Réponses aux commentaires en mode invité :
Guest : Ah ! un homme parmi les lecteurs ? :D Merci pour votre message !
Marie110 : De rien ! c'est un plaisir de pouvoir partager et de s'amuser ensemble :D
Chapitre 8 : Londres
Cassandra Warren avait débuté son entrée dans le monde depuis quelques mois. Au tout début, presque une année auparavant, la perspective d'être présentée à la reine et d'intégrer le monde l'angoissait et l'enthousiasmait à la fois.
Elle n'avait pas tardé à découvrir qui étaient les personnes influentes de cette société mondaine. Les assemblées étaient l'occasion idéale pour voir du monde et éventuellement élargir les connaissances. Même si elle comprenait l'envie de ses cousines à trouver rapidement un époux, au fond d'elle, elle chérissait aussi ce souhait de trouver un bon mari qui lui conviendrait, mais elle n'avait pas envie de s'occuper d'un foyer tout de suite. Après tout, elle venait à peine de sortir de pension, et avait encore quelques années devant elle, et en attendant, elle profitait de sa vie de jeune fille.
En parlant de célibat, sa curiosité fut piquée par le discours de ses amies qui avaient parlé des jeunes hommes les plus intéressants de la communauté, dont Mr Darcy, qui, dit-on, était un des meilleurs partis.
Aux yeux de Cassandra, il y avait d'autres gentlemen intéressants qui mériteraient autant d'attention que lui, voire plus, seulement ils n'ont pas eu la bonne fortune d'être aussi riches. En effet, elle avait vu Mr Darcy de loin une ou deux fois pendant des assemblées. Ses amis, dont le jeune beau blond était visiblement beaucoup plus enjoué et intéressant. Et quelques minutes après l'avoir observé discrètement, tout en écoutant les commentaires de ses compagnes, Cassandra avait compris pourquoi on accordait tant d'intérêt à Mr Darcy, il était très fortuné et possédait la moitié du Derbyshire, sans cela il était un gentleman de ce qu'il y a de plus banal, pensa Cassandra.
Et presque une année plus tard, elle était à Londres pour participer à sa deuxième Saison. Elle n'était pas tout aussi excitée comme elle l'était pendant la première mais cela ne lui déplut pas moins. C'était l'occasion pour renouer avec le cercle de connaissances rencontrées l'année dernière.
Des semaines auparavant, elle avait appris que le frère de son père était le professeur de langues modernes de la jeune Miss Darcy. Mr Warren raconta à sa nièce que Miss Darcy était une élève habile et appliquée. Mais il était largement mieux si les langues étudiées théoriquement pendant des années étaient autant pratiquées au quotidien. Ainsi, avec l'autorisation des tuteurs de Georgiana et ainsi que de Mrs Annesley, il demanda à Cassandra si elle était intéressée pour pratiquer les langues modernes à l'oral avec elle. De plus, Cassandra était l'aînée de Georgiana de juste de quelques années, elles pourraient sympathiser et devenir amies.
Cassandra accepta naturellement et fut présentée. Elle ne qualifierait pas les manières de sa nouvelle connaissance comme étant de l'hautaineté, comme on pourrait se laisser croire aux premiers abords, mais plutôt comme de la réserve. Mais plus elle avait passé du temps avec elle et plus elle apprit à l'apprécier et à la comprendre. En effet, le caractère doux et calme de Georgiana Darcy changeait un peu des compagnies à lesquelles Cassandra avait l'habitude : des femmes qui jacassaient, et toujours prêtes à se jeter sur le premier bon parti qu'elles voyaient. Au moins avec Georgiana, elle avait des conversations qui ne tournaient pas autour des hommes, de commérages ou de chiffons, et ce n'était pas pour la déplaire, au contraire.
Un après midi, Cassandra rencontra à Darcy House les deux tuteurs de Georgiana qui venaient d'arriver récemment à Londres. Elle fit la connaissance du colonel Fitzwilliam et de « Mr Darcy » qui se montrèrent tous les deux aimables. Elle dut reconnaître qu'avec le sourire avenant et le visage moins tendu que « Mr Darcy » était en train d'afficher, « il » gagnait à être mieux apprécié.
Le colonel Fitzwilliam se renseigna sur Miss Warren auprès de Mrs Annesley qui lui apprit que la jeune fille était une compagnie appropriée pour Georgiana, agréable, bienveillante et modérée. Les dires de la brave femme furent confirmés par Elizabeth qui ne tarda pas à vite apprécier Cassandra. Elle découvrit des points communs avec elle, comme le goût de la lecture. Elles se retrouvèrent pour les jours qui suivirent, à avoir de longues discussions sur la littérature, entre autres choses.
Elizabeth ne se souvenait même plus pourquoi elle était si angoissée de faire ce séjour à Londres puisque quelques temps après son arrivée, elle trouvait que l'endroit était divertissant, surtout lorsqu'on était dans la peau d'un homme indépendant. En effet, Elizabeth se sentait avoir vraiment plus de libertés et plus d'accessibilités qu'elle n'avait lorsqu'elle était elle-même.
Et pour commencer, elle avait découvert Darcy House : un joli bâtiment qui reflétait bien la classe sociale et la richesse de son propriétaire. Puis elle avait rencontré Georgiana dont le caractère, à première vue, était loin de ce qu'on lui avait laissé croire. Celle-ci fut particulièrement ravie de revoir son frère et son cousin. Dans les jours qui suivirent, Elizabeth s'attacherait vite à Georgiana, d'autant plus que cette dernière croyait qu'elle était son frère, avec qui Georgiana agissait naturellement, sans cette réserve envers les gens qui ne leurs sont pas familiers, caractère commun de la fratrie Darcy.
La jeune fille lui apprit que les Bingley étaient partis pour quelques jours à Bath.
— Encore heureux, car je n'ai aucunement envie de les voir…, commenta Elizabeth.
Georgiana fut surprise par la réaction de « son frère », elle s'attendait à une réaction plutôt opposée.
Elizabeth découvrit bientôt les allégresses et les avantages d'être dans la peau d'un homme aisé. Avec le colonel, elle croisa des connaissances de Mr Darcy, qui étaient tous de parfaits étrangers aux yeux d'Elizabeth. Il était probable que dans cette ville, Mr Darcy adoptait un comportement différent de celui qu'il avait à Hertfordshire, puisqu'il était dans son monde ici, et vu comment les jeunes femmes se montraient vraiment particulièrement enchantées de le voir passer à Londres en cette période de la Saison…
Dans tous les cas, Mr Darcy restait encore l'homme le plus incernable qu'elle n'ait jamais connu. Mais pour l'instant, ce qui importait, c'était qu'elle avait accès à tous les opéras et les théâtres dont la haute société avait le privilège de pouvoir assister. Elizabeth découvrit aussi le monde des hommes de cette même communauté par l'intermédiaire des clubs que Mr Darcy et le colonel côtoyaient. Elle put s'amuser à les observer, et put découvrir de quoi ces gentlemen se parlaient dans l'intimité de leur club. Et même si elle aurait préféré ne pas entendre certaines conversations…
Elle entendit par hasard un jeune gentleman - si on put l'appeler ainsi – visiblement poursuivi par sa conscience, racontant à son ami ses débauches amoureuses, lors de ces voyages d'affaires, tandis que sa femme restait à la maison avec leur jeune enfant. Certains hommes, quel que soit leur classe, se laissaient aller aux tentations causées par leur appétit sexuel.
Les pensées d'Elizabeth allèrent aussitôt vers ses quatre sœurs et elle-même. Si cela ne tenait qu'à elle, elle aurait souhaité que toutes fassent un mariage d'amour. Mais malheureusement, les mariages d'amour n'étaient pas des choses qu'on voyait tous les jours. Ses parents, ainsi que Charlotte et son mari étaient des exemples concrets. Si ses trois petites sœurs devaient se marier, Elizabeth pria pour qu'au moins les futurs maris soient des hommes moralement corrects, ayant du respect pour la femme avec qui ils partageraient le reste de leur vie. Les hommes du genre de Charles Bingley ne courraient pas les rues de Meryton.
Que c'était réjouissant de pouvoir se promener dans les parcs de la ville sans être obligée d'être escortée. Elizabeth put enfin découvrir le quartier chic de Grosvenor Street. Elle en profita pour faire des achats, sous l'encouragement de ses deux adorables amies, Georgiana et Cassandra.
Une nuit après le souper à Darcy House, Elizabeth émit l'envie d'aller à l'opéra.
— Si vous avez parlé de bal, je vous aurai bien volontiers accompagné. Mais dans l'autre cas, je préfère rester, dit le colonel Fitzwilliam.
Elizabeth observa le ticket d'opéra à sa main en jouant avec. Les paroles du colonel signifiaient que pour la première fois de sa vie, elle allait sortir seule la nuit dans la ville animée de Londres. Décidée, elle prit sa veste et son chapeau pour sortir, pour une fois qu'elle avait l'occasion de profiter de sa situation.
Mais arrivée à l' endroit où se tenait l'opéra, Elizabeth se retrouva aussitôt perdue dans la foule. Sûrement il y a avait parmi tous ces gens des connaissances de Mr Darcy qu'elle devait au moins saluer comme d'habitude. Il lui arrivait de se faire aborder et d'échanger des banalités. En fin de compte, ce n'était pas une si mauvaise chose si Mr Bingley avait été aussi à Londres. Elle ne parvint pas à se repérer et ne trouva pas la porte correspondant à l'indication sur sa carte, menant au balcon de Mr Darcy. Finalement, elle regretta de ne pas avoir insisté auprès du colonel pour l'accompagner.
Elle ne put demander de l'assistance aux gens qui étaient occupés à converser, ou à rejoindre eux même leur balcon. Elle allait presque abandonner pour rentrer lorsqu'à son grand soulagement, elle aperçut enfin des têtes connues en la personne de miss Warren, accompagnée de son oncle. Elizabeth se fraya un chemin parmi la foule pour les rencontrer. Elle fit les salutations d'usage, en ne cachant pas son ravissement.
— Mr Warren, me permettiez-vous si je dis quelques mots à miss Warren ?
— Oh oui, bien sur, je vous en prie.
Intriguée, Cassandra s'approcha d'« elle », qui lui chuchota :
— Je suis un peu confus, mais je n'arrive pas à trouver mon balcon. Pensez-vous que vous pourriez m'aider s'il vous plaît ?
— …Mr Darcy, vraiment vous m'étonnez ! Cela devait faire bien longtemps que vous n'avez pas mis les pieds ici au point de ne pas se souvenir de votre propre balcon !
Elizabeth pâlit et réprima un rire, il était vrai que vu ainsi, c'était ridicule.
— On peut le dire ainsi, se contenta-t-elle de répondre.
— Laissez-moi voir votre carte…, votre balcon est là-bas… Mon oncle, puis-je raccompagner Mr Darcy jusqu'à sa porte une minute ?
— Je vous attends à notre place.
Joignant le geste à la parole, Cassandra guida son compagnon. Elizabeth la remercia puis Cassandra prit congé pour rejoindre son oncle. L'opéra commença sous les yeux fascinés d'Elizabeth.
Le lendemain, lorsque Cassandra arriva à Darcy House, Elizabeth ne manqua pas de lui réitérer ses remerciements. Cassandra pensa que c'était vraiment trop de louange pour un rien. Elles se mirent à parler de l'opéra et Cassandra ne manqua pas de faire remarquer à Georgiana qu'elle serait ravie d'en voir avec elle lorsque le moment sera venu.
Le dernier jour du séjour d'Elizabeth dans la ville de Londres arriva assez vite, elle allait partir le lendemain.
— Vous partez déjà, se désola Cassandra. Je dois dire que j'ai passé d'agréables journées en votre compagnie, et je suis contente d'avoir fait votre connaissance.
— Moi de même, sourit Elizabeth. Alors, vous plaisez-vous à Londres, aimez-vous la Saison ? Avez-vous rencontré de gens intéressants depuis votre présentation ?
— C'est une bonne question…La société mondaine est pareille à une… comment dire…, un ensemble aléatoire de bijoux et de cailloux enveloppés chacun d'un morceau de papier. Vu de l'extérieur ils se ressemblent tous, mais ce n'est qu'après avoir découvert le contenu qu'on tombe, soit sur un vulgaire et banal caillou, soit sur un joyau, répondit Cassandra en adressant un sourire attendri à son interlocuteur.
— Oui je vois, et je suis on ne peut plus d'accord avec vous. Moi je fais en sorte de ne plus me fier entièrement à mes premières impressions. J'ai déjà commis l'erreur de le faire plus d'une fois, et cela ne m'a pas aidé et me fait regretter... dit Elizabeth pensivement.
— Je comprends ce que vous voulez dire, et je devine sans peine vos sentiments... Moi-même, ajouta Cassandra après un léger toussotement, je connais un gentleman qui ne m'avait pas fait forte impression, mais après avoir appris à le connaître, il se trouve qu'il est un jeune homme tout à fait charmant… répondit Cassandra en regardant avec admiration son interlocuteur.
Vers l'après-midi, Cassandra se prépara pour prendre congé. Elle fit ses adieux à Georgiana, le colonel et Mr Darcy, dont elle ne sut quand elle les reverrait.
— Je me demandais si vous irez à l'assemblée de Snowley House ce soir ? questionna-t-elle en s'adressant au colonel et à Mr Darcy.
— Oui, peut-être, on verra, répondit Elizabeth.
— Je serais ravie de vous y rencontrer, qui sait, peut-être, nous tomberons sur de nouveaux joyaux… répondit Cassandra en faisant un clin d'œil à « Darcy », tandis que le colonel se trouva fort amusé. A ce soir peut-être, sinon je vous souhaite à tous un bon voyage, dit Cassandra avant de partir.
Le colonel alla vers la fenêtre de l'étage où ils étaient pour voir Cassandra s'introduire dans son carrosse garé au bord de la rue.
— Miss Warren est une jeune personne tout à fait charmante, n'est-ce pas ?
— Oui je l'aime beaucoup, commenta Elizabeth.
— Voyez-vous cela, c'est ce que je me disais aussi. Alors je suppose que nous irons à cette soirée ?
— Je ne suis pas contre, d'autant plus que c'est ma dernière nuit, je n'ai pas encore assisté à des assemblées de ce genre…, je veux dire… pendant ce séjour.
— Bon alors, à ce soir, termina le colonel en posant ses deux mains sur l'épaule de son cousin, avant de quitter la pièce.
La nuit venue, dans sa chambre de Warren Lodge, Cassandra ne se rendit même pas compte qu'elle avait pris plus de temps que d'habitude pour se préparer. Elle avait choisi avec soin sa toilette, après avoir hésité entre trois robes. Quarante cinq minutes plus tard, elle arriva enfin à l'assemblée accompagnée de ses amies.
A ce même moment, Elizabeth et le colonel allaient franchir la grande porte d'entrée lorsqu'ils virent Cassandra tournoyer un peu partout dans la salle donnant accès à la salle de bal. Le colonel fit la réflexion à son compagnon sur ce que la jeune fille pouvait bien chercher. Elizabeth, en la voyant ainsi ne put s'empêcher de se souvenir du bal de Netherfield Park, où elle avait fait exactement comme Cassandra lorsqu'elle s'était introduit dans la salle. Elizabeth eut un goût amer dans la bouche, elle avait cherché Wickham cette soirée-là. Elle repoussa aussitôt ce mauvais souvenir loin de ses pensées.
Ne voyant pas l'homme qu'elle cherchait, Cassandra finit par se résigner : finalement il ne viendrait peut-être pas. Mais le visage de Cassandra s'illumina lorsqu'elle vit « Darcy » pénétrer dans la salle. Elle accueillit les deux cousins chaleureusement. Soulagée, elle alla enfin saluer d'autres connaissances.
Le colonel entraîna son cousin à son tour dans la salle de bal pour s'installer à une table. Les musiciens venaient de finir une danse et allèrent entamer une nouvelle mélodie. Profitant de ses compagnes en pleine conversation de groupe animée, Cassandra se dirigea vers les deux gentlemen, elle était pile arrivée pour entendre le colonel dire à son cousin :
— Bon. Étant donné que nous sommes là, allons danser Darcy, surtout que visiblement, ce ne sont pas les cavalières qui manquent ici.
— Il a raison. Ne dansez-vous pas la prochaine ? intervint Cassandra en se tournant vers « Darcy ».
Danser n'était pas du tout dans les projets d'Elizabeth et il n'était pas question qu'elle danse avec des femmes. Les seules filles avec qui elle avait dansé, c'étaient ses sœurs lorsqu'elles avaient appris à danser plus jeunes. Mais dans cette situation, cela serait trop bizarre. Finalement elle regretta d'avoir accepté d'aller à cette assemblée dont la principale activité était de danser.
Elle remarqua les petits yeux verts de Cassandra qui étaient encore posés sur elle, c-est-à-dire « Mr Darcy »… Elle perçut une lueur dans le regard de la jeune femme. Elle ne connaissait que trop ce regard et cela ne présageait rien de bon. C'était le même regard de Jane à Mr Bingley au bal de Meryton lorsqu'ils avaient dansé la première fois, le regard d'une femme qui risquait de tomber amoureuse si on l'encourageait dans cette voie. En même temps, Cassandra attendait une réponse à sa question.
— … Seulement sous la contrainte… répondit Elizabeth spontanément.
Abasourdie, Cassandra ne s'attendait pas à ce refus déguisé tandis que le colonel Fitzwilliam leva les yeux au ciel avant d'intervenir.
— Dans ce cas, j'espère que vous n'y voyez pas d'inconvénient si j'invite moi-même miss Warren à me faire l'honneur de danser avec elle la prochaine ? Après tout, on est ici pour danser l'invita-t-il en se levant et en tendant galamment sa main à la jeune femme.
— Oui, bien sûr, sourit cette dernière en mettant sa main dans celui du colonel, le remerciant intérieurement de l'avoir sauvé d'une situation embarrassante.
Les deux jeunes gens s'éloignèrent vers la piste tandis qu'Elizabeth se sentit gênée et ressentit une désagréable sensation de déjà vécu. Elle dansait seulement sous la contrainte, elle n'aurait jamais pensé qu'un jour, une telle phrase sortirait de ses lèvres, encore heureux, car cette bouche n'était pas la sienne. Où avait-elle appris cette phrase typique d'une personne rabat-joie ? Elle l'avait répété, comme par intuition. C'était exactement ainsi que Mr Darcy avait décliné son invitation à danser lors du bal de Meryton où ils s'étaient rencontrés. Elle ne put réprimer un petit sourire malgré elle, sourire qui ne tarda pas à se transformer en grimace.
Cassandra jeta un bref coup d'œil vers sa direction.
— Ne vous en faites pas pour mon cousin, lança le colonel Fitzwilliam. Il ne faut surtout pas vous en faire pour lui, Il ne peut juste s'empêcher de faire son numéro ajouta-t-il en prenant un air hautain et renfrogné, presque une grimace, le temps de quelques secondes pour se moquer de l'attitude de son cousin.
Cassandra éclata de rire en voyant le visage déformé de son cavalier.
— Je l'imite bien, ne pensez-vous pas ? demanda le colonel.
— Je n'irai pas jusque-là mais vous étiez à deux doigts, rit Cassandra. Mais en tout cas, permettez-moi de vous faire un conseil d'amie, ne vous forcez plus à faire cet air mauvais parce que cela ne vous va pas du tout.
Changeant de sujet, le colonel entama une conversation qui ne manqua pas d'humour à sa cavalière, qui se trouva fort divertie.
Les musiciens entamèrent les dernières notes de la danse en cours, et deux des amies de Cassandra la rejoignirent.
— Miss Warren ! s'exclama l'une des deux. Vous m'avez l'air de beaucoup vous amuser. Qui est votre cavalier ? Je ne pense pas qu'on ait déjà été présenté.
Cassandra présenta ses deux amies au colonel. Celui-ci plaça quelques mots qui montrèrent son ravissement de rencontrer les amies de Cassandra. Apercevant des amis de son club, il s'excusa pour s'éloigner et se diriger vers ces derniers.
— Miss Warren, pensez-vous que votre cavalier ou vous-même pourriez nous présenter au cousin de votre cavalier aussi ? reprit l'autre.
— Oh, si vous le voulez, répondit celle-ci en se tournant vers la place de « Mr Darcy » où elle ne « le » vit pas. Elle « le » vit s'éloigner vers la terrasse du bâtiment.
Cassandra se demanda pourquoi il lui parut moins enjoué que d'habitude, voire distant, et si l'invitation indirecte à danser qu'elle lui avait fait ne l'avait pas rebuté. Avait-elle dit ou fait quelque chose à lui ou à miss Darcy qui aurait déplu à ce monsieur ? Elle se remémora rapidement les conversations qu'elle avait eues avec les Darcy mais ne trouva pas quelque chose qui aurait pu contrarier l'un ou l'autre. Si elle ne le connaissait pas, elle l'aurait trouvé un peu grossier. Où était-il fâché ? Elle voulut en avoir le cœur net.
Elle allait lui parler mais hésita, elle ne voulut surtout pas qu'il croie qu'elle courait après lui, d'autant plus ce n'était pas du tout le cas. Elle n'était pas ce genre de fille et le pauvre avait déjà assez de femmes derrière lui qui couraient après son Pemberley et son Derbyshire.
Elizabeth, sur la terrasse, était plongée dans ses pensées, loin des bals de Londres, quelque part à Hertfordshire, puis dans le Kent, sous un temple…, lorsqu'elle sentit une présence près d'elle, et entendit une voix qui épela le nom de Mr Darcy. Elle mit du temps pour se rendre compte qu'il y avait quelqu'un auprès d'elle et que c'était à elle à qui cette voix s'adressait. Elle se retourna et vit Cassandra qui lui demanda si « Mr Darcy » allait bien. Elizabeth répondit affirmativement.
— Mr Darcy, je suis venu pour vous adresser mes plus plates excuses, se lança Cassandra.
— Des excuses… ? demanda Elizabeth visiblement surprise. Mais pourquoi donc… ?
— Si j'ai dit ou fait quelque chose que vous n'avez pas apprécié, j'en suis sincèrement désolée, c'était involontaire.
— Mais vous n'avez rien fait qui m'ait offensé ! Ne vous torturez pas avec cette idée… Mais… pourquoi pensez-vous cela ?
Pour toute réponse, Cassandra haussa juste les épaules.
— Juste au cas où… Dans ce cas-ci, je suis rassurée... dit cette dernière, pardonnez-moi, je vous ai dérangé pour rien.
— Miss Warren, c'est moi qui devrais adresser mes excuses car je ne crains que d'ici quelques instants je dois m'en aller…je devrais encore rester mais…
— Oh ! mais vous faites ce que vous voulez… ! Mr Darcy … le coupa Cassandra en faisant l'effort surhumain d'être détachée et indifférente.
Cassandra lui fit une révérence pour lui faire ses adieux en lui souhaitant poliment un bon voyage et retourna dans la salle de bal. Elizabeth la remercia en s'inclinant.
Elle se sentit mal, finalement aller à ce bal a été une très mauvaise idée. Visiblement, Cassandra s'était entichée de la personne qu'elle croyait être le vrai « Mr. Darcy », cette fausse version qui était en réalité la personnalité d'Elizabeth Bennet. Elizabeth craignit d'avoir passé beaucoup de temps plus qu'il ne fallait avec Cassandra. Elle s'était comportée naturellement en se liant d'amitié avec elle en tant qu'elle-même. Elle n'avait pas fait attention qu'aux yeux de Cassandra, elle était « Mr. Darcy ».
Elizabeth se mordit la lèvre inférieure pensant à la réaction de Darcy s'il apprenait la maladresse de ses actes. Darcy n'en saurait rien. Et s'il retrouve son corps et qu'il revienne à Londres et qu'il rencontrerait Cassandra, cette dernière se rendra bien compte que finalement, elle s'était trompée sur lui et il deviendrait l'homme distant qu'il semblait être. Elle n'aurait rien à confesser à Darcy.
Elizabeth rentra dans la salle dans le but de chercher le colonel pour rentrer, mais elle le vit en pleine danse avec une cavalière si bien qu'elle décida d'attendre que la danse en cours soit finie. Elle s'éloigna pour trouver une pièce tranquille où patienter. Elle fut ravie qu'il n'y eut personne dans la pièce qui était formée d'une table à manger d'un côté et d'un petit salon d'un autre. Ajoutés à cela, il y avait des petits meubles où trônaient des décorations qui enjolivaient la salle. Elizabeth s'installa à la table à manger. Quelques instants après, une femme rentra à son tour dans la salle sans l'apercevoir et referma légèrement la porte. Celle-ci se retourna et le vit.
— Ça alors ! Mr Fitzwilliam Darcy de Pemberley, quelle heureuse surprise ! Et moi qui cherchais un endroit calme où m'isoler, vous m'avez devancé.
Elizabeth la dévisagea : une femme de la trentaine, avec de beaux traits, une posture élégante et une toilette impeccable. Un verre à la main, elle affichait un sourire éclatant et aimable, qui la fit encore briller de beauté. Si elle était parmi la demi-douzaine des femmes de la connaissance de Mr Darcy qu'il disait être accomplies, alors celle-là devait vraiment être une femme parfaite, étant donné les critères exigeants à respecter de Miss Bingley et de Mr Darcy pour mériter le glorieux statut de « femme accomplie ».
Elles s'échangèrent les salutations d'usage. La femme s'enquit de la santé des Darcy, puis raconta l'itinéraire des voyages qu'elle avait fait avant de décider de participer à la Saison de Londres. Elizabeth dit brièvement qu'elle avait passé Pâques à Rosings Park, dans le Kent, puis, est venue à Londres pour rejoindre Georgiana.
— Cela fait des mois que nous nous ne sommes pas croisés, je suis ravie de vous revoir Mr Darcy... Mais dites-moi, que faites-vous tout seul dans cette pièce ?
— Probablement pour la même raison que vous, je cherchais un endroit tranquille pour me reposer un peu.
— Je ne sais pas du tout qui sont ces personnes mais je vous préviens juste qu'il y a deux jeunes filles qui aimeraient beaucoup vous être présentées, c'est grâce à leur murmure que j'ai su votre présence dans la salle.
— Raison de plus pour rester ici ! laissa échapper Elizabeth.
Son interlocutrice rit franchement de bon cœur tandis qu'Elizabeth reprit la parole.
— Ce que je voulais dire c'est que…
— Oh non, je vous comprends, ce n'est pas toujours facile d'être dans la peau d'un homme avec une étiquette « riche célibataire en recherche d'une femme » sur le front, rit la femme.
Elizabeth marqua une pause avant de continuer :
— Où est votre mari ? éluda-t-elle après avoir aperçu l'alliance de mariage de la femme. Avec sa question, elle put ainsi découvrir l'identité de son interlocutrice. Si Mr Darcy la connaissait, probablement il connaissait aussi son mari.
— Mr Hanley est en voyage, répondit elle froidement, changeant de ton d'un instant à l'autre, ne manquant pas d'étonner Elizabeth.
Ladite Mrs Hanley prit place à table et y posa son verre.
— … Des fois je vous envie votre célibat Mr Darcy, soupira-t-elle pensivement, après une gorgée, comme si la femme débordant de joie de vivre avec qui Elizabeth venait de faire connaissance avait laissé place à une femme mélancolique d'une seconde à l'autre.
— Vous m'intriguez Mrs Hanley, je croyais que dans ce monde, rien n'était mieux que le statut de femme mariée, commenta Elizabeth.
— Oui dans le cas des non héritières, disons, pour la forme, et la considération des autres. Mais mieux vaut être seule que mal accompagnée. Mr Darcy, faites attention à qui vous consentirez à donner la main de votre jeune sœur.
Elizabeth observa son interlocutrice tandis que cette dernière continua :
— Vous vous demandez peut être pourquoi je vous dis tout cela mais me concernant, Jeffrey me trompe avec une autre femme.
Elizabeth fut prise au dépourvu, autant par les révélations, que par la manière dont cette femme se confiait ouvertement et soudainement de choses si délicates à Mr Darcy… Malgré tout, elle ressentit de la compassion pour cette femme devant elle qui lui sourit tristement. Elizabeth émit naturellement quelques mots réconfortants :
— Vous m'en voyez désolée…
— Et pourtant je fais tout pour préserver notre couple…mais lui il ne peut s'empêcher d'aller voir ailleurs parce qu'il est trop égoïste pour ne pas le faire…
— Je ne le savais pas… parvint juste à dire Elizabeth de plus en plus mal à l'aise, cherchant rapidement quelque chose à dire pour changer de sujet de conversation, mais son interlocutrice continua ses plaintes.
— Oui je le sais, et ce sont des choses que je ne devrais pas vous raconter, et Jeffrey sait bien cacher son jeu. Et le pire c'est que pauvre femme que je suis, je n'ai même pas le droit de demander le divorce. Je suis condamnée à vivre dans un gouffre où je ne puis m'en sortir… Mais vous qui êtes en bon terme avec lui, vous devez peut être lui apprendre ce que c'est la fidélité parce qu'il me semble que c'est l'une des rares choses qu'il ne connaît pas…ajouta t-elle ironiquement.
— Je n'ai pas un instant imaginé qu'une femme de votre genre puisse se faire tromper… réfléchit Elizabeth à haute voix.
— Une femme de mon genre ?
Elizabeth regretta aussitôt d'avoir continué à parler, mais dut répondre :
— Vous avez de l'assurance il me semble, et paraît être si… Vous voyez ce que je veux dire…
— Si… accomplie ? élégante ? … heureuse ? ironisa Mrs Hanley.
Elles restèrent silencieuses un instant. Mrs Hanley continuait à boire son verre. Puis Comme si les paroles de « Mr Darcy » lui avaient redonné le moral, elle esquissa un sourire sincère en se levant. Une idée avait germé dans son esprit.
— Nous nous sommes toujours bien entendu tous les deux, soupira-t-elle, si seulement je vous avais rencontré avant Mr Hanley…
Elle s'approcha lentement d'Elizabeth et à la stupéfaction de cette dernière, Mrs Hanley posa doucement sa main sur la sienne et la caressa doucement.
Elizabeth se leva brusquement et enleva sa main de l'emprise de Mrs Hanley. Elle n'avait pas prévu cette tournure de la situation. Elle savait parfaitement qu'une femme ne devait pas faire de telle gestes, et ses paroles n'étaient pas dénuées de sous-entendus, elle ne tarda pas à comprendre ce qui était en train de se passer. Tandis que Mrs Hanley se rapprocha de plus en plus d'elle, plus que celle-ci ne le devait, Elizabeth put deviner sans peine en sentant l'odeur d'alcool de l'haleine de son interlocutrice allant directement dans ses narines, que cette femme n'était pas dans son état normal, ce qui probablement justifierait toutes ces confidences qu'elle avait fait à Mr Darcy.
Avec autorité, Elizabeth dit :
— Mrs Hanley, je crois que vous avez bu assez de punch ce soir et je vais vous laisser.
Mais cette dernière lui barra le chemin en se plaçant juste devant elle et Elizabeth dut s'arrêter.
— Vous êtes le seul qui puisse me sauver… enfin un homme qui ne me voit pas comme une charge dont on ne peut se débarrasser, réconfortez moi Mr Darcy, j'en ai tellement besoin en ce moment. Embrassez-moi…
— Croyez-moi, je suis sincèrement peinée et désolée pour ce qui vous arrive, mais ce n'est pas une raison pour ruiner ainsi votre réputation, et celle de Mr Darcy ! s'exclama Elizabeth avec une once de colère et d'indignation dans la voix. Si vous étiez vraiment son ami, vous ne lui ferez pas cet affront…
Sourde aux protestations d'Elizabeth, Mrs Hanley se rapprocha de plus en plus étroitement.
— Madame, n'avez-vous aucun respect pour votre personne et votre entourage ? Je vous préviens…
Qu'allait-elle faire pour arrêter cette femme ? Si quelqu'un les surprenait, « Mr Darcy » se trouverait dans de beaux draps. Elle ne pouvait la pousser, par crainte que tout geste brusque à l'encontre de Mrs Hanley puisse être utilisé par celle-ci, elle pourrait mentir et prétendre que c'était « Mr Darcy » qui l'avait agressée.
— Je craque, je ne peux plus supporter ma situation, Mr Darcy allez, consolez moi, juste un petit baiser… pour commencer…, je vous connais assez pour savoir que vous ne direz rien de notre petite aventure à personne…
Elizabeth recula, son dos poussa son verre à terre qui se cassa aussitôt, elle ne put plus reculer davantage, bloquée par la table derrière elle. Les lèvres de l'enivrée Mrs Hanley étaient juste à quelques millimètres d'effleurer celles de la personne qu'elle croyait être Mr Darcy...
— Par tous les Saints ! Mais que se passe-t-il ici !? retentit soudainement une voix de l'embrasure de la porte qui s'était à moitié ouverte.
