Après quelques minutes de marche d'un pas ferme, H. Lin arrive finalement en Primordia. Ses immenses plaines, ses cours d'eau claire, son ciel dégagé, son herbe verte… Un léger vent rafraichissant caresse ses joues humides alors qu'elle poursuit son chemin pour trouver une vue dégagée sur N.L.A. La ville est toujours là, entourée de son halo de métal et surplombée par la tour BLADE. Le pourcentage qu'elle affiche la fait tressaillir. Il est descendu de trois points depuis qu'ils sont partis. Elle n'avait jamais raté un seul pourcentage affiché par cette tour, pas un ! Et à cause de cette expédition, elle n'en rate pas un, mais deux ? D'un coup ?! Elle s'écroule au sol, abattue par un insupportable sentiment de fatalité.

« C'est pas vrai… se lamente-t-elle.

- H. Lin ? » demande une voix derrière elle.

H. Lin se crispe instantanément. Masquant toute émotion, elle tourne la tête vers l'origine de la voix et y trouve Baldr, qui avance vers elle avec un regard dur.

« Tu viens pour m'engueuler ou juste pour me mettre une droite ? demande froidement H. Lin.

- Comment ça « juste » ? s'étonne Baldr.

- Ou alors tu viens me coller une balle dans le crâne.

- Décidément, ton langage manque de tenue pour une cheffe d'équipe… » ironise Baldr en venant s'asseoir à côté d'elle.

Au loin, un hurlement canin retentit, suivi de bruits de lutte. Le brouhaha se calme aussi brutalement qu'il a commencé, laissant à nouveau place à un silence pesant.

« Les grexs semblent agités ce soir, commente Baldr, essayant tant bien que mal de dissiper la tension.

- Comme chaque soir, répond H. Lin.

- Je veux dire… Je me rends compte que même si on est sortis de Noctilum, on doit encore rester sur nos gardes.

- Comment tu définis si une créature est une menace ou pas, toi ? demande H. Lin, pensive. Tu te bases sur leur apparence, leur posture, leur comportement ?

- Houla ! Heu… Drôle de question, ça, répond Baldr, pris au dépourvu. Un peu de tout ça j'imagine. En fait, je pars du principe que les créatures ne sont agressives que par besoin. Se nourrir, défendre leur territoire, leurs pairs,…

- Étrange…

- Tu n'es pas d'accord avec cette idée ?

- Non, pas vraiment…

- Du coup, comment tu fais pour déterminer si une créature est une menace ?

- Elles le sont toutes, jusqu'à preuve du contraire.

- C'est une approche très… prudente, mais aussi terriblement pessimiste. Prend l'exemple du loup, sur Terre. Si personne n'avait essayé de les voir comme autre chose qu'une menace, on les aurait jamais domestiqués pour avoir des chiens.

- L'heure n'est pas à la domestication. » tranche H. Lin.

Un bruit sourd se fait entendre dans un buisson près d'eux, duquel se fait expulser un scarabétonnière. Il est suivi de très près par un lucane qui le charge, toutes cornes dehors. Les deux insectes se livrent une lutte sans merci sans tenir compte des deux agents.

« Encore de la violence, soupire H. Lin.

- On a l'impression que Mira est peuplée uniquement de créatures violentes.

- Je ne suis pas sûre que ce ne soit qu'une impression.

- J'ai du mal à saisir comment Skoll peut être autant fasciné par cette planète, s'interroge Baldr en observant les structures rocheuses de Primordia. Même le paysage transpire l'agressivité. Les colonnes de pierre, les rochers en forme de griffe…

- C'est un explorateur dans l'âme… Toute terre inexplorée le fascine, alors arriver sur une planète totalement inconnue…

- C'est comme Mimir, rigole nerveusement Baldr. Mais elle, c'est par le vivant qu'elle est fascinée.

- C'est leur défaut à tous les deux. La fascination de l'inconnu. Ça les pousse à agir de manière inconsidérée…

- Ça LA pousse à agir de manière inconsidérée. » précise Baldr en comprenant où sa camarade veut en venir.

Devant eux, le combat entomologique se conclut par la victoire du scarabée et la fuite du lucane, qui se précipite vers Noctilum en survolant les deux humains.

« Elle peut être un peu irresponsable par moments… soupire Baldr.

- Un peu ? C'est un euphémisme ! répond H. Lin.

- Je t'avoue que j'ai vraiment eu peur que tu appuies sur la gâchette, à un moment.

- Je n'avais pas prévu de tirer tant qu'elle était dans ma ligne de mire, mais elle a employé le mot de trop.

- J'allais te plaquer au sol, tu sais. Mais tu as tiré avant que je puisse.

- J'ai tiré en l'air.

- Mais tu donnais l'impression d'être tellement à bout de nerfs que tu aurais pu presser la détente à la moindre contrariété. C'était… effrayant.

- Je sais me maitriser, merci bien.

- C'est ce que j'ai vu, oui. Mais j'imagine aussi la terreur qu'a dû ressentir Mimir… »

Sans un mot, H. Lin se met à plat ventre et intime à Baldr de se taire par un mouvement de main. Un suid de taille assez imposante vient d'apparaitre au détour du chemin. En un geste précis, H. Lin dégaine son arme, prend quelques secondes pour viser, puis presse la détente.

« C'est à ça que sert mon arme, lâche H. Lin alors que la créature tombe au sol. On a le repas de ce soir.

- Ton tir était d'une précision chirurgicale…

- Jamais je ne tirerai sur un humain, sauf si j'ai la certitude que ça en sauvera des dizaines d'autres.

- « Sauf si »… répète Baldr, abasourdi. Tu serais vraiment prête à tout sacrifier au nom de la survie de l'Humanité ? Tu serais prête à abattre quelqu'un de sang froid ? Tu serais prête à brûler une ville ? Tu serais prête à perdre ta propre humanité ?!

- Oui, répond-elle froidement. Je ne te demande pas de comprendre mes motivations, mais sache que peu importe les circonstances, j'agirai toujours en faveur de l'Humanité au sens large.

- Tu es… » commence à dire Baldr, avant qu'un puissant « CONNASSE ! » ne résonne depuis Noctilum.

« Pour beaucoup, c'est ce que je suis, rebondit H. Lin. Non pas que cela m'importe réellement, cela dit.

- … Tu places vraiment la survie de l'Humanité au centre de toutes tes décisions ? demande Baldr, partiellement calmé par la détermination froide de H. Lin.

- Toutes, mêmes celles qui peuvent paraitre les plus disproportionnées.

- Y compris celle de clore la discussion par un coup de feu ?

- … Toute ma vie, j'ai été humaniste. Dans le sens où je place la vie humaine au-dessus de toutes choses. Après… l'incident… j'ai dû me rendre à l'évidence : j'étais trop naïve. Il me fallait être plus stricte dans mes prises de décision. J'ai donc dû choisir entre deux voies : l'utilitarisme, ou le fascisme.

- Et tu as choisi l'utilitarisme…

- En fonction des circonstances on peut les confondre, mais il y en a une qui rentre en totale contradiction avec ma philosophie humaniste.

- D'où ta rage quand on te qualifie ainsi. » comprend Baldr en se relevant pour approcher le suid à terre. Un filet de sang s'écoule le long de son crâne en formant une flaque au sol.

« Mais ce n'est pas en braquant une arme sur quelqu'un et en lui coupant la parole à coup de feu que tu te détacheras de cette image, reprend Baldr.

- Je me fiche de ce que tu penses, tu sais. »


Lucane Kusakiri : Attaque les scarabétonnières à vue. D'ordinaire pacifique, il utilise ses pinces pour couper de l'herbe.

Exploration de Mira : 4,71 %