J'avais été traînée dans ce gala de force par mes parents. Depuis qu'ils avaient gagné une fortune à la loterie, ils étaient devenus méconnaissables. Notre modeste vie à la campagne leur semblait soudainement indigne, et mes amis d'enfance n'étaient plus, selon eux, assez bien pour moi. À mon grand désarroi, nous avions déménagé à Midgar, une ville aux allures de cage dorée qui m'étouffait un peu plus chaque jour. Certes, je ne manquais plus de rien, et au début, j'avais été amusée par l'idée d'obtenir tout ce que je désirais d'un simple claquement de doigts. Mais très vite, la lassitude avait pris le dessus. L'opulence avait vidé chaque cadeau de son sens. Là où l'on m'avait toujours appris que l'effort menait à la récompense, il me suffisait désormais de demander. Et ce vide me pesait.

Les galas faisaient partie des nombreuses obligations que je ne supportais pas. Mes parents, grisés par leur ascension sociale, s'acharnaient à me « caser » avec un homme riche, comme si je n'étais qu'une monnaie d'échange pour consolider leur nouvelle position. Ils savaient que je plaisais et en usaient avec une ambition insatiable. Mais moi, je restais butée. Ces hommes aux sourires polis et aux mains avides m'ennuyaient profondément. Ils n'étaient que superficialité et calculs.

Ce soir-là, fidèle à mes habitudes, je restais à leurs côtés, affichant un air fermé qui trahissait mon irritation. Mon regard se perdit dans la foule alors que mes parents chantaient mes louanges à un homme gras, dont la coupe de cheveux trahissait une implantation capillaire grossière. Comme quoi, l'argent ne pouvait pas tout acheter, il ne faisait que masquer certaines réalités. Une grimace me traversa le visage à l'idée que cet homme puisse me toucher avec l'aval de mes parents. Comment pouvaient-ils sérieusement envisager une union avec un homme qui avait vingt ans de plus que moi ? Son regard luisant de satisfaction me souleva le cœur.

Lorsqu'il tendit la main dans ma direction, un sourire aux lèvres, je me contentai de la repousser d'un revers sec avant de m'éloigner vers le buffet. Mon soupir en disait long sur mon état d'âme. Même la vue des mets raffinés ne parvenait pas à éveiller mon appétit. Autour de moi, quelques hommes commencèrent à m'observer comme des prédateurs flairant une proie isolée. Fatiguée de ces regards insistants, je m'éloignai encore et allai m'asseoir à une table vide, à l'écart. Mes doigts effleurèrent machinalement le tissu de ma robe tandis que je laissais mon visage s'alourdir sous une lassitude teintée de tristesse.

Et puis, il apparut.

Rufus Shinra.

Il lâcha sans effort deux femmes qui tentaient de s'accaparer son attention et se dirigea vers moi, intrigué. Il se tenait droit, un verre de vin à la main, son autre main nichée dans sa poche avec une nonchalance étudiée. Lorsqu'il croisa mon regard, j'hésitai entre l'agacement et la surprise.

Rufus balaya la salle du regard avant de faire tournoyer distraitement le liquide écarlate dans son verre. C'était visiblement la première fois qu'il me voyait, moi et mes parents. Il prit enfin la parole, son ton détaché trahissant une certaine habitude à ce genre de mondanités.

« Laisse-moi deviner… Loterie ? »

La rapidité avec laquelle il avait deviné mon histoire me surprit autant qu'elle me lassa.

« Oui… malheureusement, » répondis-je, le ton morne.

Ses yeux s'éclairèrent brièvement de curiosité alors qu'il s'asseyait face à moi. Derrière lui, les deux femmes qu'il avait ignorées pestaient silencieusement, piétinant d'impatience et de jalousie. Je les balayai du regard avant de reporter mon attention sur Rufus.

« Vous devriez partir… » dis-je, presque lasse. « Je ne veux pas d'histoire, et je ne veux pas que mes parents vous importunent. »

Ma réponse le surprit. Visiblement, il n'avait pas l'habitude d'être repoussé. Son sourire en coin s'élargit légèrement.

« Personne ne me donne d'ordres, » dit-il d'un ton amusé.

Bien sûr. J'aurais dû m'en douter. Il était Rufus Shinra après tout. L'homme le plus puissant de cette ville, président de l'empire Shinra, habitué à ce que tout lui soit acquis d'avance.

Je décidais néanmoins de ne pas me laisser impressionner.

« Je ne suis pas un parti intéressant, » lançai-je d'un ton détaché. « Mes parents ne sont pas milliardaires. Ils font juste semblant de l'être. »

Je voulais lui couper l'herbe sous le pied, ne lui laisser aucune ouverture. Non pas qu'il soit inintéressant. Il était indéniablement beau, son charisme naturel imposait le respect, mais je refusais toute relation superficielle.

Il m'observa un instant en silence, comme s'il évaluait mes paroles, avant que notre échange ne soit écourté par l'arrivée d'un homme d'affaires qu'il attendait. D'un signe de tête, il me souhaita une bonne soirée avant de se détourner. Pourtant, au fond de moi, j'avais l'intime conviction que ce ne serait pas notre dernière rencontre.

L'interaction n'échappa pas à mes parents. Ils en parlèrent avec insistance tandis que nous rentrions dans notre immense maison du quartier huppé du secteur 5. Je laissai leurs mots glisser sur moi, trop fatiguée pour les écouter. Mon esprit, lui, restait accroché à une étrange sensation. Comme si, sans le vouloir, une porte s'était entrouverte cette nuit-là.