Bonjour à tous ! Désolée pour le retard de publication, j'ai même pas d'excuses, j'ai juste complètement oublié à cause de la vie, qui m'a plutôt envoyé me coucher et dormir pendant des heures pour assurer en journée que penser à préparer la publication hier soir ^^' Désolée !

RaR des anonymes :

Buck, sur le chapitre 16 : Merci pour tes compliments, j'espère que la suite te plaira également ! Et si le Royaume de sa paume te fait pleurer, je crains que cette fic-ci ne te fasse chialer des rivières à quelques (pour ne pas dire beaucoup) moments... non parce que là, je rappelle que c'est les années jeunesse, tout va encore bien dans leur petit monde égocentrique d'adolescents... La vraie vie, ce sera pas la même limonade...


Résumé : John est inscrit en 1ere année de médecine à l'Imperial College of London, fac très réputée. Il y est boursier, et vit dans un petit appartement off campus, contrairement à ses amis, Judith, Peter, Mike, Caitlin et Alec. De manière improbable, il est également devenu le meilleur ami de Sherlock, génie autoproclamé qui rend John plus vivant que jamais. Le couple de John avec Neil, une étudiante en médecine de 4e année, bat clairement de l'aile, et au lieu de partir en vacances avec elle, John a accepté de passer l'été chez les parents de Sherlock. Les examens du 2e semestre sont imminents, et Sherlock vient de faire quelque chose d'assez inédit en voyant John en public, sur le campus de l'Imperial, en présence de ses amis. Les deux mondes bien séparés de John s'entrechoquent...

Bonne lecture !


Chapitre 18

— C'était qui ?

De toute évidence, Alec venait de poser la question que tous avaient à l'esprit sans oser la formuler. Il avait complètement laissé tomber l'étudiante avec qui il discutait pour se réinstaller à sa place initiale, et il était là quand John était revenu auprès de ses amis après avoir dit au revoir à Sherlock. Peter et Caitlin semblaient plus intéressés par la réponse de John que par se regarder, comme ils le faisaient habituellement. Même Judith, malgré son flegme, le regardait en coin.

— Quoi ? demanda bêtement John, parce qu'il n'était pas certain de ce qui était en train de se tramer.

— Le mec qui est venu te voir. C'était qui ?

John fronça les sourcils. Pourquoi la question intéressait quelqu'un ?

— Un ami... répondit-il, avant de se corriger. Mon meilleur ami.

Sherlock avait eu l'air sincèrement blessé en supposant que John avait honte de lui, et il voulait donc lui offrir la place qu'il méritait. Cependant, devant leurs airs choqués et leurs yeux écarquillés, John fit la moue.

— C'est quoi le problème ?

— T'en as jamais parlé, en fait, dit Mike.

— On s'en serait souvenu, renchérit Caitlin. Un beau mec comme ça, ça ne s'oublie pas.

Peter lui jeta un regard excédé, mais elle soutint son regard, et il abandonna la bataille. Il ne pouvait pas se disputer avec elle devant tout le monde.

— Non, l'occasion ne s'est jamais présentée, c'est tout.

John avait la désagréable sensation de devoir se défendre, alors même qu'il n'avait commis aucune faute. Aux dernières nouvelles, il était libre de fréquenter qui il voulait.

— Des tas d'occasions auraient pu se présenter, en fait, souligna Peter. Mais en fait, on sait rien de toi, John.

La réplique mit ce dernier mal à l'aise. Parce que Peter avait raison. John aimait sincèrement sa bande, et voulait le meilleur pour eux. Il voulait connaître leurs vies et les aiguiller, conseiller Mike pour qu'il prenne confiance en lui et assume sa relation avec Sara, soutenir le couple de Peter et Caitlin, réviser avec Judith et Alec. Mais en retour, il n'appréciait pas spécialement de se confier sur la sienne. Il avait toujours agi comme ça. Aucun des amis qu'il avait eu au cours de son existence n'avait jamais rien su de la réalité de sa vie, de sa famille, de ses aspirations et de son futur. Personne, à part Sherlock. Bien qu'il y eut encore une part importante que John lui cachait, ou du moins vivait dans l'illusion que Sherlock ne l'avait pas déduit.

Il haussa les épaules, jouant avec un stylo entre ses mains, gêné et nerveux.

— Bien sûr que si, vous savez des tas de choses de moi. J'avais jamais eu l'occasion de vous parler de Sherlock, c'est tout.

— Mais tu ne nous l'as même jamais présenté ! se lamenta Mike.

John eut une vision fugace d'une rencontre officielle, genre un resto tous ensemble, et retint une envie de rire. Sherlock dans la même pièce que les autres, c'était la débâcle assurée.

— Il est assez intense. Et spécial. Les relations sociales, c'est pas trop son truc.

Ils grommelèrent un peu, mais s'en contentèrent.

— Tu le connais depuis longtemps ? demanda Caitlin.

John se demandait sincèrement pourquoi cette apparition les intéressait tant que ça, mais il répondit quand même à la question, bottant en touche avec habilité.

— Depuis suffisamment longtemps pour le connaître par cœur et deviner chacune de ses réactions à la virgule près ! On a parcouru Londres en long en large et en travers tous les deux, en faisant les quatre cents coups !

C'était rigoureusement vrai : il connaissait Sherlock par cœur, et leur visite de la capitale avait été plutôt exhaustive. En revanche, sa phrase laissait supposer qu'ils se connaissaient depuis des années, comme des amis proches qui ont grandi ensemble depuis toujours. En réalité, il avait rencontré Sherlock au même moment qu'il s'était lié avec les autres. Mais il avait déjà oublié ce que c'était qu'une vie sans Sherlock. Il avait sincèrement l'impression de le connaître depuis toujours, depuis bien plus longtemps que la dizaine de mois qui était leur vie commune.

— C'est vrai que t'étais londonien à la base, toi aussi... remarqua pensivement Alec.

Tout comme Judith, née et élevée dans la capitale britannique, Peter et Caitlin vivaient hors du campus, chez leurs parents suffisamment aisés pour vivre dans Londres. Le reste de ses amis venaient du reste du pays, ayant réussi l'entrée de la prestigieuse fac et arrivés à Londres pour suivre leurs études, s'installant dans les chambres universitaires du campus. Ils pensaient sans doute que John, et son appartement rien qu'à lui à quelques pas de l'Imperial, faisait partie de leur monde, ce qui n'aurait pas pu être plus faux.

Pourtant, John ne s'était jamais considéré comme londonien avant cette année. La banlieue où il vivait était loin de tout, et sa vie ne ressemblait pas à ceux du centre-ville.

Il sourit, sans répondre, et regarda sa montre. Avec soulagement, il constata qu'il était l'heure pour eux de se rendre en cours, mettant fin à la pénible discussion. Ils se relevèrent, récupérant leurs affaires, se dirigeant vers leur amphithéâtre. Mike demanda à la cantonade ce qu'ils faisaient pour les vacances, et l'attention fut détournée de John, qui en fut reconnaissant. Il se garda bien de répondre à la question de son ami, parce qu'affirmer qu'il allait probablement passer tout l'été avec Sherlock n'aurait sans doute rien arrangé.

— Fais attention à toi, John.

Alors qu'ils se pressaient dans le couloir, Judith s'était rapprochée de John, qui traînait le pas. Les autres étaient plus loin devant.

— Hein ?

Judith n'avait pas dit un mot, tout à l'heure, ce qui n'était pas franchement inhabituel. Leur camarade était discrète, et n'appréciait pas spécialement de parler à tort et à travers. Quand un sujet l'intéressait, elle pouvait se montrer prolixe, à condition de pouvoir intelligemment débattre avec son interlocuteur. Comme John réussissait mieux ses partiels (entièrement grâce à Sherlock), il était considéré comme le plus intelligent de la bande, mais lui savait que c'était Judith la plus brillante.

— Je connais Sherlock. Fais attention à toi.

— Comment ça, tu le connais ? demanda John, abasourdi.

Elle lui adressa un sourire bienveillant.

— Je crois que la première fois que je l'ai rencontré, je devais avoir une dizaine d'années... Il en avait sept, peut-être huit ? Il était clairement l'enfant le plus jeune de la soirée mondaine auquel j'étais désormais tenue d'assister.

John lui coula un regard interrogateur. Si lui ne s'épanchait pas spécialement sur sa vie, Judith était presque pire. Il connaissait son niveau de vie, et les titres de noblesse de sa famille, mais ça s'arrêtait là.

— Tu ne connais pas ce monde, soupira-t-elle. Les réceptions à l'ancienne, où tu dois aller, paraître, sourire, nouer des partenariats, devenir plus riche encore et tout le tintouin. Mes parents sont comme ça. Les Holmes sont une famille d'aristocrates européens. Ils ont toujours fréquenté ce genre de soirée, et mes parents. Généralement, les enfants de moins de dix ans n'y viennent pas, ça pourrait faire désordre. À partir de dix ans, tu peux porter une jolie robe, des bijoux bien trop chers pour une gamine, et sourire une partie de la soirée en faisant semblant d'être ravie que des adultes s'extasient sur toi.

— Je suis désolé pour toi, commenta John avec sincérité.

Être exhibée comme un trophée par ses parents ne devait pas être très valorisant.

— Merci. J'ai eu le temps de m'y habituer. C'est assez pénible à la longue, parce qu'on attend de toi non seulement d'être une jolie poupée bien apprêtée, mais en plus d'être intelligente, brillante, et tout le tintouin. Ça prend un temps fou.

— Je ne vois pas pourquoi, sourit John. Tu es naturellement les deux, brillante et jolie.

Elle lui rendit son sourire, mais quelque chose sonnait faux. Il ne chercha pas à savoir quoi, d'autant qu'elle continua.

— J'ai toujours fréquenté les Holmes, et Sherlock est arrivé très tôt dans ce monde, à un âge où la plupart des enfants n'étaient pas admis. Mais il tenait des conversations avec des adultes d'égal à égal, à part que ceux-ci devaient baisser les yeux pour le regarder. Ça ne l'a jamais dérangé. Parce qu'il savait qu'il était plus intelligent qu'eux.

Un petit rire échappa à John. Ça ressemblait bien à son ami, pour sûr.

— Son frère aîné avait été introduit très tôt aussi, je le voyais de loin en loin, mais il était plus vieux que nous. On était quelques enfants, dans ces cercles, quand on avait fini de faire le tour des salutations obligatoires et conversations obligées pour faire plaisir à nos parents, on se retrouvait entre nous. Son frère était déjà adulte, pour nous. Du moins, il se mêlait totalement aux adultes. Je crois que lui aussi, il était plus intelligent que tout le monde dans la pièce, mais contrairement à son frère, il savait le cacher et ne pas le faire sentir à ses interlocuteurs.

Là encore, cela correspondait totalement à la vision de Mycroft que John avait.

— Pourquoi tu me dis de faire attention à moi ? interrogea-t-il.

Ils étaient arrivés devant la porte, et leurs amis devaient les attendre dans l'amphi, leur gardant des places, tandis qu'ils discutaient à l'abri des oreilles indiscrètes.

— J'ai vu grandir Sherlock dans ses soirées, parce qu'on ne se voyait qu'à ces occasions. Il était déjà un sale gosse arrogant à l'âge de sept ans, je te dis pas ce que c'est devenu quand il en a eu quinze. Il faisait pleurer des gens, assassinait verbalement des adultes, et j'ai bien cru qu'à plusieurs reprises, il allait se prendre une droite. Heureusement, ça ne se fait pas entre gentlemen... Ça fait un moment que je l'ai pas vu, mais il n'a pas changé. Je l'ai reconnu immédiatement, tout à l'heure. Et puis aussi... Il est dans la classe de mon frère, aujourd'hui.

— Comment ça ?

— Avant, il était scolarisé je ne sais où. Mon frère et moi, on a toujours été à l'école ici, à Londres, dans nos écoles de bourges privées. Depuis septembre, Sherlock y est scolarisé aussi. Preston ne sait pas pourquoi il est ici, maintenant, parce que pour autant qu'on en sache, ses parents sont toujours chez eux, à Musgrave, au domaine familial. Bref, en théorie, Preston et Sherlock sont censés aller au lycée ensemble, mais il a l'air de dire que dès le début de l'année, Sherlock fait absolument ce qu'il veut. Il vient, ne vient pas, répond aux professeurs, semble avoir des fréquentations louches... Enfin, il ne semble pas être la personne la plus fréquentable au monde, quoi.

John hocha la tête. Il ne pouvait pas vraiment prétendre le contraire. Il n'apprenait rien de plus sur Sherlock qu'il ne savait déjà.

— Donc... fais attention à toi. Je n'ai rien contre lui, mais je l'ai vu grandir, et il peut être infect. Je ne pense pas qu'il soit une mauvaise personne mais... juste, fais attention à toi.


Les examens de fin du deuxième semestre les avaient laissés encore plus hébétés et épuisés que ceux du premier semestre. Un véritable exploit. John avait été persuadé, quelques mois plus tôt, qu'il ne pouvait pas être plus fatigué et groggy qu'en décembre, mais il avait eu totalement tort. Il avait encore plus la sensation d'être un mort-vivant cette fois-ci. Il savait qu'il était vivant, physiquement parlant, du moins. Son corps bougeait, se déplaçait, écrivait sur ses sujets d'examen. Il pensait même à manger et dormir, du moins le minimum vital pour rester fonctionnel.

À l'intérieur, en revanche, il ne savait même plus comment il s'appelait, et ne savait plus du tout comment réfléchir. Son cerveau le faisait à sa place, parce qu'il avait réussi ses examens, du moins lui semblait-il. Il lui faudrait attendre une bonne semaine avant d'avoir les résultats officiels. D'ici là, ils étaient enfin libres, et tandis qu'ils sortaient tous de l'amphi avec des airs de lapins hagards, pris dans les phares d'une voiture, John se demandait comment quiconque allait pouvoir tenir à la grosse fête prévue ce soir.

Sherlock, manifestement très peu intéressé par ses propres cours et nettement plus impliqué dans les révisions de John, était euphorique depuis que son ami avait accepté de passer ses vacances avec lui. Rien ne semblait pouvoir le contrarier, ni le fait que John était moins venu ces derniers temps, ni son refus de passer la soirée avec lui pour aller à une soirée avec ses amis de médecine. Il savait qu'il aurait l'exclusivité de John pendant des semaines, et ça l'avait rendu partageur, ce qui n'était pas du luxe, vu sa possessivité habituelle.

— On est vivants ? demanda Peter d'une voix atone, derrière lui.

Un « Aïe, putain ! » résonna tout de suite après. Caitlin venait de le pincer pour lui prouver que oui, et ils commencèrent aussitôt à se disputer et s'envoyer des noms d'oiseaux qu'ils ne pensaient pas le moins du monde.

Les étudiants s'égrainaient à la sortie, formant des petits groupes de-ci de-là pour commenter leur dernière épreuve, parler des vacances à venir, de leur temps libre, de la soirée où ils allaient se retrouver.

John avait croisé Neil, et malgré leur statut officiel plutôt incertain, ils étaient censés aller à celle de Thomas, parce qu'il était étudiant en quatrième année, tout comme Neil.

Mike et Sara, sa copine, y allaient également, invités selon d'obscurs liens que John n'avait pas cherché à comprendre. De toute manière, passée une certaine heure, plus personne n'en avait rien à faire de qui était invité par qui. Tant qu'il y avait de l'alcool et de la musique, plus personne ne se rendait compte de rien.

— On se voit ce soir ? lança John à la cantonade. J'dois passer chercher Neil, et faudrait que je me change et prenne une douche, avant. Je sais même plus à quand remonte ma dernière douche...

— Ouais, et ça se sent, le vanna Alec.

Ils rirent tous, parce que John s'était douché en vitesse la veille, et qu'il ne puait pas spécialement, mais il avait l'air aussi débraillé que les autres, complètement lessivé après une semaine très intense. Ils étaient tous physiquement dans cet état où prendre soin de soi était une option. Les filles étaient peignées à la va-vite, leurs cheveux parfois retenus par un crayon parce que c'était tout ce qu'elles avaient trouvé sous la main à ce moment-là. C'était d'ailleurs le cas de Caitlin, qui avait un crayon à papier et un stylo bic plantés dans les cheveux, et ça maintenait assez mal sa coiffure, d'ailleurs, des tas de mèches folles lui tombaient devant les yeux.

Même Judith, toujours tirée à quatre épingles, avait un petit je-ne-sais-quoi de négligé dans sa tenue. Pas assez de maquillage pour dissimuler ses cernes, probablement. Mike avait les lunettes de travers, et tellement sales qu'on se demandait comment il faisait pour voir à travers.

Il n'y avait qu'Alec pour être toujours Alec. Ses cheveux ébouriffés avaient toujours l'air de sortir d'une pub pour un shampoing, son teint hâlé était frais et éclatant, ses vêtements épousaient son corps et dessinaient sa silhouette, de ses épaules larges à ses pectoraux fermes, en passant par les muscles durs de ses jambes et de ses fesses. Il n'avait même pas de cernes, alors qu'il était objectivement aussi épuisé que les autres et avait tout aussi peu dormi qu'eux. Mais il ne marquait pas, et c'était injuste.

— Vous endormez pas avant de venir ! ordonna Peter tandis qu'ils se dispersaient, se promettant de tous se retrouver à la soirée.

Judith leur souhaita de bonnes vacances. Elle ne viendrait pas, ce soir. Ils se lamentèrent et se désolèrent de son absence, tentèrent de la convaincre tout en la serrant dans leur bras en guise d'au revoir, ce qui rendait leur avancée vers la sortie du campus nettement plus compliquée.

— J'ai une réception familiale obligatoire, malheureusement, soupira-t-elle. Et il va me falloir du temps pour arranger tout cela, précisa-t-elle en balayant son corps de la main.

Ils rirent tous, la charriant sur son physique parce qu'ils avaient conscience qu'une douche chaude, du fond de teint et de l'anticernes et en vingt minutes, elle serait parfaite.

— Une réception... familiale ? lui demanda John à voix basse, alors qu'ils franchissaient (enfin) le seuil de la fac. Sherlock sera là ?

— Je ne pense pas, répondit-il en secouant la tête. Comité restreint, je crois. Ses parents ne seront pas là, et il ne vient jamais à moins d'y être obligé. Je crois que son frère le sera, par contre. Pourquoi ?

John hocha la tête, la remerciant pour sa réponse. Il était un peu curieux, maintenant qu'il savait que son meilleur ami fréquentait la très haute société et les réceptions qui ressemblaient à des bals du XIXe siècle. Sherlock était toujours habillé de manière trop classieuse pour un gamin de son âge, à l'exception de son blouson informe mais aux poches démesurées dans lesquelles il transportait son bric-à-brac, mais John était curieux de le voir en costume d'apparat, pour ce genre de soirées. Son imagination fantasmait un peu trop sur un costume queue de pie, à jouer les dandys, alors que ça ne collait pas du tout à son ami.

— Pour rien, répondit-il à son ami. Juste savoir si du coup, il était dispo ce soir, si je peux aller dormir chez lui en rentrant de soirée. C'est plus proche que chez moi.

Ils n'avaient pas vraiment reparlé tous les deux, depuis la mise en garde de la jeune femme, mais elle avait bien compris que les deux garçons étaient très liés.

— Mais... tu ne vas pas à la soirée avec Neil ? demanda-t-elle à mi-voix.

Les autres, après les salutations d'usage et les embrassades, étaient partis, trop impatients d'aller retrouver leurs pénates pour se reposer un peu avant d'aller ingurgiter des litres d'alcool et de mauvaise nourriture pour oublier jusqu'à leur nom ce soir.

— En théorie, si, répondit John d'un ton détaché. On y va ensemble. Savoir si on en reviendra ensemble...

Il était assez lucide. Entre leur dispute et les révisions, ils n'avaient pas réellement reparlé de leur avenir ensemble. John ne lui avait donc pas avoué qu'alors même qu'il avait refusé de partir en vacances avec elle cet été, il allait passer tout son temps avec un meilleur ami dont elle ne soupçonnait pas l'existence. Clairement, ça ne risquait pas de lui plaire. Et si elle souhaitait boire et profiter, ce n'était pas du tout les plans de John, qui avait plutôt tendance à éviter les excès d'alcool comme la peste. Il serait sobre et parfaitement capable de discuter.

Judith lui adressa un sourire entendu, avec compassion.

— T'es un mec bien, John. Prends soin de toi.

— Toi aussi. Amuse-toi bien à ta réception familiale, avec les gosses de riches du pays. Ne nous oublie pas cet été, quand tu seras sur ton yacht aux Maldives.

— Saint Bart, en réalité, répliqua-t-elle avec sérieux. Heureusement, ça ne durera pas éternellement, je serai de retour à Londres bien assez tôt. Quant à ce soir, ça va encore être ennuyeux à mourir, mais il faut souffrir pour être riche !

Ils explosèrent de rire, et se séparèrent sur ces bonnes paroles, se souhaitant le meilleur pour l'été, et attendant la rentrée pour se retrouver.


Des éclats de voix filtraient de sous la porte devant laquelle John se tenait. Il avait dû résister pour ne pas aller se coucher immédiatement en rentrant chez lui, mais après une douche chaude, rasé de près et bien habillé, il avait été plutôt motivé pour sortir s'amuser un peu, et il était passé chercher Neil.

Mais sur le pas de la porte de son appartement, il entendait des cris en provenance de celui-ci, et se demandait ce qui se passait.

Il sonna encore une fois, frappant en plus du poing sur le battant, pour qu'on l'entende. La porte s'ouvrit soudain, révélant la silhouette de Phyllis, colocataire et amie de Neil.

— John, salut ! Je suis pas sûre que ça soit le bon moment, Neil et Janis se disputent... avoua-t-elle, gênée.

— On devait sortir... la soirée est sans doute déjà commencée, précisa-t-il après un coup d'œil à sa montre.

Non pas que l'horaire risquait de gêner quiconque. Personne n'arrivait jamais à l'heure, de toute manière.

— Qu'est-ce qui se passe ? demanda-t-il ensuite.

Phyllis se passa la main dans les cheveux, gênée. Elle avait toujours apprécié John, et elle ne comprenait pas comment Neil pouvait s'engueuler avec lui, qu'elle trouvait systématiquement gentil et compréhensif, même quand sa coloc abusait un peu. Mais là, c'était une affaire de famille.

— Elle a surpris Janis en train d'embrasser sa copine indienne, avoua-t-elle. Celle qui venait souvent à la maison.

John attendit la suite, mais elle ne dit rien de plus.

— Et alors ?

Phyllis fronça les sourcils.

— Bah, elle l'a embrassée, genre vraiment. Elles se roulaient des patins dans le salon, elles pensaient qu'elles étaient seules. C'est sa copine, genre sa petite copine.

John ne voyait toujours pas le problème, à part le respect de l'intimité des autres qui empêchaient d'être trop expansifs dans un lieu public.

— Oui, et alors ? Je l'avais croisée l'autre jour, c'est une gentille fille. Où est le problème ?

Phyllis le regarda, abasourdie. Elle avait naturellement pris le parti de sa meilleure amie, qui était totalement contre cette relation, sans y réfléchir par elle-même.

— Laisse-moi entrer, ordonna John sans lui permettre de répliquer, s'introduisant dans l'entrée et se dirigeant aussitôt vers le salon, d'où provenaient les cris.

Les trois femmes qui se trouvaient là s'arrêtèrent instantanément de parler à son entrée. Neil avait l'air furax, sa sœur était dans le même état, et la jeune femme que John avait aperçue plus d'une fois était rouge de honte et au bord des larmes. Ça acheva de totalement l'énerver. La pauvre n'avait rien demandé, et certainement pas à se retrouver dans ce mélo familial.

— John ! s'exclama Janis avec soulagement. Quel plaisir de te voir ! Tu peux l'emmener avec toi et la garder pour toujours parce que je ne veux plus jamais la voir !

— Salut... Je suis pas sûr que ça soit une option. Ça reste ta sœur.

— C'est à débattre, ça, grinça Neil en s'approchant de John.

Manifestement, sa colère à l'égard de sa sœur avait supplanté tout le reste, et elle embrassa rapidement John, du bout des lèvres, heureuse de le voir.

— Je vais chercher mes affaires et on y va, j'ai pas envie de rester ici, de toute manière, lança-t-elle avec un regard noir à la copine de sa sœur.

John soupira, la retint par le bras.

— Mais c'est quoi le problème, exactement, là ?

— Neil est une grosse connasse, répliqua Janis.

— Janis est une détraquée pervertie par celle-là, là. Et elle refuse d'entendre raison, attaqua Neil aussitôt.

La violence des propos de sa petite amie fit chanceler John. Bien sûr, il avait plus ou moins compris que l'homosexualité de sa petite sœur qu'elle venait de découvrir lui posait souci, mais il n'avait pas cru que ça pouvait être à ce point. Le dégoût dans son regard, dans sa voix, tout lui rappelait les gens qui avaient tenté de briser sa sœur, quand elle s'affichait le cœur battant et le regard fier avec des filles. Ça lui rappelait son père, surtout. La haine dans sa voix, ce refus de considérer Harry comme sa fille. Ses menaces, le bruit de sa ceinture, la douleur des coups. Tout se mélangeait un peu dans sa tête, car son père ne l'avait jamais frappé parce que sa grande sœur aimait les filles, et Richard Watson n'avait frappé Harry, pour autant que John en savait, mais dans tous les cas, il trouvait la sensation désagréable. Il avait la chair de poule, il se sentait glacé et le cœur au bord des lèvres.

— Je ne vois pas où est le problème, répéta John d'une voix glaciale, ôtant sa main de celle de Neil qui venait de la prendre.

Sa copine ouvrit des yeux ronds, manifestement surprise qu'il ne partage pas son point de vue sur la question.

— Pardon ?

— Je le savais parfaitement, je les avais croisées y'a quelques temps ensemble. Et je le redis, je ne vois aucun problème à cette situation.

Le soulagement dans le regard de Janis était tellement perceptible que c'en était presque douloureux à voir. Sa copine avait relevé la tête, elle qui gardait le regard baissé et honteux.

— Ma grande sœur est lesbienne, et très heureuse en couple, pour autant que je le sache. Et c'est très bien comme ça.

— Mais... mais... bafouilla Neil. Enfin, ce n'est pas... normal !

— Si elles sont amoureuses, pourquoi ce ne serait pas normal ? Tu choisis de qui tu tombes amoureuse, toi ? Tu veux un truc pas normal ? Ce qui n'est pas normal, c'est mon père, qui a juré de tuer ma sœur si elle revenait à la maison. Mon père qui a juré de ME tuer si je ne lui disais pas où est partie ma sœur quand elle a fugué. Ce qui n'est pas normal, c'est que je ne sache pas où se trouve ma sœur et que je ne cherche pas à le savoir, parce que ça me met en sécurité et évite ainsi que mon père mette ses menaces à exécution. Parce qu'il en serait capable. Ce ne serait pas la première fois qu'il essayerait. Il a essayé toute mon enfance.

John exagérait sans doute, parce que son père n'avait jamais réellement essayé de le tuer durant l'enfance, il en avait conscience aujourd'hui. La première fois qu'il avait reçu des coups, il avait cependant bien cru que ça arriverait. Il avait appris avec le temps que c'était juste de la violence, sans intention de blesser, aussi paradoxal que cela soit.

Mais l'air horrifié de Neil valait bien ce mensonge. Elle n'était pas la seule à avoir l'air terrifié. Les trois autres femmes de la pièce étaient dans le même état.

— C'est ça, que tu veux devenir ? continua-t-il sur le même ton polaire. Ta sœur est heureuse en couple, ta seule réaction devrait être de la féliciter et l'embrasser avec joie, pas de l'engueuler.

— Je... bégaya Neil.

Toutes les autres conservaient le silence.

— Désolé pour ce soir, mais tu vas devoir changer tes plans. J'ai pas très envie d'aller à cette soirée avec toi, à vrai dire.

Il hésita à poursuivre. La voix de Sherlock s'éleva dans son esprit, le traitant de lâche. Il pouvait même le voir lever les yeux au ciel en râlant.

— En fait, je pense même que c'est mieux qu'on ne se voit plus du tout, poursuivit-il finalement en essayant d'adoucir sa voix.

Il n'avait pas envie d'en rajouter à la peine de Neil, dont les yeux se bordèrent aussitôt de larmes. Son début de soirée avait été déjà bien mouvementé, et rompre en public n'était jamais une bonne chose, mais il trouvait encore pire de faire comme si tout allait bien et d'aller à la soirée ensemble, pour mieux rompre le lendemain matin ou le soir même.

— J'ai réellement apprécié notre temps ensemble, Neil... Mais je crois qu'on prend des chemins différents. C'est mieux d'en rester là. Je suis désolé.

Il avait baissé la voix, pour qu'elle soit la seule à l'entendre, tandis que les autres avaient pudiquement détourné le regard. Phyllis était carrément partie en direction de sa chambre, refusant de prendre part une seconde de plus à tout ce drame de la soirée. La seule chose qui empêchait Janis et Kamala de faire de même, c'était que John bloquait la sortie, elles ne pouvaient pas passer.

— Je suis désolé, répéta John.

Il aurait voulu tendre la main, la consoler, mais considérant qu'il était celui qui humidifiait ses yeux, il n'en avait plus le droit. Elle le regardait avec un air hébété. Ses pupilles brillaient de toute l'eau contenue, mais elle ne pleurait pas. Elle avait plutôt l'air abasourdi, ce que John trouvait assez bizarre. Ce n'était pas comme s'ils n'avaient pas vu venir leur rupture, l'un et l'autre.

Il n'était pourtant pas désolé de la décision qu'il venait de prendre. Désolé de la faire souffrir, assurément, mais pas de sa décision. Outre les différents problèmes en amont, il ne pouvait pas envisager une seule seconde de rester avec quelqu'un repoussant à ce point sa propre sœur qui avait eu le simple tort de tomber amoureuse de la mauvaise personne à ses yeux.

— Casse-toi, connard, articula soudain Neil. Je veux plus jamais te voir.

John encaissa. Il n'était pas certain d'avoir mérité l'insulte, mais il comprenait la colère, et fit volte-face sans attendre qu'elle se répète. Il avait toujours ses chaussures et sa fine veste d'été, il n'avait qu'à repartir comme il était venu.

Sur le seuil, cependant, il se retourna quand même, pour adresser des derniers mots aux femmes qui l'avaient accompagné dans l'entrée et qui le suivaient du regard.

— Janis, félicitations, je suis ravi pour toi. J'espère que vous serez heureuses, déclara-t-il, parce que la jeune femme avait besoin d'entendre au moins une fois dans la soirée que quelqu'un ne condamnait pas totalement son couple. Neil, je te souhaite de trouver le bonheur également.

Il était sincère. Mais son ex-petite amie n'était clairement pas d'humeur à le comprendre, et il s'enfuit rapidement dans l'escalier de l'immeuble avant qu'elle ne poursuive la litanie de noms d'oiseaux qu'elle avait entamé.


La soirée fut maussade. John n'avait plus aucune velléité d'aller à la soirée promise, a fortiori puisqu'il n'était pas vraiment invité, sans sa copine, mais il se fit violence pour y faire une apparition, comme il l'avait promis à ses amis. En le voyant abattu et le regard maussade, sans la jolie et pétillante Neil à son bras, ses amis firent les liens tout seuls. Ils lui collèrent une bière dans les mains, et lui promirent qu'il allait passer la meilleure nuit de sa vie et oublier tout ça.

Leur bonne humeur, totalement proportionnelle au nombre de verres qu'ils ingurgitaient, finit par dérider John. Lui-même ne but pas plus que deux bières, mais les voir totalement se lâcher avait quelque chose de réjouissant. Alec attirait pas mal de regards et n'en rendait aucun, concentré sur John pour qu'il aille mieux, Mike parvenait à faire rire Sara sans difficulté, et leurs regards en disaient longs sur les sentiments qu'ils commençaient à se porter. À un moment donné, Peter et Caitlin oublièrent totalement qu'ils cachaient leur couple à leurs amis, et s'embrassèrent à pleine bouche sur la piste de danse, devant tout le monde, provoquant l'hilarité d'Alec, et l'incompréhension de Mike, qui n'avait absolument rien vu venir.

John s'apprêtait à lui dire que c'était évident depuis des semaines quand Sara le coupa.

— Oh s'te plaît, même moi je m'en étais rendue compte, et je traîne pas tout le temps avec vous pourtant !

Cela ne fit que renforcer l'hilarité d'Alec, et John l'accompagna dans son fou rire, tandis que l'heureux couple, innocents, continuait de se bécoter avec passion.

John rentra tôt, quand la soirée commença à devenir intéressante de l'avis des autres. Il avait son compte de sociabilité. Ils s'étreignirent, se promirent de s'appeler et s'écrire durant l'été, se souhaitèrent de bonnes vacances et au plaisir de se retrouver à la rentrée.


John déboucha dans la nuit d'été londonienne, plus fraiche que prévue, et commença à marcher machinalement. Il n'y avait bientôt plus de métro, mais il s'en fichait. Il connaissait les rues par cœur, maintenant. Pas comme l'espèce de fou qui lui tenait lieu de meilleur ami, mais suffisamment bien pour marcher machinalement. Et savoir que Thomas, l'hôte de la soirée qui vivait dans un hôtel particulier dans les beaux quartiers, vivait à côté de chez Sherlock. John aurait pu se presser, attraper le dernier métro, et rentrer chez lui, dans son studio. Il ne l'envisageait pas une seule seconde. Il avait envie de se sentir chez lui, et ce genre de sentiments, c'était la chambre en désordre de Sherlock qui ne lui provoquait.

— Je ne t'attendais pas si tôt, commenta Sherlock quand il entra dans sa chambre, une demi-heure plus tard.

John avait utilisé sa clé, et constaté l'absence de Mycroft, probablement à la réception de Judith. Comme prévu, Sherlock ne s'y était pas rendu, lui.

— Ravi de ne pas être aussi prévisible que le reste du monde à tes yeux, le taquina John en traversant la chambre en pilote automatique. Faut que je continue de garder une part de mystère si je veux continuer à t'intéresser.

Il se laissa tomber sur le lit, de son côté. Le simple fait qu'il ait un côté du lit aurait dû l'alerter. Il se déshabilla machinalement, plus fatigué par la soirée, l'alcool, les émotions et le bruit qu'il ne l'avait cru.

— Tu n'es jamais prévisible, pour moi, murmura Sherlock.

John ne l'entendit pas vraiment. Il dormait déjà à moitié.


— Tu as l'air surpris.

John reporta son attention sur Sherlock, qui marchait à côté de lui. Ils venaient d'arriver dans le petit village d'enfance de son ami, après avoir pris le métro londonien, le train jusqu'à la grande ville la plus proche, un bus de campagne, et finalement marcher à travers le village pour atteindre la maison de ses parents, en bordure. Derrière elle, il n'y avait que la forêt et la lande avoisinante. John n'avait rien réclamé, mais avait été surpris. Au vu de la maison de Mycroft, il se serait plutôt attendu à une voiture avec chauffeur à la sortie du train. Comme toujours, Sherlock avait déduit ses pensées et expliqué que son prétentieux arrogant grand frère ne venait que dans sa voiture avec chauffeur, et ne s'abaissait même pas à prendre le train. Mais Sherlock s'en fichait éperdument, lui.

John avait haussé les épaules. Il était capable de porter ses valises, et n'avait jamais eu le réflexe d'appeler un taxi, alors ça ne l'avait pas dérangé.

Néanmoins, la petite maison avec son petit jardinet devant et sa clôture de piquets toute simple le surprenait. Ce n'était pas là où il avait imaginé grandir son ami. Et cette fois, cela n'avait rien à voir avec les manières de snob de Mycroft Holmes ou sa maison ultra sécurisée. C'était quelque chose de plus diffus, dans le comportement de Sherlock, de Mycroft. Cette espèce d'aura noble qu'ils véhiculaient avec eux, qui disait « je parle douze langues et sait manger avec huit fourchettes, douze verres et quatre assiettes depuis que j'ai cinq ans, j'ai appris à nouer une cravate et un nœud papillon en même temps que mes lacets, et je déjeune avec la famille royale tous les dimanches à midi ». John extrapolait un peu, mais il s'était attendu à quelque chose de moins modeste.

Les propos qu'avait tenus Judith allait également dans ce sens. Il n'avait jamais vu la maison de la jeune femme, ni ses parents, mais le peu qu'elle avait laissé échapper de sa vie indiquait très clairement de quel côté du curseur social elle se situait.

Et puis elle avait bien dit que les parents Holmes ne venaient pas aux réceptions londoniennes, parce qu'ils devaient être « chez eux, à Musgrave ». John avait retenu les mots sans les comprendre. Il avait cru que Musgrave était le nom du domaine familial des Holmes, comme Judith semblait en avoir dans son patrimoine. Mais cette petite maison de campagne n'était pas un domaine. Ça paraissait surprenant de lui donner un nom, et il n'y avait pas d'armoiries gravées sur la façade ou ce genre de choses auxquelles il se serait attendu.

— Je pensais pas que t'avais grandi là, à vrai dire, répondit-il en franchissant le portillon du jardin avec Sherlock. Ça colle pas avec... tout ça.

Il désigna de la main Sherlock, manquant de se déséquilibrer à cause du sac qu'il avait à l'épaule et qui glissa dans l'entreprise. Sherlock le regarda chanceler d'un air désabusé.

— Il n'y a que Mycroft qui est snob, dans la famille.

— Ça n'a rien à voir, Sherlock. Tes parents sont riches, ne le nie pas.

— Certes. Il semblerait. Cela reste un concept assez flou.

— Tu comprends que je me suis attendu à un truc plus grand. Avec des domestiques, et des nurses pour s'occuper de vous, des trucs comme ça quoi !

Sherlock leva un sourcil, ce qu'il parvenait à faire de manière très aristocratique, du point de vue de John, tout en introduisant une clé dans la serrure de la porte.

— Nous avons eu des jeunes filles au pair, durant la petite enfance, parce que mes parents travaillaient tous les deux. Mais jamais de domestiques. Nous ne vivons pas dans un roman du XIXe siècle, John, se moqua-t-il. Mes parents sont parfaitement normaux.

Ce fut au tour de John d'avoir une mimique dédaigneuse. Ses parents n'étaient pas du tout normaux, ou du moins pas sa mère. John avait insisté pour pouvoir l'appeler. Sherlock avait cru que le faire lui-même le délivrerait de la promesse qu'il avait faite à John, mais ce dernier avait été inflexible. Ça n'avait rien à voir avec la confiance qu'il avait en Sherlock, et il le croyait quand ce dernier disait avoir appelé sa mère. Mais il voulait le faire, pour se présenter, pour être un gentil garçon, poli et bien élevé. Sherlock avait cédé, et John avait appelé Mrs Holmes, un soir.

S'il devait être honnête, il reconnaissait qu'il s'attendait à un dialogue digne de ceux qu'il avait avec Mycroft, tout en sous-entendus et manières bizarres, mais il n'en avait été rien. Avec joie et bonheur, la mère de son ami lui avait dit être absolument ra-vie que Sherlock amène un ami tout l'été, qu'elle se ferait un plaisir de le recevoir, qu'elle refusait d'entendre parler de paiement de quelque sorte que ce soit, et qu'elle espérait qu'il aimait les maths, la sociologie et le fromage français.

Jusque-là, John lui trouvait des airs de grand-mère gâteau, bien que n'ayant aucune idée de son âge. La fin de ses propos l'avait plutôt surpris. C'était ainsi qu'il avait appris dans la foulée qu'elle était chercheuse en mathématiques appliquées ET théoriques, qu'elle publiait des bouquins de maths, était reconnue dans le monde entier, gagnait des prix, était anoblie, et qu'en vertu de ses origines, elle mangeait du fromage français, du vrai, qu'elle faisait importer de l'autre côté de la manche, entre autres produits alimentaires, au demeurant.

— Et la sociologie ? avait bafouillé John, un peu assommé par les informations.

— Ça ? C'est mon mari. Et l'horticulture, également. Il adore parler d'horticulture.

John était ressorti de la conversation lessivé, et intimement persuadé que non, les parents Holmes n'étaient pas ordinaires, et probablement à la hauteur de l'intelligence de leurs deux rejetons.

— Normaux pour nous, si tu préfères, soupira Sherlock en réponse à son œillade. À mon sens, tout cela est parfaitement normal. C'est ce que j'ai connu toute ma vie durant.

John lui avait déjà expliqué qu'ils n'avaient pas eu la même enfance. Celle de John avait connu des cris, des coups, et de l'alcool, un certain manque d'argent, et rarement des félicitations quand il ramenait des bonnes notes de l'école. Celle de Sherlock avait débuté avec des livres du sol au plafond, qu'il avait commencés à lire et apprendre par cœur à l'âge de trois ans, et des conversations avec des adultes, sur des réflexions scientifiques, dès son plus jeune âge. Le seul point commun, c'était que Sherlock n'était pas davantage félicité sur ses bonnes notes à l'école, parce qu'on trouvait ça parfaitement normal chez eux. De toute manière, le petit génie avait rapidement eu des problèmes, et les bonnes notes n'avaient pas duré.

De fait, John lui avait déjà patiemment expliqué que le fait qu'il considère son enfance comme la norme, et supposait que tout le monde avait vécu comme lui le rendait encore plus arrogant. Lentement mais sûrement, Sherlock apprenait sa leçon.

Et voilà ! annonça Sherlock dans une langue étrangère que John devina être du français. Bienvenue à la maison !

John pénétra dans la petite maison de campagne, avec un large sourire.


Prochain chapitre le Me 05/03/2025 !

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