Lys-Rose et pluz : Merci beaucoup !
Chapitre 4 : Rosings Park
Un carrosse, traîné par deux chevaux immaîtrisables, allait à une vitesse dangereusement élevée sur une route. Le cocher, en pleine détresse, semblait avoir d'immenses difficultés à calmer et à contrôler ses chevaux. Darcy vit son conducteur : Elizabeth… ! Il voulut lui venir en aide mais son corps était paralysé. Elizabeth était seule, sans personne d'autre dans la voiture qui effectuait une course folle. La route était coupée à quelques mètres de là, menant directement sur un ravin au fond duquel le carrosse menaçait de finir à ce rythme-là. Darcy cria pour avertir Elizabeth mais à son grand désespoir? aucun son ne sortit de sa bouche. Ni elle ni les chevaux ne semblaient se rendre compte que cette route était coupée. « Elizabeth ! Non… ! » cria Darcy désespérément une deuxième fois mais en vain, il demeura muet… Elizabeth se dirigeait vers une mort certaine…
Haletant et transpirant, Darcy se réveilla soudainement de son sommeil, le libérant du cauchemar qu'il venait de faire. Il vérifia son corps et en ressentit un grand soulagement. Elizabeth était saine et sauve. Il se laissa aller sur son oreiller un instant et poussa un soupir en fermant les yeux.
Rien n'avait changé. Il était encore coincé dans le corps d'Elizabeth… A peine il avait rouvert les yeux et s'était remis de ses émotions que Mrs. Luhn intervint et, avec l'assistance active de celle-ci, l'aida à se déshabiller en lui recommandant qu'un bon bain chaud ne lui ferait que du bien et « la » soulagerait de sa fatigue.
En quelques minutes, Darcy se retrouva installé sagement dans sa baignoire avant qu'il ne comprenne ce qui lui arrivait, avec la poitrine généreuse d'Elizabeth qui flottait à demi dans l'eau sous ses yeux. Ses efforts à préserver la pudeur d'Elizabeth étaient dérisoires. D'un instant à l'autre, l'angoisse causée par le cauchemar avait fait place à un vigoureux désir. Il était privé de ses attributs masculins sans cela Mrs. Luhn serait témoin de l'émoi qui bouillonnait à l'intérieur de lui. Il s'accoudât sur le bord de la baignoire, la main sur la bouche. Il n'avait pas imaginé une telle disposition même dans ses rêves les plus secrets.
Après qu'il se fut préparé pour la journée, il tenta de calmer ses ardeurs en prenant le roman sur la table de chevet d'Elizabeth. Il le feuilleta furtivement, découvrant un aperçu du genre de littérature qu'Elizabeth Bennet lisait à ses heures perdues. Il parcourut quelques pages lorsqu'il tomba sur un papier mi- plié où il reconnut instantanément sa propre écriture. C'était la missive d'explication qu'il avait donné à Elizabeth l'avant-veille. Il la considéra un instant, referma le roman et le mit dans le tiroir. Que signifiait et à quoi rimait cette mascarade ? Quand allait-il récupérer son corps ? Il ne pouvait tout de même pas rester dans cet état éternellement…, ses obligations l'attendaient.
C'était ainsi qu'Elizabeth, en prenant son bain, découvrit ce matin-là pour la première fois, et malgré elle, l'anatomie du corps d'un homme dans toute sa splendeur sous la vue du corps bien bâti de Darcy. Elle restât interdite et se sentit honteuse par respect pour elle-même et pour son futur époux si un jour elle se mariait. Elle qui était censée ne rien en connaître jusqu'à sa nuit de noce, elle était bien piégée.
Au petit déjeuner, elle tournoyait longuement sa cuillère dans son café, les yeux dans le vide. Le bruit interminable de la cuillère qui retentissait avec le contact de la tasse irrita le colonel Fitzwilliam qui était assis près d'elle.
— Allez-vous finir par boire votre café ? finit-il par dire.
Elizabeth sursauta et s'excusa. Elle dégusta le café qui avait légèrement refroidi et qui plus est, manquait de sucre à son goût. Après une gorgée elle enleva la tasse de ses lèvres en grimaçant. Ni Elizabeth ni le colonel ne remarquèrent Anne qui avait ri doucement dans son coin.
Pendant les quelques dîners qui se passaient à Rosings où les Collins et « Elizabeth » étaient invités, en se fiant à la vue extérieure, « Darcy » se montrait plus éloquent avec Charlotte et le colonel tandis qu' « Elizabeth » semblait se renfermer dans un silence obstiné. « Elle » parlait moins que d'habitude. Avec Lady Catherine qui donnait son avis sur tout, Mr. Collins qui passait son temps à faire ses louanges, Charlotte qui prenait l'habitude de converser avec « Darcy », le colonel Fitzwilliam et occasionnellement « Elizabeth », personne ne semblait vraiment remarquer cette interversion de personnalités.
Charlotte espérait vivifier l' « air grave » de « son amie » un soir où une lettre de Jane était arrivée mais sa tentative n'avait eu aucun effet convaincant.
— Lizzie ! J'ai quelque chose à vous annoncer ! lui dit Charlotte un matin pendant que Darcy écrivait une lettre. J'ai l'espoir de croire que j'attends peut-être un enfant.
Darcy répondit par un simple « Oh… ». Charlotte lui confia qu'elle n'était pas encore sûre de ce qu'elle avançait mais lui fit promettre de ne rien encore dire à quiconque. Mais ses soupçons étaient nés du fait du retard considérable de ses menstruations. Darcy pouvait presque tout entendre mais écouter Mrs. Collins lui raconter les détails de ses indispositions était le dernier sujet de conversation qu'il voulait avoir avec elle. En quelques minutes, il en connut encore plus sur les ménorragies des femmes qu'il n'en aurait sues en lisant des documentations d'une cinquantaine de pages sur le sujet.
Il se leva et s'excusa auprès de Charlotte pour sortir, jugeant qu'il en avait assez entendu. Toute cette description lui donnait la nausée. Les moments entre hommes qu'il passait avec son cousin lui manquaient. Cela faisait environ trois jours qu'il était privé de ses loisirs et qu'il vivait dans ce monde féminin où il avait du mal à se repérer.
De son côté, dans le pavillon de chasse du domaine de Rosings Park, Elizabeth apprenait pour la première fois à manier un fusil sous le regard exaspéré du colonel qui regardait avec intérêt « son cousin » rencontrer beaucoup de difficultés : D'abord Elizabeth faillit déchoir de son cheval qui marchait au pas, puis tenait son arme maladroitement et enfin pointait sa cible bien trop loin de ce qu'elle devait viser.
— Bon sang Darcy ! A vous voir, on croirait que vous n'avez jamais touché un fusil de votre vie. Je ne vous reconnais plus ! Vous feriez mieux de laisser cet équipement pour aujourd'hui au risque de tuer quelqu'un.
Sur ce, le colonel accéléra son cheval, sortit du pavillon et disparut au loin dans les bois. Elizabeth vit quelqu'un prendre son chapeau tombé à terre.
— Mr Darcy ! s'exclama-t-elle.
— Faites attention dit-il en lui tendant son chapeau. Pardonnez mon cousin, s'il savait qui se cachait réellement derrière ce corps, il se montrerait bien plus aimable à votre égard.
— Non je vous en prie. C'est moi qui m'excuse, répondit Elizabeth en prenant son souffle. Votre cousin m'a pris par surprise. J'étais là à admirer les fleurs de votre tante lorsqu'il avait surgi de nulle part sur son cheval avec les armes et votre sévère cheval de l'autre côté pour qu'on vienne ici. Jouant le jeu, j'avais voulu essayé pour voir comment manier une arme. J'espère que vous ne m'en voulez pas trop.
Darcy esquissa un léger sourire. Il prit le fusil qui était à terre et l'offrit à Elizabeth qui hésita à le prendre.
— Mr Darcy, je n'en suis pas sûre. Vous m'avez bien vu, je vais faire un malheur…
— Allez, prenez-le ! la convainquit-il avec un sourire. Je vais vous montrer.
— Non merci, répondit Elizabeth poliment.
— Je vous croyais plus courageuse que cela…, la regarda-t-il du coin de l'œil.
— Vraiment, pour ce genre de chose, ce n'est pas la peine. Il pourrait y avoir un accident. Vous oubliez que je ne suis qu'une faible femme.
— Vous avez ma force mais je ne crois pas que le problème vienne de là. Je vais vous assister. La prochaine fois, vous pourrez montrer au colonel ce dont vous êtes capable.
Elizabeth prit l'arme à contrecœur. Après tout, Mr Darcy avait une bonne raison de lui apprendre, sinon il risquait de passer pour un lourdaud aux yeux de son cousin une deuxième fois.
Il lui montra comment tenir un fusil et se mit derrière elle pour la guider avec ses deux mains.
— Arrêtez de trembler, lui murmura Darcy dans le creux de son oreille.
Elle ne s'était même pas rendu compte qu'elle grelottait. Cette position était très stressante pour Elizabeth. Elle ferma les yeux pour se détendre et bientôt elle sentit une sensation plaisante monter en elle. En ce bref moment, elle avait l'impression de retrouver son corps, avec le souffle léger de l'haleine de Darcy qui effleurait sa nuque, le contact de leurs mains et de leurs corps qui se touchaient. Un frisson agréable s'empara d'elle. Aucun d'eux ne remarqua le léger raidissement qui se faisait voir au niveau du bas ventre d'Elizabeth dans le corps de Darcy. La voix féminine qui retentissait sortit Elizabeth de sa rêverie passagère et elle rouvrit les yeux.
— Focalisez-vous sur votre cible, dit Darcy en balançant le fusil vers un oiseau qui se tenait à la cime d'un arbre.
Elle appuya sur le gadget lorsque Darcy le lui ordonna. Le bruit de l'arme retentit et l'oiseau qui avait failli être touché à quelques centimètres près s'enfuit. Ils effectuèrent quelques essais avant qu'Elizabeth ne fit une première tentative sans l'aide de son voisin.
L'instant d'après, Darcy l'assistait dans les bois à proximité du parc de Rosings pour s'habituer à son cheval à une allure lente. Il marchait près de ce dernier, les mains tenant la corde à la tête du cheval. Après quelques mètres de galop, Elizabeth voulut faire une pause et sauta maladroitement du cheval. A peine ses pieds se posèrent à terre qu'elle trébucha et tomba sur Darcy qui avait tenté de la maintenir afin de lui éviter de perdre l'équilibre. N'ayant pas assez de force pour la retenir, Darcy choya sous la pression d'Elizabeth, dos sur le sol suivi de près par elle qui s'effondra à son tour sur Darcy. Ils se retrouvaient face à face et leurs yeux se croisèrent un instant.
— Vous savez, si quelqu'un nous surprenait dans cette posture, on se retrouverait dans une situation délicate tous les deux … et je ne suis pas sûr que les conséquences qui en découleraient vous plairont, lui dit Darcy gêné.
Elizabeth se hâta de se dégager, suivie par Darcy qui montrait des difficultés à se relever. La charge d'Elizabeth lui avait donné quelques douleurs légères.
— Vous m'avez aplati… se plaignit-il d'une voix enrouée en grimaçant légèrement.
— Pardonnez-moi …! s'excusa Elizabeth en époussetant la tenue de Darcy avec sa main. Il faut dire que je ne suis pas très bonne cavalière, je suis à peine montée sur un cheval ces dernières années. Allez-vous bien ? s'enquit-elle.
— Oui…, oui…répondit-il en reprenant son souffle.
Il prit quelque chose de sa poche et lui tendit à Elizabeth.
— Une lettre vous est parvenue hier soir.
L'air d'Elizabeth se ravivait à la lecture du destinateur et elle s'assit au pied d'un arbre mais Darcy ne remarquait pas la gravité de l'expression qu'elle prenait au fur et à mesure qu'elle avançait dans sa lecture.
Le colonel Fitzwilliam qui passait par là les aperçut et les rejoignirent. Une fois assez près, le colonel démonta de son cheval pour accueillir « Elizabeth » en engageant la conversation.
De son côté, une fois sa lecture achevée, Elizabeth plia la lettre et la rangea dans la poche intérieure de sa veste puis se rapprocha de ses deux compagnons.
— Excusez-moi mais je vais rentrer.
Elle monta sur le cheval de Darcy avec, dans un premier temps, une certaine lourdeur qu'elle parvint à dépasser au soulagement de ce dernier.
— Ne souhaiteriez-vous pas rentrer ensemble avec le colonel ? s'inquiéta-t-il.
— Je ne voudrais pas forcer le colonel à rentrer s'il n'en a pas encore l'intention. Ou bien souhaiteriez-vous rentrer avec moi Richard ?
— Non, rentrez sans moi, répondit le colonel. Je vous rejoindrai plus tard.
Elizabeth commença à faire avancer son cheval.
— Soyez vigilant … en route…, lui dit Darcy en effleurant la tête de son cheval.
— Je vous remercie de votre sollicitude mais je pense pouvoir me débrouiller seule maintenant, répondit Elizabeth avec un ton qu'elle voulut naturel mais qui trahissait une certaine émotion vers la fin de sa phrase. On croirait qu'elle allait émettre un sanglot.
Après une dernière salutation de la tête à l'adresse des deux autres, Elizabeth chevauchait en direction de Rosings. Les deux personnes qui restèrent la regardèrent s'éloigner jusqu'à ce qu'elle disparut de leur champ de vision.
— Quel curieux personnage, commenta le colonel. Je me demande ce qui lui arrive. Il m'a l'air de ne pas être dans son assiette ces temps-ci. Vous avez raison de vous inquiéter pour lui.
Darcy prit congé du colonel à son tour et s'en alla marcher vers la direction du domaine d'Hunsford.
En route, Elizabeth ruminait les sombres pensées qui étaient réapparus en elle depuis qu'elle avait lu la lettre de Jane. La tristesse de sa sœur à l'égard de ses espoirs déçus de ne pas avoir rencontré Bingley à Londres se faisait ressentir dans le ton de sa lettre. Son cœur se serra.… elle n'arrivait pas à vraiment digérer l'histoire malheureuse de Jane avec Bingley. Elle en avait assez de ce cercle vicieux.
Le mieux pour elle et Jane étaient d'oublier une bonne fois pour toute ces histoires de cœur qu'elles avaient eues avec les Mr. Bingley et Darcy… Peut-être qu'au fond Bingley n'était pas un homme pour Jane. Il avait un caractère influençable et s'il n'était pas prêt à se battre pour sa sœur, alors peut-être qu'il ne la méritait pas…
A cet instant précis, Elizabeth voulait juste être auprès de Jane pour la réconforter. Au lieu de cela, elle était prisonnière de ce corps et était obligée de rentrer dans cette froide maison où il n'y avait que des inconnus. En plus, elle devait écouter Sa Grâce jaser inlassablement presque tous les soirs. Elle ne pouvait même pas voir son amie Charlotte pour lui parler. Jane lui manquait beaucoup et elle sentait la solitude lui peser terriblement.
Comme à son habitude, Elizabeth, une fois arrivée à Rosings se dirigea directement vers la bibliothèque en attendant le dîner. Elle ne s'attendait pas à croiser Anne De Bourgh dans cette pièce. C'était la première fois qu'elle se retrouvait seule avec cette dernière.
— J'espère que je ne vous dérange pas ? lui demanda Elizabeth.
— Non je vous en prie, répondit Anne.
Elizabeth s'excusa et s'installa à un fauteuil. Anne était en train de ranger des livres et elles restèrent silencieuses.
— Miss Elizabeth est passée par ici ce matin ? Je vous ai vu ensemble dans les parages.
Elizabeth leva la tête, surprise. C'était la première fois qu'elle entendait Anne engager volontairement la conversation. Elle avait une petite voix suave mais faible qui caractérisait parfaitement son état chétif. Elizabeth lui répondit par l'affirmative.
Troublée, elle ajouta :
— J'ignorais que vous étiez dans les alentours…
— Oh non Fitzwilliam, pardonnez-moi. Ne pensez pas que je vous espionnais, excusez mon indiscrétion.
— Oh ! Ce n'est pas cela…, vous auriez pu vous joindre à nous étant donné qu'on se trouvait de ce même côté…
— Je ne voulais pas vous déranger, répondit-elle simplement.
Elizabeth ouvrit la bouche pour protester mais Anne la devança et continua aussitôt sa phrase :
— Je n'ai jamais voulu aller loin. J'avais pris froid et Mrs. Jenkinson était rentrée dans le domaine pour chercher mon châle. J'ai entendu des voix et je me suis rapprochée un peu pour voir. Je suis rentrée quelques minutes après que Mrs. Jenkinson est revenue. Mère ne m'autorise pas à marcher plus d'une dizaine de minutes. Je n'étais que de passage.
Elle parlait assez peu, alors que pour presque rien, elle établissait tant d'explication, à croire qu'elle pensait avoir foulé des lieux interdits alors qu'elle était dans son propre domaine. Elizabeth se contenta d'esquisser un sourire pensant qu'elle et Darcy devraient redoubler de discrétion.
— Pourrais-je vous aider à ranger ces livres ? De nouveaux arrivages je suppose ? questionna Elizabeth essayant de détourner le sujet et de détendre l'atmosphère.
— En effet oui, je suis en train de les arranger par genre … Il me reste ceux-là… Mais je ne veux pas vous importuner. Je peux finir seule, je vous remercie.
— M'importuner ? Mais pas du tout, les livres c'est ma passion. Vous aider ne me dérange pas le moins du monde, répondit Elizabeth en rejoignant Anne. Quelle chance vous avez d'avoir une grande bibliothèque ! La nôtre est à peine le tiers de celle-ci avec des vieux livres renouvelés qu'occasionnellement, s'exclama Elizabeth tout naturellement.
Affairée dans son rangement, cette dernière n'aperçut pas l'air abasourdi qui s'était affiché sur le visage d'Anne.
— Mon cousin, auriez-vous apporté quelques aménagements à votre domaine ? Parce que si je ne m'abuse, dans mes souvenirs, Pemberley possède une bibliothèque plus immense que celle-ci ...
— La bibliothèque de Pemberley…, répéta Elizabeth. Vous avez sans doute raison… Mais je ne parlais pas de Pemberley… Je voulais dire que peu de gens ont l'aubaine de posséder une telle bibliothèque…
Peu convaincue, Anne observa avec curiosité « son cousin » discrètement. « Il » avait quelque chose d'inaccoutumé en « lui » qui ne « lui » ressemblait pas d'habitude mais qui, contrairement à l'attitude de réserve qu' « il » adoptait, mettait Anne à l'aise. Elle reprit timidement leur conversation après un moment de silence.
— Je vous ai aperçu manier une arme avec Miss Elizabeth …
Anne revint encore au sujet qu'Elizabeth voulait éviter…
—… Cela m'a rappelé un moment de notre enfance, continua Anne.
Néanmoins la curiosité d'Elizabeth fut piquée par la tournure de leur discussion.
— Vraiment ? dit-elle intriguée.
— Oui. Mais sûrement, vous ne vous en souvenez pas.
— Rappelez-le-moi.
— Cela remonte il y a environ quinze ans... Comme cette époque me paraît si lointaine …
Après un toussotement, elle reprit :
— C'était une période de Pâques comme celle-ci. Vous et Richard m'aviez appelé pour jouer ensemble. Vous m'aviez dit que comme il n'y avait aucun homme dans la famille De Bourgh et que vous et Richard vous ne seriez pas toujours là à surveiller le domaine, je devais apprendre à tenir arme en commençant avec un jouet en bois, rit-elle. Mère m'avait légèrement réprimandé en m'apercevant, me disant que c'était indélicat de ma part.
C'était la première fois qu'Elizabeth voyait un rire se dessiner sur le visage d'Anne.
Trois coups furent frappés à la porte de la bibliothèque. C'était Mrs. Jenkison qui, par ordre de Lady Catherine, les invitait pour le thé. Anne reprit son air fermé comme si elle n'avait jamais parlé, s'excusa et rejoignit le salon. Elizabeth leur dit qu'elle allait les rejoindre et se mit à s'approcher de la fenêtre pour admirer la vue un instant.
— Je savais que je vous retrouverais ici.
La voix de Lady Catherine fit sursauter Elizabeth qui se retourna. Lady Catherine s'approcha et Elizabeth l'accueillit en s'inclinant poliment.
— Vous avez beau avoir prolongé votre séjour, je trouve à peine le temps de me retrouver seule avec vous. Cette pièce semble être devenue votre repère favori… remarqua Lady Catherine.
Cette dernière prit un livre et l'ouvrit pour y jeter un œil indifférent le temps de quelques secondes. Elle le referma et le remit à sa place. Lady Catherine s'enquit de la santé de Georgiana.
Il y eut une pause avant qu'elle ne continua :
— Darcy, vous approchez de la trentaine. Il serait temps de songer au mariage ... pour votre descendance…, pour Pemberley…
Lady Catherine semblait attendre une réponse de la part de « son neveu ».
— Je vous comprends… répondit Elizabeth au hasard se sentant mal à l'aise.
— Il n'y a rien de mieux que de se marier entre membres de la famille. Vous et Anne vous vous connaissez depuis que vous êtes nés et vous voir unis était le vœu de votre mère... ainsi que du mien, continua Lady Catherine.
Elle regarda « son neveu » un instant et ajouta :
— Mais je sais qu'on en a déjà discuté …Je vous fais entièrement confiance et je sais que vous agirez dignement comme votre père vous l'a recommandé. Votre père… Quelle monumentale erreur il a fait tout de même… Je n'ai jamais compris cette admiration aveugle envers le fils du vieux régisseur… ! Quelle idée d'élever un fils d'intendant au même rang que vous… Je n'ai jamais vu cette relation d'un bon œil, et ce jeune garçon, il ne m'a jamais inspiré confiance… Et j'avais raison vu comment il a tourné aujourd'hui.
Elizabeth déglutit. Les mots de Lady Catherine l'atteignirent directement et de gros remords familiers lui revinrent et l'envahirent à cet instant.
— Enfin, heureusement que vous avez été assez perspicace pour démasquer cet homme et réparer les erreurs de votre père... Pauvre William… mort sans n'avoir jamais su la vérité sur son « protégé »…. Je l'ai mis en garde mais il n'a pas voulu m'écouter… Mais il a été du moins un excellent maitre… Paix a son âme.
Lady Catherine se tourna vers « son neveu » et Elizabeth crut percevoir un semblant de sourire très furtif sur ses lèvres.
— Je vous observe depuis ces cinq années où vous avez pris le relais de votre père. Je n'ai rien à craindre pour vous. Vous êtes un homme de devoir, brillant et responsable et qui a le sens de l'honneur. Je sais que vous êtes conscient de votre rang, de ses implications et que vous prendrez les bonnes décisions aux moments qui conviennent. Vos parents seraient très fiers de vous s'ils avaient survécu.
Elizabeth avait l'impression d'empiéter dans des histoires de famille qui ne la regardaient pas, en plus le discours de Lady Catherine lui rappelaient péniblement ses propres regrets pour sa confiance aveugle envers le maudit Mr. Wickham...
En acceptant la demande en mariage de Darcy, elle aurait déjoué le plan de Lady Catherine qui était d'unir les richesses de la famille. Elle n'osait même pas imaginer les querelles et les drames familiaux qui s'en seraient suivis. Elle savait déjà qu'il était prêt à tout défier, cette pression familiale, cette fierté, à tout sacrifier pour elle… il lui avait avoué très maladroitement avec cet orgueil qui a semblé ne jamais le quitter…
Cette situation où elle se trouvait à la place de Darcy était de plus en plus délicate. La tante de Darcy était en train de parler de choses sérieuses avec « son neveu » et il n'était pas là pour l'entendre. Peut-être qu'elle devrait recoucher sur papier ce que Lady Catherine avait dit et le remettre à Darcy. Elle renonça aussitôt à cette démarche la jugeant bizarre mais répéter tous ces propos à Darcy semblerait tout aussi bizarre. Après un remerciement, elle s'excusa pour aller rejoindre les autres pour le thé.
Plus tard dans la soirée, Darcy et les Collins arrivèrent à Rosings pour le souper. Tout le monde se retrouva comme à l'habitude dans le salon après les salutations d'usage, en attendant l'heure du repas.
— J'espère que vous vous portez bien. Vous nous avez quittés précipitamment tout à l'heure. J'ose croire qu'il n'y a pas eu de nouvelles alarmantes, s'enquit Darcy à Elizabeth.
— Non Mr. Darcy. Je tiens à vous rassurer, il n'y a aucune nouvelle qui puisse vous inquiéter. Je dirais même que les nouvelles vont bon train pour vous et que vous avez toutes les raisons d'en être enchanté.
Darcy soupçonnait le contenu de la lettre de Jane être à l'origine de ce tempérament superficiellement amène qu'elle affichait. Au fond, il sentait qu'elle était attristée. Il s'éloigna pour s'asseoir, en lui jetant de temps en temps des regards du coin de l'œil.
Après manger, Elizabeth rejoignit la salle de billard. Il lui avait fallu quelques jours pour apprendre à maîtriser l'art de tenir une queue de billard. Entre-temps elle avait habilement refusé les invitations du colonel pour des séances de jeu. Avec ce rythme, le colonel allait finir par découvrir quelque chose d'anormal chez elle. Et quand il n'était pas dans les parages, elle se faufilait dans la pièce pour s'habituer à ce jeu qui, malgré tout l'intéressait et à lequel elle avait pris goût. Ce soir-là, elle l'avait plus ou moins assimilé. Elle calma ses nerfs et se vida l'esprit en tirant sur les boules.
Le colonel rejoignit « son cousin » une bouteille de brandy à la main et une bouteille d'eau dans l'autre.
— Je suis content de vous retrouver ici. Cela fait quelques temps qu'on n'a pas pris quelques verres ensemble, dit-il en posant ses affaires sur une table basse de la pièce.
Ils commencèrent à se disputer des parties de billard. Une à deux parties plus tard, Elizabeth fut en position pour frapper une boule lorsqu'elle la vit légèrement floutée et elle en voyait désormais deux. Elle interrompit son geste et se releva pour s'asseoir sur un des fauteuils faisant face à la petite table en proposant une pause au colonel qui continuait à s'entraîner. Elle sentit le vertige et parallèlement, ressentait une légère sensation d'euphorie.
Darcy quitta le salon pour se retrouver au seuil de la porte de la salle de jeux, les bras croisés et prenant appui à l'embrasure de la porte. Le colonel l'accueillit galamment.
— Je pense que Lady Catherine vous cherche. Elle s'était demandé où étiez-vous passé tout à l'heure, dit Darcy.
— Ah oui ? répondit-il. Ce n'était pas la peine de se déplacer pour cela. Vous savez que c'est dans sa nature de vouloir savoir tout ce que tout le monde fait.
— Ce n'est rien. Je voulais me lever un peu et je suis passé pour voir ce que vous devenez, ajouta Darcy après avoir aperçu Elizabeth.
Elle était assise sur le fauteuil les yeux fermés et la tête relâchée en arrière, les deux avant-bras placés sur les deux appuis du fauteuil. Elle semblait somnoler.
— Oh ! Seriez-vous une espionne secrète de Lady Catherine ? rit le colonel.
— Qu'est-ce qu'il lui arrive...? demanda Darcy curieusement, les sourcils froncés, et en dirigeant le regard du colonel vers Elizabeth.
— Je ne saurais le dire... Peut-être qu'il est en train de méditer, commenta le colonel Fitzwilliam sans se départir de son rire.
— … Vous l'avez fait boire !?... s'exclama Darcy outré en apercevant la bouteille de brandy et le verre à moitié fini qui trônaient sur la table devant Elizabeth.
— Non… ? … C'est dans notre habitude de prendre un ou deux verres de temps en temps après le souper, expliqua le colonel surpris par la réaction d' « Elizabeth ».
— Oui je le sais …, répondit Darcy sans quitter Elizabeth des yeux.
— Vous semblez vous préoccuper de son bien-être..., dit le colonel en haussant le sourcil gauche. Ne vous en faites pas, c'est un grand garçon. Et peut-être qu'au final, il est temps pour lui d'avoir une présence attentionnée auprès de lui… un peu comme vous le faites… continua-t-il avec un sourire fin du coin des lèvres.
Darcy tiqua légèrement, doutant des sous-entendus que son cousin était encore en train d'insinuer.
— Ou peut-être qu'en fin de compte c'est vous qui avez besoin d'une présence attentionnée plus que lui…, dit Darcy.
— Oh ! Ne vous en faites pas pour moi. Finalement vous aviez raison lorsque vous avez dit que Darcy devrait se marier.
— Je ne me souviens pas vous avoir dit cela ? dit Darcy confus.
— Vous ne vous en souvenez pas ? C'était dimanche dernier avec cette grosse averse qui s'annonçait. Nous étions à la chapelle et on avait parlé de cela… Vous m'avez dit qu'il devrait se marier et après, je vous ai parlé de cet ami de Darcy qu'il avait sauvé d'un mariage imprudent. Çela ne vous revient pas ?
Bien sûr. Darcy se remémorait ce fameux dimanche d'averse où il s'était déclaré à Elizabeth après qu'il l'ait suivi à la sortie de l'église. Quelle ironie du sort, Darcy avait demandé Elizabeth en mariage juste après que celle-ci pensait qu'il devrait se marier.
— C'était donc vous ? lui demanda Darcy en réalisant entièrement le dernier discours de son cousin.
— Quoi donc… ?
— C'était vous qui avez raconté l'histoire avec Bingley, reprit Darcy.
— Oui, pourquoi…
— Pour rien…
« Je comprends mieux son éminente furie… » murmura Darcy pour lui-même.
— Eh Darcy… ! Réveillez-vous ! s'exclama le colonel qui s'était retourné vers celui qu'il croyait être son cousin mais Elizabeth ne réagissait pas.
— Veuillez m'excuser, je vais voir si ma tante a vraiment besoin de moi, finit le colonel Fitzwilliam par dire avant de s'éloigner vers le salon.
Darcy s'introduisit dans la salle de jeu et contempla Elizabeth pendant un moment. Celle-ci rouvrit enfin les yeux, sortant de sa petite sieste.
— Mr Darcy ! Je ne vous ai pas vu venir, dit-elle. Ou plutôt devrais-je dire miss E-li-za-beth.
— Combien de verres avez-vous pris…? lui demanda Darcy.
— Un quart …
Darcy la fixa doutant de sa réponse.
— D'accord un demi, plutôt un, … deux…, je ne sais plus, j'en ai peut-être atteint trois, reprit-elle.
— Ou plus ? Je pense qu'un dixième de verre vous aurait suffi amplement.
— C'est votre cousin, il est arrivé avec cette bouteille à la main, répondit-elle pour se défendre, en refermant les yeux.
— C'était juste pour digérer… avec modération.
— Je pensais qu'avec ce corps, quelques verres de plus ne feraient pas de mal… Je n'aurais pas dû sous-estimer cette boisson, en plus elle avait bon goût. J'ai toujours été convaincue que tous les whiskies étaient amers… Mais dans tous les cas, je vous rassure que je ne suis pas ivre, dit Elizabeth.
— Mais je n'ai jamais dit que vous l'étiez, répondit Darcy avec un sourire malicieux.
— Je ne suis pas enivrée, c'est vous qui l'êtes.
— Miss Elizabeth…, vous êtes … fit-il dans un murmure.
Elizabeth rouvrit les yeux.
— Que dites-vous ?
— Non.., oubliez cela…
Il s'interrompit un instant puis finalement, continua :
— Je n'ai jamais vu une femme comme vous…
— Moi non plus, je n'ai jamais vu un homme comme vous … répondit Elizabeth en refermant les yeux encore fois, tentant d'apaiser le vertige qui semblait mettre du temps à la quitter.
Darcy ne savait plus s'il devait prendre cela comme étant un compliment ou l'inverse.
— Un gentleman qui se balade dans un corps de femme, on ne voit pas cela tous les jours…, ajouta-t-elle.
Darcy émit un petit rire amusé qui fit esquisser un léger sourire satisfait à Elizabeth. C'était la première fois qu'elle entendait Darcy rire même si physiquement, ce n'était pas vraiment lui. Elle essayait parallèlement de contenir son cœur qui avait bondi et aurait voulu qu'il soit lui-même pour pouvoir voir ce schéma si rare.
Darcy prit le verre de son cousin, le remplit à moitié et en but par gorgées. Avec ce sort qui les emprisonnait et qui semblait n'être pas prêt de s'estomper, il avait aussi besoin d'un peu de remontant.
Elizabeth reprit son discours à moitié endormie.
— Il faut aussi dire que je n'ai jamais « vu » un homme tout court… avant maintenant ... Nous devrions nous mettre d'accord et nous promettre de garder le secret sans cela nous risquerons d'avoir de gros problèmes. Après tout ce n'est pas de ma faute, ni la vôtre. Presque tous les matins avec votre valet, je vous découvre en tenue d'Adam en prenant mon bain. C'est vrai que quand je dis que je n'ai jamais vu un homme comme vous, on ne peut mieux dire. Et croyez-moi, ce n'est pas pour me déplaire.
Darcy faillit s'étouffer avec sa boisson. Elizabeth parlait de ce sujet délicat si ouvertement et avec tant de naturel. L'effet de l'alcool renforçait son caractère audacieux et cela troublait et échauffait Darcy en même temps. Il rougit en souvenir de ce qu'il avait vécu lui-même : les courbes envoutantes d'Elizabeth se redessinaient à son esprit… Il secoua aussitôt la tête pour réprimer ces pensées qu'il ne devait pas avoir. Cette femme avait vraiment le don de lui faire perdre ses moyens.
Le colonel revint dans la salle l'avertir du retour des Collins et d'Elizabeth à Hunsford. Darcy prit congé de tout le monde et quitta la pièce précipitamment. Elizabeth se leva et le suivit du regard jusqu'à ce qu'elle ne le vit plus. Elle fit face à un miroir et observa son reflet en croisant les bras.
— Mr Darcy est un homme très riche, et bel homme aussi il faut le dire, admit-elle.
— Eh bien cousin, bonjour la modestie ! Je bois donc une dernière gorgée en honneur de la belle chanceuse qui saura capturer votre cœur… Et j'espère que vous ne serez pas trop discret pour la remarquer lorsqu'elle croisera votre chemin..., ajouta le colonel.
Elizabeth lui esquissa un sourire à travers le miroir d'où elle voyait le reflet du jeune homme qui était derrière elle.
— Au final quelque part, il a peut-être un bon fond. Un homme bon me diriez-vous ! Il devrait l'être, il se doit de l'être. D'ailleurs c'est vous qui me l'avez affirmé, on ne peut trouver de compagnon plus loyal que lui, dit Elizabeth.
— Qu'est-ce donc, une remise en question ? Pourquoi parlez-vous de vous à la troisième personne ?
Un ombre passa dans les yeux d'Elizabeth puis elle murmura d'une voix inintelligible :
— Je crois que l'éternité ne suffirait pas à ma mère pour me sortir ses reproches si elle savait que j'ai encore refusé une demande en mariage qui plus est avantageuse.
— Qu'est-ce que vous marmonnez encore...
— Rien.
Le colonel jeta un œil vers la bouteille de brandy afin de vérifier si « son cousin » n'avait pas tout terminé. Mais la bouteille contenait encore une quantité de liquide conséquente. Il se déplaça pour se mettre face à « Darcy » et l'examina.
— J'ai du mal à croire qu'à peine quelques verres de cette boisson à infime degré d'alcool auraient suffis pour vous émécher… Excusez-moi Darcy mais ces derniers jours, j'ai des fois eu l'impression de faire face à une petite fille fragile, dit le colonel.
— Le sait-on jamais ! Et peut-être bien que vous avez raison ?
— Vous êtes fou. Mais quoi qu'il en soit, il est plus que temps d'aller se coucher.
— Vous avez raison car je n'en peux plus de cette mascarade.
Elle souhaita une bonne nuit au colonel et rejoignit les appartements de Darcy. Elle se fit aider par le valet de chambre afin de se préparer pour la nuit et plongea dans un profond sommeil dès que sa tête fut posée sur l'oreiller.
Le lendemain dans la matinée, elle se retrouva assise sur les bords du petit pont au-dessus du lac à proximité du parc de Rosings. Sortir prendre l'air était l'un de ses moments favoris de la journée mais les souvenirs de la soirée de la veille étaient un peu vagues dans son esprit et la troublèrent. En plus, elle avait un léger mal de tête et la bouche sèche. Elle se souvint avoir joué, discuté avec le colonel et peut-être aussi avec Darcy mais elle avait l'impression d'avoir fait quelque chose qu'il ne fallait pas.
— Je savais que je vous retrouverai dans les parages.
Elizabeth reconnut instantanément sa propre voix et vit Darcy qui venait de parler s'approcher d'elle. Elle l'accueillit et le dévisagea un peu confuse.
— Qu'y-a-t-il ? lui demanda Darcy en vérifiant s'il n'y avait pas quelque chose qui n'allait pas sur « sa tenue ».
— Non rien…, excusez-moi …Est-ce qu'on s'est parlé hier soir ? demanda Elizabeth après une pause.
— On a échangé quelques mots oui, pourquoi ?
— Non, pour rien…
Darcy s'assit près d'elle en croisant les bras.
— Comment vous sentez vous ? lui demanda-t-il aimablement en souriant du coin des lèvres.
— Moyen, je dois dire...
Darcy lui tendit une banane qu'il avait apportée de Hunsford.
— Cela atténuera le malaise que vous ressentez, expliqua-t-il.
Elle la prit et la remercia. Ils restèrent silencieux à contempler le paysage verdoyant tandis que les souvenirs d'Elizabeth de la veille lui revinrent de plus en plus nets dans son esprit…
— Oh Mon Dieu, murmura-t-elle soudainement, la main à la bouche.
— Qu'est-ce qui se passe !? s'alarma Darcy.
— Rien !... Vraiment rien… répondit-elle en se levant brusquement tout en essayant de contenir vainement son agitation. Je dois m'en aller… j'ai des choses à faire … Transmettez mes respects à Charlotte. On se voit plus tard… peut-être.
Sous le regard confus de Darcy qui s'était levé à son tour, Elizabeth se précipita pour quitter le pont et retourner à Rosings en marchant rapidement.
Arrivée au domaine, elle monta dans sa chambre, referma la porte et s'y appuya, rouge de honte. Le souvenir de sa conversation avec Mr Darcy la veille lui était revenu à l'esprit où, oubliant toute forme de pudeur, elle lui avait indirectement fait comprendre qu'elle l'avait vu dénudé plus d'une fois et qu'il l'attirait. Dire ce genre de propos à un gentleman frisait l'inconvenance. Qu'avait-il bien pu penser d'elle… Sûrement pas des impressions élogieuses… Sans cette maudite « magie » rien de tout cela ne se serait produit. Leur situation était déjà extrêmement gênante et elle en avait rajouté une couche. C'est fini. La veille au soir était la première et la dernière fois. Plus jamais elle ne toucherait à une bouteille de whisky. Et elle ne sortirait plus jamais de cette pièce au risque de croiser Mr. Darcy.
