Sarah trébucha et se raccrocha à grand peine à une racine pour ne pas tomber la tête la première sur le sol. Elle avait à nouveau envie de pleurer. Elle était couverte de terre, son jean était troué au genou, et sa poitrine oppressée depuis que Hoggle l'avait entraîné dans les souterrains qui prolongeaient le Labyrinthe en surface. L'air était rare dans ces couloirs bas creusés dans la terre, si petits qu'elle devait se courber pour avancer et qu'elle avait sans cesse l'impression de tomber en avant. Combien de temps avait-elle passé dans le Labyrinthe? Elle haïssait celui-ci presque autant que son maître, avec ses racines traîtresses et son son boueux. Le pire peut être était l'odeur d'humidité et de champignons qui envahissait ses narines, et qui était peut être bien pire encore que l'odeur de pétales en décomposition qui baignait l'ensemble du Labyrinthe à la surface ou que celle de pot-pourri qui flottait autour du roi des Gobelins et qui tournait la tête de Sarah rien que d'y repenser.
-Une seconde, Hoggle, supplia Sarah. J'ai besoin de reprendre mon souffle.
Le nain s'arrêta aussitôt.
-Vite alors, vite.
-Juste une minute, promis. Je ne veux pas être ingrate ou me plaindre, mais est-ce que nous sommes bientôt arrivés à ta cachette? Je suis épuisée.
-Bientôt!, fit le nain en sautillant d'impatience devant elle. Encore un peu. Plus vite! Il ne faut pas qu'il nous rattrape!
Sarah poussa un soupire et essuya la sueur sur son front. Le pauvre Hoggle était terrifié par l'idée que Jareth les rattrape, mais il avait tout aussi peur que le roi des Gobelins découvre la cachette qu'il avait promise à Sarah. En conséquence, il la forçait à avancer à toute vitesse dans des souterrains qui lui paraissaient tous identiques et la forçait à prendre détour après détour dans l'espoir de détourner Jareth le détourner de leurs traces et protéger l'emplacement de la cachette où il l'entraînait. Sarah comprenait tout à fait la peur de Hoggle. Elle la partageait. Mais après quinze ou seize heures passées dans le Labyrinthe, en tenant compte des heures passées à attendre le Roi les Gobelins en tremblant, elle était épuisée. Sans compter qu'avant ça elle était restée éveillée toute une journée entière. Sarah avait besoin de dormir. C'était tout juste si elle était encore capable de garder les yeux ouverts et de réfléchir où elle mettait les pieds. Elle voulait se rouler en boule et dormir, mais si elle commettait cette erreur, elle se réveillerait enchaînée aux pieds du roi des Gobelins, ou enfermée dans une oubliette, et sans porte secrète pour s'évader, cette fois.
Sarah avait tout aussi peur que Hoggle d'être rattrapée par les gardes gobelins, ou pire, par Jareth en personne, mais elle avait conscience que c'était inévitable. Aucune cachette élaborée par les gobelins pour se cacher du monstre qui dirigeait le Labyrinthe ne pourrait la garder à l'abri bien longtemps, et elle ne voulait pas faire courir de risques inutiles à ces pauvres gens. C'était bien assez qu'elle ait entraîné Hoggle, Ludo et sir Didymus dans son plan.
Tout ce qui lui fallait, c'était du temps. Quelques heures pour réfléchir au plan qu'elle avait vaguement agencé avant de fuir le bosquet où elle était censée attendre Jareth et sa sentence. Elle se mordit les lèvres. Contrairement à ce qu'elle avait dit à Hoggle et aux autres, c'était à peine un plan, juste une ébauche de plan. Elle avait honte de les avoir entraînés avec elle, juste parce qu'elle était trop fière pour perdre et trop terrifiée pour rentrer à la maison.
-C'est bon, ça va mieux, annonça-t-elle. Nous pouvons repartir. Mais je t'en prie, Hoggle, allons-y directement cette fois. Je suis sûr que nous avons réussi à semer d'éventuels poursuivants.
Hoggle jeta un coup d'œil inquiet derrière elle. Sarah s'empêcha de faire de même.
-Tu crois?
-J'en suis sûre. Tu as pris tellement de précautions! Il doit être totalement perdu, à l'heure qu'il est! Je suis sûre que tu connais même certains coins du Labyrinthe mieux que lui.
Hoggle, qui avait relevé ses épaules d'un air fier, sembla se dégonfler comme un ballon de baudruche. Sarah était allée trop loin dans la flatterie.
-Oh non, personne ne connaît le Labyrinthe mieux que Jareth! Il en est le Maître. Il est tout puissant ici. Personne ne peut rien faire sans qu'il le sache.
-Mais vous pouvez quand même vous cacher de lui, dans ces endroits dont tu m'as parlé.
-C'est vrai. C'est vrai. Il faut aller s'y cacher, vite!
-Oui, vite. Ça veut dire maintenant. Plus de détours, plus de retour en arrière, plus de camouflage de nos traces. Je suis épuisée, Hoggle. Je ne vais bientôt pas pouvoir faire un pas de plus.
Le regard terrifié de Hoggle se chargea d'inquiétude et de sollicitude. Il craignait de se faire attraper par Jareth et d'être puni pour avoir aidé Sarah, mais il avait plus peur encore pour elle que pour lui, parce que c'était son amie, la première et la seule qu'il ait jamais eu. Il remarqua soudain les écorchures sur ses genoux, les cernes sous ses yeux et la terre qui collait à ses cheveux. Elle n'avait pas l'air aussi forte que quand elle avait affronté le Labyrinthe, quand Hoggle avait osé croire qu'elle avait une chance avant que Jareth ne lui prouve une fois de plus qu'il était un idiot incapable de réfléchir, mais c'était quand même toujours Sarah, et Hoggle était désespéré à l'idée de ne pas pouvoir l'aider. Il se mit à gémir. Sarah posa tout de suite sur son bras une main rassurante, mais aussi un peu tremblante
-Tout va bien, Hoggle! J'ai juste besoin d'un peu de repos, mais je ne vais pas m'effondrer de suite. C'est juste moi qui me sent obligée d'être dramatique, comme toujours. Je comprends mieux ma belle-mère maintenant. Est-ce que les habitants du labyrinthe dorment? Je suppose, puisque vous avez des maisons.
-Tu crois vraiment qu'il n'y a plus de risque d'y aller directement?
-Je ne sais pas. Tu connais mieux Jareth que moi. Mais je crois que plus nous temporisons, plus nous risquons qu'il nous rattrape. Et même si je peux encore avancer un peu, je ne tiendrais vraiment pas beaucoup plus longtemps, Hoggle. Je fais ce que je peux mais…
-Non, c'est moi. J'avais oublié que les mortels sont fragiles.
Sarah ouvrit la bouche pour protester, mais elle était trop fatiguée pour prétendre le contraire.
-Tu as raison. Nous sommes fragiles. Et pourtant, j'ai dormi! Je n'aurais pas du, mais après que tu m'ai donné cette pêche, je me suis allongée pour dormir un peu, comme une idiote. Et bien sûr, je me suis réveillée plus fatiguée que je ne m'étais couchée. De toute façon, je ne méritais pas mieux, pour m'être endormie comme ça au lieu de penser à Toby!
Hoggle fixa le sol d'un air honteux.
-Oui, marmonna-t-il. La pêche. La maudite pêche.
Il était conscient que c'était de sa faute si elle n'était pas arrivée avec suffisamment d'avance au château, ou au moins en partie de sa faute, parce qu'il adorait Sarah à présent, mais elle avait aussi sa part de responsabilités. Sarah s'était montrée bien trop arrogante face aux dangers du Labyrinthe et elle en avait payé le prix. Mais il était quand même un peu responsable, et il craignait qu'elle ne le repousse pour l'avoir trahie.
Heureusement pour lui, Sarah était toujours trop préoccupée par ses propres problèmes pour réaliser qu'Hoggle se comportait étrangement.
-Tu sais, Hoggle, je crois que j'ai retrouvé mon souffle et que je peux reprendre la marche. Mais tu promets que ce n'est plus très loin?
Hoggle détourna le regard, à nouveau l'air honteux, puis hocha du menton.
-Oui. Ce n'est plus très loin. Regarde.
Il fit trois pas sur la droite et tapota un mur qui s'ouvrit sans un bruit. Sarah poussa un petit cri de stupéfaction mêlé de colère.
-Hoggle!
Il baissa encore un peu plus la tête.
-Il y a des raccourcis. Je pensais en prendre un autre, brouiller un peu plus la piste, mais si tu es fatiguée… Vite, vite, entre, que je referme la porte.
Sarah referma sa bouche. Ce n'était pas le moment de protester contre la manière bizarre dont fonctionnait le cerveau d'Hoggle, et même celui de tous les habitants du Labyrinthe. Gagnée par la paranoïa d'Hoggle, elle regarda de tous les côtés avant de se faufiler à l'intérieur de l'étroit passage. Elle fut obligée de se mettre à genou, et presque de ramper à l'intérieur du passage qui se prolongeait sur une dizaine de pieds, puis faisait un coude par delà lequel elle distinguait une vague lumière.
Au bout de quelques instants, Sarah surgit dans une pièce bas de plafond où régnait la même odeur de champignons que partout ailleurs dans les souterrains. Assis autour d'une table où ils avaient l'air occupé à jouer à un jeu de dés en buvant et fumant, cinq gobelins, quatre nains et une fée regardèrent Sarah se redresser avec méfiance.
-Je ferais mieux de leur parler d'abord, balbutia Hoggle en passant devant elle. Ils me font confiance.
-Confiance?, cracha la fée. Confiance en un tueur de fées?
-C'est mon travail, protesta Hoggle. Les fées sont des petites pestes qui abîment les murs du Labyrinthe en y creusant leurs nids, et qui mangent les vers de muraille. J'ai reçu l'ordre de les tuer quand elles commencent à s'y installer.
-Et tu fais toujours ce que Jareth te demande, pas vrai?, ricana une naine en lui jetant un regard mauvais.
-Pas toujours.
Un gobelin éclata de rire.
-Ah! Celui-là n'a jamais désobéit au roi un seul jour de sa vie!
-C'est vrai, reconnut Hoggle. Il me fait trop peur. Et à vous aussi, ou vous ne seriez pas là! Jareth fait peur à tout le monde. Il faut lui obéir ou se cacher. Depuis combien de temps tu n'as pas vu la lumière du jour, Bozie?
-Ah! Gobelin des sous-sols que je suis! Pas besoin de lumière pour bouffer des champignons et se torcher le cul!
La remarque déclencha un tonnerre de rires à la ronde. Sarah en profita pour s'asseoir contre la paroi et pour regarder si son genou blessé ne s'était pas infecté. Son mouvement attira aussitôt l'attention du groupe qui l'avait jusque là ignorée. .
-Qu'est-ce que c'est que ça?, demanda la naine.
-C'est mon amie, déclara aussitôt Hoggle.
-Une amie?, ricana un deuxième gobelin. T'as jamais eu d'ami, Hoggurt.
Sarah bondit aussitôt sur ses jambes.
-Il s'appelle Hoggle, et c'est mon ami. Je vous interdit de l'insulter!
La fée voleta jusqu'au visage de Sarah et lui adressa un sourire plein de minuscules petites dents pointues.
-Qu'est-ce que c'est que ça? Ça marche sur deux jambes, ça parle et c'est grand, c'est pas un gobelin, c'est pas une fée, c'est pas un nain, et c'est pas une folle des décharges.
-Tu es complètement myope, Loupi, si tu ne reconnais pas une humaine de la surface, fit la naine.
-Ça, une humaine?, ricana Loupi. Qu'est-ce que c'est laid!
-Je te le fais pas dire. Mais ça n'explique pas ce qu'elle fait là.
-C'est Sarah, avoua Hoggle. C'est elle qui a affronté le Labyrinthe aujourd'hui.
La naine fronça les sourcils.
-Sarah, hein?
-Et qu'est-ce qu'elle fait là?, demanda un des gobelins. Elle a perdu. Elles perdent toujours.
Sarah baissa la tête, honteuse. Elle aurait du gagner. Elle s'était montrée plus forte que tous les pièges posés par Jareth sur sa route. Seule sa mémoire l'avait trahie, et sa volonté. Maintenant, Sarah ne pouvait s'empêcher de se demander si secrètement elle n'avait pas voulu perdre.
-Oui, elle a perdu, reconnut Hoggle. Et maintenant, elle a besoin qu'on la cache.
-Qu'on la cache? Si elle a perdu, elle a perdu. Elle devrait être déjà rentrée chez elle.
-Je ne rentrerais pas, intervint Sarah. C'est hors de question.
La naine plaça ses mains sur ses hanches.
-Silence, celle du monde du dessus. Qu'est-ce que ça veut dire tout ça, Hoggle? Qu'est-ce qu'elle fait là?
Hoggle se redressa de toute sa petite taille.
-Tu disais que je fais toujours tout ce que veut Jareth, Darrle. Que je ne lui ai jamais dit non de ma vie. Et bien voilà. Tu te trompes, parce que aujourd'hui j'ai aidé Sarah.
Les autres le regardèrent avec stupéfaction. Finalement, le premier gobelin qui avait parlé éclata de rire au point de tomber de sa chaise. Les autres l'imitèrent.
-Tu as aidé… Ah! C'est trop drôle. Tu es un nain mort, Hoggle. On n'aide pas les concurrentes. C'est dans les règles.
-Je sais que c'est dans les règles, mais je l'ai aidée parce que c'est mon amie, et maintenant il faut la cacher.
Un des nains, qui n'avait pas lâché le godet dans lequel il secouait ses dés, reposa ce dernier bruyamment sur la table.
-Dehors.
-Pardon?
-Dehors. Du vent. Ouste. Du balai. Fichez le camp. Si elle a perdu et qu'elle veut se cacher, elle peut aller le faire ailleurs, et toi avec, Hoggle. Qu'est-ce que t'avais besoin de l'amener ici? Elle va que nous attirer des ennuis. Partez. Trouvez-vous une autre cachette. Celle-là c'est la nôtre. Allez-vous en!
-Allez-vous en! Allez-vous en!, répétèrent les gobelins en cœur, tout en sautillant comme des fous dans la pièce.
Sarah se recroquevilla tout contre le mur, choquée de leur enthousiasme et réalisant soudainement que c'était en ça que le roi des gobelins allait transformer Toby, si ce n'était pas déjà fait. Et c'était entièrement sa faute. Des larmes de colère menacèrent à nouveau de couler de ses yeux, mais elle les ravala rageusement et bondit sur ses jambes. Sa tête heurta violemment le plafond mais elle ne s'en rendit même pas compte.
-Une heure!
Le cri de Sarah couvrit le vacarme fait par les gobelins et les nains. Tous les occupants de la pièce se retournèrent vers elle.
-Une heure, répéta-t-elle plus calment. C'est tout ce que je vous demande, une heure de repos dans votre cachette, juste pour récupérer mon souffle, puis nous repartirons. Je ne veux causer d'ennuis à personne.
Loupi lui sourit de ses dents trop pointues.
-C'est un peu tard pour ça, mocheté.
-Loupi raison, approuva Darrle. Se cacher du roi quand il est de mauvaise humeur ou qu'on veut juste s'amuser un peu, c'est une chose. Cacher des gens qu'il recherche en est une autre. On peut être accusés de trahison pour quelque chose comme ça. Qu'est-ce qu'on est censés faire si ses gardes frappent à la porte?
-Leur répondreet leur dire d'attendre?
La naine s'étouffa.
-Ça peut tellement perturber ces idiots de gobelins qu'ils attendront des heures à la porte, mais ça ne servira qu'à attiser la colère du roi.
-Il attendra aussi, parce qu'il y a des règles.
Darrle frappa brutalement Hoggle à l'épaule.
-Idiot! Tu lui as parlé des règles?
-Elle a déjà perdu! Ça ne peut pas être si grave que ça, non?
La naine hocha les épaules.
-Tout dépend, avec Jareth. Mais s'il décide de passer sa colère sur nous…
-Il ne le fera pas, promis Sarah.
Darrle lui jeta un regard de haut en bas. Sarah se mordit les lèvres, consciente de son apparence déchevelée.
-Tu es peut être plus solide que tu n'en as l'air, pour une humaine, mais tu as perdu et tu n'es pas de taille à affronter le roi des gobelins. Tu ferais mieux d'aller le supplier de te pardonner et de te rendre à ton monde. De toute façon, c'est ça qui t'attends.
-S'il croit que j'ai dit mon dernier mot, il se trompe.
Loupi lui donna une pichenette sur le nez.
-Tu as perdu, mocheté. Admet-le, et va-t-en du Labyrinthe.
Hoggle secoua la tête.
-Non. Vous ne comprenez pas. Elle l'a déjà défié. Encore, et encore, et encore.
-Ah!, ricana Bozie. Et elle est toujours vivante? À d'autres!
-Vous n'avez pas vu comme moi le roi pendant qu'elle courrait le labyrinthe. Ce n'était pas comme avec les autres. Il l'a punie pour chaque fois où elle s'est montrée trop fière et trop sûre d'elle, mais il aurait pu être plus sévère, beaucoup plus sévère. Il a déjà été plus sévère que ça. Il…
Sarah eut soudain le souffle coupé.
-Il n'a pas de pouvoir sur moi. C'est ça, la réponse, non? Il n'a pas de pouvoir sur moi. Il n'en a jamais eu.
Toute l'assemblée se tourna vers elle. Après un moment de silence, la naine secoua la tête, presque tristement.
-C'était la bonne réponse, petite humaine, mais elle ne te servira plus maintenant. C'était vrai seulement pendant que tu courrais le labyrinthe, où les règles te protégeaient, mais tu as perdu. Tu n'as plus droit à la moindre protection, pas même à ceux des sujets du roi des gobelins.
-Ce qui veut dire que je ne suis pas soumise aux même règles qu'eux.
Loupi lui offrit un autre de ses sourires un peu trop menaçants.
-Pour l'instant, mocheté. Juste pour l'instant. Jusqu'à ce qu'il t'attrape.
Sarah baissa la tête.
-Je sais, souffla-t-elle. J'ai juste… J'ai juste besoin d'une heure. Juste une heure. Pour réunir mes pensées et retrouver mon souffle, et puis je vous laisserais tranquilles.
Le groupe d'habitants du repaire se réunit en cercle pour discuter à mi-voix de ce qu'il convenait de faire de Sarah. Celle-ci en profita pour se rasseoir et fermer les yeux une seconde. Elle était épuisée, au point de ne même pas avoir la force de se demander ce que les autres allaient faire d'elle.
Honteux de l'avoir poussé au-delà de l'épuisement sans même s'en rendre compte, Hoggle lui tapota maladroitement la main de sa grosse pogne.
-Tout va bien se passer. Ils ont peur, mais ils savent ce que c'est que de vouloir échapper au regard de Jareth quelques heures. Ils te laisseront rester. Ce sont des gens bien. Meilleurs que moi.
Sarah entrouvrit une paupière lourde et trouva la force de lui sourire.
-Toi aussi tu es quelqu'un de bien, Hoggle.
Le nain secoua piteusement la tête.
-Non. Je t'ai fait du mal, et j'ai aidé Jareth à t'en faire.
-Mais quand j'en avais besoin, tu es venu m'aider et tu es resté avec moi jusqu'au bout. C'est ça qui compte.
Sa bouche s'ouvrit sur un bâillement irrépressible. La protestation de Hoggle fut étouffée dans une sorte de brouillard, et Sarah s'endormit.
Un bruit de discussion la ramena progressivement à la conscience. Sarah entrouvrit un œil pour voir ce qui se passait, mais c'était juste Hoggle qui jouait à présent aux cartes avec le reste des fugitifs. Elle fut tout de suite rassurée. S'ils jouaient ensemble, c'est que personne ne comptait la dénoncer de suite. Ils avaient du parvenir à un accord pendant qu'elle somnolait. Elle n'avait pas pu dormir longtemps. Sur la table entre les joueurs, la bougie tremblotante était à peine plus petite qu'au moment de l'arrivée de Sarah.
Tout doucement, pour n'attirer l'attention de personne, Sarah attira ses jambes jusqu'à elle et se recroquevilla un peu plus. Elle avait toujours envie de pleurer, mais elle ne pouvait pas se permettre de perdre du temps à se lamenter. Elle avait perdu assez de temps en somnolant comme ça. Mieux valait passer le court répit que les tours et détours de Hoggle lui avait donné pour élaborer un plan convenable.
Elle n'avait rien, pas l'ombre d'un plan, juste une rage chevillée au cœur, la certitude qu'elle ne pouvait pas laissé le roi des gobelins l'emporter. Cela ne voulait pas dire qu'elle était assez bête pour croire qu'elle pouvait le faire changer d'avis. Dans les histoires, les créatures féeriques ne se laissaient jamais attendrir. Jareth n'avait de toute façon pas l'air d'être le genre. Alors qu'est-ce que Sarah pouvait espérer? Voler Toby à l'intérieur du château, pour peu qu'elle le reconnaisse? Même si elle y parvenait par accident, cela ne voudrait pas dire qu'elle pourrait trouver un moyen de le ramener dans le monde d'au-dessus. Et s'il ressemblait déjà à un gobelin, sa vue ferait juste hurler d'horreur ses parents.
Non, la porte du monde d'en haut était fermée à Toby, et cela voulait dire qu'elle était fermée à Sarah. Elle n'abandonnerait pas une deuxième fois son petit frère, surtout maintenant qu'elle savait ce que cela impliquait. Jamais Sarah ne quitterait le Labyrinthe tant qu'il y vivrait.
Le plan que Sarah avait élaboré au moment de fuir s'arrêtait là, et elle était parfaitement consciente qu'il était pathétique. Elle n'imaginait même pas comment elle pouvait convaincre le roi des gobelins de lui rendre Toby et de les laisser vivre en paix dans un coin du Labyrinthe. Il les enfermerait plutôt dans une oubliette le temps de pardonner à Sarah ce qui n'arriverait probablement jamais.
Pourtant, elle devait bien avoir des atouts à utiliser, une arme, quelque chose. N'importe quoi ferait l'affaire à ce stade. Sarah avait appris quelques petites choses pendant toutes les heures qu'elle avait passé à tourner en rond dans le Labyrinthe sans jamais se rapprocher assez de Toby pour que cela ait une quelconque forme d'importance.
Elle avait appris qu'il y avait des règles, et que même Jareth était censé les respecter. Certaines, elle les avait comprises toute seule, comme le fait que rien n'était juste dans le labyrinthe, qu'il y avait des coutumes à respecter, ou que toutes les tromperies étaient permises. Les autres, Sarah commençait à peine à les comprendre, et seulement parce que ses amis lui avaient donné la clé en reconnaissant qu'il y avait des règles mais qu'ils n'avaient pas le droit de les énoncer aux humaines comme Sarah. Elle aurait pu abandonner. Il y avait toujours une voie de sortie, même à la plus sombre des oubliettes. La triche et l'arrogance étaient punies, sauf quand elles venaient de Jareth en personne. Le roi des gobelins n'avait sur les concurrentes comme Sarah que le pouvoir qu'elles lui donnaient.
Sarah lui en avait donné en étant terrorisée par lui tout en tâchant de ne pas le montrer. Le Labyrinthe était une épreuve, mais Sarah et les autres passés par là avant elle étaient censés avoir une chance. C'était juste qu'ils la perdaient d'avance en ayant peur de Jareth, et en lui donnant par là le droit de leur faire tout ce qu'il voulait. C'était une piètre consolation de se dire qu'elle n'était pas la seule à être tombée dans le panneau. Si seulement elle avait compris plutôt que Jareth n'avait pas de pouvoir sur elle, les choses se seraient passées tellement différemment!
Malheureusement, elle avait été trop bête pour s'en rendre compte, et maintenant, les règles qui protégeaient ceux qui affrontaient le Labyrinthe ne la protégeaient plus.
-Hoggle?
Son ami abandonna aussitôt la partie de carte en cours pour venir la voir.
-Tu es réveillée!
-Oui. Je suis restée endormie longtemps?
-Non. Quelques minutes. Tu n'as pas l'air beaucoup plus en forme.
Sarah sourit faiblement, attendrie par sa sollicitude. Elle avait besoin de bien plus que quelques minutes de sommeil, mais les braves avaient rarement le temps de se reposer, et les grandes sœurs indignes comme Sarah non plus.
-J'ai une question. Plusieurs, en fait, mais deux pour commencer. Il y a des règles à suivre pour celles qui comme moi affrontent le Labyrinthe, et même Jareth est obligé de les suivre, c'est bien ça?
-Oui.
-J'imagine que ça ne lui plaît pas beaucoup.
Hoggle haussa vaguement les épaules. Il avait du mal à suivre le cours de la pensée de Sarah.
-Un roi n'est pas un roi s'il n'accepte pas d'être soumis à des règles, comme ses sujets, répondit Darrle à sa place. Il perdrait son titre s'il essayait d'agir autrement.
-Ça ne l'a pas empêché de tricher.
-Bien sûr. Ça reste lui le roi. Mais il y a quand même des limites.
-Et les citoyens du Labyrinthe doivent aussi respecter ces règles, c'est ce que tu as dit, Hoggle, les citoyens du Labyrinthe. Comment devient-on citoyen du Labyrinthe?
-En signant le contrat avec Jareth, dans son palais.
-Vous avez tous signé? Les nains, les gobelins, les trolls…
-Pas moi, déclara fièrement Loupi. Les fées n'acceptent ni roi, ni maître.
-C'est parce que vous êtes de petites pestes impossibles à régenter et pas assez importantes pour que Jareth se donne la peine de vous y forcer, grommela Hoggle. Pas étonnant qu'il donne l'ordre de pulvériser vos nids.
Loupi poussa un cri strident qui fit tourner la tête à Sarah, mais elle refusa de se laisser distraire.
-Est-ce que ça veut dire ce que je crois? Vous n'êtes pas citoyennes du Labyrinthe et donc pas soumises à ses règles? Ça veut dire que vous auriez pu m'aider sans craindre d'être punies?
La fée retroussa son petit nez d'un air arrogant.
-Pour ça il faudrait encore qu'on ait eu envie de faire vrombir nos ailes pour toi, mocheté. Les fées n'aident qu'elles même.
Sarah préféra ignorer cette insulte, comme les précédentes, pour se concentrer sur son idée. Toutes ces règles… Il y en avait tant que même Hoggle et sir Didymus ne les connaissaient pas toutes, mais ils étaient quand même censés respecter celles qu'ils ne connaissaient pas. Sarah allait devoir s'empresser d'apprendre toutes celles qu'elle pouvait, mais elle tenait quelque chose.
-Où est-ce que je me situe-moi, dans ces règles? Je ne suis plus une concurrente, et je n'ai signé aucun contrat.
Les autres se consultèrent du regard.
-Ça veut dire que les règles ne s'appliquent pas à toi, j'imagine, répondit Darrle, comme elles ne s'appliquent pas aux fées. Mais ne te réjouit pas trop vite, parce que si les règles ne s'appliquent pas à toi, ça veut aussi dire qu'il n'y en pas pour te protéger de la colère de Jareth. Les règles doivent être respectées jusqu'à ce que le concurrent ou la concurrente ait perdu ou gagné. Nul part il n'est dit que ce soit sur les filles comme toi trop bêtes pour renoncer.
Sarah déglutit.
-Merci. C'est ce que je voulais savoir.
-Ah!, s'exclama Bozie. Et ça l'avance à quoi, au juste?
-Je ne sais pas encore. Je n'ai pas fini de réfléchir.
-Alors réfléchis vite. Les limiers du roi flaireront tôt ou tard des traces, et l'heure va vite s'écouler.
Sarah hocha la tête et se redressa pour réveiller ses muscles ankylosés. Elle n'arriva qu'à se faire mal au dos, renonça, et s'approcha de la table. Les cartes et les dés ne ressemblaient à aucun qu'elle ait vu dans son monde.
-À quoi jouez vous?
À part Hoggle, qui bougea pour lui montrer ses cartes, les autres lui lancèrent des regards peu amène.
-Belote gobeline, finit par dire Bozie en déposant violemment une carte représentant quatre gobelins décapités, dessinée d'une manière outrageusement sanglante.
Sarah fronça les sourcils. Hoggle était installé seul d'un côté de la table, et tous les autres joueurs de l'autre.
-Je croyais que la belote se jouait à quatre.
-Pas la version gobeline, répondit le gobelin avec un sourire mauvais.
Hoggle hocha la tête et posa sur la table un roi. La carte représentait Jareth pendu par les pieds et vu de dos, avec un derrière surdimensionné. En face, Loupi tapa sur une carte dans la main de Darrle, qui posa une reine. La carte, évidemment, représentait un morceau du Labyrinthe, mais aucune reine. Jamais Jareth n'aurait toléré la moindre présence à ses côtés. Dans certaines circonstances, la reine valait plus que le roi. Autant dire qu'il ne faisait pas bon de jouer à la belote gobeline à la cour.
Les joueurs assemblés contre lui se mirent à ricaner.
-Ah! Ça s'annonce mal pour toiHugger !
-Hoggle. Mon nom est Hoggle.
Un peu inquiet, il reporta son attention sur ses cartes. Bozie disait vrai, et ça ne présageait rien de bon. S'il ne tombait pas sur la bonne très vite, il perdrait la partie, et c'était une belote gobeline. On n'y jouait jamais sans des enjeux très élevés, comme le droit d'asile dans une cachette. S'il perdait, lui et Sarah seraient brutalement jetés dehors, et laissés à la merci de Jareth. S'il gagnait, ils obtenaient une heure de répit, et pas une minute de plus. Et s'ils voulaient obtenir de rester plus longtemps, on lui avait déjà fait comprendre que les enjeux devraient monter, ce qui voulait dire mettre en jeu ses bijoux, et peut être même le bracelet de Sarah fait de cet incroyable «plastique», que Hoggle ne voulait perdre pour rien au monde.
-Tu as l'air inquiet, Hoggle, s'inquiéta Sarah en notant la sueur sur son front.
-Il a peur, parce qu'il ne peut pas perdre, rit Loupi.
-Mais ce n'est qu'un jeu.
Darrle secoua la tête d'un air navré, comme si la bêtise de Sarah la fatiguait. Jareth l'avait regardée comme ça lui aussi.
-Rien qu'un jeu? As-tu seulement regardé dehors? C'est le Labyrinthe ici, et le Monde du Dessous, pas ton petit Monde du Dessus où tu étais gâtée et choyée. Rien n'est qu'un jeu ici.
Sarah hocha la tête, la gorge sèche. Elle avait beau essayer, elle continuait de regarder le monde autour d'elle avec des yeux d'enfant. Il fallait qu'elle arrête. Sarah était dans le Labyrinthe, un endroit où les rois gardaient captifs des enfants innocents et où des créatures dans les bois menaçaient de vous ôter la tête pour jouer à la balle avec. Aucun endroit n'était sûr. Aucun allié. Mais il y avait des règles, autant que dans le plus compliqué des jeux. Peut être…
Le bruit d'un poing tapant contre la porte de la cachette les fit tous sursauter. Ils se tuèrent, retenant leur souffle, espérant sans doute vainement s'être trompé et ne rien avoir entendu. En vain. Le tapage à la porte recommença, plus fort que jamais.
-Ouvrez, au nom du roi!
Les cartes d'Hoggle tombèrent par terre. Ses mains tremblaient trop pour qu'il arrive à les garder en main. Il s'agrippa au bras de Sarah.
-Il nous a trouvés! Il est là!
Sarah hocha la tête, terrorisée. Elle savait que cela risquait de se produire. Jareth l'avait toujours retrouvée jusque là. Elle n'était en sécurité nulle part dans le Labyrinthe. Elle n'y serait jamais en sécurité, mais elle ne pouvait quand même pas rentrer chez elle.
Encore plus paniqués qu'elle, deux des gobelins sautèrent de leur chaise et se mirent à courir en rond. Les hauts cris qu'ils poussaient n'aidaient absolument pas Sarah à se calmer. Loupi finit par pousser un cri suraigu et disparut entre deux racines qui perçaient le plafond de la cachette.
-Bonne chance les nazes!, cria-t-elle.
Sarah chercha désespéramment du regard une échappatoire.
-Hoggle! Ce que tu as fait dans l'oubliette, avec la porte, tu peux le refaire?
Il secoua tristement la tête.
-Il faudrait une autre porte, et du temps pour créer un chemin. Seul le maître du labyrinthe peut créer un raccourci d'une pensée. Nous autres, on doit creuser, et c'est déjà difficile de créer ce genre de cachette, alors une avec deux portes…
Dehors, les coups de poing sur la porte redoublèrent d'intensité.
-Ouvrez, ou nous amenons le bélier.
-Non, gémirent les nains et gobelins en cœur. Pas le bélier!
Sarah prit une profonde inspiration.
-Stop!
Les nains et gobelins autour d'elle arrêtèrent de courir et de s'agiter, et même ceux au dehors cessèrent de taper sur la porte. Sarah aurait voulu ravaler son cri, et essayer de laisser le mur l'avaler pour disparaître à tout jamais, mais il était trop tard pour ça. Elle réunit toutes les réserves de fausse bravade qu'elle avait affiché pendant qu'elle courrait dans tous les sens dans le Labyrinthe, et se redressa aussi haut qu'elle le pouvait avec ce plafond aussi bas.
-Très bien. Je vais leur parler.
Les autres s'écartèrent devant elle, ne lui laissant d'autre choix que de s'avancer.
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Jareth ne se leva pas de son trône quand le gobelin entra en courant dans sa salle du trône pour l'avertir que la dernière des escouades gobelines qu'il avait envoyé fouiller les cachettes que ses sujets croyaient pouvoir lui cacher revenait, mais il faillir bien le faire dans son impatience d'avoir des nouvelles.
-Ont-ils cette péronnelle avec eux?, demanda-t-il.
Les oreilles du gobelins se mirent à tourner dans tous les sens, tout comme ses gros yeux globuleux.
-Je… je ne sais pas, majesté. Je n'ai pas regardé. Dois-je y retourner?
-Imbécile. Le temps que tu y ailles et que tu revienne, ils seront déjà ici. Au rythme où tu te trémousses, ils seront même là avant toi. Disparaît, avant que ce soit même qui te fasse disparaître.
Le gobelin poussa un glapissement terrifié et disparut à toute allure par la porte la plus proche. Jareth se renfonça dans son siège en essayant de calmer sa colère.
Les cinq premières escouades étaient revenues bredouilles les unes après les autres, lui ramenant quelques ennuyants sujets qu'il avait envoyé direct se faire oublier dans les geôles de son palais et qu'il libérerait dans quelques jours. Ce n'était que du menu fretin. Sarah, par contre… Sarah était peut être plus que ça. Avant elle, aucune pitoyable créature venue courir dans son labyrinthe n'avait montré une telle obstination. Bien sûr, les concurrents désappointés cherchaient souvent à continuer à négocier avec lui après avoir perdu, Peut-être valait-elle bien l'attention qu'il lui avait accordé, finalement.
Il regarda approcher l'escouade en tapotant d'impatience ses doigts contre le dossier de son trône. Ces gobelins étaient d'un mollasson, c'en était affligeant. Mais ceux-là avaient bien raison de ne pas se presser, parce qu'ils n'escortaient pas une Sarah ligotée et menottée comme Jareth l'avait espéré et qu'à défaut de Sarah, il allait bien devoir passer sa mauvaise humeur sur quelqu'un.
-Et bien?, exigea-t-il de savoir quand les gobelins arrivèrent à portée de voie, et plus important encore, à portée de sa canne.
Ils se recroquevillèrent tous sur eux même.
-Majesté…
D'un geste rageur de sa canne, Jareth faucha le plus proche des gobelins, le faisant tomber sur ses fesses pour la plus grande joie des gobelins de sa cour qui explosèrent de rire.
-Pas d'excuses! Je vous ai demandé de m'amener Sarah. Elle n'est pas avec vous, alors où est-elle?
-À la cachette, majesté!, glapit le capitaine de l'escouade.
Les narines de Jareth frémirent de colère. Il bondit hors de son siège, la main levée, prête à frapper.
-Vous êtes en train de me dire que vous l'aviez, et qu'au lieu de me la ramener, vous avez préféré la laisser sur place?
-C'est que… Elle vous a donné un message.
Jareth interrompit son geste et inspira profondément.
-Voyons le message. Pour votre salut, j'espère qu'il ne me déplaira pas.
-Elle a dit… elle a dit… C'est à dire qu'elle voulait vous dire qu'elle est ravie de votre invitation à venir la visiter, et qu'elle l'accepte, mais elle vous demande…
Le gobelin s'interrompit et s'étrangla.
-Cinq heures!, brailla un autre en venant à sa rescousse. Elle vous demande trois heures! Elle a dit que vous ne voudriez pas l'affronter alors qu'un de vous deux n'est pas en parfaite forme pour cette rencontre.
Jareth cligna des yeux. Le toupet de cette fille! Elle l'insultait, elle le fuyait, elle refusait son offre et maintenant elle se permettait de lui faire savoir qu'elle voulait dormir trois heures avant de le rencontrer? Personne ne s'était jamais permis de telles libertés avec lui jusque là. Il éclata de rire. Après un instant d'hésitation, sa cour l'imita.
-Très bien. Elle veut son sommeil réparateur, elle l'aura. Après tout, je serais déçu de la voir avec un cheveu de travers ou une cerne sous les yeux. Mais vous allez retourner devant cette cachette pitoyable et monter la garde. Hors de question qu'elle ne m'échappe cette fois. Ah, et qu'on lui amène des atours dignes de ma cour, et tout ce dont une femme a besoin pour se faire belle.
Il se remit à rire, joyeux comme il l'avait rarement été. Il revenait sur tout ce qu'il avait pensé jusque là. Sarah était indubitablement autre chose que du menu fretin et absolument digne de l'attention qu'il lui portait. Ce n'était pas la punir qu'il voulait. Rien n'importait, à part posséder cette charmante petite chose.
