, il se contentât d'adresser un sourire en coin à son père avant de s'assoupir de nouveau.

Vernon ne disait rien, concentré sur la circulation dense en cette heure de pointe, et ne prêtait aucune attention aux coups de klaxon qu'il entendait çà et là dans la nuée de voitures et de camions qui encombraient les voies de circulation. Devant lui, une curieuse voiture, comme venue d'une autre époque, le fit sourire. On aurait dit le résultat du croisement improbable entre une calèche et un antique tacot des années folles. Une vaste capote en cuir, des portières aux montants de bois verni, des chromes rutilants et en guise de phares, deux énormes lanternes de cuivre soigneusement astiquées. Sur le capot, juché sur le bouchon de radiateur, un magnifique hibou trônait, indifférent à la circulation et aux coups de klaxon des conducteurs intrigués. Derrière le volant siégeait un curieux bonhomme à l'accoutrement assorti au véhicule, ce qui fit sourire Dudley qui ne put s'empêcher de lui faire un petit geste amical de la main.

A ses côtés, Vernon regardait le curieux équipage d'un air incrédule. Le conducteur vêtu d'un épais manteau de fourrure, de grosses lunettes d'aviateur sur les yeux et coiffé d'un chapeau haut-de-forme qu'une écharpe nouée empêchait de s'envoler, adressa en retour un petit signe à Dudley avant semble t'il d'appuyer sur le champignon car, aussi inexplicable que cela puisse paraître, le vénérable tacot eu vite fait de les distancer, se faufilant comme par magie entre les nombreux véhicules.

Dudley regardait son Père qui n'avait visiblement rien réalisé avec un petit sourire aux lèvres. Il était prêt à mettre sa main au feu, le curieux véhicule qui les avait distancés était conduit par un sorcier. Il en était certain et tout plaidait en faveur de ce fait. Le véhicule absolument anachronique, la façon qu'il avait eu de se faufiler dans le trafic surchargé, et le hibou trônant sur le capot. Mais son Père, lui, il n'avait rien vu. Il n'arrivait pas à voir la magie, mais cela viendrait en son temps, il en était convaincu. Et il allait pour se rendormir sur cette pensée lorsqu'un un petit crissement métallique de fit entendre dans la camionnette à nouveau arrêtée. Cela semblait venir du toit, et les Dudley père et fils levèrent machinalement la tête, comme s'ils pouvaient voir à travers le toit. Autour d'eux, les autres automobilistes les regardaient d'un air surpris, montrant du doigt le toit de la camionnette. De sa place, Dudley ne voyait rien mais, tout comme son père, il entendait tout une série de crissements et un brouhaha percé de bruits qui lui faisaient penser furieusement aux cris d'un groupe de chouettes ou de hiboux.

Et en quelques secondes, ils eurent la confirmation que oui, il s'agissait bien de hiboux, ou de chouettes, car les vitres furent en un instant obscurcies par une nuée de hiboux de toutes tailles et espèces. Dudley ne pu s'empêcher d'éclater de rire tout en demandant à son père si, par hasard, il n'attendait pas du courrier.

Vernon saisit parfaitement l'allusion, et sentit qu'il rougissait à vue d'œil tandis que le souvenir des hiboux et des lettres envahissant le salon du 4, Privet Drive lui revenait à l'esprit.

-« Dis-moi, Monsieur le Héros. Et maintenant, on fait quoi ? On demande à un de ces volatiles de porter un message à ton cousin où bien on fait la charge de la Brigade Légère ? »

-« A l'aveugle ? On prend des risques. Non ? Je ne sais pas moi. Mets les essuie-glaces à fond. Et après, on verra bien ». Et tout en disant çà, Dudley ouvrit la fenêtre avant de se hisser pour s'asseoir sur le rebord afin d'essayer d'éloigner les hiboux qui formait un nuage vivant autour de véhicule

-« Prends la sortie de Weybridge, la voie est libre ! On devrait pouvoir semer ces volatiles ! » A la faveur d'une trouée dans le nuage mouvant des hiboux, Dudley avait aperçu le panneau qui indiquait la sortie toute proche et la voie miraculeusement libre de tous véhicules. Aussitôt, Vernon donnât un brusque coup de volant pour s'engager sur la bretelle de sortie tandis que le nuage de hiboux s'égaillait dans toutes les directions.

Ils n'étaient plus qu'à quelques encablures du 4, Privet Drive. Mais leur arrivée fut tout sauf discrète. Cette fois, pas de hiboux juchés sur les toitures, les candélabres, les arbres et les clôtures, mais un concert de klaxons car tandis qu'ils traversaient Magnolia Crescent et Privet Drive, toutes les voitures du quartier se mirent à klaxonner spontanément de manière inexpliquée. Dans la fourgonnette, Dudley riait aux larmes tandis que son père avait pris un teint cramoisi. Après quelques instants, il parvint à reprendre son sérieux.

-« Bon, maintenant, j'espère qu'on arrivera à ouvrir la porte du garage. Bof, dans le pire des cas, on appellera un sorcier, euh pardon, un serrurier. »

Vernon ne dit rien mais referma sèchement sa portière tout en se dirigeant à grands pas en grommelant vers la porte du garage pour l'ouvrir et rentrer en vitesse les malles à l'abri des regards indiscrets.

-« Dudley, recule un peu la fourgonnette, je n'ai pas envie de me fracasser une nouvelle fois les reins. »

Une fois la porte du garage fermée et les malles sorties, Vernon prit sur l'établi une tenaille afin de forcer les deux petits cadenas qui fermaient les malles.

-« Ca devrait pas prendre trois heures. Ils sont mignons ces deux petits cadenas dorés, mais je doute qu'ils auraient pu gêner quelqu'un qui aurait voulu ouvrir les malles à l'insu de ta tante. Allez, j'y vais »

Instinctivement, Dudley s'était reculé. Un curieux pressentiment lui disait que cela allait faire des étincelles.

-« Ouch ! ». Vernon avait lâché la tenaille et se tenait la main. « On a du poser la malle sur une rallonge électrique que tu as laissé trainer branchée. Combien de fois t'ai-je dit de ne pas laisser trainer une rallonge branchée, surtout avec les enfants ! Je me suis pris une drôle de châtaigne ». Tout en se frottant la main, Vernon faisait le tour de la malle tandis que Dudley ne disait rien. Appuyé contre l'établi, il savait bien ce qui venait de se produire, et que les rallonges électriques, elles étaient rangées à leur place.

Après quelques instants, Vernon fut bien obligé de se rendre à l'évidence. Il n'y avait aucune rallonge électrique branchée qui aurait pu causer cette soudaine décharge d'électricité. Après avoir reposé la tenaille, il entreprit de prendre une perceuse tout en grommelant « Il faut que je m'y fasse, je vieilli. J'ai dû forcer de travers et me froisser un nerf. C'est çà qui m'a fait mal. Oui c'est çà. Maintenant, on va en avoir le cœur net. Comme disait mon grand-père : contre la force, pas de résistance ». Tout en parlant, il avait inséré un foret à métal dans la perceuse et serré le mandrin. « Maintenant, y'a plus qu'à » et il entreprit de percer la serrure du cadenas de la première malle.

Un grand bang retentit et dans le garage, Vernon et Dudley se retrouvèrent dans le noir. Tandis que Vernon râlait comme un possédé, Dudley ouvrit le tableau électrique pour réenclencher le disjoncteur. Une fois la lumière revenue, il lui fallut un instant pour réaliser ce qui se passait. Agenouillé devant la malle, son père tenait toujours la perceuse dont le foret était bloqué dans le cadenas.

-« C'est bon, P'pa, tu peux recommencer, c'est juste les plombs qui avaient sautés ».

Mais Vernon ne disait rien et rougissait à vue d'œil. Après un instant, il ouvrit enfin la bouche, la voix éteinte.

-« Tu sais quoi ? Je pense que c'est toi qui avais raison depuis le départ. On aurait dû en parler d'abord à ton cousin. »

-« Pourquoi tu dis çà ? C'est juste les plombs qui ont sautés »

-« Oui, les plombs ont sautés. Mais moi » et il baissa les yeux sur sa main qui tenait la perceuse tout en essayant visiblement de sortir le foret du cadenas et de desserrer ses doigts « Je suis comme ce crétin de Polkiss, pris au piège. Heureusement que Pétunia n'est pas là pour voir çà sinon elle m'aurait incendié ». Tout en changeant de position afin de s'asseoir plus confortablement, Vernon ne fut qu'à moitié étonné de voir Majestic se faufiler par la chatière et venir s'installer tranquillement sur la malle tandis que Dudley sortait du garage avec dans l'idée de prévenir Harry au plus vite.

Coincé dans le garage, Vernon s''était adossé à la seconde malle et de sa main libre caressait le chat qui l'observait intensément.

-« Tu vois, mon gros, je crois que j'ai fait une belle boulette avec ces malles », fit il en le caressant.

Pendant ce temps, Dudley avait pris le bloc note qui trainait sur la console de l'entrée. Il griffonnât rapidement quelques mots avant d'arracher la feuille et de grimper les escaliers quatre à quatre en espérant qu'il y aurait un hibou sur la terrasse de la chambre d'Agatha ou dans la volière.

-« Ne me regarde pas comme çà », fit il à la chevêche qui semblait froncer les sourcils tandis qu'il ouvrait la volière pour la saisir délicatement. « On est déjà dans la panade alors je te prierai de ne pas en rajouter ». Puis après avoir attaché le papier à la patte de la chouette, il la libera en lui demandant de porter le message au plus vite à Harry.

Dans son bureau au ministère, Harry finissait de lire le compte-rendu de l'audition d'un des gobelins français que son équipe avait intercepté aux portes de Gringotts quand il fut interrompu par un stagiaire Auror qui venait de passer la tête par la porte entrebâillée.

-« Monsieur, vous avez un hibou qui vient d'arriver. Il est sur le perchoir avec le hibou grand-duc que je dois renvoyer pour Azkaban avec la réponse que j'attends de la Justice. »

Harry pris le temps de rajouter une annotation sur le dossier avant de sortir de son bureau. Sur le perchoir, toisée du regard par un des grands-ducs que le Ministère employait pour l'envoi de message à longue distance, une minuscule chouette chevêche pris soudain son envol pour venir se poser sur le bureau juste devant lui. Une fois le papier qu'elle portait à la patte détaché, Harry dû s'y reprendre à deux fois pour lire le message tant sa teneur le surprenait.

« Harry, Papa a fait une bévue, je pense. Il est si inquiet de l'avenir d'Agatha qu'il a voulu récupérer à Cokeworth les deux malles de ta Mère. J'étais sûr que çà allait mal finir. Je ne me suis pas trompé. Il a voulu ouvrir les cadenas à la perceuse et maintenant il est coincé dans le garage, la main collée à la perceuse, la perceuse coincée dans le cadenas. Si tu peux venir au plus vite le libérer avant que mon épouse et Maman n'arrivent. Dudley. »

Une fois le papier glissé dans sa poche, Harry resta un instant songeur. Non seulement Dudley avait changé, Pétunia avait changée, mais il se demandait si l'oncle Vernon n'était pas lui aussi en train de changer, et de la plus radicale des manières. Déjà qu'il lui avait demandé d'employer la magie pour protéger Dudley, Allison et les enfants, maintenant il se préoccupait de la réussite de l'intégration de sa petite fille dans le monde des sorciers. Sur cette pensée, il transplanât vers Privet Drive.