Une année plus tard...

Quelque part entre le pays des Lumières et celui des Fleurs, à l'Ouest de Suna, Sasuke ouvrit les yeux brusquement. Tout en se redressant, il expira fortement en posant une main sur son front puis glissa ses doigts dans ses mèches rebelles. « Encore ce rêve. » se dit-il.

Il se leva du lit de fortune qu'on lui avait gracieusement offert pour la nuit ; Une simple paillasse dans une grande délabrée et poussière.

Depuis son départ, il n'avait profiter que rarement de l'aisance confortable d'un lit douillet. Il avait offert son aide au profit d'un abri ou d'un repas et s'en était grandement satisfait.
Il avait découvert des pays plus intéressants les uns que les autres et se sentait à présent en paix avec lui-même. Mais ce sentiment s'évaporer dès lors qu'il se laissait bercer par les bras de Morphée.
Chaque nuit, il le revoyait devant lui. Et chaque nuit, sans exception, il l'embrassait à nouveau.

À travers les planches en bois, Sasuke vit les lueurs de l'aube éclaircirent le ciel. Avec son épaule, il ouvrit le vantail grinçant du hangar et se dirigea vers un tonneau rempli d'eau pluviale. Il plongea sa main dans liquide et s'aspergea généreusement le visage afin de chasser les dernières traces de son sommeil. Penché au dessus du baril, Sasuke observa son reflet dans le miroir aqueux et soupira de lassitude.

Il avait fuit sans un regret son village natal pour parcourir le monde et trouver sa voie. Mais malgré la distance qu'il tentait de mettre entre lui et Naruto, les souvenirs de ce baiser revenaient sans cesse le hanter tel un ver d'oreille. Il subissait les conséquences de cet égarement et les sentiments contradictoires qu'il ressentait.

Il releva ses prunelles sombres vers l'horizon et admira silencieusement le crépuscule du matin. Un craquement sinistre le fit se redresser et il observa le vieux fermier sortir de sa masure en s'étirant bruyamment.

- Bien dormi gamin ? Héla-t-il à plusieurs mètres de lui.

Sasuke tiqua sous l'appellation mais acquiesça sans un mot.

- Allez, ils nous reste encore beaucoup de travail ! Lança le quinquagénaire.

Le brun alla chercher son poncho de couleur sable et releva son col pour rejoindre son hôte. L'homme à la carrure imposante, du nom de Yoshihito, lui avait généreusement offert le gîte et le couvert en échange d'une contribution qui consistait à réparer l'enclos de son bétail.
Cela faisait deux jours que Sasuke occuper la grange du vieil homme et de sa famille. Sa femme étant malade, leurs deux filles entretenaient le foyer pendant que lui s'occuper de la ferme.
Quelques jours plus tôt, une violente tempête avait ravagée l'Ouest du continent et infligée des dégâts considérables aux habitations environnantes.

- Il n'y a personne pour vous apporter de l'aide par ici ? Demanda Sasuke.

Yoshihito poussa un rire grave en lui tendant une pelle.

- Je ne sais pas d'où tu viens gamin, mais par ici les gens se débrouillent tous seuls.

Sasuke suivit l'homme sans rétorquer.

- J'ai tout juste assez pour nourrir ma famille, ajouta-t-il en soupirant. Une chance pour nous que tu sois passer par ici.

Sasuke approuva d'un signe de tête. Ce n'était pas la première fois qu'il venait en aide aux paysans démunis et comprenait désormais l'inégalité de ce monde. Il donnait de sa personne et espérait ainsi blanchir son âme souillé par les regrets.
Le dur labeur avait comme bénéfice de rapidement dissiper ses pensées alors il s'y plongeait corps et âme. Loin des lèvres charnues de son meilleur ami et de la chaleur rassurante de son étreinte.

À plusieurs centaines de kilomètres, les portes de Konoha s'ouvrirent pour laisser entrer Naruto. Les deux gardes le saluèrent gaiement mais le blond ne leur répondit pas, traçant rapidement jusqu'à la tour de l'Hokage. Il toqua à la porte ouverte pour signaler sa présence puis s'inclina devant son ancien Maître.

- Eh bien, tu es dans un sale état Naruto ! Des problèmes avec la mission ? Demanda Kakashi.

- Ce ne sont que des égratignures, balaya le blond en lui tendant un rouleau, voici mon rapport.

Kakashi l'observa d'un air songeur ; Depuis le départ de Sasuke, son ancien élève enchaînait les missions sans relâche et passait de moins en moins de temps au village. Il semblait ne plus être qu'une coquille vide et ne se préoccupait même plus de son sort.

- Passe à l'hôpital avant de rentrer chez toi, on ne sait jamais.

Naruto acquiesça et sortit du bureau sans un mot de plus.
Comme un automate, il marcha lentement jusqu'à l'hôpital, l'esprit éteint.

- Naruto ! L'interpella une douce voix derrière lui.

Le blond se retourna et aperçut Sakura qui courrait vers lui, tout sourire.

- Tu es rentré quand ? S'enquit la jeune femme.

- À l'instant, répondit Naruto d'un air impassible.

La médecin tenta de pas montrer son dépit face à l'indifférence de son ami et l'observa plus attentivement.

- Tu es bien amoché cette fois-ci, remarqua-t-elle.

- Je me rendais à l'hôpital justement mais ce n'est rien, je vais guérir rapidement.

Sakura soupira, elle trouvait que son ami prenait de plus en plus de risque et comptait avec excès sur son incroyable faculté de régénération. Cependant elle en connaissait les limites, ce qui n'était pas le cas de Naruto qui semblait continuellement vouloir les dépasser. Il fallait qu'elle lui parle avant qu'il ne soit trop tard.

- Viens avec moi, je vais regarder ça, intima la kunoichi.

Naruto retira ses vêtements en grimaçant légèrement et s'assit torse nu sur la table d'examen. Sakura inspecta alors chaque entaille et soigna rapidement ses blessures tandis que son ami regardait dans le vague. Elle ne connaissait que trop bien la raison de son mutisme et de l'impuissance qu'il pouvait ressentir.

- Je suis passée par là Naruto, souffla-t-elle.

Le blond la regarda enfin puis baissa la tête, les lèvres pincées.

- Il va revenir, reprit-elle.

Naruto hocha la tête en haussant les sourcils. Son amie lui avait tellement répété ses mots qu'ils semblaient vides de sens à présent.

- Si tu continues sur cette voie, tu vas finir par le regretter.

- Je ne suis aucune voie Sakura, répliqua-t-il sévèrement en se rhabillant.

- Il est peut être temps que tu le fasses alors ! S'emporte-t-elle. As-tu oublié qui tu es ? Mais enfin, regardes-toi Naruto!

Naruto referma sa veste en la regardant dans les yeux. Non, il n'avait pas oublié mais c'était tout ce dont il était capable pour le moment : Accomplir son devoir de ninja et protéger le village de ses opposants.

- Merci pour les soins Sakura, lâcha-t-il en sortant.

La médecin le laissa s'en aller sans le retenir, impuissante elle aussi.

Naruto sauta de toit en toit pour enfin atterrir dans le quartier Uchiwa et vint s'asseoir sur le banc accolé à la demeure de son ami.

Cet endroit était devenu un refuge pour lui. Personne n'y venait jamais pour le moraliser ou pour tenter de le protéger de lui-même et c'était tout ce qu'il souhaitait. Il était parfaitement conscient de sa décadence mais ne pouvait se soustraire à la peine immense qui submergé son cœur.

À son retour de mission, une année auparavant, Kakashi avait demandé à Sakura de venir le trouver pour lui annoncer le départ précipité de Sasuke, trouvant probablement cela plus sage. Mais la rage et la haine avaient alors prit subitement le contrôle de son corps et il avait presque faillit détruire son ancien appartement. La pauvre Sakura avait dû assister désarmée à la douleur de son ami avant que Yamato et d'autres Jônins n'interviennent pour le neutraliser.

Par la suite, il avait eut des sanctions sévères et des missions barbantes pendant plus de six mois. Il avait également hérité d'un nouvel appartement, plus grand que le précédent, dont il ne profitait que rarement.

Pour la deuxième fois, Sasuke l'avait laissé derrière lui pour poursuivre sa route. Et si au départ, ce fut l'affliction qui prit le dessus sur ses émotions, aujourd'hui, il était abattu par la déception et le regret. Il n'avait pas cessé de se demander si ce baiser n'en était pas la cause. Avait-il brisé ce lien entre eux ? Il espérait bien que non.
Pendant des mois, il avait attendu des nouvelles de son ami, en vain. Alors il avait enfoui ses sentiments naissants et s'était livré aux combats pour oublier sa peine.

Sasuke reposa ses outils sur l'établi et alla se désaltérer au puits quand il vit l'une des filles du vieux fermier s'approcher en souriant.

- Le dîner sera prêt dans une heure, lui dit-elle.

Sasuke la remercia et l'aida à puiser de l'eau.

- Mon père m'a dit que cela faisait plus d'un an que vous voyagiez à travers le monde. Personne ne vous attend chez vous ? Reprit-elle en s'appuyant contre le muret.

Le brun fixa son regard dans les yeux clairs d'Ayuri et ses pensées naviguèrent involontairement vers Naruto. Il secoua la tête comme pour remettre ses idées en placent et s'installa près de la jeune femme.

- Je pense que si mais je ne lui ai pas parlé depuis mon départ, se livra-t-il.

- Pourquoi ne pas lui envoyer une lettre ? Les femmes aiment les mots doux vous savez, sourit-elle.

Sasuke se crispa légèrement mais força malgré tout un sourire.

La nuit était tombée depuis plus d'une heure quand Naruto se décida enfin à rentrer chez lui. Il longea les commerces et aperçut au loin Tsunade, sortant de Shushu-ya, le pub de la ville. Celle qu'il considérait comme sa grand-mère, avait les joues rosées et la démarche chancelante. Il la rejoignit aussitôt d'un pas rapide.

- Bonsoir mamie Tsunade !

- Naruto, qu'est-ce que tu fais ici ? Répondit-t-elle d'une voix éraillée.

Il laissa échapper un petit rire moqueur et passa son bras sous l'épaule de la blonde.

- Je vais vous raccompagner jusqu'à chez vous.

- C'est pas la peine voyons, s'écria-t-elle en fronçant les sourcils.

Malgré sa réticence, la vieille femme se laissa tout de même faire. Une fois arrivée chez elle, la cinquième Hokage sortit ses clés et se tourna vers le blond.

- Merci Naruto, souffla-t-elle.

Il se retourna et fit un faible rictus, bien loin du sourire éclatant qui ornait autrefois ses lèvres. Tsunade plissa alors ses yeux vitreux.

- Entre une minute, dit-elle.

Naruto obtempéra sans rechigner et referma délicatement la porte derrière lui. Il espérait secrètement que la blonde n'allait pas, à son tour, le sermonner. Bien qu'il n'avait jamais été atteint par l'impulsivité de Tsunade, il restait tout de même conscient de sa force et de la fureur dont elle pouvait faire preuve.
Il resta debout dans le vestibule à la regarder farfouiller dans ses affaires en marmonnant des paroles inintelligibles.

- Ah les voilà ! S'écria-t-elle en brandissant des parchemins.

Elle revint ensuite vers lui pour les déposer dans ses bras.

- Qu'est-ce que c'est ? Souleva Naruto perplexe.

- Ton héritage Naruto, répondit-elle. Ta mère avait confié ces rouleaux de techniques secrètes propres en clan Uzumaki au troisième Hokage.

Naruto écarquilla les yeux, buvant ses paroles avec attention.

- Il faut avouer qu'ils sont difficiles à déchiffrer et à mettre en pratique mais si tu es d'accord, je veux bien t'aider.

Le blond ne trouvait pas les mots, il inspecta brièvement les rouleaux et releva les yeux vers Tsunade. Les coins de sa bouche se relevèrent et il hocha la tête.

- Bien, approuva-t-elle. Sois là à sept heure demain.

Un sentiment d'impatience gagna peu à peu le cœur de Naruto cette nuit-là et son esprit refusait de sombrer dans l'inconscience. Il tourna la tête vers la fenêtre ouverte et vit un serpent se faufiler jusqu'à lui.
Le reptile noir vint se loger dans sa paume puis s'évapora dans un nuage de fumée, lui laissant un parchemin dans la main. Naruto resta un moment interdit, hésitant, avant de le dérouler précipitamment.

« Naruto, tu dois sûrement m'en vouloir d'être parti sans un mot encore une fois mais j'avais besoin de réponse. J'ai passé tant de temps à me consacrer à ma vengeance que j'en ai oublié qui j'étais. Cela n'a rien à voir avec ce qu'il s'est passé entre nous, nous étions perdus l'un comme l'autre, maintenant c'est oublié. J'ai apprit tellement de choses depuis mon départ, et découvert un monde plus vaste que je ne l'imaginais. Prends soin de toi Naruto, on se retrouvera. Sasuke. »

Naruto reprit sa respiration puis leva son regard vers la lune et sentit ses yeux se remplir de larmes. « Maintenant c'est oublié ». Ces mots résonnèrent dans sa tête comme une litanie dévastatrice, accroissant son chagrin et anéantissant ses derniers espoirs.


À suivre...