Chapitre 10: Mémoires de Ginny
Année 1986
Ginevra Molly Weasley n'avait jamais vraiment apprécié son prénom. Ginevra était un prénom qui allait mieux à une vieille grand-mère et elle n'avait aucune envie de porter le même nom que sa mère. Elle l'aimait de tout son coeur mais le fait d'être sa seule fille avait un côté étouffant. Elle n'aimait pas la sensation d'être une extension de sa génitrice. Ginny avait donc été soulagée que toute sa famille lui ait trouvé cet adorable surnom lorsqu'elle arrivait à peine à tenir sur ses pieds. Elle se présentait toujours en disant qu'elle s'appelait Ginny et reprenait ses professeurs de l'école primaire pour sorciers où elle se rendait à chaque rentrée. La petite fille trouvait qu'elle avait vachement de chance de pouvoir changer de nom. Même si ses grands frères étaient tous embêtants, il lui avait offert un joli cadeau en métamorphosant ce prénom naïf et vieillot.
Année 1987
Ginny aimait sa vie au Terrier. Vraiment. Ses parents étaient adorables. Il n'y avait pas meilleur conteur que son père. Sa mère cuisinait les meilleurs gâteaux du monde. Bill était comme un deuxième père pour elle, parfois plus sévère que le vrai, mais il connaissait plein de choses et il était facile de lui chourrer de l'argent lorsqu'il était là. Charlie n'était pas le plus présent mais elle pouvait lui poser toutes les questions même les plus ridicules. Il ne se moquait jamais d'elle. Percy était le plus ronchon mais il lui achetait toujours des petits cadeaux et bonbons lorsqu'ils rentraient de Poudlard. Fred et Georges, lorsqu'ils acceptaient de la traîner avec eux, lui apprenaient des farces. Et Ron était un bon compagnon de jeu même s'ils finissaient par se battre ou se disputer une fois sur deux. Ron savait ce que ça faisait d'être toujours considéré comme un bébé et écouté à moitié. Il savait que à quel point c'était horripilant de ne pas avoir son mot à dire à table. En somme, Ginny était la plus proche de Ron.
Tous ses frères étaient différents mais il y avait une chose qu'ils avaient en commun et qu'elle trouvait extrêmement horripilante, c'était leur côté surprotecteur.
« Ginny, ne fais pas ça tu vas te faire mal !», « Ginny, fais attention où tu mets les pieds !», « Ginny ne te salis pas ! » alors qu'ils faisaient dix mille fois plus dangereux qu'elle.
Pour aider Maman en cuisine par contre, personne ne se bousculait ! C'était injuste et Maman ne disait rien par rapport à ça tant qu'ils rangeaient leur chambre. Ce n'était pas toujours facile d'être la seule fille.
Année 1989
Ginny aimait sa vie au Terrier mais elle rêvait de quelque chose de différent pour elle. Différent de la vie monotone qu'elle vivait. Même si sa mère avait peur et ne comprenait pas pourquoi Charlie voulait travailler avec les dragons, Ginny trouvait cette idée sacrément classe et courageuse. Et Charlie lui avait promis que lorsqu'elle serait assez grande, elle pourrait les rencontrer : ces créatures qu'elle ne voyait que dans les contes.
Pour sa vie future, Ginny s'imaginait habiter dans une grande maison non loin d'une forêt ou d'un coin de verdure. Une maison qui ne serait pas aussi encombrée et abracadabrantesques que le Terrier. Il y aurait des objets un peu plus chics, sans faire trop de chichis. Elle aurait une garde-robe à n'en plus finir et elle n'aurait plus besoin de retaper les habits de ses grands-frères ou les robes usées de sa mère. Elle aurait un travail qu'elle aimerait de tout son cœur. Elle jouerait dans une équipe de Quidditch. Si elle voyait plus loin, elle serait même attrapeuse ! Ce serait le rêve ultime ! C'était exaltant. Et comme Ginny ne voyait pas un joli futur se finir sans une belle histoire d'amour, elle épouserait l'homme de sa vie. Comme sa mère. À la différence près qu'elle ne voulait pas avoir à se prendre la plupart des tâches ménagères, familiales et devoir porter toute la maison au creux de sa tête. Ginny aimerait avoir plus de places pour d'autres activités. Elle se demandait si ce serait possible alors qu'elle voulait une grande famille où elle pourrait toujours rire.
Il fallait que son futur mari soit aussi gentil que son père et qu'il apprécie les moldus. Elle n'aimait pas les sangs-purs qui prenaient les autres de haut. Mais son amoureux devait quand même être plus séduisant et charmant que son père. Ginny ne voulait pas qu'il ronfle comme un pompier. Alors qu'elle élaborait ses objectifs de vie dans son carnet rose, elle pouvait presque oublier les bagarres de Ron et Georges dans la chambre juste à côté de la sienne.
Année 1990
Ginny avait entendu parler de l'histoire de Harry Potter comme tout le monde. C'était le seul sorcier à avoir terrassé le mage noir et à lui avoir survécu. Avec lui, la Guerre des sorciers avait pris fin. Et il avait réalisé cet exploit en étant à peine un bébé. Son histoire était tout de même incroyable. Il existait quelque part un garçon qui avait l'âge de Ron et avait survécu à l'impensable. Ginny avait toujours été impressionnée par ce sorcier qu'elle ne connaissait pas. Comme beaucoup de sorciers, elle se demandait où est-ce qu'il pouvait bien être. S'il était heureux. S'il était gentil. Ginny espérait bien. Surtout qu'elle pourrait le croiser s'il avait seulement un an de plus qu'elle. Ginny s'imaginait parfois qu'il lui déclare sa flamme au pied d'un arbre comme dans les contes. Puis elle lui offrait sa main et un Harry Potter imaginaire y déposait un joli baiser.
C'était un petit peu stupide mais il n'y avait pas de mal à rêver un peu.
1er septembre 1991
Ginny était jalouse. C'était à Ron de se rendre à Poudlard. Cela ne voulait dire qu'une seule chose. Elle serait toute seule à la maison cette année. C'était si injuste. Elle n'avait déjà pas beaucoup d'amies à l'école. La plupart des filles n'aimait pas son côté casse-cou et les garçons voulaient juste l'embrasser. Ginny ne voulait pas recevoir des bisous non désirés. Elle s'ennuyait déjà. Elle aimerait tellement qu'un prince sur son balai vienne la sortir de sa vie morose !
Sa mère l'avait forcée à se préparer. Ginny était si ennuyée qu'elle avait à peine brossé ses cheveux. Elle avait donc une tête de chou-fleur mal effeuillé. Elle s'accrochait au bras de sa mère alors qu'ils avançaient tous dans la gare jusqu'au quai 9 .
« Arrête de bouder. Tu auras du gâteau au chocolat en rentrant. » s'agaça-t-elle en avançant, pressée.
Comme si du gâteau au chocolat pouvait faire disparaître ses problèmes ! Sa mère était vraiment lourde parfois !
Percy passa à travers le mur en premier, suivi par Fred et Georges qui firent une blague que Ginny ignora royalement tant elle était agacée d'être présente. Pourquoi la faire venir alors qu'elle resterait à quai une nouvelle fois ?
Toutes ses questions s'évaporèrent à l'instant où une voix timide et enrouée interpela sa mère.
« Excusez-moi ! Est-ce que vous pourriez me dire comment…
— Comment arriver sur la plateforme ? Ne t'en fais pas mon chéri, c'est la première fois que Ron va à Poudlard aussi… » le rassura-t-elle en posant une main rassurante sur son épaule.
C'était sans doute un né-moldu. C'était la seule raison qui pouvait expliquer le manque de connaissance du garçon qui semblait si frêle comparé à Ron. Ginny ne put s'empêcher de l'observer. Il était vraiment maigre et ses habits étaient trop grands pour lui. Elle espérait au moins qu'il avait pu acheter une cape à sa taille. L'année serait difficile sinon. Il recevrait peut-être des moqueries.
C'était un garçon gringalet et maladroit. Pas le genre de personne qui intéressait Ginny d'habitude. Cependant, elle fut immédiatement happée par ses yeux verts qui écoutaient avec attention les instructions de sa mère. Ils contrastaient avec sa peau halée et les mèches d'un noir de jais qui se bataillaient sur sa tête. Avec l'excitation qui semblait habillé le visage soulagé de ce corps malheureux, Ginny ressentit une étrange sensation. C'était un mélange de tendresse et d'envie de protection. Il lui faisait penser à l'oiseau blessé qu'elle avait soigné l'été dernier jusqu'à ce qu'il reprenne son envol. Ginny le trouvait beau. Avant que le garçon ne s'élance à travers le mur, elle lui lança un "Bonne chance" inutile et un peu bancal. Ce fut autour de son frère de disparaître juste après et pourtant Ginny ne cessait de penser à ce visage fin cerné de lunettes tordues.
Elle n'avait plus besoin d'un Harry Potter imaginaire pour fantasmer son futur. Elle n'avait pas besoin d'un héros. Ginny était peut-être bien plus attirée par les ténèbres cachées entre ses mèches sauvages. Elle était tombée amoureuse comme dans les contes. C'était la seule chose qui pouvait expliquer les battements effrenés de son cœur.
1er août 1992
Ginny n'aimait rien de plus que les rayons du soleil pour réveil. C'était agréable de se réveiller en même temps que la nature aux alentours. Pourtant, elle retourna dans les limbes du sommeil dès qu'elle le put pour profiter plus longtemps de son rêve.
Elle était plus âgée et marchait dans un jardin, un panier de fraises dans les mains. Alors qu'elle se gorgeait du soleil et de la sérénité des lieux, son amoureux agrippait sa taille avec douceur avant de poser ses lèvres sur son front. Ginny riait aux éclats. Dans son ventre, elle avait l'impression que des oiseaux zigzaguaient à l'intérieur, secouant leurs ailes à la même vitesse que les battements de son cœur joyeux. Ginny se sentait bien. Lorsqu'elle posait les yeux sur le visage flou, elle pouvait distinguer des lunettes et des cheveux noirs dans lesquels ses mains pouvaient se perdre. Elle était heureuse car il la comprenait sans dire un mot. Et elle aussi.
Lorsqu'elle rouvrit les yeux, Ginny se rendit compte qu'il était déjà tard dans la matinée. Elle s'étira comme un pacha puis hésita à descendre. Ce fut son ventre qui prit la décision à sa place en émettant un gargouillement sonore. Elle soupira et posa ses pieds au sol. Le parquet était frais en comparaison à son lit douillet. Heureusement qu'elle était de bonne humeur. Ginny avait envie de se faire jolie aujourd'hui. Il faisait si beau qu'elle pourrait peut-être même voler dans la cour ! Excitée par l'idée, Ginny descendit les escaliers quatre à quatre telle une furie :
« Maman ! Tu sais où est mon tee-shirt…?! » hurla-t-elle en bondissant dans la cuisine.
La respiration de Ginny se coupa dès qu'elle se rendit compte de la nouvelle présence dans la pièce entre toutes les têtes rousses habituelles. Harry Potter était là. Le garçon sur lequel elle rêvait au moins une fois par semaine depuis un an mangeait dans sa cuisine. Il discutait avec Ron. Il avait une miette de biscotte collée sur sa joue droite. Il était beaucoup moins beau que la version irréaliste de lui adulte qu'elle avait imaginée. Mais il était quand même à tomber car Ginny se sentit rougir comme une pivoine. Son cœur voulait s'échapper de sa poitrine à cause de ses incroyables cheveux noirs en pagaille, de sa paire de lunettes déglinguée, de sa peau aussi douce que le miel et de ses deux yeux aussi brillants que des bijoux qui la fixaient. Elle. Ginny. Vêtue d'un pantalon de pyjama délavé et d'un vieux tee-shirt de Fred. Décoiffée, le visage et les dents sales avec un filet de bave à la commissure de ses lèvres.
C'était catastrophique ! Ginny ne ressemblait à rien. Sa nouvelle rencontre avec Harry n'était pas censée se passer comme ça ! Elle s'était entrainée toute l'année pour faire bonne impression lorsqu'elle avait appris que le garçon bizarrement mignon de la gare était le héros du monde sorcier et le meilleur ami de son frère. Elle était censée arriver belle, forte, féminine comme elle l'avait lu dans les magazines conseils de sa maman. Elle aurait sorti une blague sur le Quidditch. Il aurait ri. Elle l'aurait rejoint dans son hilarité et il aurait trouvé son rire de chaton étranglé adorable. Tout son rêve était compromis. Pourquoi personne ne lui avait dit que Harry était censé venir aujourd'hui ?
« B-bonjour ! » lança Harry sans la quitter du regard.
Ce n'était pas une bonne journée alors que Ginny avait gaché la chance de sa vie et s'était ridiculisée devant lui. Lorsqu'elle ouvrit la bouche pour lui répondre, aucun son ne s'échappa de sa bouche. Elle n'avait jamais été aussi stressée de sa vie. Elle fixa Ron, espérant qu'il la soutienne d'une manière ou d'une autre mais il avait les yeux rivés sur son pain grillé. Quel goinfre ! Il ne servait à rien ! Pour ne rien arranger, George eut un rictus qui lui donna envie de s'enterrer vivante. Il ne restait à Ginny que la fuite pour gérer la situation. Elle n'avait jamais remonté les escaliers aussi vite.
Quelle honte ! Ce n'était pas possible d'être aussi empotée ! Ginny cogna son coude contre un placard alors qu'elle s'enfermait dans la salle de bain, hors d'elle et les joues en feu. Elle eut si mal qu'elle ne put s'empêcher de piailler.
Pourquoi Percy avait déplacer ce meuble ? Elle en avait marre de ses frères incapables ! Pourquoi est-ce qu'ils ne l'avaient pas prévenu ? Elle les détestait tous !
Première année - 1992/1993
Ses débuts à Poudlard n'étaient pas aussi faciles et incroyables qu'elle l'aurait cru. Comme toute sa famille, Ginny avait fini à Gryffondor et pouvait donc voir ses frères
Cela avait pour effet d'amenuiser le manque de ses parents. Néanmoins, il n'était pas si facile que ça de se faire des amis. Pas des connaissances avec qui discuter, dormir, s'amuser mais de vrais amis sur lesquels elle pourrait compter quoi qu'il arrive, à qui elle pourrait se confier et qui lui donnerait l'impression de pouvoir être elle-même quoi qu'elle fasse. Ginny n'avait jamais vécu d'amitié comme celle-ci. Tous ces camarades de jeux n'avaient toujours été que de passage dans sa vie. Et elle avait l'impression que c'étaient le même genre de relations qu'elle vivait entre les murs du château.
Ginny se demandait si elle était vouée à se sentir seule. Alors qu'elle avait vécu une vie banale, que le bonheur semblait à portée de main si elle décidait de chérir tout ce qu'elle possédait déjà. Elle jalousait Ron et sa relation avec Hermione et Harry. Leur amitié était si fusionnelle. Il semblait si à l'aise les uns envers les autres.
Ginny avait l'impression que jamais elle ne pourrait vivre ça. Et ses sentiments envers Harry ne menaient à rien puisqu'elle était incapable d'aligner trois mots en sa présence.
Ginny se sentait lourde. Elle se sentait stupide et incomprise. Chose peut-être naturelle dans la mesure où elle ne se comprenait pas elle-même.
La première fois qu'elle avait écrit dans l'étrange journal qui avait atterri dans son chaudron par un concours de circonstances mystérieux, c'était pour se décharger de toutes ses pensées déprimantes qui l'assaillaient. Ginny fut si heureuse et excitée de recevoir une réponse à ses écrits. Elle n'avait pas compris qu'elle avait offert son coeur à la mort.
Tom Riddle était un garçon de seize ans. C'était lui qui répondait à ses questions dans le journal. Ginny savait qu'il n'était pas né à la même époque. C'était un esprit coincé entre les pages du livre. Mais elle avait fini par le considérer comme un ami. Sa mère lui avait dit de toujours faire attention aux êtres qui étaient à cheval entre le monde des vivants et le monde des morts. Mais Tom n'était pas quelqu'un de mauvais. S'il voulait lui faire du mal, il l'aurait fait depuis longtemps.
Tom lui donnait de bons conseils. Il ne se moquait jamais de ses angoisses. Il ne la trouvait pas ridicule. Il disait même qu'elle était très intelligente pour son âge et qu'il lui faisait confiance.
Ils pouvaient s'écrire pendant des heures après la nuit tombée. Ginny aimait son sarcasme et sa perspicacité. Son érudition aussi. Il l'avait même aidé à rédiger un devoir de potions pour le professeur Rogue en la guidant dans ses recherches sans lui mâcher le travail. C'était vraiment une personne incroyable et Ginny voulait le connaître de plus en plus et savoir ce qui traversait son esprit un brin maniaque mais acéré.
Parfois, il lui arrivait de prendre son courage à deux mains et de lui poser des questions sur sa vie. Après tout, Ginny lui avait presque tout dit d'elle. Ses peurs, ses doutes, ses rêves, ses angoisses. Elle lui avait parlé de toute sa famille, de ses cours, de ses camarades de chambre, de Harry.
Tom était quant à lui très évasif. Elle savait juste qu'il était à Serpentard et préfet. Il lui avait dit qu'il était brun, avec des yeux marrons. Il n'avait pas l'air d'avoir des amis et trouvait que beaucoup de personnes étaient ridicules ou inintéressantes. Ginny était néanmoins peu avancée. Il disait n'avoir aucun tableau ou photographie où il était représenté.
Un jour, alors qu'elle se plaignait à Tom de ne pas le connaître, il lui avait fait une proposition des plus exaltantes. Plonger dans ses souvenirs pour que Ginny le comprenne et qu'elle ne soit pas la seule à déballer son cœur. Elle avait accepté avec un mélange d'appréhension, de joie et de fierté à l'idée d'être l'une des seules à qu'il décide de se confier.
Ses premières plongées dans son esprit et dans ses souvenirs ébranlèrent la jeune fille. Ce n'étaient pas le genre d'images auquel Ginny s'était attendu.
L'esprit de Tom était pétri de violences. Violences de son passé. Des coups de son père, de la terreur et de la honte de sa mère. Violences des gardiens de l'orphelinat, des autres enfants. De sa propre violence qu'il infligeait sur les animaux, sur les autres en masquant ses sentiments de destruction derrière des sourires.
Tom Riddle était beau. Il était intelligent mais surtout il était imprévisible, calme, calculateur. Pour la première fois de sa vie, deux sentiments assaillirent Ginny : la peur et la peine. Elle ne savait pas comment soutenir ce garçon qui l'avait tant aidé. Elle ne savait pas comment réagir face à ces images inédites pour elle. Mais une partie d'elle craignait aussi Tom. Derrière sa douceur et la placidité de ses mots, Ginny pouvait sentir ses désirs de destruction et de puissance comme s'ils étaient siens.
Lorsqu'elle avait pris connaissance de ses traumatismes,les yeux en larmes, elle s'était précipité sur son journal pour lui écrire. Tom s'était excusé de lui avoir fait aussi peur et l'avait remercié de l'avoir écouté. Il se sentait allégé d'un fardeau. Ces mots avaient touché Ginny plus que nécessaires et toutes les fois suivantes où il lui proposa de replonger dans ses souvenirs, elle accepta.
Alors qu'elle naviguait dans les souvenirs de Tom, Ginny se retrouva dans un cours de potions de monsieur Slughorn. Ce n'était pas la première fois qu'elle assistait à ce genre de cours et ils étaient plutôt intéressants. Elle ne comprenait pas ce que cette scène pouvait recéler d'important dans la vie de Tom. Puis elle entendit ses pensées dans sa tête comme si elles étaient les siennes. Ginny s'éjecta de cette vision, horrifiée. Le garçon parlait de vouloir se débarrasser de tous les sangs-de-bourbe et les impurs de l'école.
Lorsqu'elle se réveilla, Ginny n'était pas revenue dans sa chambre. En face d'elle, se trouvait Tom. C'était la première fois qu'il discutait ainsi en face en face. Et non dans sa tête ou à travers le journal. Il était comme dans les souvenirs qu'elle voyait. Il était tellement grand comparé à son corps frêle et ses yeux froids se posaient sur sa personne avec la même indifférence qu'elle avait observée. Tom lui sourit. Il avait l'air contrit et agacé.
« Pourquoi es-tu partie aussi vite Ginny ? Je ne t'ai pas fait peur quand même…
— C'est très mal de penser ça ! Les nés-moldus ne sont pas des sangs-de bourbe ! Ils ont autant le droit que les autres sorciers d'être à Poudlard ! » ânonna-t-elle en puisant tout le courage qui lui était possible.
Ginny s'attendait à tout sauf à l'éclat de rire qui s'échappa de la poitrine de Tom.
« Tu es adorable… » soupira-t-il avant de caresser sa joue.
Sa main était froide. Et Ginny ne se demandait même pas comment elle pouvait être en contact de cette manière avec un esprit. Elle était happée, dominée par l'ascendance de Tom sur elle.
« Qu'est-ce que tu veux dire ?! Je ne suis pas une enfant ! C'est très grave de penser comme tu le fais Tom…
— Pourquoi donc… ? Tu as peur des réprimandes de la société ? Ou bien est-ce parce que tu as des moldus dans ta lignée ?
— Pas du tout ! C'est mal ! Les nés moldus sont des sorciers comme nous ! Ils peuvent même être plus doués que les sangs-purs ! C'est stupide de penser comme ça ! C'est une idée complètement folle de vouloir les tu-tuer ! s'écria-t-elle.
— Tu dis ça parce que tu n'as jamais eu à faire à la bêtise des moldus Gi…
— Les sorciers peuvent être aussi mauvais ! Toi en premier ! Avoir des idées comme celles de Voldemort, c'est horrible !
— Voldemort ?
— C'est un mage noir ! Il avait des idées aussi dégoutantes mais il a été défait, encore heureux ! » fanfaronna Ginny en se détachant de son toucher, le cœur battant.
Ginny était déçue et attristée. Elle n'était pas certaine de pouvoir rester amie avec Tom s'il pensait ainsi.
« Qui est-ce qui l'a défait ?
— Ben… Harry…» répondit Ginny, se rappelant alors qu'ils ne vivaient pas dans les mêmes époques.
Comprenant qu'elle avait réussi à attirer l'attention de Tom, Ginny se mit à lui raconter l'histoire du terrible mage noir, espérant que la débacle de ce sorcier macabre l'effraierait assez pour qu'il reconsidère ses idées nauséabondes.
Ginny avait scellé son destin. Et peu à peu, elle s'étiolait. Il lui arrivait de ne pas se souvenir de ses actions. De se retrouver dans une pièce sans savoir comment elle avait atterri là. Parfois, elle sentait la présence de Tom tout autour d'elle, à l'intérieur de sa tête. Lorsqu'elle lui posait des questions, il ne lui répondait pas ou la traitait de folle. Ginny perdait-elle l'esprit ?
Lorsqu'elle fermait les yeux, elle se trouvait sur une étendue d'eau profonde. Il suffisait que les paumes froides de Tom se posent sur ses frêles épaules pour que Ginny plonge dans ses souvenirs sombres. Connaître ce sorcier de manière aussi intime, c'était se noyer dans son esprit, s'oublier dans sa puissance magique et boire ses pensées sans pouvoir les distinguer des siennes. Lorsqu'elle entendit parler de la chambre des secrets, Ginny comprit qu'elle était perdue. Et qu'elle l'avait ouverte dans ses moments de transe.
Ginny avait tenté de se débarrasser du journal , en vain. Il finissait toujours par réapparaitre dans ses mains d'une manière ou d'une autre. Son esprit, son âme, ses actions. Elle ne les contrôlait plus. C'était à cause d'elle si tous ses camarades étaient en danger. C 'était elle qui avait ouvert la porte à cet être dangereux à cause de son idiotie. Ginny ne voulait qu'un ami et Tom en avait profité pour la dévorer. Ses lèvres qui s'appuyaient sur les siennes pour silencier ses cris lui glaçait le sang. Ginny ne savait pas comment tout arrêter, ni comment se sauver. Elle devait se dénoncer et parler de Tom.
« Pourquoi est-ce que tu me fais ça ?! » s'écria Ginny, dépassée.
Elle venait de reperdre le contrôle de son corps. Elle avait vu le gigantesque basilic. Elle l'avait frôlé et de sa bouche, elle avait parlé en fourchelang. Tom avait parlé la langue des serpents.
« Il est inutile de se débattre . Il est fâcheux que tu sois aussi têtue.
—Pourquoi est-ce que tu fais tout ça ?! Tu penses vraiment qu'ils méritent leur sort ! Tu es comme les Mangemorts ! Cent fois pire même ! hurla Ginny en larmes.
—Tu n'as pas compris. Tu ne penses tout de même pas que je suis n'importe quel mangemort, Ginny ? Tu m'as habituée à plus d'intelligence. » déclara Tom avec un sourire mauvais.
Le sang de Ginny se glaça lorsque l'affreuse réalité jaillit de son esprit.
«Non… Ce n'est pas possible…
— Si Ginny… Je suis Voldemort. Et c'est toi qui va me conduire à Harry Potter. »
Pour la première fois depuis des mois, Ginny se sentait seule dans sa tête. Il n'y avait plus de présence sombre tapie dans les recoins de son esprit. Lorsqu'elle rouvrit les yeux, elle tomba nez à nez sur Harry, qui la fixait, le souffle court. Son soulagement fut indicible. Elle pouvait enfin lui avouer. Elle pouvait enfin dire la vérité et l'avertir sur le mage noir.
« Tom… !
— C'est fini Ginny ! Il ne te fera plus de mal. J'ai détruit le journal. » la rassura-t-il avec un sourire timide.
Ginny ne s'était jamais sentie aussi libérée de toute sa vie et aussi honteuse. Elle s'était laissée piégée. Elle avait mis en danger tous ses camarades et pourtant, Harry lui serrait la main avec douceur et l'aidait à se relever. Il faisait froid dans la chambre malgré leur cape. La main de Harry était poisseuse et sanglante au creux de la sienne et Ginny était reconnaissante qu'il ne la lâche pas. Elle avait encore trop peur. Harry lui avait sauvé la vie.
Juillet 1993
Après cette possession par Voldemort, Ginny n'avait plus jamais été la même. Bien entendu, elle avait toute sa famille derrière elle. On lui avait dit qu'elle ne devait pas s'autoflageller. Qu'elle était aussi une victime dans l'histoire. Mais c'était une chose de se l'entendre dire. C'en était une autre d'y croire. Parfois, il lui arrivait de se réveiller la nuit après un terrible cauchemar où elle était entre les mains de Tom. Dans ces instants, Ginny ne savait jamais trop quoi faire. Elle s'échappait de sa chambre, allumait quelques bougies et se préparait un lait de poule pour décompresser. Mais même avec la boisson sucrée que sa mère lui avait appris à faire, Ginny se sentait en danger. Et elle n'arrivait pas à déterminer quels changements dans son âme venait d'elle ou de la relation étrange et malsaine qu'elle avait partagé avec ce fragment d'esprit du mage noir.
Octobre 1993
Pour sa deuxième année, Ginny voulait laisser derrière elle les souvenirs douloureux qu'elle avait subi et illuminer sa vie estudiantine. Elle s'était un peu plus ouverte à ses camarades, se concentrait pour pouvoir faire partie de l'équipe de Quidditch dans les années à venir et tentait de vivre tant bien que mal malgré l'arrivée de ses premières règles, sa prise de poids et ses galères capillaires
Ce fut au cours d'une promenade près du lac de Poudlard que Ginny fit l'une des rencontres qui bouleversa sa vie. En bien cette fois-ci. Ce fut le jour où elle rencontra Luna.
La jeune fille était debout au bord de l'eau. Ses longs cheveux presque blancs glissait sur ses fesses comme s'ils étaient pris d'une volonté propre. Alors qu'elle pourrait profiter de l'étendue d'eau face à elle, la Serdaigle avait toute son attention sur un point invisible à ses côtés. La solitude ne semblait pas peser sur ses épaules. Pieds nus, face aux éléments, elle chantait. Elle se moquait de savoir si quelqu'un pouvait la surprendre. De sa main blanche s'échappaient des effluves magiques. C'était de la magie sans baguette. Il était rare de voir des personnes la pratiquer. Ginny était intriguée par cette élève qu'elle n'avait jamais remarqué auparavant.
Son coeur s'arrêta lorsqu'elle se mit à chanter. Sa voix était étonnament forte malgré sa douceur. C'était un cantique sorcier des temps anciens en Rhunes. Ginny n'était pas une bonne traductrice. Elle n'avait pas encore eu de cours mais elle connaissait ce chant. C'était un poème sur la liberté et l'amour. Un amour qui n'emprisonnait pas mais rendait plus authentique et plus fort. Cette fille chantait ces paroles avec tant d'aisance et d'abandon. Sa main pétillait de couleurs verdoyantes.
Ginny en était jalouse. Elle était éblouie. Même des années après, elle se souviendrait de cette scène. Elle était restée figée sur place. Et lorsque Luna avait enfin daigné poser ses yeux translucides sur elle, Ginny avait compris qu'elle voulait être proche d'elle. Qu'elle ne pouvait pas traverser cette année sans découvrir qui était cette mystérieuse fille.
« C'est rare que d'autres personnes viennent ici à cette heure de la journée. C'est pour ça que les sombrals aiment gambader ici, avait-elle déclarée comme si elles étaient au milieu d'une discussion.
— Tu les vois ? avait demandé Ginny, surprise.
— J'en caresse un juste là. Il s'appelle Harold.
— C'est bizarre comme nom pour un sombral.
— Je te l'accorde mais il a accepté que je le nomme ainsi.
— Ah. »
Cela devait être une des conversations les plus étranges qu'avait eue Ginny mais elle ne souhaitait pas qu'elle s'arrête. Elle posa alors des questions sur les créatures et la fille lui répondit avec l'érudition propre à sa maison. Elle était très intéressante malgré son étrangeté. Elles furent tellement emportées par leur discussion que les cloches de l'école les rappelant à l'ordre les surprirent toutes les deux.
« Il faut retourner à nos cours. Je suis ravie d'avoir pu discuter avec toi. C'est rare pour moi, avoua la blonde en récupérant son sac posé à ses pieds.
— Tu voudrais pas qu'on se revoit ? Je veux dire… J'ai aussi beaucoup aimé discuté. Ce serait idiot de pas réessayer, non ? demanda Ginny.
— Tu serais intéressée ? questionna l'autre surprise.
— Ben oui. Ce serait cool qu'on devienne amies. C'est quoi ton nom d'ailleurs ? Moi c'est Ginevra Weasley mais appelle-moi Ginny !
— Luna Lovegood. » lui répondit-elle avec un sourire amusée.
Années 1993 à 1995
Les trois dernières années qui suivirent furent pour Ginny peuplées de joie et de premières fois exaltantes. Son amitié avec Luna s'était renforcée au fil du temps. Et Neville avait fini par se greffer à leur petit duo par l'intermédiaire de son amie qui était férue de botanique comme lui.
Ginny avait appris à s'affirmer et à se supporter ce qui n'était pas une même affaire. Pas alors qu'il y avait tant de filles avec qui elle ne s'entendait pas particulièrement, qu'elle galérait à apprécier son physique et à imiter de façon adéquates les mimiques qui permettaient de plaire. Ginny n'était même pas certaine qu'elle le voulait vraiment. Ressembler à l'archétype de la fille parfaite. Elle ne savait pas si ça la rendrait heureuse. Mais elle voulait vivre les affres de l'amour comme les autres filles de son âge. Elle ne voulait pas être en retard et elle voulait plaire.
Ginny avait échangé ses premiers baisers. Avec un certain Raph', un Poufsouffle avec qui elle partageait les mêmes cours de potions. Il était gentil. Il voyait en elle plus que ce qu'elle n'était. Et il la trouvait mignonne et sexy, ce qui rendait son travail sur sa féminité utile. Ils s'étaient bien amusés tous les deux, pendant quatre mois.
Pendant ces trois années années, Harry avait été à des années-lumière d'elle. Bien sûr, il était toujours aux côtés de son frère. Ils échangeaient des banalités lorsqu'il se croisait mais Ginny n'avait jamais pu creuser plus loin. À partir de sa quatrième année, elle avait arrêté de lui offrir ses cartes-cadeaux faites-main ridicules qui exposaient ses sentiments ardents. Des sentiments amoureux qui finissaient par s'endormir peu à peu. Cela ne servait à rien de lui courir après alors qu'il ne la regardait pas et qu'il avait des problèmes bien plus importants qu'elle et sa bêtise.
Ginny écouta les conseils de Luna. Elle n'avait pas besoin de courir après Harry pour trouver le bonheur. Elle pouvait enterrer son premier amour et s'ouvrir à d'autres horizons.
J'ai éclaté de rire lorsque tu es tombée sur les cartes chantantes lors de notre déménagement. La tête que tu as tirée lorsque tu as revu tous ces cadeaux que tu m'avais envoyés à Poudlard était épique. Je m'en souviens encore. Tu étais si rouge que cela effaçait tes tâches de rousseur et au lieu de me dévorer de baisers ou me sourire, tu m'as frappé l'épaule, hors de toi. Tu avais tellement honte . Bon, il était vrai que tu n'avais pas un talent criant pour la chanson et que les couleurs vives étaient un peu embarrassantes avec du recul. Les musiques restaient aussi en tête. Mais c'était un souvenir adorable, tu ne trouves pas ?
Même si à cette époque, tu n'étais que la petite soeur de Ron pour moi. Qu'une présence adorable et forte derrière mon meilleur ami. Tu as néanmoins toujours eu droit à une petite place dans mon esprit. Peut-être était-ce parce que j'avais eu peur de te perdre dans la chambre des secrets ? Peut-être était-ce tout simplement parce que je voulais te protéger comme tes parents et ton frère le faisaient à mon égard ?
Je ne pourrais le dire dans la mesure où j'étais incapable de me sonder moi-même. Je me sentais plus heureux depuis que j'étais à Poudlard mais Voldemort me poursuivait toujours. Je n'avais pas vraiment le temps d'apprendre à me connaître.
Dans tous les cas, contrairement aux présents d'autres personnes, je n'ai jamais eu le courage de jeter tes surprises. Ces cadeaux créés par tes soins me faisaient plaisir. Et lorsque je m'ennuyais ou me sentais abandonné chez les Dursley, il m'arrivait de les rouvrir.
Quatrième année: 1995/1996
Au retour de Voldemort, il avait été impensable pour Ginny de ne pas se battre. Tom lui avait volé son innocence. Il lui avait saccagé sa première année, l'avait utilisée comme réceptacle pour ses sombres desseins. Même si elle avait été libérée de son emprise, sa présence à l'intérieur d'elle l'avait marqué au fer rouge. Ginny avait passé des mois à subir des cauchemars, à ne pas savoir ce qui en elle n'était pas une influence du mage noir. Son affection pour les potions avait été difficile à accepter dans la mesure où c'était Tom qui l'avait aidé à comprendre et à rédiger ses premiers devoirs. C'était lui qui lui avait appris à apprécier autant ces matières et toutes les possibilités qu'offrait la magie. C'était l'une des raisons pour lesquelles les pouvoirs particuliers de Luna et sa pratique de la magie ancienne longtemps oubliée l'avait attirée et ne la perturbait pas. Voldemort avait craquelé sa vie. Son âme était entrée dans sa tête. Et Ginny savait à quel point cet homme était dangereux. Jamais elle ne voulait que le monde tombe sous son joug.
Ombrage faisait régner la terreur au sein de Poudlard et vivre entre les murs de l'établissement devenait un véritable enfer. Dès qu'elle avait appris l'existence de "L'armée de Dumbledore", Ginny avait signé sans hésiter. Les innocents comme Cédric Diggory continuerait de tomber. Ginny était si heureuse que Luna et Neville s'inscrivent à ses côtés.
Ginny ne voulait plus se sentir impuissante. Elle voulait apprendre à se défendre. Et Harry était un meilleur professeur qu'elle ne l'aurait pensé. Même s'il était intimidé par le nombre d'étudiants en face de lui, il avait très vite, avec l'appui de Hermione, pris assez d'assurance pour leur apprendre les sorts qui leur seraient les plus utiles.
Comme beaucoup, Ginny avait été impressionnée par ses aptitudes et son humilité. Harry était un bon pédagogue. Et lorsqu'il posait sa main sur la sienne pour qu'elle dirige mieux sa baguette pour effectuer un sort, le cœur de Ginny se serrait dans sa poitrine. Rien que le sentir près d'elle, d'intercepter les effluves de son parfum mêlé à sa transpiration suffisait à la perturber. C'était comme si elle n'avait jamais réussi à l'oublier.
Et à nouveau, son obsession maladive pour Harry recommença. Ginny se mit à détester Cho. Elle ne voyait pas ce que cette fille avait de mieux qu'elle. Ce fut une discussion avec Luna qui l'obligea à s'assagir :
« Tu sais Ginny. Même si tu es amoureuse de Harry, ça ne sert à rien de critiquer autant Cho, déclara Luna en appliquant des paillettes au creux de ses paupières.
— C'est-à-dire ? répondit-Ginny sur les nerfs.
— Tu fais comme si Cho était une rivale qui t'avait enlevé Harry avec un charme…
— Mais elle sort avec Harry pour oublier Cedric ! Elle ne l'aime pas ! C'est égoïste !
— Sans doute. Mais nous ne sommes pas dans sa tête de toute façon. Tu n'as qu'à demander à Harry de sortir avec toi si cela te gêne autant, déclara Luna comme si c'était la solution la plus simple du monde. Dans tous les cas, il est assez grand pour prendre ses propres décisions.»
Luna avait raison bien entendu. Elle était toujours la plus perspicace des deux. La plus juste des deux. C'était simplement Ginny qui était incapable d'avouer son amour pour Harry et de se prendre un râteau plus que probable.
Ginny aimerait être comme Luna. Ne rien avoir à faire du regard des autres et être capable d'aimer sans cette possessivité maladive qui la prenait aux tripes. Elle voulait n'en avoir rien à faire du regard de la gente masculine et cesser de se comparer sans cesse aux autres. Elle la jalousait pour ça. C'était injuste dans la mesure où Luna souffrait parfois de son décalage avec ses camarades et de son attirance exclusive pour les femmes. Mais pétrie dans ses propres passions et peines, Ginny n'y songeait pas à ces instants. Elle souhaitait être aussi sûre d'elle et libre que Luna.
Les morts se rapprochaient d'eux. Ginny avait été mise au courant de la disparition de Sirius Black. Elle ne pouvait qu'imaginer à quel point cela avait dû briser Harry. Mais elle ne pouvait rien faire pour lui. Ron et Hermione s'en chargeaient.
Plus la noirceur de leur monde commençait à se resserrer autour d'eux, plus le retour de Voldemort était suffocant, plus Ginny se disait qu'elle ne pouvait pas perdre du temps.
Elle devait encore profiter de ces instants de joie insouciante qui se raréfiaient. C'était cette envie qui la poussa à sortir avec Dean. Le garçon voulait s'amuser et Ginny ne voulait plus se sentir vide. Elle voulait ressentir des instants de félicité.
Sa première fois lui avait fait mal. C'était douloureux et Dean n'avait pas été le plus précautionneux même s'il s'était protégé. Ginny peinait à comprendre ce qui lui faisait du bien. Mais après plusieurs essais, ils avaient réussi à atteindre un résultat pas trop mauvais. Ginny n'avait plus mal. Cependant lorsque Dean et elle s'unissaient, Ginny ne ressentait qu'une satisfaction physique difficile à atteindre. Mais elle pouvait se libérer dans cette étreinte amicale.
Cinquième année: 1996/1997
La cinquième année de Ginny pouvait être décrite par deux mots : intensité et urgence. De ses sentiments et de ceux de ses proches. L'étau de la guerre les enlaçait et Harry semblait à des kilomètres d'eux. Il se battait dans l'ombre, ne courait pas après des bribes d'adolescence qui les éloignaient de l'horreur.
Ginny aurait pu dire qu'elle avait essayé d'oublier Harry. Mais cela aurait été un mensonge alors que leurs chemins se croisaient plus que jamais. Dans les entraînements de Quidditch, aux dîners de Slughorn, dans la salle commune de leur maison, la présence de Harry était partout. Ginny était soulagée de ne plus être une empotée. Grâce aux conseils de Hermione, elle lui parlait normalement. Et elle avait découvert que Harry était plus violent et colérique qu'il ne le laissait paraître.
Collaborer avec lui pour gagner la coupe de Quidditch avait été grisant. Et plus Ginny le cotoyait de près, moins elle craignait de se montrer face à lui. Elle ne savait pas pourquoi elle s'était fourvoyée toutes ses années. À se monter la tête pour tenter de lui plaire. Alors qu'il lui suffisait d'avoir assez de courage pour le surprendre. Et débouler dans son univers.
Ginny n'avait pas envie de perdre du temps alors que leur monde s'obscurississait. Elle voulait créer une boule lumineuse de joie et entrainer Harry à ses côtés. Elle se fichait bien qu'il ait lacéré Malfoy. Son sentiment de culpabilité était suffisante pour qu'elle s'assure qu'il ne sombrerait jamais dans la violence. Ginny en avait marre de le laisser se borner à traverser cette bataille seul. Alors elle faisait du rentre-dedans, sans vergogne. Et voir Harry être destabilisé par ses regards, rougir face à son ardeur, être hypnotisé par ses accès de confiance qu'elle comprenait à peine, était grisant. Enfin, il lui rendait un centième de ces sentiments pénibles qui l'assaillaient depuis qu'elle était capable de saisir ce qu'était le désir.
Lorsque Harry l'avait embrassée, devant tout le monde, pris dans cette euphorie générale qui les habitaient tous à leur victoire au Quidditch, Ginny s'était enivré. De son goût, de la chaleur qui émanait de son corps en sueur. Ils s'étaient embrassés sur un véritable coup de tête mais Ginny n'aurait changé leur premier baiser pour rien au monde. Même s'ils avaient été la proie de tous les regards, elle s'en fichait. Car elle avait eu l'impression que Harry lui avait appartenu quelques instants. Lui dont le nom était sur toutes les bouches. Dont l'âme n'était tournée que vers Tom, pour l'anéantir tout entier. Ginny ne savait que trop bien que cette joie était éphémère. Elle savait que Harry se détournerait d'elle par peur qu'elle devienne une cible. Car il n'avait pas le temps de se consacrer à l'amour alors qu'une cause plus grande qu'eux devait requérir toute leur attention.
Ginny ne pouvait pas le retenir. Cela n'aurait aucun sens. Harry n'avait pas besoin de ses larmes. Et elle ne lui en donnerait pas. Elle se tiendrait droite et le laisserait partir.
Ginny s'était faite à cette idée. Sa main sur l'épaule du garçon qu'elle aimait, elle le guidait alors que l'enterrement de Dumbledore l'avait transformé en pantin désarticulé par la douleur.
Sixième année: 1997/1998
Poudlard n'était plus le château magique qui permettait à chacun de se découvrir. L'établissement était devenu une prison. Et les Carrow étaient les pires tortionnaires que Ginny aurait pu imaginer. Ils prenaient un malin plaisir à torturer les élèves. Ginny n'aurait jamais cru devenir une habituée du sortilège Doloris. C'était affreux. La vie de tous les étudiants était en danger d'autant plus pour les nés-moldus qui étaient leurs cibles privilégiées. Alors que le mois de septembre venait à peine de s'achever, Ginny s'était enfermée dans sa chambre pour nettoyer le sang qui sortait de ses égratignures. Elle n'aurait pas dû s'interposer entre Alecto Carrow et une élève de première année. Cela faisait deux jours qu'elle avait été enfermée dans les cachots du château à se battre contre les rats magiques envoyés par cette sadique. Les sous-sols étaient peuplés d'un tas d'artefacts de magie noire qui lacéraient sa peau et ses pouvoirs. Ginny suffoquait à chaque fois qu'elle y pénétrait.
Ginny tentait de retenir ses larmes. Elle ne devait pas faillir alors que sa famille se battait à l'extérieur. Que Ron, Harry et Hermione risquaient leurs vies. Quatre coups retentirent à la porte. Par leur fréquence et leur intonation, elle savait que c'était Neville. Son ami entra dès qu'elle lui accorda la permission. Il avait dans ses bras, un plateau plein d'onguents et de bandages qu'il avait dû préparer avec Luna.
« J'ai vraiment eu peur que tu ne ressortes pas. » soupira-t-il avant de s'occuper de ses blessures.
Ginny n'avait pas la force de parler. Elle craignait de pleurer définitivement. Elle laissa donc la douceur des gestes de Neville l'envelopper et sa voix grave et calme effacer les cages semblables à des placards dans lesquelles elle avait été enfermées.
« Ginn, on ne peut pas continuer à se battre seuls comme ça. On n'est pas les seuls à ne pas être d'accord avec ce qui se passe.
— Je sais bien ! Mais tu veux qu'on fasse quoi exactement ? répondit-elle, épuisée.
— L'armée de Dumbledore. On en a parlé avec Luna… Poudlard est l'un des lieux de bataille. C'est pour ça que Rogue est au pouvoir. Que les cours sont modifiés ainsi. Qu'on a des cours de magie noire ! Nous ne pouvons pas rester sans nous organiser car on est la jeunesse. On est l'une des premières cibles des Mangemorts, déclara Neville. On se doit de protéger les plus jeunes. De ne pas laisser ces idées se répandre comme les autres le font à l'extérieur ! Est-ce que… Est-ce que tu voudrais nous aider à monter cette armée avec nous ? »
Ginny fixa Neville, presque surprise par la détermination qu'elle percevait chez son ami. Il avait bien changé depuis leur première rencontre. Dire que le garçon timide, maladroit et peu sûr de lui était celui qui était près à prendre la charge de mener une rébellion. Malgré sa crainte du pouvoir et les responsabilités qui lui incomberaient, ,Neville était prêt à prendre ces risques. Il était doux. Il était compréhensif malgré la guerre. Il réussissait à rassurer les autres, à tenter de les protéger par tous les moyens. Il ne semblait recéler aucune haine à l'intérieur de Neville et son calme rassurait Ginny qui était toujours mue par cette envie de se battre, de hurler, de refuser de se plier ne serat-ce qu'un instant. Ginny était prête à suivre Neville et Luna dans leur plan. Ils feraient renaître l'armée de Dumbledore, apprendrait aux plus jeunes à se battre. Ils aideraient l'Ordre du Phoenix de l'intérieur.
Luna et Dean avaient été kidnappés. Ils n'étaient pas revenus en cours depuis que les Carrow les avaient convoqués dans leur bureau. Ginny n'avait jamais été aussi angoissée de sa vie. Ils pouvaient être morts à l'heure qu'il était. Et elle se sentait impuissante. La dernière fois que Neville et elle avaient été en communication avec Tonks, elle leur avait dit de ne pas bouger et de continuer leur travail à l'intérieur de Poudlard. Luna avaient sans doute été séquestrée chez les Malfoy, comme son père.
Si ses deux amis périssaient entre ses murs. Si Luna disparaissait de la surface de la Terre, Ginny ne savait pas comment elle pourrait y survivre. C'était de sa meilleure amie dont on parlait. Elle lui faisait plus confiance qu'à elle-même. Et elles ne pouvaient plus se serrer la main lorsque toute la guerre les détruisait de l'intérieur. Luna ne pouvait pas disparaître. Le danger guettait sa meilleure amie et on lui demandait de ne rien faire.
Il était impossible que Ginny reste les bras croisées. Elle devait la secourir ou s'assurer de sa survie. Elle ne savait pas comment se rendre chez les Malfoy. Elle avait besoin d'en savoir plus. Elle passerait un pacte avec n'importe qui. Luna ne pouvait pas mourir.
Ginny se trouvait donc devant la porte d'entrée des quartiers des Serpentards. Elle les avait épiés pendant des jours et avaient fini par trouver leur mot de passe. C'était une bonne chose qu'il changeait peu contrairement à celui des Serdaigles. Elle n'avait jamais réussi à s'introduire dans leur salle commune sans la présence de Luna.
On était en plein milieu de l'après-midi. Les élèves étaient tous en cours à cette heure-là. Ginny se faufila dans les chambres des préfets. Elle trouva sans beaucoup de mal la chambre de Malfoy et y pénétra. Elle était grande et si ordonnée qu'on pourrait penser que personne n'y séjournait. Elle devait faire vite. Où est-ce que l'aristocrate avait pu noter les coordonnées de transplanage de son manoir ?
Elle commença à ouvrir les placards avec précipitation, rangeant le bordel qu'elle créait avec des sorts. Il n'y avait aucune trace d'un carnet. Rien du tout. Ginny entendit du bruit et se cacha dans un des placards, paniquée.
C'était Draco Malfoy. Il tenait son bras droit avec une expression douloureuse sur la face qui s'accentuait alors qu'il se croyait seul. Sans se faire prier, il se dirigea vers sa cheminée et y mit de la poudre de cheminette. La connexion se fit alors sans difficulté. À travers l'embrasure de la porte, elle ne pouvait que voir les mèches blondes du garçon qui s'assit devant l'âtre brûlant.
Lorsqu'elle entendit la voix qui s'échappa des flammes vertes, le sang de Ginny se glaça. Des souvenirs terribles, enfouis dans les limbes de sa mémoire ressurgirent alors qu'elle reconnut la voix de Tom. Elle était enrouée, vieillie, presque inhumaine mais il s'agissait bien de sa voix. Elle était presque douceureuse tandis qu'il parlait.
« Draco… souffla Vodemort. Ta famille a fait beaucoup d'erreurs depuis que la guerre a commencé. Toi-même tu en as faites l'année dernière. De nombreuses…
— Je ne vous décevrai plus mon Seigneur, répondit-il la voix blanche.
— Je l'espère bien. Tu as intérêt à arracher des informations à ces deux jeunes. Cela fait des jours que j'attends.
— Bien
— Draco…Regarde-moi. Je sais… Je sais que tu ne me suis pas avec la même ardeur que tes parents…
— Vous vous trompez…
— Je sais tout. De toi. De tes failles. De tes désirs enfouis. Ne pense pas à me trahir. Si tu le fais, je n'aurais aucun scrupule à détruire tout ceux qui te sont chers.
— Cette idée ne m'a jamais traversé l'esprit, répondit-Draco dans la précipitation.
— Je l'espère bien. Il serait dommage qu'il arrive quelque chose aux Parkinson. Après tout, ces sangs-purs deviennent gênants à ne pas vouloir prendre partie. » susurra Voldemort avant de disparaître.
Alors que Ginny espérait que Malfoy ne s'attarderait pas dans sa chambre, celle-ci fut éjectée de sa cachette d'un seul coup. Elle ne prit pas le temps de réfléchir et dégaina sa baguette. Elle se trouva donc face à lui, son arme magique à quelque centimètres de son cou, en miroir de sa propre position.
« Qu'est-ce que tu fous ici, Weasley ? demanda-t-il les yeux emplis de rage.
— Luna et Dean sont bien chez toi, n'est-ce pas ? questionna-t-elle sans se démonter.
— En quoi ça te… Tu es complètement folle ! Venir ici ! Le Seigneur des Ténèbres aurait pu te sentir ! s'énerva-t-il. Et ça aurait été la fin pour moi…
— Je sais de quoi Tom est capable merci bien. » s'agaça Ginny.
Il frissona et s'écarta légérement d'elle en entendant le nom qu'elle utilisait.
« Je me fiche de tes états d'âme, Malfoy ! Je sais que tu sais où ils se trouvent et que tu dois t'occuper d'eux. Continue à faire ce que tu as fait jusqu'ici. Ne les tue pas.
— Et pourquoi je ferais ça ?! s'enhardit-il.
— Parce que tu n'as pas le cran de tuer contrairement à moi, répondit sombrement Ginny. Et parce qu'en faisant ça, je m'assurerai de ne pas attenter à la vie de tes parents et de toi-même.
— Il n'y a aucune raison que je te fasse confiance !
— Tu veux protéger les tiens, non ? Moi aussi. Fais un serment inviolable avec moi. »
Ce jour-là, un Malfoy et une Weasley avaient passé un pacte. Si on avait dit à Ginny qu'elle se trouverait dans une telle situation, elle aurait éclaté de rire tellement l'idée semblait ridicule. Mais la guerre chamboulait tout et elle n'avait pas que ça à faire que de se poser des questions de moralité. Le serment n'était pas si compliqué à faire. Surtout après que Draco lui ait proposé de ne pas inclure son propre père dans le pacte. Ginny ne commenta pas sa demande et s'exécuta, satisfaite.
2 mai 1998
C'était enfin terminé. Voldemort avait définitivement disparu de la surface de la Terre. Et même si Ginny ressentait du soulagement, elle était déchirée de l'intérieur. Ils ne pourraient jamais reprendre leur vie comme si de rien était. Fred était mort. Plus jamais elle n'entendrait ses blagues minables. Plus jamais elle ne pourrait poser sa tête sur son épaule lorsqu'elle somnolait. Plus jamais elle ne l'entendrait se foutre de sa gueule lorsqu'elle faisait une bourde. Ginny avait perdu un frère. Et plus jamais leur fratrie ne serait pareille alors qu'ils avaient perdus l'un des leurs. Ses parents étaient effondrés. Surtout sa mère. Elle arrivait à peine à tenir debout lors de l'enterrement. Et Georges serait seul à présent. Sans Angelina, il n'aurait pas pu marcher jusqu'à la tombe.
Ginny était épuisée. Elle n'avait plus de force et elle laissait les mains fraiches de Luna la porter dans ce déluge.
La Restauration avait été une période difficile. Mais elle l'avait été pour tout le monde. Le poids des morts étaient trop important. Je ne pouvais empêcher la culpabilité de revenir au galop même si Ron me répétait maintes et maintes fois que je n'étais pas responsable. Après avoir combattu pendant tant d'années, je me sentais mort alors que j'étais revenu à la vie. Il devenait difficile d'avancer, de bouger, de respirer. Toute force physique semblait avoir quitté mon corps alors que j'aurais dû me sentir libre. Libre d'enfin vivre sans me demander lequel de mes proches trépasseraient. Sans avoir cet horrible poids sur mes épaules et l'avenir d'une partie du monde magique entre mes mains.
Je pouvais enfin mener une vie normale sans l'enfer des Dursley ou celui de la guerre. Pourtant, je me sentais totalement défait. J'avais du mal à me réhabituer à la vie.
Pour être honnête, je n'avais jamais vraiment imaginé ce que serait l'après Voldemort. Je n'avais jamais espéré vivre aussi longtemps pour commencer. Je m'étais accroché aux promesses d'une vie adulte qui me libérerait des coups, de la peur, de la violence mais au moment où j'avais enfin atteint cet âge d'or, je me sentais trop brisé pour pouvoir en faire quoi que ce soit. Je n'étais pas apte à te serrer dans mes bras, à te consoler ou être un pilier pour toi. Je te voyais pleurer et j'étais incapable de prendre ta main comme tu l'avais fait avec moi par le passé.
J'étais vide et je ne pensais pas mériter de continuer. Désolé de ne pas avoir été capable de te soutenir à cet instant et de t'aimer comme je l'aurais dû. Je n'arrivais déjà pas à me soutenir moi-même. Lorsque tu as décidé de rompre. Véritablement rompre. Mon coeur s'était fissuré mais j'avais eu si mal que je n'avais pas eu la force de pleurer.
31 juin 2000
« J'arrive pas à croire que tu m'as pas prévenue ! s'écria Ginny, hors d'elle.
— Je voulais pas que tu le saches comme ça… Mais avec cette histoire d'oiseaux voyageurs et mes recherches sur les vents sorciers je n'ai pas eu le temps… marmonna Luna, les joues rouges.
— Non, ce n'est pas que tu n'as pas eu le temps, t'en as juste rien à faire de moi ! Comment tu as pu me cacher que tu partais dans une semaine ! »
Ginny ne laissa pas à Luna le temps de répondre et s'échappa de l'appartement de Neville sans un regard en arrière. Les larmes lui montaient aux yeux alors qu'elle descendait les escaliers et qu'elle se trouvaient dans la rue passante, vide à cette heure de la journée. Elle courut sans savoir où aller alors que le vide immense dans sa poitrine continuait à enfler comme un ballon de baudruche sur le point d'exploser.
La première fois qu'elle avait vu cet étrange phénomène, elle avait été effrayée. Comment les moldus avait pu créer un objet décoratif si fragile ? Un trop plein d'air pouvait le faire éclater et il n'y avait plus rien à faire lorsqu'il était en lambeaux. Ginny avait l'impression d'être semblable à ces petits bouts de plastiques oubliés sur le sol d'une salle de fête.
Tous les pans de sa vie s'écroulaient les uns après les autres. Ginny avait à peine réussi à passer ses ASPICS. Elle dormait mal la plupart du temps. Elle peinait à joindre les deux bouts. Elle était donc coincée chez ses parents au Terrier. Elle avait raté ses sélections pour rejoindre les équipes de Quidditch. Quand bien même, elle ne savait plus ce qu'elle voulait faire de sa vie. Elle n'avait plus la même passion pour le sport au point d'en faire son métier.
Tous ses amis semblaient savoir ce qu'ils voulaient. Neville avait commencé sa formation de professeur. Luna excellait dans ses recherches de magie ancienne. Son frère Ron s'était marié avec Hermione le mois dernier. Et elle avait revu Harry lors de cette cérémonie. Cela avait semblé faire des années entières. Et cette rencontre avait rouvert des plaies qu'elle pensait avoir refermées.
Pourquoi rien ne se passait comme elle le désirait ? Ginny voulait un travail qu'elle aimait, qui lui permettrait de payer tout ce qu'elle désirait. Elle voulut enfin faire le deuil de la guerre, arrêter de faire des cauchemars. Oublier l'âme de Tom parasitant la sienne, les tortures de Carrow, le visage des morts. Elle se fichait que sa peine s'amenuise. Elle désirait que cette douleur qu'elle trimbalait disparaisse et cesse de la ralentir. Elle voulait toujours sa grande maison. Ginny voulait toujours cette robe blanche. Et elle souhaitait que sa meilleure amie reste à ses côtés pour toujours.
Elle ne voulait pas que Luna aille vadrouiller dans le reste du monde et la laisse derrière. Ginny ne voulait pas se retrouver toute seule. Que faire alors que tout ses proches trouvaient un sens à leur vie et qu'elle faisait du sur-place ? Pourquoi était-elle si aigrie et égoïste ?
Ginny devrait être heureuse pour sa meilleure amie. Après une adolescence flottante, elle finissait enfin par s'accrocher à des projets. Elle avait même eu plusieurs histoires d'amour volatiles. Libérée du regard des autres qu'elle ignorait déjà en partie plus jeune, Luna était magnifique. Et Ginny craignait que brillante de lumière comme elle l'était, Luna ne finisse par abandonner cette torche incendiaire qu'elle était devenue.
Ginny avait fini par s'asseoir sur un banc dans un parc où deux jumeaux étaient en train de jouer avec un ballon. Cette scène lui fit penser à son frère disparu et cela fut le déclencheur des sanglots qu'elle avait retenus.
Dans sa noyade, Ginny reconnut un mouchoir en tissu de Neville et l'attrapa dans la volée. Son ami s'assit à côté d'elle en soupirant. Lorsqu'elle se calma enfin, il déclara :
« Tu ne devrais pas quitter Luna en mauvais termes, tu sais ? Je sais qu'elle aurait dû te prévenir avant.
— C'était la moindre des choses ! Elle en a rien à faire de moi !
— Ginny, tu sais que c'est faux, objecta Neville.
— Alors pourquoi elle te l'a dit et pas à moi ?! enragea-t-elle.
— Tu es l'une des seules dont l'avis compte vraiment. C'est pour ça qu'elle avait peur de te le dire. Elle aime beaucoup mais tu sais bien que malgré tous ses sentiments, on ne peut pas attacher Luna. »
Ginny resta sans voix et hocha lentement la tête. Elle savait qu'elle ne pourrait pas garder Luna rien que pour elle, ni la forcer. C'était injuste. Elle ne pourrait que l'aimer de loin. Ginny se laissa enlacer par son ami avant qu'il n'aille rejoindre Luna pour organiser une petite fête de départ digne de ce nom.
Années 2000/2001
Ginny avait fini par aller mieux. Elle avait demandé de l'aide et la psychomédicomage qu'Hermione l'avait poussée à revoir lui faisait du bien. Après des mois d'errance, elle avait fini par trouver sa voie dans une formation journalistique qui lui plaisait bien. Dans quelques années, elle pourrait commenter les matchs de Quidditch et les compétitions sportives qu'elle aimait tant suivre plus jeune. Il y avait des hauts et des bas dans sa vie mais Ginny avait repris confiance en ses capacités. Elle guérissait petit à petit.
Elle s'était même fait des amies dans sa nouvelle formation. Et Janna, était sans doute celle dont elle était la plus proche. C'était une sorcière tout droit débarquée de New-York, qui adorait fréquenter le monde moldu. Bon gré mal gré, Ginny se retrouva de nombreuses fois à arpenter le monde des moldus à ses côtés. À sa grande surprise, elle trouva ses escapades très rafraîchissantes. Leurs sorties ces weekends pour voir des expositions, aller dans des fêtes foraines et soirées moldues étaient de véritables bouffées d'air frais pour Ginny. Et elle comprit mieux pourquoi son père était fasciné par leur univers. Il y avait quelque chose de fascinant et d'effrayant à les voir dompter les forces de la nature de la sorte. Et sans qu'elle ne s'en rende compte, Ginny se retrouva parfois à arpenter leur monde, seule le weekend. Et les hommes qu'elle rencontrait dans ses nuits d'oubli étaient semblables aux néons qui l'aveuglaient parfois lorsque dans la nuit, elle pénétraient dans leur boîte aux sons criards et débordants. Ginny finissait par les oublier et ne s'offrait que pour grappiller de la chaleur et effacer la solitude qui parfois la guettait.
11 Janvier 2002
Ginny n'avait pas croisé Harry depuis des lustres. La dernière fois datait du réveillon de Noël: le quatrième sans Fred. Et ils s'étaient évités comme la peste. Ils ne s'étaient jamais retrouvés dans une même pièce, seuls. Ginny n'osait pas engagée la conversation avec lui car elle craignait ses propres réactions. On ne jetait pas tant de sentiments emmagasinés aussi facilement. Mais quel était le rapport entre Janna et Harry ? Et bien, les deux avaient fini par se rencontrer dans le monde moldu. Janna avait apprécié la nourriture du café-bar dans lequel Harry travaillait en tant que serveur. Janna était devenue une habituée et s'entendait bien avec Harry, ne reconnaissant pas tout de suite le héros du monde sorcier. Et par un concours de circonstances, son amie avait décidé de fêter son anniversaire dans le fameux établissement.
C'était dans cette situation que Ginny s'était retrouvée à vraiment parler à Harry. Et à le redécouvrir. Il ne fallait pas se faire de films. Ils ne pouvaient pas s'ignorer alors qu'il était le serveur attitré de leur table où sorciers et moldus se mélangeaient sans peine. Et même si Harry était en retrait, donnant de temps à autre son avis avec un humour parfois douteux, il semblait plus serein qu'elle ne l'avait jamais observé.
Ginny ne savait pas que Harry tenait aussi bien l'alcool. Qu'il pouvait être aussi sarcastique. Elle l'entendit rire à une blague vaseuse d'une des invitées et le son lointain la prit au dépourvu. Il était difficile de ne pas remarquer à quel point Harry jaugeait ses réactions et se mettait à son diapason pour ne pas rendre la situation gênante. Malgré leurs surprenantes retrouvailles, l'anniversaire de Janna s'était bien passé. Et Ginny s'était amusée. Elle avait bu, un peu trop peut-être. Mais Ginny se sentait un brin euphorique. Et plus bavarde de ce fait. Ce furent les raisons pour lesquelles elle accepta la tournée des bars et boîtes proposées par un certain Frank après leur soirée passée dans le restaurant. Harry avait fini sa journée et la dizaine de jeunes adultes se retrouva à arpenter les rues encore lumineuses.
Les boîtes de nuit avaient différentes ambiances mais elle se perdaient dans les néons avec ses amies et les autres. Ginny se sentait flotter, porter par les mouvements, les secousses de la musique. Ils finirent tous leur soirée dans l'un des duplex du petit-ami de Janna dans des chambres différentes. Ginny ne savait pas exactement comment elle avait atterri sur un grand lit avec une amie sang-mêlé de l'école de journalisme, pliée en deux sur elle.
La gueule de bois était affreuse et Ginny se promit en vain qu'elle ne recommencerait plus une telle folie. La bouche pâteuse, le corps collant de sueur, sa peau imprégnée des odeurs des boissons et des atmosphères consommées la veille, Ginny n'était pas au pic de sa forme. Son esprit encore embrumé, elle se déplaça avec difficulté dans cet appartement qu'elle ne connaissait pas.
Son choc fut immense lorsqu'elle se trompa de chambre et tomba nez à nez sur Harry avec Frank. Ils s'embrassaient passionnément . Elle ne savait pas comment prendre la situation quel que peu lunaire. Harry enserrait les cheveux rêches du blond avec fougue, sa bouche étouffant les gémissements du garçon plus petit. Son corps était pressé contre le sien avec une force qu'elle ne l'avait jamais vu exercé sur un autre individu. Harry semblait animé d'une énergie à peine controlable. Pour ne pas faire l'erreur de croiser ses yeux trop verts dans cette scène d'intimité, Ginny referma la porte avec précipitation, les joues rouges.
Elle se rendit dans la salle de bain sans se faire prier et piqua les serviettes pour les invités dont lui avait parlé Jenna. Ginny se trouvait ridicule de trembler à chacun de ses mouvements. Harry était attiré par les hommes et elle n'en avait jamais eu la moindre idée. Elle se sentait stupide et jalouse. Non pas parce qu'elle n'était pas dans ses bras, mais parce qu'elle n'avait jamais eu accès à cette part de lui. Ou il le lui avait caché. Ne pas savoir, ne pas être capable de posséder tout entier les personnes qu'elle aimait blessait toujours Ginny. Malgré les années, le fait qu'il était impossible d'enfermer ses proches dans une boîte, bien au chaud, lui faisait mal. Il était impossible de retenir les êtres chers pour qu'ils ne s'envolent jamais.
Cet état de fait ne rendait pas l'expérience moins douloureuse. Ginny finit de se préparer et se rendit dans la salle à manger pour se restaurer. Les potions anti-gueules de bois qu'elle avait mises dans son sac lui avait sauvé la vie et la tasse de café dans ses mains lui permettait de voir le monde avec plus de clarté.
Toute la maison était endormie. Elle en profita pour parcourir des yeux les magazines people des moldus. Elle ne connaissait pas la plupart des célébrités mentionnées mais cette lecture lui faisait passer le temps. Ginny ne s'attendait pas à ce que Harry soit la première personne à quitter sa chambre. Ni à ce qu'il s'installe en face d'elle, ses cheveux encore mouillés à cause de sa douche. Elle quitta ses pages des yeux et fut surprise de le voir jouer avec l'oreiller qu'il avait poser sur ses cuisses, gêné:
« Ginn, est-ce que je peux te parler deux minutes ? demanda-t-il la voix basse.
— Ben oui. Sachant que je suis la seule réveillée, il y a peu de chances que tu puisses parler à quelqu'un d'autre, s'amusa-t-elle.
— Désolé pour tout à l'heure… Je me suis rendu compte que quelqu'un était là que quand… quand la porte a claqué. »
Son visage avait pris une teinte tellement écarlate qu'on aurait pu croire qu'il pourrait s'effondrer sous le coup de la chaleur ou au moindre choc.
« C'est ma faute aussi… J'aurais pas du me tromper de chambre, déclara-t-elle tranquillement en reprenant sa lecture. T'inquiètes pas, j'ai déjà vu et fait pire que toi. Je n'ai pas cinq ans.
— Euh et ça t'as pas trop gênée alors ? demanda Harry d'une toute petite voix.
— D'être tombé sur toi en train de galoche Frank. Oui un peu de l'extérieur mais…
— Non. Que j'aime les hommes. »
Alors là, Ginny ne s'attendait pas à ça. Harry craignait de ce qu'elle pouvait penser de son orientation sexuelle. Ce n'était pas une moldue et il devait savoir que ce ne serait jamais un problème pour elle. Était-ce la raison pour laquelle il ne lui avait rien dit ?
« Harry. Luna est lesbienne, Charlie fuit le sexe comme la peste et Dean n'en a rien à faire de qui finit dans son lit, déclara-t-elle. Tu devrais bien savoir que ça ne me fait rien. Tu pensais que j'allais t'insulter si tu me le disais ?
— Non, non. C'est juste que… que je ne m'en suis pas rendu compte il y a très longtemps… marmonna-t-il, d'autant plus embarrassé.
— Non ça ne me gêne pas que tu aimes les hommes mais j'avoue que j'ai quand même une question qui me trotte dans la tête.
— Laquelle ? demanda Harry, surpris.
— T'aimes aussi les filles, j'espère ? Parce qu'il manquerait plus que j'ai crushé sur toi toute mon adolescence alors qu'on était pas du même bord. Ce serait gênant et un brin humiliant. » avoua Ginny du tac au tac.
Harry éclata de rire à sa demande, la tension sur ses épaules disparaissant comme par enchantement.
« Je tiens à toi Ginny et tes baisers me faisaient bien de l'effet. Ne t'en fais pas, répondit-il avant de lui faire un clin d'oeil foireux qui la fit pouffer de rire à son tour. Tu veux que je te refasse un café ? Il sera sans doute meilleur que le truc que t'es en train de boire.
— Depuis quand t'es devenu un puriste en matière de café ? T'en bois même pas !
— Déformation professionnelle. » lui répondit-il en piquant sa tasse.
Ginny suivit Harry dans la cuisine pour suivre ses instructions et ils passèrent toute la matinée à discuter ensemble. Cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas ri autant.
24 août 2002
Harry avait été accepté pour commencer une formation d'auror. Tous ses amis organisait une fête pour l'occasion. Harry qui arrêtait de faire l'ermite et décidait de vivre à nouveau dans le monde des sorciers était une nouvelle à fêter. Et son ami était lui-même heureux de cette belle réussite après des années à se chercher et à tenter de comprendre ce qu'il voulait faire de sa vie. Tout était prêt chez Neville mais celui-ci avait oublié d'acheter les bières préférées de Harry et Ron. Une marque moldue que Ginny avait finie par découvrir lors de ses sorties avec le brun. Ginny s'était donc proposé d'aller les acheter et Harry l'avait suivie pour avoir des mains supplémentaires pour les transporter.
Sur la route, Ginny pouvait observer le soleil qui finissait sa course dans le ciel orangé. À cause de la pollution et des immeubles, il était difficile de profiter de ce spectacle avec autant de facilité que s'ils s'étaient retrouvés dans le monde des sorciers. Pourtant, Ginny ne changerait leur localisation pour rien au monde. Ici, elle avait l'impression d'avoir un Harry si différent de ce qu'il était dans le monde des sorciers. Il était plus libre. Plus libre que dans ce château de papiers dans lequel les journaux voulaient l'enfermer.
Elle aussi se sentait différente ici. Ginny aimait lui rendre visite à Londres. Au départ, c'était à cause de son ennui, sa peine et de ses doutes qu'elle effectuait le même chemin tous les week-ends pour le rejoindre. À présent, Ginny empruntait ce trajet simplement pour lui. Il était devenu un ami qu'elle considérait comme proche. Elle était à l'aise pour mettre ses sales petites pattes partout dans sa vie et Harry ne s'en formalisait pas plus que ça.
Ginny n'avait plus l'impression qu'ils faisaient partie de deux mondes qui se frôlaient sans jamais se croiser. Elle avait l'impression d'avoir accès à des parts de lui qu'elle n'avait jamais eues le loisir d'observer à Poudlard. Elle pouvait se confier à lui et c'était réciproque. Enfin, Harry pouvait le faire mais il n'avait jamais été très bavard. Sauf avec Ron et Hermione. Ginny ne voulait pas avoir des pensées sombres et avides. C'était puéril de ressentir de la jalousie pour leur trio.
Ginny était la seule amie qui passait autant de temps avec lui dans le monde des moldus en dehors de Hermione. Cela voulait dire qu'il lui faisait confiance, que sa relation était peut-être différente de celle qu'il partageait avec son frère mais non moins importante. Ginny avait besoin de se rassurer. Elle ne voulait pas perdre Harry.
C'était avec elle qu'il avait fait les courses qu'il transporterait dans l'appartement de Neville. Les bières semblaient de plus en plus lourdes dans son sac en plastique alors qu'ils avançaient en silence. Tout le monde serait présent pour la fête, même Luna. Tout irait bien. Harry travaillerait aux côtés de Ron. Il avait dit à Ginny qu'il garderait son appartement à Londres. Cela signifiait que malgré son emploi du temps qui serait forcément anarchique, ils pourraient se retrouver chez lui. Prendre le thé, faire la cuisine, trouver des idées de nouveaux sorts, regarder un film et discuter jusqu'à la nuit tombée. Ils avaient de moins en moins la volonté et la force d'aller en boîte de nuit mais si l'envie leur prenait, ils pourraient compter l'un sur l'autre. Tout ne disparaitrait pas comme par enchantement. Ginny avait besoin de se rassurer.
Ils arrivèrent enfin devant son immeuble. Le soleil finirait par disparaitre dans quelques minutes et l'esprit de Ginny mourrait à petit feu. Un poids insupportable écrasait son estomac et elle avait mal. Mal dans la poitrine. Pourtant, il lui souriait et son bonheur faisait fondre son coeur. Mais elle ne voulait pas. Elle ne voulait pas que Harry reprenne un poste dans le monde des sorciers. Elle ne voulait pas que les choses changent même si elle était heureuse qu'il s'épanouisse. Elle ne voulait pas que ces instants passés hors du temps disparaissent. Ginny ne voulait pas qu'il lui tourne le dos. Qu'il s'évanouisse comme lors de sa sixième année. Elle ne voulait pas l'attendre. Plus jamais. Le voir se retourner et combattre sans jeter un regard en arrière. Elle ne pourrait pas le supporter une nouvelle fois. C'était cruel.
Ginny se l'était promis. Elle s'était juré qu'elle ne retomberait jamais amoureuse de lui. Qu'elle n'aimerait plus Harry Potter. Elle n'était plus cette petite fille naïve qui rêvait d'un prince charmant et qui fantasmait l'amour. Ginny connaissait Harry. Elle ne l'idolatrait plus depuis longtemps. Alors pourquoi ne pouvait-elle pas se détourner de lui ? C'était injuste. Elle avait l'impression de l'avoir aimé toute sa vie. Et elle retombait à nouveau. Plus fort.
Harry se retourna alors et ses pupilles émeraude s'écarquillèrent de surprise. Une larme pathétique, traîtresse, coula sur la joue de Ginny. Et elle s'en voulut à mort.
« Ginn…
— Reste… » murmura-t-elle, brisée.
Les oeillères qu'elle avait enfilé soigneusement s'étaient levées. Et elle n'avait plus le courage de faire semblant que tout irait bien. Faire semblant qu'elle ne désespérait pas à l'idée que Harry ne pourrait jamais lui appartenir. Que toujours, il s'envolerait en abandonnant les sentiments absurdes qui la hantaient, qui la tourmentaient sans cesse.
« Mais je ne vais nulle part… répondit Harry, inconscient de tout.
— Si… Plus rien ne sera pareil… Tu iras chez les Aurors et tu… tu disparaitras comme pendant la guerre…» vomit-elle.
Un silence accueillit sa confession. Lorsque Ginny croisa son regard, elle pouvait lire la peine sur son visage, sa culpabilité. Elle voulait qu'il lui hurle dessus, qu'il s'agace alors qu'elle avait remis sur la table ces souvenirs emplis de noirceur qu'il serait nécessaire d'oublier. Elle voulait que Harry lui dise qu'il ne voulait plus jamais avoir affaire à elle car Ginny n'avait pas la force d'éteindre ses sentiments elle-même.
« Je suis désolé.» souffla-t-il avant de faire un pas vers elle.
Un pas beaucoup trop proche. Une part d'elle aurait espéré que Harry lui dise "Je t'aime", qu'il lui assure que plus rien ne serait comme avant.
« Je ne te mérite pas Ginn. Je n'ai jamais été capable d'être quelqu'un sur qui tu pouvais te reposer. Je suis désolé. »
Elle voulait qu'il lui parle de futur. Qu'il lui dise qu'il pourrait construire quelque chose. Ou bien qu'il se taise. Pour qu'ils puissent avancer. Elle voulait qu'ils le fassent ensemble.
Cependant, la voix de Harry continuait de tourner, des mots brouillons s'échappèrent de ses lèvres. Des excuses encore. Et Ginny ne supportait plus de les entendre. Elle voulait que les battements de son cœur cessent de la saccager. Ginny s'approcha de son visage. Et elle l'embrassa.
Elle écrasa ses lèvres, avala son souffle au passage. C'était brûlant. Leurs bières se fracassèrent au sol. Harry ne se dégagea pas. Il approfondit son baiser, plaqua son corps contre le sien comme s'il voulait la faire plier sous son poids, la cacher du soleil. Ginny voulait qu'il l'écrase, qu'il l'aime fort. À chaque fois que leurs lèvres se séparaient, elle gémissait son nom. Elle s'accrochait à ses cheveux, à son cou sans se questionner. Sans se dire qu'ils étaient au pied d'un immeuble. Sans penser une seconde qu'elle devait se contrôler. Mais quel contrôle était possible alors que Harry semblait s'embraser à la même vitesse qu'elle, que ses lèvres commencèrent une course effrénée sur sa nuque ? Ginny le voulait. Elle donna un coup de rein contre lui. Il frissonna et émit un jappement qui le ramena à la réalité. Lorsque Harry s'écarta d'elle, Ginny eut envie de hurler. Mais elle n'avait plus assez d'air dans ses poumons pour le faire.
« On ne peut pas le faire comme ça… pardon… souffla- Harry les joues rouges.
— Pourquoi ?
— Les autres nous attendent et je ne veux pas… je ne veux pas qu'on le fasse comme ça…
— Mais pourquoi ? demanda Ginny au bout du rouleau.
— Je t'aime beaucoup Ginn. Tu n'es pas juste un plan-cul que je vais prendre contre un mur ! expliqua-t-il.
— Mais je te veux… rétorqua-t-elle, submergée.
— Moi aussi. »
Ginny était sans voix et Harry intercepta une de ses larmes avant de déposer un baiser sur sa joue. Il lui offrit son sourire tendre, désolé et embarrassé. C'était un miracle. Eux au pied de ses escaliers, leurs sentiments vibrant à l'unisson. Ginny décida de saisir la main de Harry pour s'assurer qu'aucun d'eux ne s'envole.
5 septembre 2003
Sa main fraichement manucurée saisit le pan de sa robe blanche avec fébrilité. Le tissu était doux au toucher. C'était réconfortant que sa peau se l'approprie avant qu'elle ne sorte de la pièce. Cela faisait deux jours qu'elle n'avait pas vu Harry. Dans les plus pures traditions sorcières de leur famille, les deux futurs mariés avaient été enfermés dans une petite suite créé par le Terrier pour l'occasion. Entourée de sa mère et de ses demoiselles d'honneur, Hermione, Janna et Luna, Ginny avait été pomponée comme une reine. Les bains moussants, les cantiques récités lors de ses deux jours, l'entrelacement de leur magie et la création des dernières ornements de la robe avaient plongé Ginny dans une autre dimension.
Alors qu'elle pensait être fébrile à quelques minutes de sa marche interminable jusqu'à l'autel, Ginny était étrangement sereine. Dire qu'elle réalisait l'un de ses rêves d'enfant. Elle se mariait avec l'homme qu'elle aimait entourés des personnes les plus importantes de sa vie. Tant de bonheur ne devrait pas être permis. Elle se sentait submergée de tant de reconnaissance. Elle saisit son bouquet d'agapanthes et de lilas.
Luna la réveilla de sa contemplation en pénétrant dans sa chambre. Ses longs cheveux blonds cascadaient jusqu'à ses fesses et flottaient presque sous sa puissance magique. À chaque fois qu'elle la revoyait, Ginny la redécouvrait alors que ses initiations magiques l'éloignaient de plus en plus du commun des mortels. Malgré les changements dans leur vie, elles s'aimaient toujours autant et Luna avait respecté sa promesse. Elle serait à ses côtés pour son mariage.
« Alors, prête ? demanda Luna avec le sourire doux et malicieux qui la caractérisait si bien.
— Je me demande si tout ça est réel, avoua Ginny avec un rire nerveux.
— Est-ce que ça a vraiment de l'importance ? s'amusa-t-elle en remettant en place une de ses mèches qui se faisaient déjà la malle.
— Oui. Ce serait un enfer si je me réveillais pour me rendre compte qu'il ne s'agit que d'un rêve…
— Ce n'en est pas un. Tu as senti toutes nos magies derrière toi. Tout devrait bien se passer si Harry ne s'évanouit pas.
— Il ne va pas s'évanouir. Il a déjà vécu pire que ça ! éclata de rire Ginny en acceptant la main gantée que son amie lui tendait.
— J'en serais pas si sûr. Quand je suis passé le voir, ses énergies magiques étaient dans tous leurs états. Je suis heureuse pour toi, Ginn… avoua-t-elle.
— Et moi heureuse que ma meilleure amie soit avec moi aujourd'hui. Je t'aime Luna,déclara-Ginny.
— Je t'aime aussi.
— Je peux récupérer la princesse ? » demanda la voix de son père dans le couloir.
Ginny n'oublierait jamais le regard plein de fierté que lui lança son père. Il se retenait de ne pas pleurer parce son petit bébé se mariait. S'accrochant à son bras, ses demoiselles d'honneur ouvrant la marche avec une pluie d'étincelles, Ginny marchait sans peur. Lorsqu'elle aperçut les yeux éclatants de Harry comme si elle était la seule chose qui comptait, Ginny savait qu'elle ne s'était pas trompée. Elle l'aimait. Harry était l'homme de sa vie.
C'étaient les deux jours les plus angoissants de ma vie. Je t'assure que si Ron n'avait pas été là pour me reprendre, j'aurais pu m'enfuir de cette suite à cause du stress. Je comprenais bien maintenant les pics de paniques que Ron m'avait offerts lorsqu'il se mariait avec Hermione. Les rituels magiques m'avaient fait tourner la tête. Cela faisait si longtemps que je n'avais pas senti ma magie se mêler à celle d'un autre. Les garçons d'honneur, Charlie, Neville, Ron et Seamus avaient des énergies si douces comparées à celle de Voldemort. Entouré de mes amis, je m'étais senti en sécurité. C'étaient des journées étranges mais jamais je ne m'étais senti aussi protégé. Des odeurs telles que la sauge embaumaient tout. Et je ne pouvais pas m'empêcher de penser à ton image et au fait que j'aurais le privilège de construire une vie à tes côtés. Le soir avant notre mariage, tandis que tout le monde dormait dans la chambre, j'ai veillé aux côtés de Ron qui n'arrivait lui aussi pas à dormir.
Je lui avais promis cette nuit-là que l'on affrontrait tout ensemble. Que j'essaierais toujours de te rendre heureuse. Ginny. Je pense que tu es et resteras la femme de ma vie. Tu étais magnifique dans ta robe blanche. Tes cheveux roux étaient incroyables. Les lilas sur tes boucles étaient plus en pagaille que les miens. Si nous n'avions pas été seuls, j'aurais fouragé mes mains dans cette cascade de feu. Tu m'aurais souri avec cette assurance qui me coupait toujours le souffle. Et je t'aurais embrassé pour étouffer ton rire qui me retournait le cerveau. Tu étais d'une telle beauté. Je me sentais si chanceux. J'éprouvais tant de gratitude à pouvoir serrer ta main contre la mienne. Dire à tous mes proches que je t'aimais et passer le reste de ma vie à tes côtés. Avoir décidé de t'ouvrir mon coeur, de t'épouser, c'était faire un pari sur l'avenir. Tu m'avais ouvert au bonheur.
28 décembre 2003
Ginny connaissait bien Teddy. C'était le filleul de Harry après tout et il se faisait un devoir de lui rendre visite tous les weekends pour des sorties ou passer du temps avec Andromeda. La pauvre perdait la tête parfois et sa mère passait également. Le petit était toujours invité chez les Weasley pour les grandes occasions et il avait droit à un pull à son nom.
Ginny n'était pas la plus proche de lui. Elle n'était que la femme de son parrain et elle n'osait pas les interrompre ou s'immiscer dans leurs activités. D'autant plus que Teddy était très réservé et timide. Il avait parfois un langage un peu trop guindé. Harry lui avait expliqué que depuis que Andromeda s'était réconcilié avec sa soeur, il passait du temps avec les Malfoy. Cela avait dû déteindre un peu sur lui mais il restait un petit garçon adorable qui ne faisait jamais d'histoires.
C'était la raison pour laquelle elle ne s'attendait pas une seule seconde à ce que la chouette qui s'était écrasée à la vitre de leur fenêtre n'ait un lien avec lui.
Il faisait nuit. La tempête de neige qui faisait rage depuis plusieurs jours avaient poussé Ginny et Harry à rester cloîtrés dans leur appartement à boire du chocolat chaud et du lait de poule. Profitant de leur weekend, ils avaient épluché les annonces pour trouver la maison qui leur conviendrait. Ce n'était pas aisé et l'idée d'en construire une eux-mêmes trottait de plus en plus dans la tête de Ginny.
Elle était blotti contre le corps brûlant de Harry lorsqu'un boucan pas possible l'avait poussé à ouvrir les yeux, paniquée. Comme elle, Harry avait cru à une attaque avant de se renfrogner en voyant la chouette hulotte à leur fenêtre.
Harry se leva et ouvrit la fenêtre, laissant pénétrer le froid glacial à l'intérieur. Les bougies autour d'eux s'éteignirent au grand dam de Ginny dont les plaintes atteignaient à peine les oreilles de Harry. Il parcourait la lettre, alerte et l'inquiétude apparut sur son visage au cours de la lecture.
« Qu'est-ce qu'il y a ?
— C'est Malfoy.
— Qu'est-ce que Draco te veut ?
— Teddy a attaqué une enfant lors de son gala. C'est un loup-garou.
— Quoi ?! s'estomaqua Ginny.
— Andromeda est complètement paniquée. Elle sait pas quoi faire. Il faut que j'y aille.
— Et comment va Teddy ?
— Je sais pas… C'est confus…
—Vas-y. Je t'attends ici. »
Harry faillit oublier sa cape alors qu'il se dépêchait. Après son départ, Ginny décida de préparer un coin dans leur studio où Teddy pourrait s'installer. Vu le peu d'informations qu'on lui avait donné, il y avait de grandes chances qu'il finisse par dormir chez eux. Teddy devait être chamboulé.
Après plusieurs heures, alors que Ginny réécrivait un de ses articles pour le magazine de sport dans lequel elle travaillait, Harry revint enfin, accompagné de Teddy. Le petit brun semblait si fragile, si apeuré alors qu'il s'accrochait à sa jambe, ses yeux plus brillants qu'à l'accoutumée. Cette insoucience brisée toucha Ginny et réveilla en elle un instinct maternel et de protection qu'elle ne pensait pas posséder. Lorsqu'elle proposa à tous de prendre du chocolat, elle ne manqua pas le soulagement qu'éprouvèrent le petit garçon et Harry.
7 juillet 2004
Ginny avait du mal à y croire. Elle était en colère. Et surtout morte de jalousie. Elle ne comprenait pas pourquoi Luna prenait toujours les décisions les plus importantes de sa vie sans jamais l'intégrer au processus ou lui en parler en amont. Elle ne comprenait pas pourquoi elle était toujours la dernière mise au courant. Pourquoi Luna pensait-elle qu'elle pourrait la perdre à chacun de ses pas ? Pourquoi elle-même ne pouvait-elle pas gérer ses annonces sans exploser sans cesse ?
Ginny détestait son côté si caractériel et impulsif.
Oui. Ginny n'arrivait pas à faire des enfants avec Harry. La gynécologue conseillée par Hermione lui avait expliqué après une batterie de test que les sorts et artefacts de magie noire avec lesquels elle avait été en contact à ses onze ans lors de sa possession puis toute sa sixième année avait perturbé sa magie, ses hormones et surtout son uterus et ses ovules. Telle une contamination, celle-ci avait moins de chances d'enfanter même avec tous les efforts qu'elle faisait pour. Et Luna, qui n'avait aucune envie d'être mère, acceptait de prêter ses capacités de reproduction à quelqu'un. À Draco Malfoy. Rien que ça. Depuis quand les deux étaient devenus aussi proches pour qu'elle accepte d'être sa mère porteuse ? Pourquoi n'avait-elle rien vu venir ? Ginny se sentait encore stupide.
Elle était heureuse de la vie qu'elle avait construite. Elle était déjà mère avec Harry. Il y avait Teddy, James et Lily. Cela avait été difficile pour Harry d'adopter ses deux neveux qui avaient perdu leur père dans des circonstances pathétiques. Il lui avait été compliqué d'affronter son passé, ses traumatismes. Il n'avait pas voulu les adopter au départ, les toucher même. Puis avec du travail sur lui, il avait réussi à entrer en contact avec eux tous. Harry était bon père même s'il avait craint de ne pas pouvoir assurer dans ce rôle. Tous les deux faisaient beaucoup d'erreurs. Ils étaient trop jeunes. Les enfants et eux-mêmes un peu trop fêlés par la vie. Mais ils traversaient les difficultés. Et Ginny et Harry avaient construit cette magnifique maison ensemble. Il n'avait pas choisi de nom à lui donner mais sa vie propre l'emplissait de joie.
Ils étaient tous une famille. Une famille en patchwork mais une famille quand même. Même pour sa mère aux côtés très traditionnelles sur certains points, Ginny était mère même si elle ne les avait pas portés.
Cependant, Ginny voulait quand même enfanter. Elle le désirait plus que tout. Cela faisait des mois qu'ils calculaient tout à la lettre, qu'elle prenait toutes ces potions pour augmenter la fertilité. Elle était à bout. Et Luna allait porter l'enfant de Draco.
Depuis quand l'héritier des Malfoy voulait-il un enfant ? Agacée mais honteuse du comportement qu'elle avait eu à sa dernière discussion avec sa meilleure amie, Ginny accepta le rendez-vous que Luna lui proposa chez elle pour prendre le thé avec Draco.
19 Juin 2007
Un poids famillier écrasa le diaphragme de Ginny, l'obligeant à s'extirper du sommeil. Un gémissement rauque s'échappa de sa gorge. Il n'y avait qu'une personne assez inconsciente pour la réveiller d'une de ses siestes méritées. Elle ouvrit les yeux et tomba sur ceux lumineux de son petit garçon de deux ans. Albus était assis sur son ventre, un sourire baveux et enjoué sur la figure. Ses cheveux étaient si désordonnés que sa mère se demandait pourquoi elle avait tenté de batailler avec le matin même. Elle devrait sans doute les couper avant l'arrivée des invités.
« Mamaaaannn ! Joueeer! s'écria Albus en tapotant ses mains potelées sur sa figure.
— Comment tu as fait pour sortir de ton transat ? Tu n'es pas encore fatigué, mon ange ?
— Non! Bien dodo ! déclara-t-il en mettant son pouce dans sa bouche. Joueeer ! »
Ginny s'assit sur le drap qu'elle avait placé sur le patio en bois pour accompagner la sieste d'Albus au soleil. Toutes les décorations qu'elle avait installées pour égayer le jardin l'avait éreintée. Depuis sa reprise du travail, Ginny était épuisée. Cependant, Harry avait dit que ce serait sympathique d'organiser une petite fête avec leurs amis et les inviter. Albus était assez grand et Harry se chargeait de la cuisine. Même si Ginny était excitée à l'idée de passer un bon moment avec ses proches, l'idée d'être l'hôtesse de l'événement l'excitait beaucoup moins.
Son garçon lui pointa du doigt ses frères et soeurs en train de s'amuser dans l'herbe. James et Lily était en train de courser Teddy, Henri et Jane transformés en loup pour le jeu. Une moue emplie d'espérance s'empara du visage d'Albus qui mourait d'envie de les rejoindre alors qu'il savait à peine courir sans se cogner ou s'écraser au sol par maladresse.
« Mon chéri, je ne suis pas sûre que ce soit une bonne idée.
— Si te piait Mamaaaann! Al va faire sage !
— Je ne veux pas que tu te blesses…
— Joueeerrrr! » gémit le petit, les larmes commençant à naître dans ses yeux.
Ginny était une bien faible mère. Elle ne pouvait pas résister à cette petite bouille là. Si les loups-garous ne se transformaient, il y avait peu de chances qu'Albus ne se blesse. Elle appela James qui la rejoignit, heureux d'échapper à la partie qu'il semblait perdre. Le garçon s'était ouvert peu à peu les mois passant et Ginny avait fini par s'attacher à son côté maladroit et protecteur envers Lily. Même s'il est très agité et colérique, il commençait à se détendre en leur présence. Il avait un bon fond.
« Qu'est-ce qu'il y a ? demanda James, le souffle court.
— Tu veux bien prendre Albus avec toi ? Il veut jouer aussi. Dis aux autres de se détransformer avant par contre.
— J'ai pas envie de prêter une chemise à Henri, se plaignit James. Je suis sûr qu'il a oublié de prendre d'autres habits et il a déchiré les siens !
— Tu n'as qu'à regarder dans la réserve. Il y a de vieux tee-shirts de Harry qui doivent faire l'affaire.
— J'ai le droit d'y aller ? demanda James, sceptique.
— Bien sûr que tu as le droit si tu nous préviens et que tu fais attention aux deux vieilles voitures…
— Faudrait vraiment les réparer même si on les utilise pas ! C'est bizarre sinon qu'elles fonctionnent pas même si vous utilisez surtout la magie… fit remarquer James.
— On comptera sur toi alors quand tu seras grand ! » s'amusa Ginny.
Au fil de leur discussion, Albus avait migré sur les genoux de son frère et commençait déjà à tirer sur ses joues pour l'embêter. Il trépignait d'impatience. Pour se venger, James lui chatouilla le ventre provoquant une salve de rire chez le bébé. Puis il abdiqua et l'entraina avec lui pour trouver un vieux tee-shirt et proposer un jeu auquel Albus pourrait participer.
13 Août 2008
Ginny n'arrivait pas à le croire. La douleur était si forte qu'elle semblait iréelle. Cela faisait des heures que le colis de Luna était à ses pieds. Des heures que le monde s'était obscurci et que Ginny était prostrée dans un coin, incapable de savoir si elle respirait encore. Elle avait mal. Elle était déchirée en deux.
Luna était partie. Elle s'était envolée. Emportée par sa puissance magique, elle avait décidé de s'abandonner aux forces de la nature et de quitter le monde des mortels. Luna l'avait laissée derrière elle. Le poing de Ginny serrait le papier si fort que sa texture mutait en celle d'un mouchoir. Elle vrillait. Ginny n'entendit pas le retour des enfants, leurs voix se trouvaient à mille lieues de son âme en peine. Suffocant, brûlant à cause de la perte, de la solitude, de cette sensation d'abandon qui lui donnait envie de vomir, Ginny transplana. Elle savait où elle devait aller. Luna lui avait dit dans sa lettre.
Devant le manoir, Ginny ne perdit pas de temps et sonna à la porte à plusieurs reprises. Elle était dans un tel état de déphasage qu'elle se fichait bien de la personne qui lui ouvrirait la porte. Elle avait besoin de savoir.
Ce fut Draco qui lui ouvrit. Il était moins apprêté que d'habitude mais cela allait au-delà de ses préoccupations.
« Où est-elle ‽ » s'écria Ginny.
Elle ne reconnaissait pas sa propre voix. Elle hurlait presque. Elle était semblable à un rugissement. Ginny devenait folle.
« Ginevra, il faut que tu te calmes…
— NE ME DIS PAS DE ME CALMER ALORS QUE TU AURAIS PU L'ARRÊTER ?!
— Je ne te permets pas de parler ainsi sous mon toit ! vociféra Draco, hors de lui.
— Père … ? » s'éleva une petite voix craintive derrière lui.
C'était Scorpius. Le petit garçon à peine plus âgé qu'Albus les fixait, une peluche de dragon dans les bras. C'était le portrait craché de son père si on ignorait ses yeux bleus translucides : les iris de Luna. Il était effrayé par la situation même s'il tentait de le masquer. Sa présence fit retomber la tension d'un seul coup et aucun des deux adultes n'eut l'envie d'élever le ton à nouveau.
« Qu'est-ce qu'il y a, Scorpius ? Tu as besoin de quelque chose ? demanda Draco avec une douceur et une prévenance que Ginny ne lui avaient jamais entendu.
— Il y a un fantôme dans ma chambre… marmonna le petit, intimidé.
— Tu veux bien demander à ta grand-mère de s'en occuper ? J'ai une affaire à régler avant…
— Non ! Veux pas ! répondit Scorpius avec une expression effarée sur la figure.
— Pourquoi ? Grand-mère t'a fait quelque chose ? s'alarma Draco.
— Non mais je veux pas que tu disparaisses comme la dame ! » commença à pleurer le petit garçon.
Draco le prit dans ses bras pour le rassurer. La scène et surtout la peur de Scorpius brisèrent un peu plus le coeur de Ginny. Après lui avoir promis qu'il ne ferait qu'amener Ginny pour aller voir le lieu où la dame avait disparu et qu'il ne le quitterait pas, Draco réussit à persuader son fils de rejoindre Narcissa Malfoy.
« Ne me dis pas que j'aurais pu arrêter ça. Luna ne m'avait rien dit… Elle se controlait à peine et Scorpius a tout vu. » déclara-t-il froidement.
Draco semblait aussi fatigué, blessé par cette disparition. C'était si étrange qu'ils se retrouvent tous les deux à être en deuil de la seule personne qui avait été responsable d'un pacte entre eux. Sans Luna, ils ne se seraient parlés dans aucun autre univers. Draco enfila une cape légère avant de l'inviter à le suivre. La forêt Malfoy était touffue et angoissante. Les bruits de leurs pas une source de crainte supplémentaire pour Ginny. Elle étouffait. Lorsqu'elle aperçut, une étendue d'eau, apparue dans une clairière beaucoup trop subite pour être tout à fait réelle, Ginny abdiqua. Elle fondit en larmes. Puis elle se précipita vers ce lac immense et sans attache.
Luna avait disparu et s'était transformée en cette étendue d'eau. Son âme errait, se liait à toutes les forces de la nature existente. Elle n'aurait jamais de sépulture mais elle laissait ce lac à son image, comme seule témoin tangible de son passage sur Terre. C'était sa dernière trace, son dernier cadeau. Et malheureusement, Ginny ne pourrait pas la rejoindre plus loin. Même en tentant vainement de s'enfoncer dans l'eau froide, ce lac ne serait qu'un écho des pouvoirs et de la présence si douce de Luna. Sa meilleure amie était partie et elle ne reviendrait plus jamais. Elle avait pris dans son sillage une partie de ses espoirs et de ses rires avec elle. Ginny ne savait pas ce qu'elle deviendrait sans sa meilleure amie.
Ginny ne se souvint pas combien de temps elle resta près de l'eau, à pleurer, à se baigner, à tenter de ne pas se noyer. C'est le toûcher de son homme qui lui fit reprendre pied avec le réel.
« Elle est partie… »
Harry acquiesca en silence. Ses mains étaient fraiches sur ses joues souillées par les larmes.
« Ne me laisse jamais comme ça…Je crois que je mourrais avec toi.
— Ginn…
— Reste… » le supplia-t-elle.
Harry la serra dans ses bras, sans un mot, sans un bruit. Puis il la porta. Du retour chez eux, Ginny se souviendrait de sa peine, de l'odeur de son amour et des battements de son coeur contre son oreille.
C'est Draco qui m'avait appelé. Lorsque j'étais rentré du travail, les enfants étaient très inquiets. En arrivant, les plus grands n'avaient trouvé qu'Albus en larmes au sortir de sa sieste. Teddy avait géré la situation mais personne ne savait où tu étais passée. Ce fut lorsque j'étais tombé sur les mots de Luna. Que j'avais découvert qu'elle nous avait quitté que j'avais compris. Et Draco m'avait appelé au même instant pour me dire que tu étais dans son domaine.
Sur le chemin qui n'avait pris que quelques minutes grâce à la magie, je n'avais quasiment pas eu le temps de penser à ma propre douleur à l'idée de perdre une amie qui m'était chère. Même si notre proximité ne pourrait jamais être comparée à la vôtre. Je pensais juste que je devais être auprès de toi car ta douleur, je ne pourrais pas l'imaginer. Perdre une meilleure amie devait être un déchirement. Je ne pouvais pas le comprendre mais je me devais de me tenir à tes côtés. Pour t'enlacer, pour essuyer tes larmes, pour m'assurer que tu puisses avancer après le deuil sans sombrer.
Draco m'avait conduit jusqu'à toi. Pour la première fois de sa vie, il avait accepté que je lui offre un mouchoir. Luna aurait été fière de nous. Il n'y avait qu'elle qui était capable de produire des situations aussi improbables. Cétait elle qui avait été le moteur de votre amitié avec Neville, qui nous avait forcé à voir plus souvent Draco avec qui elle s'entendait bien. La situation était absurde. Mais aujourd'hui encore, ta peine ce jour-là me hante. Même en te portant, en te serrant dans mes bras, je n'avais pas l'impression d'être d'une grande aide. Tu suffoquais Ginny et ça me faisait si mal.
Comment avais-tu pu craindre que je puisse penser à te quitter ainsi ? Il est vrai qu'une part de moi avait toujours envié toute cette puissance en Luna, toute sa liberté, ce lac qu'elle laissait derrière elle, son âme en convergence avec la nature. Mais mon amour pour mes proches, mon amour pour toi ont toujours été plus forts que tout. J'avais déjà voulu revenir une première fois malgré la guerre alors jamais je ne pourrais cesser de tenir ta main, Ginny. Même sans promesse, je le pensais, tu sais ?
14 mai 2010
C'était ironique d'avoir craint que Harry finirait par la quitter. Jamais Ginny n'aurait cru que ce serait elle qui partirait en première. Elle se sentait mal. Hermione serrait sa main contre la sienne alors que le médicomage spécialisé dans l'oncologie magique lui parlait du dernier traitement possible. La dernière ligne avant qu'il ne reste aucun espoir.
Cela faisait plus d'un an qu'elle bataillait contre son corps et ses propres pouvoirs qui déviaient peu à peu pour s'attaquer à ses propres cellules.
Dire que la guerre n'avait pas qu'atteint que ses fonctions reproductives mais avait impacté ses cellules au point qu'elles mutent et se multiplient ainsi avaient donné tant de rage à Ginny. Tant de peine. Après s'être reconstruite, la maladie la terrassait et elle ne pouvait s'empêcher de trouver cela injuste. La colère bouillait à l'intérieur d'elle malgré le temps qui s'écoulait de manière inéluctable.
À sa sortie de Sainte-Mangouste, Ginny fut surprise de tomber sur Neville avec dans ses bras, un énorme bouquet de fleurs dont il avait le secret.
« Qu'est-ce que tu fais ici ?
— Puisque Hermione va devoir commencer sa garde, je me suis dit que je pourrais t'accompagner jusqu'au Terrier. Tu manges chez tes parents, ce soir, non ? demanda son ami avec un sourire qui se voulait rassurant.
— Oui… Merci de m'avoir accompagnée Hermione.
— Fais attention Ginn. Si tu veux, j'en parlerais à Harry, déclara-t-elle.
— Non… Je préfère en parler moi-même. Mais j'aimerais bien que tu expliques à maman. Elle aura sans doute plein de questions et je ne suis pas sûre de pouvoir…
— Oui, bien sûr. »
Depuis le début de sa maladie, Ginny s'était beaucoup reposée sur sa belle-soeur pour sa prise en charge. C'était sans doute le fait que Hermione fasse des études de médicomage qui la rassurait autant. Elle lui permettait d'être moins perdue avec tous ces termes médicaux et elle pouvait l'accompagner aux rendez-vous. Cependant, même Hermione semblait avoir perdu espoir tout comme son médicomage. Même s'ils espéraient qu'elle ferait partie des quinze pour cents qui s'en sortaient avec cette dernière ligne de traitement qui aurait pour conséquence une ablation partielle voire totale de ses pouvoirs.
Ginny avait le tournis. Elle attrapa la main de Neville et le laissa lui changer les idées avec sa voix douce et ses histoires de plantes.
Le dernier traitement ne fonctionnait pas. Tu devenais si faible Ginny que tu ne pouvais plus sortir de ton lit ou marcher sans ton fauteuil. J'avais beau demander à Neville de ramener le plus de fleurs possibles pour égayer ta chambre, j'avais eu beau tout quitter pour décider de prendre soin de toi, tu t'effaçais peu à peu. Et cela me tuait de voir la maladie te dévorer. C'était à cause de la guerre, cette maladie. Même hors de ma vie, la folie de Voldemort m'arrachait ce qui m'était le plus précieux.
Je craignais tant que tu partes. Ce café-librairie, je l'ai créé pour passer le plus de temps à ton chevet. Les enfants avaient encore besoin de toi. J'avais encore besoin de toi. C'étaient ta douceur, tes rires, ta bonté et ta fougue qui avaient construit cette famille. La flamme qui maintenait tout dans cette maison, c'était toi.
17 juillet 2010
« Pourquoi est-ce que tu as décidé de passer ici ? demanda Draco en poussant le fauteuil de Ginny, au bord du lac. Tu ne devrais pas dépenser tes forces inutilement.
— Je me sentais en forme aujourd'hui. Et je ne suis pas sûre d'avoir la chance de revenir malheureusement. » avoua-t-elle en fixant l'étendue d'eau qui s'étalait à perte de vue.
Un silence accueillit sa prise de parole. Puis Draco continua leur promenade, plus fébrile.
« C'est donc la dernière fois que tu viens me déranger…
— Sans doute… Je pensais pas que je pourrais te manquer. Qui l'eut cru !
— Mes ancêtres doivent se retourner dans leur tombe. » soupira Draco, sans démentir.
Cela fit rire aux éclats Ginny. Avant sa maladie, elle passait une fois par mois au lac pour se détendre. Ainsi, elle avait toujours l'impression d'entrer en connexion avec Luna. Cette clairière créée par sa magie était un lieu apaisant. Draco n'était pas un compagnon de promenade si gênant que ça. Et il connaissait une part de Luna auquel Ginny n'avait jamais eu accès. Dire qu'ils avaient fini par s'entendre après que la sorcière les ait quittés. La vie était vraiment pleine de surprises. Penser au passé rendait Ginny nostalgique. Cela rassurait et brisait son coeur alors qu'elle savait que son avenir n'était plus qu'un tas de cendres sur lequel elle ne pourrait pas marcher.
« Tu n'as plus rien contre Harry maintenant, pas vrai ? demanda-t-elle à Draco, brusquement.
— On n'est plus des gamins depuis longtemps Weasley. » roula des yeux le concerné, sans comprendre.
Rassurée, tiraillée mais sûre d'elle, Ginny s'empara de l'anneau autour de son annulaire et le jeta dans le lac d'un geste sec. Draco, incrédule, la fixa comme si elle était folle.
« Pourquoi est-ce que tu as fait ça ? souffla-t-il.
— Harry est loyal. Je sais que j'aurai toujours une place dans son coeur. Je n'ai plus besoin de cette bague.
— Je ne comprends pas le rapport avec le fait de…
— Harry sera sans doute ton nouveau visiteur. Il ne faudrait pas que le lac de Luna tombe dans l'oubli.
— Je m'en occupe très bien. » renifla Draco.
Sur le chemin du retour jusqu'au manoir, aucun d'eux ne mentionna à nouveau la bague perdue dans l'eau.
La nuit du 30 au 31 juillet 2010
« Harry ?
ㅡ Oui ?
— Je veux que tu dormes avec moi.
— Mais…
— Dors avec moi. Même si je tousse beaucoup. Je ne supporte plus de te voir dormir dans un lit séparé, même si on est dans la même chambre. Mets un bouclier pour ne pas que mes pouvoirs ne t'attaque mais reste…» demanda Ginny, en chuchotant dans la nuit.
Une dizaine de bougie illuminaient sa chambre comme à son habitude. Pour ces derniers jours, elle avait préféré reprendre ses quartiers au Terrier. Ses enfants étaient dans des chambres non loin de la sienne et toute sa famille était présente autour d'elle. Malgré le peu de luminosité, Ginny remarqua les cernes qui tombaient sous les yeux de Harry. Il semblait si triste, si fatigué. Cela la soulageait et lui brisait le cœur de le voir souffrir ainsi. Elle voulait qu'il l'enlace même s'il ne pouvait pas la serrer avec la même force qu'il le faisait auparavant. Elle le voulait tout contre son coeur.
Harry comprit sa requête, aggrandit le lit d'un sort sans baguette et s'y engouffra à ses côtés. Leurs deux corps s'imbriquèrent l'un contre l'autre jusqu'à ce qu'elle ne puisse distinguer sa propre odeur de celle de son mari. Les bouts de tissus n'avaient aucune importance lorsqu'elle pouvait sentir son odeur et sa tête blotti entre ses seins fermes et menus. Ginny avait déjà parlé à tout le monde. Elle avait dit à ses amis à quel point elle tenait à eux. Elle avait remercié Neville pour toutes ses fleurs, Janna pour ne pas avoir supprimé sa rubrique dans le magazine. Elle avait dit à tous ses frères qu'elle les aimait très forts, s'était excusé auprès de ses parents qui perdraient un autre enfant.
Elle avait parlé à Teddy. Elle lui avait dit qu'elle était fière de lui, de tout le chemin qu'il avait parcouru. Elle savait qu'il pourrait soutenir toute sa meute dans cette épreuve. Elle avait dit à Lily qu'elle ne devait pas avoir peur de ne pas être assez, qu'elle était la petite fleur de cette maison et que quoi qu'il arrivait, elle serait toujours son unique fille. Ginny avait dit à James de ne pas oublier tout l'amour qu'il avait pour les siens malgré les difficultés. Elle lui avait dit qu'il devrait sans doute suivre sa passion pour les voitures pour sauver son oncle des accidents qu'il commettrait sûrement. Elle avait dit à Albus qu'elle l'aimait de tout son cœur, plus qu'elle-même sans doute. Ce petit garçon qui avait grandi à l'intérieur d'elle et dont le visage lui rappelait tant l'homme de sa vie. Elle lui avait dit que son amour maternelle et sa présence l'accompagneraient à chacun de ses pas. Mais elle n'avait encore rien dit à Harry. Son amour qui l'enlaçait, qui s'accrochait avec elle dans un tremblement retenu, désespéré.
« Harry, je…
— Non, ne parle pas, souffla-t-il en crochetant ses ongles autour de sa taille.
— Mon amour, il faut que je te parle, ricana Ginny, les larmes aux yeux.
— Non, non, supplia Harry alors qu'il se cachait contre son coeur, son ventre, alors qu'il humidifait son haut de ses larmes qu'il voulait brûler.
— Ne te cache pas de moi, jamais…» demanda-t-elle en l'obligeant à relever son visage.
Ses deux émeraudes n'avaient jamais été aussi brillantes et vides à la fois alors qu'il la fixait avec effroi, comme si elle n'était déjà qu'un mirage.
« Je t'aime, souffla Ginny.
— Je t'aime, répondit en écho Harry en passant ses mains dans ses cheveux plus éparses. Je t'aime…
— Tu es un bon père. Tu t'occuperas bien des enfants, continua Ginny, tremblante.
— Non, non… Pas sans toi… Je ne pourrais pas…
— Si tu pourras et tu pourras compter sur tout le monde…
— Pas sans toi…
— Je sais que tu m'aimes…
— Je ne pourrais aimer que toi, Ginny… Personne d'autre…Je ne pourrais pas…
— Ne meurs pas… Promets moi que tu t'occuperas des enfants… Reste…
— Je t'aime, gémit Harry.
— N'arrête pas le temps… Promets-le moi Harry…»
Il ne lui répondit pas mais dévora ses lèvres dans un appel desespéré. Pour la faire taire sans doute. Ginny respira son souffle à travers ce geste, se laissa submergé par ses sentiments et écrasa son corps contre celui de Harry. Elle ne voulait pas être raisonnable, elle ne voulait pas partir. Mais même si elle ne pouvait plus s'unir avec lui, à cause de sa maladie, elle voulait laisser ses lèvres contre les siennes avant qu'on ne l'emporte.
Combien de temps s'étaient-ils embrassé avant que Harry ne fasse tomber sa montre par mégarde ? Un bruit sourd dont Ginny avait été responsable alors qu'elle avait tenté de glisser son cadeau d'anniversaire qui la gênait sur la table de chevet. Combien de temps avait pris Harry avant de finir par s'endormir, écroulé de fatigue ? Ginny n'avait pas fait attention.
Alors qu'elle caressait le front de l'amour de sa vie, Ginny sentait ces dernières forces la quitter.
Une part d'elle ne voulait pas et se débattait avec la mort. Elle n'avait fait que ça depuis un an et demi. Elle était encore jeune. Elle avait toute la vie devant elle. Elle n'avait pas accompli tous ses rêves, partagé tout ce qu'elle voulait avec ses amis. Ses frères, ses parents ne méritaient pas de perdre un de leurs membres à nouveau. Ses enfants avaient encore besoin d'elle. Est-ce qu'Albus se souviendrait d'elle ? Il était encore si petit, si fragile. Elle voulait rester auprès de Harry. Leur amour était censé durer jusqu'à ce qu'ils soient vieux et grabataires avec leurs petits et arrières-petits-enfants. Ils ne pouvaient pas se séparer ainsi. Et par amour, Ginny ne voulait pas que Harry ne mette sa vie en suspension. Elle voulait qu'il continue de vivre sans elle. Elle qui était pourtant si égoïste.
Ginny voulait encore faire tant de choses. Elle voulait vivre mais la mort ne négociait pas. Elle lui avait même laissé le temps de parler à tous ses proches. Avant de sombrer, Ginny aperçut dans cet espace entre le monde des vivants et celui des morts, une main familière : celle de Fred.
Réconfortée, le baume au coeur, Ginny saisit la main de son frère, prête à le rejoindre de l'autre côté.
Reste. Cette phrase, je l'ai répétée dans ma tête tant de fois. Tel un mantra. Comme si cette demande, cette supplique était plus puissante qu'un sort. Plus puissante que la mort. Comme si elle était capable d'affronter le gouffre que ta disparition allait laissé au plus profond de moi et de mon existence lamentable.
Reste. Je ne sais pas si jamais je ne t'ai dit ce mot Ginny. J'avais peur que si je te demandais de ne jamais me quitter. Que je te le murmurais comme tu savais si bien le faire lorsque je me répandais en toi, tu filerais entre mes doigts telle une flammèche incandescente.
Tes larmes brûlantes avaient coulé sur tes joues. Ton visage et tes cheveux tout feu tout flamme avait éclipsé le ciel orangé. La lumière du soleil était si pâle comparée à l'ardeur de ta présence. Et tu m'avais avoué que tu m'aimais au pied de mon appartement.
Pourquoi ressentais-tu des sentiments si puissants pour moi ? C'était une chose que je n'avais jamais compris. Je ne méritais pas ton amour. Mais Ginny, alors que je t'avais quitté une fois. Trop hanté par Voldemort pour ne voir en toi autre chose qu'une échappatoire. Que j'avais refusé de réessayer, trop tourmenté par le poids des morts et la vacuité de mon existence. Alors que l'on s'était quittés, tu étais réapparue devant moi. Et tel un embrasement indomptable, tu t'étais frayé un chemin dans ma vie, dans mon coeur et avait rapporté un souffle dans mon âme que je réanimais tant bien que mal pour ne pas sombrer.
Ginny. Au creux de la nuit, à la lumière des bougies que l'on allumait ensemble pour échapper aux cauchemars des barreaux et des placards dans lesquels on avait dû se cacher pour survivre. Moi durant mon enfance. Toi durant la guerre. Je ne voyais que ton corps pâle percé de tâches, d'éphélides, de grains de beauté que l'on retrouvait sur toutes le parcelles de ta peau. Même les endroits où seul moi avais accès.
Tu étais belle. Et c'était ton souffle brûlant , le chatouillis de tes cheveux incontrôlables qui me permettaient de dormir.
Je ne mentais pas quand je te disais que ça ne me dérangeait pas que tu pleures. Que tu t'écroules. Je voulais te faire sourire et rire. Pour te rendre au centuple tout ce que tu m'avais donné. Je faisais tout pour que jamais l'extase ne cesse d'habiter ton corps lorsque nous nous unissions.
Ginny. Sans toi, je n'aurais jamais pu travailler dans le monde des sorciers. Parce que cette force de caractère était bien en moi, mais c'était le désir fou de mériter d'être dans tes bras qui m'avait insufflé cette envie.
Est-ce que je te l'ai assez dit ? Que je t'aimais. Je me rappelle te l'avoir murmuré cette soirée-là. Les bières s'étaient fracassées au sol. Minable que j'étais, j'avais tenté, de m'excuser, de te consoler. Mais tu m'avais embrassé. Pour faire taire ses mots d'excuse qui n'effaceraient jamais le passé. Tes lèvres avaient le goût de la vie, du regret et de l'amour. Et par cette simple pression, tu avais fait de moi ton captif. Et jamais je n'avais tenté de fuir.
Ginny. Aucun d'entre nous n'aurait pensé que ça se finirait ainsi. Surtout pas toi. Pourtant, tu avais toujours tout fait pour que jamais, je ne puisse avoir une trace plus vivace de ton être que celle offerte par les photographies et les spectres de ton image qui s'effacent de ma mémoire faillible au fil du temps.
Pourquoi avais-tu refusé que je m'acquière une pensine ? Etait-ce parce que tu savais au fond de toi que si j'avais conservé tous mes souvenirs, je n'aurais jamais pu m'en détacher ? Croyais-tu que j'aurais pu me noyer en recherchant inlassablement ta présence ?
C'est cruel. Ginny. De toi, il ne me reste que ces vêtements qui n'ont plus ton odeur, ces photographies et vidéos qui ne me permettent pas de retrouver la sensation de ta peau contre mes doigts et un fils que j'aime de tout mon coeur. Mais qui n'a que tes taches de rousseur, ton rire et ta pugnacité comme héritage.
Comment pourrais-je tenir cette famille que nous avons construite sous ton impulsion ? En serais-je capable sans toi à mes côtés ?
Tu n'as jamais voulu m'enchainer à un souvenir à une promesse comme si tu avais peur que je m'étiole à nouveau sous les pensées et désirs de quelqu'un d'autre. Mais Ginny. N'avais-tu pas compris que ces mots que je retenais dans ma gorge. Que derrière ce "Reste" que je ne disais pas, se terrait une demande bien plus sordide que ta possessivité enflammée ?
Il a été insoutenable de me débarrasser de cette bague au lac. Mais je m'étais exécuté car tes mots étaient une enclume et ma seule boussole dans l'obscurité. En perdant cet anneau dans l'eau, j'ai cru jeter une partie de moi.
Je voulais que tu me hantes. Que jamais ta présence ne cesse de m'envelopper et de me dévorer. J'aurais pu arracher une parcelle de ton âme pour en faire un horcruxe. Pour que jamais tu ne m'abandonnes.
Parfois , il m'arrive encore dans des instants de perdition éparse de te supplier tel un fou de revenir et de m'offrir une parcelle de toi. Dans ces instants de démence, je pense à retourner sur ce quai trop blanc pour te revoir. Alors que je sais que tu ne m'attends pas. Que tu n'accepteras jamais de répondre à ce rêve sordide.
Je sais que c'est minable, égoiste et inenvisageable de te demander ça. D'implorer à une personne aussi forte, aussi belle et tendre que toi. Mais je t'en prie, Ginny. Hante-moi mais ne me laisse pas.
Nuit du 31 juillet 2018
Scorpius entendit frapper à la porte de sa chambre alors qu'il tentait de trouver le sommeil. Il quitta son lit et ne fut pas surpris de tomber sur Albus. Il avait un coussin dans ses bras, les jouers rougies par l'embarras.
«Euhhh… Désolé de…
—Tu peux dormir avec moi, si tu veux, proposa Scorpius pour épargner un malaise à son meilleur ami.
—C'est vrai ? Je te gêne vraiment pas ? C'est juste que t'as prévu une grande chambre pour moi et…
—Il y a assez de places dans mon lit pour deux et on déplacera le tien demain. Ça te va ?»
Albus acquiesca et s'introduisit à l'intérieur de la pièce. Il se dandina pour libérer l'énergie et les idées qui semblaient trotter dans sa tête et suivit Scorpius qui le laissa s'habituer aux lieux.
«Le manoir est très grand. C'est normal que tu ne te sentes pas à l'aise ici, expliqua Scorpius en l'invitant à monter sur le lit.
— Je pense que je m'inquiète un peu trop… avoua Albus alors qu'ils s'allongeait sur les draps.
— Pour Teddy et ton père ? souffla Scorpius.
— Pour tout le monde… J'ai peur qu'uneautre catastrophe se produise. Si quelqu'un d'autre meure, je…En plus tout ça se passe à l'anniversaire de la mort de maman et…Merci d'être là pour moi Scorp'.
— C'était moi qui dormais chez toi avant toute cette histoire. C'est normal.
— Même. T'es comme un frère pour moi, tu sais ça ?
— Je sais. » lui répondit Scorpius avec un sourire.
Scorpius ne se moqua pas de ce sentimentalisme qui prenait son meilleur ami en ce jour de deuil et de séparation. Il espérait aussi que son propre père s'en sortirait sans problèmes. Les deux amis discutèrent des explorations qu'ils pourraient faire dans le château le lendemain et des expériences qu'ils pourraient monter ensemble sans exclure Lily. James irait au travail mais la soeur d'Albus n'aurait pas grand chose à faire et elle était préoccupée.
Sans avoir fini de mettre en place tout leur plan, Albus et Scorpius s'endormirent tous les deux dans ce lit trop grand, veillée par la Lune qui éclairait le ciel d'encre.
