Hey !
On est à deux chapitres un épilogue de la fin. Bientôt. 2025 verra la fin de cette histoire.
(On arrive aussi au climax émotionnel de la dernière partie. Normalement, c'est la dernière fois que vous sortez les mouchoirs.)
Merci à Ya pour sa relecture, et bonne lecture !
Sursaut
Asra
.
C'est là. Ça cogne. Dans sa gorge. Une boule de nœud.
Le sol sous ses pieds se trouble. L'air s'épaissit.
La dernière fois qu'Asra a ressenti une telle angoisse, iel passait son bac de français. Même ses coming out ne lui ont pas à ce point retourné l'estomac. Sa rupture avec Yel, si déchirante a-t-elle été, avait au moins le mérite d'être brève. Un animal qu'on achève d'un coup net. Là, il reste encore un quart d'heure avant qu'Ilya arrive. Un très, très long quart d'heure. Surtout après une nuit sans sommeil.
Asra ne sait pas ce qui lui a pris, d'appeler Ilya. Iel ne sait même pas ce qu'il va lui dire. Et qu'Ilya ait décroché, ça l'étonne encore plus. Qu'il ait accepté sa requête. À sa place iel lui en aurait voulu. Sans doute. Oh, Asra ne sait pas. Iel a l'impression d'être acculé·e, jugé·e à tort, et tout en même temps d'être en tort. Peut-être qu'iel n'a pas été assez à l'écoute, avec Ilya. Ou pas quand il le fallait vraiment. Peut-être qu'ils n'ont pas les mêmes attentes, qu'ils ne sont pas fait pour être ensemble.
Peut-être…
Asra ne sait pas. Mais iel regrette de ne pas en avoir vraiment parlé, avant de couper court à toute discussion.
— Asra ?
— Salut.
La silhouette du rouquin apparaît dans son champ de vision, et toute la confiance qu'iel croyait avoir rassemblée lea déserte. La fuite lui traverse l'esprit. Pas qu'iel ait peur d'Ilya, non. C'est plus grand que ça. Plus profond.
— Je…
— Qu'est-ce qu'il y a ?
— Rien.
Quand Asra croise le regard du rouquin, ce sont ses propres angoisses qui lea secouent.
— Donc, tu m'appelle pour rien ?
— Non, ce n'est pas ce que je voulais dire.
— …
— Ilya ?
— Quoi ?
— Est-ce qu'on pourrait se voir ?
— Salut, souffle Ilya.
Inspirer.
— Salut.
Expirer.
Asra se détourne. Le froid de l'hiver lui rougit les joues. Les tables du café derrière eux sont libres. Ils pourraient se poser. Mais ses jambes lea démangent, alors iel se redresse.
— J'aimerais qu'on parle de… la dernière fois.
— …
— Tu n'es pas obligé d'accepter.
— Quand ?
— Comment tu vas ? demande Ilya, penaud, alors qu'ils s'éloignent vers le chemin de terre qui rejoint le fleuve.
— Bien.
C'est faux. Asra ne se croirait pas iel-même, s'iel s'entendait. Pourquoi est-iel incapable de répondre franchement à quelqu'un qui a partagé des mois de sa vie ? Si c'était Muriel, ou Nadia qui s'étaient tenus devant iel, qu'aurait-iel dit ?
— Je suis chargé·e en ce moment, reprend-iel. J'ai beaucoup de commandes.
— Les gens n'ont pas déjà dépensé tout leur argent avec les fêtes ?
— Il faut croire que non.
Sa nouvelle collection doit jouer. Les petits bijoux à l'effigie du tarot qu'iel a lancé ont plus de succès qu'iel ne s'y attendait. On lui demande même s'il a prévu de constituer son propre deck. À chaque fois qu'iel lit ses messages, iel repense aux croquis qu'iel rassemble sans savoir quoi en faire. Les traits le ramènent à l'époque où ce projet a germé dans sa tête. Le lycée lui semble loin, alors.
— Et toi ? Tu travailles toujours à la librairie ?
— Toujours. C'est… err, calme en début d'année, mais avec les vacances, on a un peu plus de monde.
— Et tes cours particuliers ?
— J'arrive à jongler. J'ai pu mettre de côté ce mois-ci. Ça relève du miracle, dans la famille Devorak.
Ilya s'est souvent plaint du manque de moyen de sa tante. Pas toujours ouvertement, souvent à coup de blague. Mais Asra comprenait bien ce poids. Iel sentait les coutures des trous rapiécés dans ses vêtements, quand iel le déshabillait.
— Le début de la fortune, plaisante-t-iel.
Le rire qu'Ilya lui retourne sonne faux. Et il n'y a pas que ça. Cette conversation est pleine de fausse politesse. Comme s'ils n'étaient plus capables de se parler franchement. L'ont-ils un jour été ? Asra ne doute pas de la sincérité de Julian. Mais l'absence de la sienne lui saute aux yeux. Pourquoi est-ce qu'iel n'arrive tout simplement pas à dire franchement ce qu'iel éprouve, là ? À s'excuser ? Iel voudrait se tourner vers Ilya, ouvrir la bouche et tout lâcher. Mais son corps se fige comme un bloc. Tout en lui se refuse à l'honnêteté. Iel voudrait se glisser comme une anguille sous un rocher et fuir. Mais Ilya mérite mieux. Pour cette fois, au moins.
— Err, Asra…
Debout devant le courant qui circule entre les rives, Ilya s'est arrêté. Il regarde ce grand serpent d'eau. Et Asra le regarde, lui. La main serrée sur la lanière de sa sacoche.
— Tu voulais qu'on parle.
Comme toujours, il est plus doué qu'iel quand il s'agit de prendre le taureau par les cornes. Ilya adore crever les abcès. Ironique, pour quelqu'un qui a raté ses études de médecine.
Pourtant, à l'époque, c'est lui qui a fuit le premier.
— Oui, admet Asra.
Iel s'approche. Se tient près d'Ilya, sur l'herbe trop fraîche de l'hiver. L'odeur de la résine et du fleuve froid l'enveloppe. Iel entend le rire des mouettes, le vent qui secoue les feuilles. Le ronron de l'eau, les voitures plus loin. Tout.
— Ce que j'ai dit, la dernière fois, commence-t-iel.
Allez. Ça ne peut pas être si dur à dire. Ce ne sont que des mots à prononcer, des lettres qui se suivent. S'il oublie les idées derrière, il n'y a rien de compliqué là-dedans.
— Je ne le pensais pas.
— Sans vouloir pousser le bouchon, tu as dit beaucoup de choses. Si tu pouvais être un peu plus précis…
— Je n'en pensais aucune.
Voilà. C'est dit. C'est un début, mais c'est sorti.
— J'ai eu peur, reprend-iel. Et je n'ai pas su comment réagir.
— Peur de quoi ?
Très bonne question. Asra ne comprend pas lui-même. Ilya lui a fait une déclaration adorable, sans lui forcer la main. Et iel a paniqué. Une angoisse qu'iel n'explique pas. À partir de ce moment, chaque initiative d'Ilya devenait envahissante. Son affection l'étouffait. Asra ne percevait plus son amour que comme une corde autour de son cou. Un poids sur ses poumons. Iel qui a toujours eu désespérément besoin d'être aimé des autres, ne le supportait soudain plus.
— Je ne sais pas exactement, soupire Asra. De nous. De…
Il doit bien exister une manière de décrire ce qu'iel éprouve. Mais Asra ne veut pas y penser. Et si ça revenait ? L'amour d'Ilya lui a tellement manqué, ces derniers jours. Iel ne comprend pas comment iel peut à la fois le désirer, et étouffer juste d'y penser.
— D'être proche de toi, lâche-t-iel enfin.
— Attends. Tu m'as envoyé valser après des mois de relation parce que tu avais peur qu'on soit proches ?
— Je n'ai pas non plus apprécié le fait que tu m'aies espionné.
Ça sort trop vite. Un besoin pressant de se défendre. Trop tard, Asra remarque la moue peinée de son ex petit ami - ce mot lui écorche l'âme.
— C'était une très mauvaise idée, reconnaît Ilya. Je n'aurai jamais dû te suivre. Je sais que tu tiens à ta vie privée.
Ses pieds de corbeaux traînent sur le sol meuble. S'avançant sous le figuier qui borde le cours d'eau, il se racle la gorge.
— Mais c'est douloureux de ne pas en faire partie. Avoir si peu d'importance pour quelqu'un qui en a autant à mes yeux, c'est dur, Asra.
— Tu n'es pas sans importance.
— Pourtant, c'est l'impression que tu donnes.
Asra accuse le coup. Iel ravale toutes les réponses qui lui viennent. Écouter Ilya, c'est pour ça qu'iel est venu·e.
— Tu te comportes comme si… Asra, tu réalises que je ne sais quasiment rien sur toi ? Et pourtant, je te connais depuis des années. Littéralement. C'est la deuxième fois qu'on sort ensemble.
C'etait, pense Asra. Mais iel ne le dit pas. Iel ne veut pas éprouver cette rupture aussi loin dans sa chair.
— Tu connais mon travail et mes amis, se défend-iel.
— Ce sont des informations factuelles. Je connais le travail de la moitié de mes plans cul et j'ai déjà rencontré certains de leurs amis. J'ai même leur date de naissance, pour certains.
Ilya se tourne vers iel, et Asra réalise qu'iel ne l'a pas regardé dans les yeux depuis qu'ils se sont retrouvés.
— Tu ne parles jamais vraiment de toi. De ce que tu aimes, de ce que tu ressens. Dès qu'une conversation devient personnelle, tu l'évites. J'ai l'impression que tu ne me fais pas confiance.
— C'est faux, je… tente Asra.
— C'est à cause de la manière dont je t'ai quitté·e ?
Ilya le coupe, et Asra ne sait plus quoi répondre. Il se trompe, plus ou moins. Mais il n'a pas complètement tort. Il touche un point sensible qu'iel ne peut pas ignorer. Pas s'iel veut, justement, faire preuve de sincérité.
— Tu ne m'as même pas quitté·e.
— Tu m'en veux.
Asra baisse les yeux. Oui, oui. Oui iel lui en veut. Pas comme à l'époque, mais cette histoire est restée en suspens. Et s'iel sait qu'Ilya ne refera pas deux fois la même erreur, iel n'en a pas moins peur. Parce que c'est le genre de chose dont on ne peut jamais être sûr. Il y a toujours un risque. Une possibilité. Une blessure qui guette.
— Si c'est oui, dis-le moi franchement. Je peux l'entendre.
— Ça remonte.
— C'est encore pire quand tu fais ça, siffle Julian.
Il se tourne, croise les bras. Un instant, Asra craint qu'il ne s'énerve. Mais la voix qui perce soudain est désespérée.
— Je ne suis pas un enfant, Asra. Je n'ai pas besoin que tu me protèges. Si tu as quelque chose à me reprocher fais-le franchement au lien d'éviter le sujet. Quand tu me mens…
Son expression se fend.
— Quand tu le mens, j'ai juste l'impression que je ne compte pas assez pour mériter ta franchise.
Ce qu'Ilya lui demande, c'est bien plus dur à faire qu'il ne l'imagine. Ça le déchire à l'intérieur. Iel ne veut pas sortir de sa carapace. Elle lea protège de toutes les déceptions qu'iel a déjà connues.
Mais s'iel ne le fait pas… si Ilya sort définitivement de sa vie, iel ne pourra jamais réparer ça.
— J'aimerais vraiment ne pas t'en vouloir, souffle Asra.
Et ça, c'est sincère. Plus que tout ce qu'iel a dit jusqu'ici.
— Mais ça a été horrible.
Horrible. C'est à la fois trop peu et exagéré. Comment prendre la mesure d'une cicatrice dont on ne peut qu'imaginer la douleur qu'elle a causée ? Comment savoir, quand ça fait si longtemps qu'on a été blessé ? Que tous ses souvenirs de cette époque sont à la fois vifs et flous ?
— J'ai passé des mois à attendre que tu me recontactes, à essayer de comprendre pourquoi tu ne me parlais plus. Je pensais… J'étais certain·e que j'avais fait quelque chose pour mériter ça, mais je ne comprenais pas quoi.
Iel a tourné et retourné mille fois la situation dans sa tête. Cherchant dans chacun de leurs échanges l'erreur qu'iel aurait pu commettre. Il fallait qu'elle soit énorme, pour mériter ce dédain. Et pourtant, iel ne la voyait pas. Ou iel la voyait partout, selon les jours. Est-ce qu'iel avait été trop collant·e ? Trop invasif·ve ? Iel avait vexé Ilya, sans doute, ou iel l'avait blessé sans le vouloir. Mais comment ? Quand ?
— Tu n'avais rien fait de mal, lui assure le rouquin. C'est moi. J'ai merdé.
— Je le sais, maintenant.
Mais iel a perdu tant de temps avant de le comprendre. Et la blessure est restée. Asra sait qu'iel peut être délaissé·e, comme avec ses parents. Abandonné·, comme avec Ilya. Il aurait suffi de quelque mot, d'une rupture nette et précise pour lui éviter cette plaie.
— Tu ne sais pas tout, soupire Ilya.
Non. Et Asra pressent qu'iel ne veut pas entendre ce qu'il va ajouter. Mais il faut que ce soit dit. Ils ne peuvent pas continuer à se tourner autour en repoussant les problèmes qu'ils ne veulent pas voir.
— Ce n'est pas pour rien que j'ai… err, mis de la distance entre nous. J'ai… j'avais honte.
— Honte de quoi ?
Asra n'a rien oublié des rumeurs qui couraient dans leur dos. Il y en a une qui lui est revenue, souvent. Qu'iel est incapable d'oublier.
— Je t'ai trompé, avoue Ilya.
Trompé. Le mot est minuscule dans sa bouche. Si loin de la catastrophe qu'Asra s'imaginait.
— C'était pendant une soirée chez Natiqa. Il y avait… enfin, j'ai croisé un type qui m'a plu et j'ai merdé. J'ai pensé que ça ne pourrait pas faire de mal, sur le moment. Que c'était juste un plan cul.
Mais ça en a fait. Pas parce qu'Ilya a couché avec quelqu'un d'autre, mais parce qu'il ne le lui a pas dit. Asra n'a pas besoin de plus d'explications pour comprendre. À partir de cette soirée, leur relation n'était plus pour lui qu'une suite de mensonges. Un tissu honteux qu'il n'a pas su défaire.
— Pourquoi tu ne m'as rien dit ? demande-t-iel.
— À ton avis ?
Ilya ricane sec. Puis ses yeux se voilent.
— Tu ne méritais pas ça. Non, en fait, tu méritais mieux que moi. Et je le savais.
— Je méritais surtout de savoir la vérité.
— Je sais.
Ils avaient quinze ans, et dix-sept. Cette histoire, c'est trop sérieux pour deux adolescents. De loin, Asra la trouverait presque ridicule. Comme les rumeurs de ruptures qui couraient dans les cours du collège, quand ils s'échinaient tous à jouer le jeu des relations comme des adultes. Sortir ensemble et rompre, prétendre s'aimer et parler de se marier, plus tard, à treize ans, quatorze, seize. Quand on a encore tellement à apprendre de l'amour et de la vie.
Pourtant, c'est là qu'on apprend. En se blessant. En se quittant. Toutes les vieilles plaies mal guéries lui viennent d'un âge où ses amours n'avaient sans doute pas tant de sérieux dans le regard des adultes.
— Tu pensais que je ne comprendrais pas ? lâche enfin Asra.
— Comprendre ? Oh, c'était loin d'être le problème.
— Je ne me serai pas énervé·e. Si j'avais su…
— Justement.
Plissant les yeux, Ilya se couvre la bouche. Pas assez vite pour cacher le rictus cynique qu'Asra connaît par cœur.
— Tu ne te serais pas énervé·e. Tu aurais fait comme d'habitude et tu aurais tout gardé pour toi.
Le reproche claque. Mais l'expression de son ex petit ami se détend aussitôt. La tristesse qui pèse sur ses traits alourdit l'air. Sans s'en rendre compte, Asra ramène ses bras contre lui comme une couverture.
— Tu refusais déjà de me parler à l'époque, reprend Ilya. Et n'essaie pas de me faire croire que ça allait. J'ai bien vu que tu avais des problèmes. Avec la nourriture, déjà. Tu t'arrangeais toujours pour sauter les repas ou manger le moins possible. Tu m'appelais quand ça n'allait pas, mais tu ne me parlais jamais de ce qui clochait. Tu niais quand je te posais des questions, tu… Tu étais toujours tellement loin de moi, Asra. Même quand je te tenais dans mes bras.
Asra, justement, ne sait pas quoi lui répondre. Parce qu'il a raison. Comme il a encore raison aujourd'hui, de lui reprocher les mêmes choses.
— Je sais que je n'ai pas arrangé les choses en te sortant de ma vie comme ça. Mais si je te l'avais dit, qu'est-ce que ça aurait changé ? Tu aurais fait comme si ça n'avait pas d'importance, et on aurait fait semblant d'aller bien tous les deux. Ça se serait mal fini de toute façon.
— Mais tu aurais pu me quitter franchement.
Ilya déglutit.
— Oui. J'aurais dû le faire. Et je suis désolé.
Cette fois, Asra n'essaie pas d'alléger son poids. Iel prend ses mots de plein fouet. Ce dû qui arrive trop tard. Ses lèvres tremblent. Iel ne veut pas pleurer, pas devant Ilya, pas maintenant. Mais c'est dur de ravaler la boule nichée dans sa gorge. Une version de lui, trop petite et trop jeune, se débat à l'intérieur.
— Tu as le droit de m'en vouloir, ajoute Ilya. Mais ne fait pas comme si ça n'avait pas d'importance. S'il te plait.
— Je ne t'en veux pas.
— Asra…
— C'est vrai.
Ses yeux le brûlent.
— Je t'en ai voulu longtemps…
Il y a quelques minutes encore, c'était le cas. Iel en avait l'impression. Mais les mots qu'iel n'attendait plus soufflent sur cette bulle incompréhensible qui lui nouait les entrailles. Asra réalise une chose. Ce qu'iel prenait pour de la rancœur, qu'iel repoussait de toutes ses forces, n'en était pas vraiment.
— Je ne t'en veux pas, répète-t-iel. Mais c'est toujours douloureux de repenser à ça. J'ai l'impression que je ne pourrai plus jamais faire confiance à quelqu'un comme avant, depuis que c'est arrivé. Tu m'as volé ça.
Une main s'avance vers la sienne. Se recule. Iel sent l'hésitation d'Ilya, sans savoir qu'iel a ou non envie de son réconfort.
— Je te demande pardon, murmure le rouquin.
Et soudain, c'est trop. Son corps lâche. Ou son cœur. À cet instant, la différence entre les deux n'existe plus. Une cascade dont iel sous estimait la force fait courber ses épaules, et iel s'effondre contre Ilya. D'un coup.
Asra pleure.
— Eh !
Paniqué, Julian lea serre contre lui.
— Je suis désolé, Asra, sincèrement désolé, je…
— Pourquoi est-ce qu'il faut toujours que tout soit aussi compliqué ?
Entre ses larmes, sa voix perce. Piquée de sanglots qu'iel a couvé sans le savoir, tellement habitué à les garder à l'abri, sous sa peau. Iel ne sentait plus leur présence invasive.
— Je veux juste être avec toi. C'est tout. Mais à chaque fois que je me sens trop proche de quelqu'un, ça me terrifie. C'est trop grand.
Une vague de peur qui lea pousse à fermer brusquement toutes les portes qu'iel peinait à ouvrir.
— C'est plus simple de gérer seul·e, sanglote-t-iel. Mais je ne veux pas finir seul·e.
Ça sort du plus profond de son vente. Là où les peurs les plus innommables se terrent. Aussi contradictoire que ça puisse sembler, Asra a besoin de ce qui l'effraie le plus. L'amour. Les autres. Une présence. Pouvoir se reposer sur quelqu'un. Ça lui manque terriblement, mais iel se sent incapable de faire avec.
— Ça va aller, murmure Ilya. Je suis là.
Mais pour combien de temps ? Qui lui dit que s'iel accepte enfin de se reposer sur lui, il ne disparaîtra pas à nouveau ? Ça lui demanderait tellement d'efforts d'aller au-delà de ce fossé qui lea scie, s'iel doit à nouveau s'y effondrer…
La peur monte. Asra se mord le poing. Sa respiration vrille et iel entend la voix d'Ilya qui l'invite à se calmer. Inspirer. Bloquer. Expirer. Bloquer. Recommencer. Iel sent ses mains. Le vent. La terre meuble. Tout ce qui cogne à l'intérieur. Des vagues et les bruits trop fort de la nature qui glissent sous la voix de son ex petit ami, même si Asra ne veut pas qu'il le soit, pas sans avoir vraiment tout donné, tout essayé pour réparer ces fissures entre eux. Parce qu'iel ne veut pas traîner ce souvenir plein de regrets toute sa vie. Mais si Ilya part, si c'est leur dernière discussion…
— Je suis là, répète-t-il.
Iel le sent s'écarter et l'agrippe aussitôt. Alors l'autre passe ses bras autour de lui. Sa tête vient s'écraser sur la sienne, entre ses boucles blanches. De gauche à droite, il le berce. Un mouvement doux et régulier. Apaisant.
Inspirer. Bloquer. Expirer. Bloquer.
Se laisser porter. Asra ferme les yeux, le temps que ça passe. Iel se concentre sur le mouvement et sur sa respiration. Les vagues reculent. Se tassent. La mer se calme. Et la voix d'Ilya reste. La fatigue, aussi. Iel voudrait ne jamais le lâcher. Rester pour toujours lové·e contre cette chaleur humaine. Que le monde se fige et ne puisse plus avancer.
Ne plus changer.
Jamais.
