Chapitre 11 : L'Instigatrice

Quelque chose tombait goutte à goutte dans la pièce sans vie. Le sol était d'un carrelage froid et érodé ; les murs, de béton brut. Nulle lumière naturelle ne pouvait pénétrer cet antre, enfoui profondément dans les entrailles du bâtiment. Une unique lampe, suspendue au plafond au-dessus d'une table de métal, éclairait la pièce. La lumière s'estompait dans les ténèbres avant même d'atteindre les murs, donnant à l'espace lui-même une apparence infinie. Sur la table gisaient des entraves : des boucles de cuir couvertes de sang séché.

La lourde porte de la pièce s'ouvrit en grinçant. Une personne de petite taille en costume entra. Son fedora dissimulait son visage, exceptée une paire de yeux rouges qui semblaient luire dans l'obscurité. Le garçon fit un pas de côté et maintint la porte ouverte, observant un individu beaucoup plus imposant et fort en franchir le seuil. Ce nouveau venu tenait fermement quelque chose entre ses mains puissantes, quelque chose qui criait et geignait et se débattait. Avec un grognement, le nouveau venu jeta sa victime au centre de la pièce et Naegi Makoto heurta le sol de plein fouet avant de se précipiter à quatre pattes sous la table.

« Espèce de petite merde ! beugla le Coach Ultime. J'arrive pas à croire qu'il était là depuis le début ! »

Naegi s'entortilla autour d'un des pieds de la table et ferma les yeux. Pitié. Pitié pitié pitié pitiépitiépitié...

« Qu'est-ce qu'on attend ? Cassons-lui la gueule ! » s'exclama la Gymnaste Ultime. Bien que sa peau pende de sa carcasse squelettique, le poing qu'elle asséna contre son autre paume n'en restait pas moins puissant.

Naegi put sentir le pas que fit le Coach quand il décida de suivre la suggestion de la Gymnaste. Mais alors, le Yakuza Ultime l'arrêta net en disant : « Vous êtes sérieux les gars ? Vous voulez le tuer juste comme ça ?

-Il va mourir de toute façon, alors finissons-en !

-Utilise un peu ton putain de cerveau ! C'est stupide de le tuer sans en tirer avantage.

-Oui. » Cette voix calme exsudait tant de menace que Naegi fut obligé d'ouvrir les yeux. L'Infirmière Ultime le regardait avec haine, entourée d'un miasme palpable de danger. « Il a assassiné ma bien-aimée. La mort est beaucoup trop douce pour lui ! »

Ils le fixaient comme des animaux affamés. Il ne pouvait voir rien d'autre que les prédateurs qui le cernaient. Même avec ses yeux fermés, il apercevait ces yeux rouges dans les ténèbres. Il se pressa davantage contre la table ; ses mains couvertes de sueur glissèrent le long de son pied.

Une unique silhouette se détacha de l'attroupement et dégaina une épée étincelante. « Jeune Maître, que souhaitez-vous que je fasse ?

-N'as-tu pas écouté ce que j'ai dit ? J'ai dit de ne pas le tuer !

-J'en suis consciente, je voulais...

-Mais tu n'écoutes jamais, hein ? T'es putain d'inutile, Peko. Je sais pas pourquoi je prends la peine de te garder ! » Plus le Yakuza Ultime insultait sa subordonnée, plus sa voix s'excitait et jubilait.

« … Toutes mes excuses. Veuillez me pardonner, Maître. » Les yeux baissés, l'Epéiste Ultime se recula.

Kuzuryu continua d'assaillir Pekoyama d'injures alors qu'elle se retirait à ses côtés, mais il y avait d'autres lames à craindre que la sienne. Le Cuisinier Ultime faisait le tour de la table, un couteau à la main, les yeux glacés. Et ces outils de métal attachés à la ceinture du Mécanicien Ultime n'étaient pas à prendre à la légère.

« Alors, si vous voulez pas le tuer, on devrait faire quoi ? » demanda Soda en se grattant la tête avec une clé à molette.

(« C'est pour ça que tu n'es qu'un outil, Peko. Parce que tu es un gaspillage inutile de... »)

L'un d'eux fit une suggestion. C'était horrible. La seconde proposition le fut davantage. Des frissons balayaient le dos de Naegi ; ses bras s'étaient verrouillés autour du pied de table. Le monde tournoyait...

« Je veux qu'il souffre. »

L'haleine de Tsumiki contre sa nuque était aussi froide que la glace. Il se déroba, demeurant cramponné au pied de table, refusant de lâcher la seule chose stable qu'il possédait.

« J... Je suis désolé », dit-il. Ses yeux éperdus dardaient des regards de tous côtés, tentant de garder tout le monde en vue. Le visage de Tsumiki était flou. « J'ai essayé de...

-Il parle ! cria le Coach. Il va se mettre à prêcher ! »

Des dents pointues s'entrechoquèrent. « Gah ! La ferme ! Garde tes discours débiles. »

Il ne vit qu'un éclair. La clé à molette s'abattit sur sa tempe et les ténèbres explosèrent dans sa vision. Quelque chose de chaud et d'humide se répandit en-dessous de lui. Il ne ressentit même pas l'impact quand il heurta le sol.

Quelqu'un le tira. Il ne pouvait dire qui ; des doubles dansaient devant ses yeux. La lumière au plafond était aveuglante. Que se passait-il ?

L'arrière de son crâne s'écrasa contre le surface de la table. Une douleur écœurante traversa son corps et il cracha de la bile. Avec un pop presque audible, le monde se remit en place et son cerveau se réorganisa et commença à comprendre...

« … coupe-la et fourre-la lui au fond de sa gorge, disait le Cuisinier. Ce sera comme si on le faisait s'étrangler avec ses propres mots, hmm ? »

Une poigne aussi dure que le roc se referma sur sa cheville droite et son poignet gauche. Une bousculade de corps l'entoura. Il ne … que se passait-il ? Il ne savait pas. Mais il résista néanmoins. Ses bras et ses jambes se débattirent dans le peu d'espace disponible, sans se soucier de qui ou de ce qu'ils frappaient. Et quand ils entreprirent d'empoigner les entraves de cuir, il hurla et se débattit de plus belle.

Mais alors la Gymnaste tenait ses jambes, et le Coach, ses bras. Son dos protesta quand ils le redressèrent et l'étirèrent de force. Le Cuisinier s'approcha, le couteau levé, tandis que le Yakuza ordonnait qu'on lui maintienne la bouche ouverte. Cela leur prit quelques tentatives (« Il m'a mordu ! » glapit le Mécanicien), mais bientôt les longs doigts de l'Infirmière s'enfonçaient dans sa lèvre inférieure, alors que sa mâchoire se contractait et se battait pour demeurer close...

« … Vraiment ? C'est tout ce qu'un groupe d'Ultimes a pu trouver ? C'est juste tellement... décevant. »

Le couteau s'abaissa.

Naegi retint un sanglot. Le Désespoir Ultime fusillait l'intrus du regard, semblable à une meute de loups sur le point de passer à l'attaque.

« F... Ferme-la ! cria Tsumiki. Je l'ai trouvé dans ta chambre ! »

Komaeda haussa les épaules avec désinvolture. Il tira négligemment sur sa manche. « Bien sûr. C'était tellement désespérant de vous regarder vous, merveilleuses personnes, redoubler d'efforts pour le trouver quand il était juste sous vos nez...

-Ouais ? Et bah on l'a trouvé ! dit Soda. Alors, tu peux t'en aller, espèce de... de fou obsédé d'espoir ! »

Quelques personnes eurent le souffle coupé par l'insulte. Komaeda fixa Soda d'un regard inexpressif. Il n'avait pas encore jeté un regard du côté de Naegi, et Naegi se retrouva à chercher désespérément les yeux de l'autre garçon, suppliant Komaeda de le regarder, de lui faire un signe montrant qu'il allait aider...

« Que des Ultimes puissent faire preuve de si peu de perspicacité... » Komaeda laissa échapper un profond soupir. Il semblait ennuyé par la tournure des événements. « Et dire que je croyais que votre loyauté envers Enoshima-san surpassait la mienne. »

L'étau autour des membres de Naegi se relâcha. Soda était bouche bée. Les doigts de Tsumiki se retirèrent de la bouche de Naegi, laissant derrière eux des coupures en forme de croissant. Elle leva un bras tremblant pointé vers Komaeda.

« Comment oses-tu ! »

Komaeda sourit, mais c'était un type de sourire que Naegi n'avait jamais vu. C'était un sourire de dédain et d'impatience, qui convenait plus au visage de Kamukura – si l'ancien Espoir Ultime était capable d'une telle expression.

« Je croyais que tu l'aimais, Tsumiki-san, dit Komaeda. Ou serait-il possible que tu n'aies pas réalisé que tu étais sur le point de détruire ce qui restait d'elle ?

-Q... Quoi ? » Le visage de Tsumiki était gris.

« Naegi, viens ici. »

Il obéit. Il rua, se débattit, et ni Nidai, ni Owari ne put l'empêcher de s'arracher à leur prise. Il se jeta à Komaeda, se réfugia à ses côtés, se dissimula dans son ample veste. Il entoura fermement le Chanceux de ses bras, agrippant des poignées de tissu pour dérober le reste du Désespoir Ultime à sa vue. Komaeda... Komaeda était venu pour lui. Komaeda allait le protéger.

Komaeda réagit à peine. Après quelques instants, sa main s'entremêla aux cheveux de Naegi. Son pouce décrivit des chemins d'avant en arrière, caresses réconfortantes, comme un maître s'occupant d'un animal domestique en manque d'affection.

« Ah, vous l'avez fait se faire dessus. » Naegi n'était même pas contrarié que Komaeda l'eût dit assez fort pour que tout le monde entende. Comment pourrait-il en vouloir à l'autre garçon maintenant ?

« Hé ! cria Kuzuryu. Explique ce que tu disais avant.

-Vous avez encore besoin de mon aide ? Très bien. » Komaeda bougea légèrement, déplaçant davantage Naegi hors de la vue du Désespoir. « La Détective Ultime, la Nageuse Ultime... tous existaient avant la Tragédie et le Désespoir. Sauf Naegi-kun. Enoshima-san l'a créé de ses propres mains.

-Et alors ? l'invectiva Owari, tirant au Chanceux un gloussement haut perché et à demi-étranglé.

-Regardez-le, ronronna Komaeda. Elle a laissé sa marque partout sur lui. Il est de notre devoir de préserver cela, n'est-ce pas ? C'est malheureux pour le reste d'entre vous que son talent se soit révélé être celui-là... mais cette issue n'est-elle pas la plus désespérante ? Le fait que sa création finale s'oppose à tout ce qu'elle représentait... elle doit l'avoir fait consciemment. »

Komaeda souleva le menton de Naegi. Pour la première fois, leurs yeux se croisèrent. Ceux de Komaeda débordaient d'affection, mais il y avait quelque chose d'anormal. Il y avait en eux quelque chose de dur, un vide que Naegi associait à quelqu'un retenant ses vraies émotions. Dans son champ de vision périphérique, Naegi pouvait voir les autres membres du Désespoir les fixer.

« Sa création finale, répéta Owari d'un ton incertain.

-Bien sûr ! Pensez-y. Si Enoshima-san l'a personnellement créé, alors... hé bien, cela ne signifie-t-il pas qu'il est la chose qui s'approche le plus de son enfant ? »

Il y avait un certain poids dans ces mots, qui rendait évident qu'ils visaient quelqu'un en particulier. Ce fut peut-être pourquoi le regard de Tsumiki redoubla soudainement d'intensité.

« Son enfant... répéta Tsumiki.

-Ne me dis pas que tu l'écoutes sérieusement ! » cria Kuzuryu. Pekoyama s'était placée préventivement devant lui, mais Kuzuryu la poussa de côté pour faire directement face à Komaeda. « Il est fou ! Pourquoi écouter un gars comme lui ?

-Une horloge cassée a raison deux fois par jour, murmura Komaeda sans ôter ses yeux de Naegi.

-Son enfant..., chuchota Tsumiki.

-Va te faire foutre ! Tu n'as pas le droit de me donner des ordres ! »

Kuzuryu fit un pas en avant, mais Tsumiki lui attrapa le bras et Pekoyama répondit en levant son épée. Kuzuryu arracha son bras de sa poigne.

« Son enfant ! siffla Tsumiki.

-I... idiote ! Komaeda ne dit que des bêtises. » Kuzuryu arrangea son fedora, puis il leva un bras et le pointa vers Naegi, lâchant : « Peko...

-... Encore en train de débattre ? Comme c'est fatiguant. Il y a une manière très facile de trancher. »

Naegi ne put expliquer ce qui changea, mais la pièce parut soudainement beaucoup plus petite. Kamukura les observait depuis la porte, ses longs cheveux projetant une ombre comme une capuche. Toute la salle recula devant lui. Même Komaeda se raidit légèrement.

Kamukura dit : « Demandez à Junko ce qu'elle en pense. Il y a une copie numérique partielle d'elle à Towa City que nous pouvons contacter. »

Une copie numérique... ? Comme Alter Ego ?

« Je vais établir les communications. » Kamukura quitta les lieux aussi soudainement qu'il était apparu.

Le Désespoir Ultime s'attarda quelques instants, silencieux et désorienté. La proposition de Kamukura avait sapé leur énergie mortelle, effaçant leur enthousiasme comme une épingle éclatant un ballon. Naegi enfouit de nouveau son visage dans le flanc de Komaeda. Il tremblait tellement qu'il doutait pouvoir être capable de tenir debout sans l'aide du Chanceux.

Nidai dit : « Euh, donc je suppose qu'on devrait aller rejoindre Kamukura-kun en haut ?

-Amène le gamin, aboya Kuzuryu en direction de Komaeda. Sinon, on te dénichera et on te donnera à manger aux animaux de Tanaka. »

Komaeda émit un hmm doux, acquiesçant en inclinant la tête. Il observa les autres avec des yeux amicaux mais prudents quand ils le dépassèrent.

Puis, ils furent seuls.

Komaeda porta immédiatement sa main à la tempe de Naegi ; il la ramena rouge. « Tu saignes plutôt beaucoup. »

Vraiment ? Il n'avait pas remarqué.

« Tiens. » Komaeda détacha Naegi de lui avec douceur et retira sa chemise. « Presse-ça contre ton front. Ce n'est pas grave si tu le salis. Il y a déjà plein de sang dessus maintenant, de toute façon. »

Naegi obéit dans un état d'hébétement. Il regarda droit devant lui d'un œil vide tandis que Komaeda remontait la fermeture éclair de son sweat.

« L'idée de Kamukura-kun est soit un coup de chance, soit de malchance. Si seulement je le savais. » Komaeda regarda vers la porte avec regret. « Nous allons devoir bientôt y aller, mais je crois que j'ai besoin de quelques secondes. Je ne suis pas certain de ce qu'il prépare. »

Naegi ne dit rien. Épuisé, il s'appuya de nouveau contre Komaeda. Le jeune homme passa un bras autour de ses épaules et lui lança ce qui apparut comme un regard inquiet.

« Je devrais avoir l'habitude de frôler la mort », murmura Naegi. Il voulait retourner dans sa chambre.

« Ne t'en fais pas, Naegi-kun. Ignore ce que j'ai dit tout à l'heure. Nous sommes tous les deux chanceux. Tout va bien se passer, je le sais ! »

Naegi aurait aimé pouvoir être aussi confiant.

« Je ne devrais probablement pas te porter cette fois. Ça rendrait les autres furieux. Naegi-kun, est-ce que tu peux marcher ? »

Il hocha la tête.

« Très bien. Allons-y. »


L'écran de télévision occupait la majeure partie du mur. Quand Naegi et Komaeda entrèrent, les autres membres du Désespoir (à l'exception de Kamukura) étaient à genoux devant l'écran. Plus d'un pressait sa main contre le verre. Kamukura se tenait au fond de la salle, les observant.

L'écran de télé montrait un fond uni avec une unique chaise en forme de trône, mais c'était ce qui était assis sur la chaise qui était digne d'attention. Monokuma. Ou du moins... du moins Naegi crut que c'était lui. C'était un ours – aucun doute là-dessus – et pas un ours naturel. La seule raison pour laquelle Naegi hésitait à l'appeler Monokuma était que l'ours à l'écran n'avait pas de moitié noire. Il y avait une couture courant de bas en haut au centre du robot là où la séparation entre le blanc et le noir aurait dû être, mais les deux côtés de l'ours étaient blancs. De plus, les membres droits de l'ours étaient enveloppés de bandages, ainsi que la partie de la tête où l'œil rouge aurait dû se trouver.

Et enfin, l'ours les saluait de la main. En souriant.

« C'est... c'est réel, n'est-ce pas ? » chuchota-t-il. Komaeda émit un son d'acquiescement.

« Naegi-kun ! » L'ours battit des pattes. « Tu es là ! Izuru a déjà expliqué la situation. »

C'était tellement, tellement perturbant. Naegi recula tout droit dans Komaeda, jusqu'à ce que sa tête soit plaquée contre la poitrine de l'autre garçon. « Ce n'est pas Enoshima-san.

-Est-ce que je lui fais peur ? Mais je suis un gentil ours, Naegi-kun. » Les oreilles de l'ours s'inclinèrent vers le sol, reflétant son désappointement. « Oh, j'ai fait tant d'efforts pour ne plus avoir l'air effrayant. »

L'ours avait l'air amical. L'ours se comportait de façon amicale. Son sourire était chaleureux et rassurant. L'œil en bouton noir, qui possédait deux petits cils, le priait de lui faire confiance. Mais il ne pouvait pas. Il ne pouvait pas faire confiance à ce robot apparenté à Monokuma et qui portait le nom et la voix d'Enoshima.

Ce fut quelque chose qui ne passa pas inaperçu. Kuzuryu ricana : « Alors le gamin est terrifié par sa « mère », hein ? »

Naegi eut un mouvement de recul, mais il ne put le démentir. Heureusement, Komaeda ouvrit la bouche...

« Non, il est sans doute juste embarrassé parce qu'il s'est fait pipi dessus. »

… Naegi n'en avait plus rien à faire.

L'ours se cacha la gueule derrière une patte. « Je ne me moquerais pas de lui pour ça. Mais Naegi-kun, tu me vois comme une mère ?

-Tu l'as créé », dit Komaeda. Son menton reposait sur la tête de Naegi et il tenait le jeune garçon par les épaules. « En y pensant, la vraie toi est morte en couches.

-... Tu vas pas bien dans ta tête, tu sais, dit Soda à Komaeda.

-Vous ne devriez pas vous en prendre à lui. Je déteste quand les gens se disputent ! » dit l'ours (Soda se jeta au sol en larmoyant des excuses). « Et je suis mâle, au fait. Toutes les unités Monokuma sont... »

L'ours se figea. Naegi cligna des yeux. Pendant quelques secondes, il crut que la vidéo avait bugué.

Puis les épaules se mirent à ballotter de haut en bas.

« Upupupupupu... » Les oreilles de Naegi résonnèrent avec inquiétude...

« J'ai oublié à qui je parlais ! déclara bruyamment l'ours en sautant de sa position assise pour se mettre debout. Peu importe ! Cent pour cent femelle ! Ignorez toutes les crétineries que je viens de dire. »

L'ourse se rassit. Elle croisa ses jambes courtaudes et posa ses pattes sur son genou.

« Alors, déchet répugnant, qu'est-ce que tu fabriques ?

-Je fais juste ma part du travail pour élever la prochaine génération, dit Komaeda. Ce serait un tel gaspillage s'il mourait sans laisser d'impact.

-Naegi-kun a déjà eu un grand impact ! Gah, le désespoir que la vraie moi a dû ressentir, je ne peux que l'imaginer... » L'ourse haleta profondément, les sons presque de nature sexuelle. Puis, elle s'interrompit avant de demander : « Et le reste d'entre vous ? Vous lui donnez un coup de main ou vous restez plantés là comme des idiots ? »

Une cacophonie de « heins » et d'interjections perplexes parcourut l'assemblée. Nidai prit la parole le premier : « Euh, tu veux qu'on aide ? »

Frissonnante, s'enserrant fermement de ses bras, Tsumiki commença : « S'il est vraiment ton enfant... »

Ses bras semblèrent soudainement s'enrouler autour d'elle comme des serpents. Elle inclina la tête latéralement en arrière en un angle impossible, et un sourire maladivement suave grandit sur son visage.

« … Alors je vais tout lui donner. »

Le sourire de l'ourse se fana. Elle dit d'un ton monotone : « … Vous réalisez que c'est le même camarade de classe que j'ai piégé dans le Killing Game et que j'ai personnellement tenté d'assassiner, n'est-ce pas ? Vous faites de l'Espoir Ultime l'enfant du Désespoir Ultime. Et... et vous voulez l'adopter. Mes loyaux subordonnés vont accueillir la personne qui m'a assassinée et ruiné tout mon dur labeur. »

Le silence fut assourdissant. Il put sentir Komaeda cesser de respirer. Naegi aurait pu alors paniquer, mais il sentit Komaeda se tourner vers Kamukura et décida de suivre son regard. L'ancien Espoir Ultime les fixait d'un air éloquent, un message clair sur les lignes de son visage.

« C'est... c'est... »

Et sous les bandages, l'œil rouge étincela si brillamment qu'il fut visible à travers le blanc...

« C'est si incroyablement désespérant ! » glapit l'ourse comme un enfant recevant un cadeau. Elle s'éventa de sa patte. « Je vais devoir penser tous les jours à vous en train de lui lécher les bottes et d'être aux petits soins de mon meurtrier pendant que je pourris parmi ces adultes stupides, puants et dégoûtants ! Naegi-kun, tu sais vraiment comment atteindre le cœur des filles. »

Ce... Elle était d'accord ? C'était bon ? C'était tout ce que cela avait demandé pour la convaincre ? Naegi s'était attendu à quelque chose ressemblant plus le dernier procès.

« Oh, ne me regarde pas comme ça ! dit l'ourse, dont le corps tentait d'imiter la personnalité « mignonne » d'Enoshima. Je ne suis pas le type de fille qui prend tout et qui ne donne rien. Tu en bénéficies aussi, Naegi-kun. Maintenant, tu fais partie de tout notre merveilleux désespoir ! »

Quoi... qu'est-ce que cela signifiait ?

« Vous m'avez tous entendue ? Assurez-vous de l'élever avec tout mon amour. »

Riant de nouveau, l'ourse tendit le bras vers quelque chose en dehors de l'écran et la télévision redevint noire. Bien que l'ourse soit partie, ses trois derniers mots résonnaient à travers la pièce.

Les mots suivants de Kuzuryu résumaient plutôt joliment les pensées de tous.

« Et merde. »