Au cœur du désespoir.
Elle me l'avait toujours dit. Elle l'avait répété des dizaines de fois, d'une voix un peu étouffée, elle le savait et sans chercher à combattre ce sentiment, elle semblait résignée.
Elle l'avait prédit, un jour elle partirait, dans la souffrance, sous le coup d'une vieille vengeance et personne n'y pourrait rien. Elle le savait, comme si depuis toujours elle avait vécu avec cette épée de Damoclès au-dessus de la tête, et pourtant maintenant, il me semble qu'elle aurait pu vivre plus, il me semble qu'on aurait pu lui donner plus.
Et maintenant, c'est trop tard. Elle n'est plus là.
Et moi, je vais y laisser mon âme et mon cœur dans la douleur.
Pourtant, à chaque fois qu'elle osait se confier, il me semblait que c'était impossible, que quelque part, tout au fond de moi, je savais que je ne laisserais jamais une telle chose arriver. Et pourtant… c'est arrivé.
Quelques heures plus tôt :
C'est arrivé un soir, sans prévenir. Un soir d'été, calme et chaud, le soleil venait de se coucher et les couleurs du ciel se mélangeaient entre le feu et l'obscurité quand soudain l'atmosphère se chargea d'une vague de terreur qui me prit aux tripes.
Comme sortie de nulle part, un sorcier tout droit arrivé d'un autre âge, a débarqué en ville. Un orage électrique a foudroyé le ciel d'éclair et Regina s'est précipitée seule face au danger. Face à face, dans la grande avenue, ils eurent l'air de se reconnaitre et sur le visage de la Reine, un sombre présentiment s'installa.
La magie de cet inconnu se déversa avec une telle puissance que Regina ne put pratiquement rien faire. Elle se défendit les premiers instants alors que les habitants accouraient vers l'intersection où se déroulait le combat mais ils se figèrent tous en voyant la Reine en grande difficulté. Accablée de coup, sa magie soudainement impuissante face à lui, le sorcier la terrassait. Aucune pitié, aucun répit, il attaquait sans la laisser souffler, elle redoublait d'effort, elle avait beau contrer certaines de ses attaques, elle était frappée de plein fouet par une magie qui malgré elle, avait le dessus sur ses pouvoirs.
Très vite, des stigmates parcouraient son corps, son visage était figé d'effroi, ses traits se tiraient comme si sa propre énergie vitale était en train de la quitter.
Mise à genoux, épuisée, vidée de son énergie, les larmes déferlant sur ses joues, sa magie s'égrainait au creux de ses mains, plus bonne à rien. La Reine savait. Elle savait que c'était ici et maintenant que tout s'achevait pour elle, dans la douleur.
Le sorcier brandit son poignard, un éclair frappa la nuit noire. David et Blanche retenait Henry, il voulait s'élancer au cœur du combat et ils craignaient pour sa vie, alors David le tenait fermement alors qu'Henry se débattait de toutes ses forces. Devant leurs yeux horrifiés, le sorcier venait de délester Regina de ses derniers pouvoirs, il venait de la vaincre.
Elle avait perdu et rendu les armes, pas même une petite étincelle ne jaillissait du creux de ses mains. Elle a jeté un dernier regard à Henry, seul à se débattre pour aller la secourir, perdu au milieu de la foule qui se tenait à distance, impuissante et stupéfaite. Il croisa son regard et il put y lire tout l'amour qu'elle avait pour lui, tout ce qu'elle aurait aimé encore vivre avec lui et tous les regrets qu'elle avait de le laisser ainsi.
Et moi, je suis arrivée trop tard.
J'étais à l'autre bout de la ville quand ces terrifiants éclairs avaient frappé la ville et le temps que j'arrive, il était trop tard. Quand je me suis enfin frayé un chemin dans cette foule curieuse et impassible, quand enfin je suis arrivé à hauteur de la scène qui se jouait, ce ne fut que pour voir cet étrange sorcier trancher la gorge de la Reine, puis lui arracher le cœur et le broyer au creux de sa main.
J'ai hurlé de terreur.
Ma voix déchira le silence dans une douleur sans nom.
Mon cœur sembla se fissurer de toutes parts. C'était inconcevable. J'avais une impression de vertige, l'impression que tout s'écroulait autour de moi, tout comme le cœur de la Reine qui venait de se rependre en cendre sur le bitume, tout comme son corps, lourd, qui venait de s'effondrer dans une mare de sang rouge. Un sourire vainqueur s'afficha sur le visage du sorcier, la foule était horrifiée et Henry tomba genoux à terre, soutenu par Blanche, le visage décomposé et ruisselant de larmes.
Tous venaient d'assister à la mort de la Reine.
Et j'étais arrivée trop tard.
…
Je me suis entendu hurler comme camouflé par un brouillard épais. Je me suis senti vidé de toute mon énergie, comme si je tombais dans les abysses infernaux d'un monde duquel jamais je ne pourrais revenir. La douleur dans ma poitrine était telle que je ne pouvais plus respirer. Mon corps, pourtant figé sur place, tombait encore et encore dans une chute inarrêtable.
Et puis, la colère.
Mes mains se mirent à trembler, chaque nerf de mon corps se mirent à vriller, ma magie était en train de se décupler d'une façon tout à fait inédite. Jamais je n'avais ressenti cela, c'était plus fort que tout : plus fort que le jour où j'ai fait face à Peter Pan qui venait d'arracher le cœur de mon fils plus fort que le jour où j'ai tué Cruella plus fort que cette rage qui m'avait animé le jour où Regina m'avait empêché de tuer Lily. C'était plus fort que tout ce que j'avais connu jusque-là et je savais que je ne contrôlerais plus cette colère d'ici quelques instants. Le moindre de mes muscles se tendirent et me firent mal, une douleur insupportable et pourtant cette douleur était nécessaire. C'était elle qui allait me soutenir, c'était elle qui allait me donner la force de la venger. Il n'y avait plus que cela qui me consumait toute entière, plus rien d'autre n'existait que ce besoin urgent de réparer les événements, peu importe ce que ça pourrait me coûter.
Le sorcier était en train de déblatérer des mots qui ne parvenaient même pas à mes oreilles bourdonnantes et soudain, la foule autour de moi s'écarta. Des éclairs commencèrent à m'entourer, ma magie devenait incontrôlable. Je devenais incontrôlable.
Je venais de la perdre.
Je venais de réaliser qu'en perdant cette femme, je perdais tout.
Tout mon monde s'écroulait. Tout ce qu'il nous restait à vivre venait de m'être enlevé. Et dans mes veines, ce n'était plus ma magie blanche qui coulait, c'était autre chose… c'était sombre, puissant, obscure, c'était noir. C'était terrifiant et pourtant c'était presque familier, car ça lui ressemblait, à elle. Oui ça ressemblait à sa magie, cette puissance, cette assurance, cette impression que quoiqu'il arrive c'est ce pouvoir qui aura le dessus, cette impression que l'on peut tout affronter, sans faillir. Soudain je la reconnaissais en moi comme si cette force sans détour, sans doute, avait toujours était en moi mais qu'il avait fallu un drame pour qu'elle se réveille. Et soudain, j'ai compris comment elle avait pu être si terrible et terrifiante par le passé, c'était la douleur et la peine qui l'avait rendu comme cela… et tout cela était en train de s'emparer de moi, c'était à mon tour.
Le sorcier me parlait mais je n'entendais rien.
Les poings serrés, mes bras prirent de l'élan et dans un cri de désespoir, j'envoya toute ma foudre sur le sorcier qui vacilla, étourdi, surpris. Il venait de tuer la sorcière la plus douée de tous les Royaumes, celle que tout le monde craignait, celle pour qui il avait acquis ses trente dernières années assez de puissance pour pouvoir la vaincre et assouvir une vieille vengeance. Il n'avait pas vacillé une seule fois face à elle alors il ne s'attendait pas à ce qu'une magicienne blanche puisse le faire trébucher. Et surtout, il ne s'attendait pas à ce que quiconque vienne la venger, elle, la Méchante Reine, celle qui était censé être détesté de tous.
Oui j'étais prête à la venger, j'étais prête à tout pour elle mais elle n'en saurait jamais rien. Elle avait su se faire aimer de son fils et quelque uns étaient devenu ses amis, on était une famille, une famille étrange mais une famille tout de même. Elle avait des gens qui tenaient à elle, elle avait même plus que cela, sans le savoir, Regina avait eu une âme sœur qui jamais ne s'était déclaré.
Car oui, jamais je n'avais osé dire quoique ce soit. J'avais été aveuglé par trop d'histoires de famille compliquées, par trop de peur, l'incompréhension, le jugement des autres le doute au fond de moi de ne pas savoir réellement ce que je pouvais ressentir. Mais la perdre était à cet instant le déclencheur d'une réalité jusque-là trop bien enfoui en fond de moi.
Je foudroyais le sorcier sans relâche, le visage déformé par la peine et la rage, la voix trahit de sanglots et de colère, le corps épris d'un besoin compulsif de réduire en cendre ce sorcier qui venait de m'enlever celle que j'aimais secrètement depuis des années. La foule reculait sous la force de mes coups qui rependaient dans les airs des ondes de chocs gigantesques. La foule me regardait avec de grands yeux, presque apeuré, jamais je n'avais été aussi puissante, jamais je n'avais été aussi dévastatrice que ce soir. Rien n'aurait pu m'arrêter.
Et à aucun moment, le sorcier ne put riposter. A aucun moment, il ne put se défendre. Toute ma rage se déversa sur lui et quelques instants plus tard, un marre de sang gisait au sol, seul vestige de ce qu'il avait pu être. D'ailleurs je me fichais bien de qui il était, d'où il venait, de ce qui l'avait poussé à tuer la Reine. Je me fichais de tout et je ne pu reprendre mon souffle que lorsqu'il ne fut plus rien.
Mais si seulement, j'étais arrivé plus tôt.
…
Le cœur de la Reine n'était plus qu'un petit tas de cendre sur le sol qui commençait à s'envoler avec le vent.
Henry était dévasté, blottit contre sa grand-mère.
La foule me regardait étrangement, comme si la force que je venais de déployer les effrayait vraiment. Le corps endolori, je tentais de reprendre mon souffle et dégagea un peu violement la main de mon père qui venait de se poser sur mon épaule. Son geste, je le sais, se voulait tendre et réconfortant mais je ne pouvais pas recevoir cette marque d'affection à cet instant, j'étais encore bien trop happé par la colère et la peine, mêlé à cette incompréhensible et soudaine force magique qui m'avait littéralement dévoré. Et puis, épuisée, je fis quelques pas, hochant la tête de déni, avant de m'écrouler à genoux auprès du corps de la Reine, inerte.
La Reine était morte mais mon esprit était vidé, comme s'il refusait l'information, comme si tout en moi était victime d'un court-circuit.
Ce n'était pas possible.
Pas après tout ce que l'on avait affronté, pas après tous les dangers que l'on avait traversés, ça ne pouvait pas finir comme cela. La foule resta à l'écart devant cette scène ignoble et je pris Regina dans mes bras. Avec le peu de force qu'il me restait, j'ai camouflé sa blessure à la gorge, ma magie recousait ce trou béant qui lui avait été fatal, ainsi je lui rendais son élégance et sa beauté même dans la mort.
Du coin de l'œil, je vis mon père arrêter Killian qui voulait me rejoindre. Merci papa, je n'avais nullement besoin de lui en cet instant pénible, beaucoup trop pénible. Je la serrais contre moi, les larmes dévalant sur mon visage, me fichant éperdument de l'image que cela pouvait bien donner de moi, me fichant éperdument de ce qu'ils penseraient tous, tous ceux présent qui n'avaient pas levé le petit doigt. Je savais pertinemment que sans pouvoir, cela aurait été du suicide de s'interposer mais la Reine l'aurait mérité après toutes ses dernières années où elle avait tout fait pour se racheter une bonne conduite.
Je la serrais contre moi, murmurant à son oreille des mots que personne d'autre ne pouvait entendre, espérant désespérément qu'elle pourrait me revenir si enfin j'avouais. Espérant qu'un miracle se produise mais son cœur était en cendre, alors, même un baiser ne la ramènerait pas. Et moi, je sentais déjà la noirceur dans mon cœur, entre le meurtre du sorcier et ma peine grandissante, je sentais en moi la folie des ténèbres me rattraper, me happer toute entière. Et je m'en fichais pas mal. Les ténèbres pouvaient bien me consumer toute entière à présent, plus rien n'avait d'importance.
Plus rien ne pouvait me la ramener.
Et puis l'idée me vint. Une idée que beaucoup n'allait pas aimer.
Je pouvais lui offrir ce que j'avais de plus précieux. Je pouvais lui offrir mon cœur. De toute façon, il lui appartenait déjà en secret. Je n'avais jamais avoué, je n'avais jamais osé. Il était peut-être temps.
Cela n'avait pas marché avec Killian quand nous avions voulu le ramener des Enfers parce qu'il était mort depuis bien trop longtemps et finalement il avait ressuscité par la grâce de Zeus car il s'était entièrement repenti et sacrifier. Mais cela avait marché avec mes parents, Blanche avait offert la moitié de son cœur à David juste après le lui avoir arraché pour lancer la malédiction visant à déjouer les plans de Zelena. Et Regina venait tout juste d'expirer son dernier souffle, son corps était encore chaud, sa blessure à la gorge était cicatrisée par mes soins. Ça pouvait marcher.
Je pouvais la ramener. J'en étais soudain persuadé.
…
Plus rien n'importait que de la ramener. Plus rien n'importait que de pouvoir revoir son regard qui me fusille, et sa voix qui me sermonne de « Miss Swan » tranchant de reproche. Plus rien ne valait la peine si Regina périssait aujourd'hui. Alors quitte à me mettre tout le monde à dos, j'ai plongé ma main dans ma poitrine et j'ai extirpé mon propre cœur.
« Noooon… » A crié ma mère, comprenant ce que j'allais faire.
« C'est la seule solution. » Murmurais-je.
« Emma, qu'est-ce que tu fais ? » Prononça Killian, surpris et légèrement agacé.
Un silence lourd et pesant passa. J'ai tenté de croiser son regard mais mes larmes et mes mâchoires serrées m'en dissuadèrent. Je savais qu'il n'allait pas aimer lire ce que mon regard exprimait à cet instant. Oui j'étais allé le chercher jusqu'aux Enfers pour l'en sortir, oui je l'avais aimé mais, tout compte fait, ce n'était peut-être que ma propre culpabilité que j'avais tenté de soigner en faisant ça. La culpabilité de l'avoir fait Ténébreux, pour ne pas le perdre, pour ne pas être seule, parce que je ne pouvais pas être avec elle. Lui, il avait été la solution de facilité lui, il était épris de moi sincèrement je n'en doute pas et il était prêt à tout pour moi, même à renoncer à ce qu'il était vraiment, un pirate. Elle, était inaccessible, elle était un fantasme, elle était un rêve secret parce que personne n'accepterait jamais, personne ne comprendrait, et surtout, parce que jamais je n'avais eu le courage d'émettre le moindre geste en ce sens, même si parfois il me semblait que ses regards en disaient plus long qu'elle ne voulait bien le laisser penser. Elle et moi, ça avait été toujours si compliqué.
« Je vais lui offrir la moitié de mon cœur et elle reviendra. »
« Non, Emma… » Murmura ma mère.
« Mais ça a déjà marché. »
« Mais ça ne marche que si les deux êtres s'aiment d'un amour unique et véritable. » Expliqua la Fée Bleue pour tenter de m'arrêter.
« Je l'aime assez pour nous deux. Ça marchera. » Répondis-je avant de briser mon cœur en deux et plonger une des deux moitiés dans la poitrine de Regina.
Tout le monde retint son souffle. Je gardais le regard fixé sur elle et je n'avais pas besoin de les voir pour savoir qu'Henry priait tout autant que moi pour que ça marche et que mes parents étaient mitigés à cette idée, mais aussi que Ruby et beaucoup d'autre espéraient aussi de tout cœur qu'un miracle se produise. Et dans la foule, je pouvais sentir le Pirate serrer les dents, je savais que je venais de le perdre en faisant cela mais en vérité, je m'en fichais.
Il n'y avait véritablement qu'elle qui comptait. Depuis le premier jour, il n'y avait eu qu'elle. Secrètement, inconsciemment, il n'y avait qu'elle.
Et soudain.
Sa poitrine se souleva brusquement, elle ouvrit les yeux et prit une grande respiration. Il résidait dans son regard toute la terreur qui s'était emparée d'elle lors de son agonie. Comme si la douleur et la conscience de vivre ses derniers instants étaient encore très vif dans son esprit mais La Reine était revenue parmi nous.
Discrètement, le temps qu'elle reprenne ses esprits, je replaçais ma moitié de cœur restant dans ma poitrine puis j'ai passé mon bras autour de ses épaules pour qu'elle se redresse lentement. Tous les regards étaient fixés sur nous et Regina semblait perdu, un peu déboussolée, comme si elle se réveillait d'un sommeil sans rêve mais avec le vague souvenir douloureux de sa mort imminente.
Henry accouru à mes côtés et serra sa mère dans ses bras.
« Je … qu'est-ce qui s'est passé… je ne me souviens plus… » Bredouilla Regina.
« On t'expliquera. » Répondit gentiment Henry en l'aidant à se relever.
Blanche et Ruby sommèrent la foule de se disperser, ce qu'elle fit lentement dans un brouillard de rumeurs et de murmures. Il n'y avait plus de danger, il n'y avait plus rien à voir si ce n'est cette curieuse résurrection de leur Reine. Mais ils comprirent qu'il fallait laisser un peu d'espace et de calme à la Reine et à sa Sauveuse. Killian disparu avec le reste de la foule avec un dernier regard vers moi, que je ne lui rendis pas.
…
Peu de temps après, au Manoir, Henry alla préparer du thé et Regina s'installa dans le canapé où je pris soin de lui placer une couverture sur les épaules car elle tremblait encore légèrement, encore fragile, encore sous le choc. Ensuite, je pris le temps de rassurer mes parents et la Fée Bleu qui prirent congé. Moi, je voulais rester ici et veiller sur elle.
Regina avait le regard perdu dans le vague, un sentiment d'épuisement l'accablait sans qu'elle comprenne pourquoi. Ses souvenirs étaient encore flous, le traumatisme de sa mort perçait dans sa mémoire, se frayant un chemin douloureux dans sa tête. Tôt ou tard, ça allait lui revenir, elle avait perdu cette bataille, elle était bel et bien morte tout à l'heure et le trou noir dans sa mémoire était le vide de la mort.
Mais elle n'avait eu le temps d'aller nulle part ailleurs avant que je ne la ramène parmi les vivants. Ça avait marché, la moitié de mon cœur l'avait ramené et il battait maintenant dans sa poitrine. Et si ça avait marché, c'est qu'il y avait bien un sentiment unique et véritable entre nous et c'était cela que je devais maintenant lui expliquer. Lui expliquer comment je l'avais ramené parmi les vivants, comment et pourquoi j'avais pris un tel risque.
Il avait fallu qu'elle meurt pour trouver le courage de dévoiler les sentiments qui m'animaient à son égard. Et à présent, il y avait de la magie noire qui coulait dans mes veines et ma magie blanche coulait dans les siennes. Je savais pertinemment qu'elle se rendrait vite compte que ce n'était plus son cœur qui battait dans sa poitrine mais le mien et je redoutais évidemment sa réaction je savais qu'il lui faudrait du temps pour accepter toutes les implications de mon geste, je savais que le chemin serait long mais peu m'importait, elle était en vie. C'est absolument tout ce qui comptait.
Et il ne tiendrait qu'à moi de lui faire comprendre qu'un nouvel avenir plus radieux pouvait s'offrir à nous désormais.
…
Quelques semaines étaient passé depuis la mort et la résurrection de la Reine. Elle avait passé beaucoup de temps enfermé au Manoir après qu'Henry et moi lui avions raconté toute l'histoire et les brides de souvenirs qu'il lui manquait. Elle avait besoin de temps pour se remettre de toutes ses émotions, accepter la défaite, accepter la mort qui s'était épris d'elle et qui aurait pu l'emporter pour de bon mais je me souviendrais toujours de ces regards troublés en prenant conscience qu'une moitié de mon cœur lui permettait de vivre de nouveau, d'être auprès de son fils et parmi les siens. Mais je comprenais qu'il lui fallait du temps pour prendre du recul sur tout ce que cela impliquait. Il lui fallait de temps pour s'avouer la vérité qui se cachait dans mon geste qui lui avait permis de revenir parmi les vivants. Mais malgré son envie de rester seule, je lui rendais visite tous les jours, m'assurant qu'elle ne sombrait pas dans la dépression.
Ma magie blanche dans ses veines la déstabilisait, elle se sentait apaisé alors qu'une vieille partie d'elle-même avait envie de me détester pour mon geste, mais elle en était désormais incapable. Son regard me transperçait, elle voulait cacher sa reconnaissance mais je lisais en elle, je savais, elle savait. Nous étions liées par une force bien plus grande que nous, peu importe le temps où elle s'efforcerait de combattre l'évidence, si mon cœur battait dans sa poitrine c'est qu'il y avait de l'amour entre nous, un véritable amour.
Et puis un soir, elle sonna à la porte de chez moi. Henry était chez ses grands-parents, j'étais seule et un large sourire s'afficha sur mon visage en la voyant sur mon perron. Un peu tremblante et hésitante, elle entra sous mon invitation.
Seules, dans la lumière tamisée de mon salon, elle s'empara de ma main et s'approcha doucement, son regard accrocha le mien, mon cœur se souleva et comme nous partagions le même, je savais qu'un trouble identique la parcourrait. Ses yeux pétillaient d'ardeur et de peur mélangé, mon souffle se bloqua dans ma poitrine et puis le gout de ses lèvres sur les miennes réanima tout mon corps en une explosion époustouflante qui me fit vaciller légèrement. Notre cœur divisé, logé dans nos deux poitrines, battait d'un même élan frénétique mais cohérent, unis et lié par les mêmes pulsions aussi effrayantes et qu'attirantes.
Elle sentit mon trouble et elle me rattrapa de justesse et je su que dorénavant, nous étions deux mais nous ne faisions plus qu'une. Définitivement plus qu'une. A tout jamais.
FIN
