Chapitre 13 : Le Petit Nouveau

Naegi se sécha une dernière fois les cheveux. Il ne pourrait pas faire grand-chose pour les épaules détrempées de son pyjama, mais au moins il garderait au sec le reste de ses habits. Il suspendit sa serviette, poussa les chaussures de Kamukura jusqu'à la bordure de la baignoire où elles seraient le moins mouillées, puis attrapa ses vêtements souillés. Avec tout ce qui s'était passé, il avait oublié sa perte de contrôle, mais Komaeda avait été là pour la lui rappeler et lui avait suggéré avec douceur d'aller se laver.

Il déposa aussi vite que possible ses vieux habits dans le panier. Dans sa hâte, il ne remarqua qu'après coup que Komaeda n'était pas seul dans la chambre. Près du Chanceux, qui demeurait assis, se tenait l'Epéiste Ultime, Pekoyama. C'était la première fois qu'il la voyait sous un éclairage correct – et quand il ne courait pas un danger mortel. Elle ne semblait guère différente que dans l'album photo. Cependant, l'aura confiante qui avait émané d'elle à cette époque n'était plus la même. Elle était plus tamisée, moins assurée, comme si on y avait mis un voile pour en atténuer l'éclat. Mais elle se tenait toujours le dos droit comme un soldat – un soldat qui portait une brassée de vêtements au lieu d'une arme.

« Ceux-ci sont pour toi, dit Pekoyama. Mon Maître n'en a nul besoin.

-Laisse-moi deviner, dit Komaeda. La pression de ses pairs a fini par le faire céder.

-... Mon Maître n'est redevable envers personne », dit froidement Pekoyama. Elle fixa Naegi en plissant des yeux. « Et encore moins envers le rejeton d'Enoshima Junko. »

Hein ? Ça semblait sortir de nulle part, surtout en considérant le comportement des autres membres du Désespoir envers leur cheffe. C'était en fait si choquant que Naegi n'eut pas le temps de se sentir insulté avant que l'épéiste ne quitte la pièce à grands pas.

Pour sa part, Komaeda se contenta de froncer légèrement les sourcils. « Dire qu'elle a le culot de te parler ainsi... Je sais que je suis trop pitoyable pour être ta vengeance, mais si je parle à Kuzuryu-kun, il pourra agir à ma place. Il cherche toujours des raisons de s'en prendre à elle.

-Qu... quoi ? Non, c'est bon. Ce n'est pas grave. »

Komaeda lâcha un son méprisant et croisa les bras. A cet instant, il ressemblait beaucoup à Kamukura. « Tout manque de respect envers toi est grave.

-Komaeda-kun, ne fais pas ça, croassa-t-il, retenant l'autre garçon qui était en train de se lever. Je... Je peux pas gérer ça. Je veux juste m'allonger pendant un moment.

-Ah, j'avais oublié ! » Komaeda sauta à bas du lit et essaya de lisser la couette. « Prends tout le temps dont tu as besoin. »

Naegi ne répondit pas. Il repoussa les couvertures et se glissa dans le lit. La somnolence attira son esprit et lui donnait l'impression que la peau autour de ses yeux était flasque et ridée. Et pourtant, il ne semblait pas capable de garder les yeux fermés. La porte de la chambre demeurait au centre de sa vision.

« Elle est entrée ici comme ça, marmonna-t-il. A-t-elle au moins frappé ?

-Oui. Tu ne dois pas l'avoir entendue parce que tu étais sous la douche. J'imagine que la plupart d'entre eux vont commencer à venir prendre de tes nouvelles. Ils veulent tous un morceau de toi maintenant. » Cette dernière partie suintait de jalousie, peut-être même de possessivité.

« Il n'y a pas de verrou de ce côté. Ils peuvent entrer quand ils veulent.

-Je peux leur demander de te laisser tranquille, mais ils n'écouteront jamais un être inférieur comme moi. » Komaeda soupira et s'affala contre un mur. « Peut-être qu'un écriteau sur ta porte aura plus d'effet. »

Mais Naegi ne l'écoutait plus. « Ils sont tous fous. Ils sont tous dans le Désespoir. »

Quelqu'un lui criait dessus, d'une voix grave et assourdissante, menaces et insultes résonnant dans la petite pièce. Il ne pouvait pas comprendre, mais il savait... il savait ce qu'on voulait lui dire et son rythme cardiaque s'accéléra en réponse. Les mains énormes de Nidai étaient de nouveau sur lui ; l'attrapant, l'écrasant, grimpant immuablement vers son cou...

Un anneau de douleur s'enflamma autour de son cou jusqu'à le broyer. Les voix furieuses noyaient toute pensée. Ils lui criaient dessus, le secouaient, le touchaient ...

Les mains fantômes sur son épaule devinrent réelles. Il hurla. Il griffa ; ses doigts tremblaient trop pour les saisir et les repousser. Un air vicié et chaud lui emplit la bouche et il suffoqua.

« Chh... »

La peau contre la sienne était brûlante. Elle menaçait de le cuire vivant. Mais l'air environnant avait désormais rafraîchi et il le consomma avec avidité. Une pression forte pesa sur son torse, mais cela lui était égal ; une lourdeur extrême s'était déjà emparée de ses membres.

« Tout va bien. Tu es sain et sauf. »

La voix fut comme une barrière. Plus elle s'amplifiait, plus le chœur hurlant faiblissait. Quelque chose se glissa dans sa main ; il le serra assez fort pour laisser des bleus. Ses propres ongles s'enfoncèrent dans sa paume. La douleur ne le dérangeait pas.

« Ils ne vont pas te faire de mal, Naegi-kun. Je les en empêcherai. »

Les couleurs et les formes recommencèrent à avoir du sens. Quelque chose rugissait, mais il reconnut les battements affolés de son propre cœur. Sa main commençait à le lancer à force de serrer.

« K... ko...

-Tout va bien. Je suis là. »

Ce fut la seule syllabe qui s'échappa de lui. Peut-être était-ce pour le mieux. Parce que si Komaeda avait regardé la bouche de Naegi former en silence la syllabe suivante, il aurait réalisé que ce n'était pas lui que Naegi avait appelé.

Komaeda se recula, à califourchon sur lui, pressant d'une main la poitrine de Naegi pour le maintenir allongé. L'autre était entremêlée à la main droite de Naegi.

Naegi ferma les yeux. « Komaeda-kun, s'il te plaît... Je ne peux pas rester là...

-Je ne peux pas faire ça, Naegi-kun. »

Oui, il le savait. Il savait que la détermination de Komaeda était inébranlable. Même après tout ça, il ne le laisserait pas partir...

Ce n'était que naturel de pleurer.

Komaeda se recula, l'air abasourdi. Naegi roula sur le côté pour tourner le dos au Chanceux, ramenant ses genoux contre sa poitrine jusqu'à paraître prendre deux fois moins de place. Les larmes coulèrent librement ; il était trop fatigué, trop démoralisé pour en être embarrassé. Il avait mal partout et il ne pouvait dire si la douleur qu'il ressentait était physique ou mentale.

« Naegi-kun ? Qu'est-ce que tu... ? » Komaeda tendit la main et passa un doigt sous l'œil de Naegi. « Pourquoi... ? Ah, je vois. Ces larmes, elles doivent être ton désespoir. C'est comme ça que tu t'en purges. »

« Naegi-kun, arrête. » C'était le fantôme de Kirigiri près de la porte. Les bras croisés, l'air tendu, elle lui disait par son seul regard qu'il était dangereux de laisser Komaeda le voir dans cet état. Rassemblant ses dernières forces, Naegi ravala ses larmes.

« Tu te sens mieux ?

-Oui », mentit-il. Il était prêt à fermer les yeux et cesser de penser...

Komaeda bougea.

La main de Naegi s'abattit sur le poignet de l'autre garçon. Il le ramena contre lui, presque contre sa poitrine.

« Ne me laisse pas seul ici. S... s'il te plaît.

-Si c'est ce que tu veux. » Alors même qu'il disait cela, Komaeda affichait cet air abasourdi et confus. Comme si ce qu'il avait sous les yeux était si anormal qu'il ne pouvait le comprendre.

En dépit de la peur lui rongeant le ventre, ses paupières finirent par se fermer. Au moins y avait-il un gardien qui se tenait entre lui et le Désespoir.


Komaeda n'était pas là.

Ce fut sa première pensée quand il se réveilla. Excepté lui-même, personne n'occupait le lit, ni la chaise. Ses yeux paniqués parcoururent la pièce et pour être honnête, il ne fut guère soulagé quand il constata que Komaeda se trouvait à la porte. Le Chanceux l'avait légèrement entrouverte, jetant un coup d'œil par l'interstice pendant que...

Quelqu'un était de l'autre côté.

Que devait-il faire ? Se cacher ? Dire quelque chose ? Faire semblant de dormir ? Personne ne lui avait dit comment réagir face à ces Désespérés nouvellement motivés. Sa tête était comme prise en étau par une bande de fer, rendant douloureux le simple fait de penser...

La porte de la chambre se referma.

Juste comme ça, la bande restreignant ses pensées se relâcha, laissant derrière elle une douleur lancinante. Oh. Cela avait été facile. Rien de mauvais n'était arrivé. Il leva la tête vers Komaeda, qui tenait en équilibre un plateau dans chaque main.

« Qu'est-ce que c'était ? demanda-t-il au Chanceux.

-Hanamura-kun voulait savoir pourquoi ni toi ni moi n'étions venus au petit déjeuner », répondit Komaeda. Il déposa un plateau sur le bureau et offrit le second à Naegi. « Je lui ai dit que tu étais encore en train de récupérer d'hier.

-Oh. » Il prit le plateau et le plaça sur ses genoux. Un « merci » était sur le bout de sa langue, mais il était réticent à le dire. « Ça veut dire qu'il va me laisser tranquille ?

-Probablement, dit Komaeda, mais Tsumiki-san va sans aucun doute te rendre visite maintenant. Mais ce n'est pas comme si elle s'en serait abstenue en premier lieu. »

Oh.

Le petit déjeuner avait un goût rassis. C'était impossible parce que le Chef Ultime l'avait préparé, mais c'était quand même le cas. Il ne put le terminer. Il repoussa les restes et reposa la tête sur l'oreiller, souhaitant à moitié pouvoir se rendormir.

« Quand est-ce qu'elle va arriver ? demanda-t-il.

-Probablement dans une demi-heure trois quarts d'heure. »

Il avait raison. Komaeda venait de terminer de manger et avait entrepris de tenter de convaincre Naegi de finir son repas quand Tsumiki passa la tête dans la pièce. Elle et Komaeda s'échangèrent des regards peu amènes avant qu'elle ne se décide vraiment à entrer. Naegi fit de son mieux pour ne regarder ni l'un ni l'autre.

« Bonjour, Makoto ! »

Il avait oublié qu'il lui avait (sottement) donné la permission d'utiliser son prénom. Il tourna machinalement le regard vers elle. A vrai dire, elle avait l'air plutôt normale aujourd'hui, comme une infirmière chaleureuse et bienveillante. Komaeda et lui gardèrent cependant un œil vigilant sur elle alors qu'elle s'approchait du lit.

« Hanamura-kun dit que tu ne te sens pas bien aujourd'hui, dit-elle.

-C'est juste le stress », dit-il. On ne pouvait pas traiter le stress avec des pilules, n'est-ce pas ? Peut-être qu'elle s'en irait.

Bien sûr, ce ne pouvait pas être aussi simple. Il dut quand même se soumettre à un examen physique. S'il floutait sa vision et ne se concentrait pas sur son visage, il pouvait presque prétendre être ailleurs. Bien que chaque fois qu'elle le touchait, c'était comme être piqué par un aiguillon.

« Je ne te reproche pas d'être stressé, dit-elle avec désinvolture. Ils ont été si méchants avec toi. E... et tu as passé beaucoup de temps avec une... personne stressante. Peut-être que si tu changeais...

-Non, dit-il rapidement. Je me plais ici. »

La vérité était qu'il ne voulait pas se retrouver quelque part où les Désespérés auraient facilement accès à lui. Être sous la surveillance de Komaeda était ce qui s'approcherait le plus d'une cellule surveillée.

« Ah, d'accord. Makoto, peux-tu me pardonner pour ce que nous t'avons fait hier ? »

Il savait qu'il avait à peine le choix en la matière. « Bien sûr. »

Quelques minutes plus tard, Tsumiki annonça que ce n'était probablement que du stress. Cependant, elle demeurait inquiète à la vue des restes du petit déjeuner de Naegi. Quand Komaeda révéla que ce n'était pas la première fois que Naegi ne réussissait pas à terminer un repas, tous deux partagèrent un moment d'inquiétude.

« P... Peut-être que Hanamura-kun devrait réduire la taille de ses portions. Il est plutôt petit... La surnutrition aussi est mauvaise pour la santé ! »

Tsumiki repartit peu de temps après, mais pas pour longtemps. Cette fois, elle entra avec une balance dans la main. Il n'eut d'autre choix que de se forcer à quitter le lit et la laisser prendre son poids. Elle le déclara « léger mais dans une fourchette convenable » et ordonna à Komaeda de commencer à suivre son poids.

Qu'importe. Ce n'était pas comme s'il avait l'intention de se laisser mourir de faim.

Puis, il se retrouva seul. Oh, et Komaeda était là lui aussi. Les visites de Hanamura et Tsumiki l'avaient laissé trop ébranlé pour envisager de dormir. Il se leva mollement et se dirigea vers la salle de bain pour se préparer pour la journée.

Dès qu'il se vit dans le miroir, il fut surpris que Tsumiki ait été si facilement apaisée. Pour faire simple, il avait très mauvaise mine. Les points de suture sur sa tempe se distinguaient à peine sur l'ecchymose sombre s'étalant autour de la blessure close. Il avait d'autres bleus sur ses bras, des marques de doigts sur son cou... il repoussa cette pensée avec une grimace. Des ombres noires reposaient sous ses yeux ; sa posture voûtée le faisait ressembler à une plante fanée. Ses cheveux étaient également en désordre – même s'il ne les décrirait guère comme soignés même dans ses meilleurs jours. Il n'était jamais ressorti d'une mésaventure en si piteux état, même dans ses jours les plus malchanceux.

Je me demande comment va le rétablissement de Komaeda. Le garçon aux cheveux blancs s'était tenu debout sans problème la veille, mais Naegi avait surpris sa grimace quand il avait sauté du lit.

Comme Kamukura avait laissé son jeu de cartes derrière lui, Naegi tua le temps en y jouant avec un Komaeda enthousiaste. La balance avait été poussée sous le lit, là où Naegi pouvait l'ignorer tout comme tout souvenir de la visite de Tsumiki. Il ne fallut pas longtemps, cependant, pour que la porte de la chambre ne s'ouvre à nouveau (et sans qu'on frappe!). Une tête aux cheveux roses y passa la tête.

« Euh, c'est là que se trouve le petit gars, Naegi, non ? » demanda Soda.

Naegi le dévisagea. Soda était celui qui l'avait frappé avec la clé à molette. C'était une chose qu'il savait avec certitude, mais il n'en avait que peu de souvenirs. Il ne pouvait se rappeler l'impact, ou le voir arriver vers lui. Même essayer de penser aux conséquences immédiates restait un peu flou, tout en lui donnant mal à la tête. À part cela, Soda avait été plutôt discret durant son épreuve de la veille.

« Alors, c'est ici que tu restais. » Soda entra sans attendre d'y être invité. Il balaya la pièce du regard et fronça les sourcils. « Ça a l'air plutôt ennuyeux ici. Qu'est-ce que tu fais toute la journée ? »

Naegi haussa les épaules.

Soda ne sembla pas le remarquer. Il posa une autre question à la place. « Pourquoi tu tiens à rester avec un cinglé comme Komaeda de toute façon ?

-Je... » Que devait-il faire ? Il n'en savait pas assez pour juger si dire la vérité pourrait provoquer Soda.

Il finit par opter pour une demi-vérité.

« … Parce que Komaeda est mon ami. »

… Est-ce que Komaeda venait de cesser de respirer ?

« Il est possible que tu finisses par le regretter, dit Soda. Enfin, moi et Owari-san on discutait, et on pensait que je pourrais peut-être te construire une télé ou un truc comme ça pour que tu ne t'ennuies pas.

-Une télé ? » Naegi cligna des yeux. Ça lui semblait fantastique en vérité. Peut-être était-ce l'heure de la bonne fortune que Komaeda ne cessait de promettre. Il en avait assez d'être ignorant du monde extérieur depuis le Killing Game. « Ce... Ce serait génial ! »

A la surprise de Naegi, Soda ne fut pas ravi de sa réaction. « Est-ce que tu ne pourrais pas cacher un peu ta joie ? Ça me rappelle... avant. Au moins essaie de faire semblant d'avoir peur, comme ça je pourrais prétendre être en train de construire quelque chose pour te tuer.

-Euh, désolé ? »

Soda parut se dégonfler. « Mon dieu, c'est ça que je me retrouve à supporter... Eh. Au moins comme ça tu pourras en apprendre un peu sur les autres avant qu'ils n'arrivent.

-Les autres ? » répéta Naegi. De son côté, Komaeda croisa les bras et fit la moue comme un enfant contrarié.

« Tsumiki-san a diffusé la nouvelle hier. Tout le monde veut passer te rencontrer. Même la princesse est en chemin. » Soda avait dit ce dernier nom avec un grognement. Qui que soit la princesse, il ne semblait pas la porter dans son cœur.

« La princesse... C'est Nevermind, c'est ça ?

-Attends, tu la connais ? Comment diable... ? » Soda jeta alors un coup d'œil vers Komaeda, et les pièces du puzzle s'assemblèrent. « Oh. Qu'est-ce qu'il a dit sur moi ? »

Naegi déglutit. « Tu es le Mécanicien Ultime, n'est-ce pas ? Komaeda-kun m'a dit que tu avais créé M... Monokuma.

-Ouaip ! C'est mon bébé. » Soda adopta une pose digne d'une photo, un large sourire et le pouce levé. « Dis, tu devrais venir voir mon atelier. J'ai l'intention de commencer à travailler sur cette télé dans une heure environ. Tu pourrais me passer les outils par exemple. »

Les outils ? Naegi porta son regard par-delà Soda, vers la porte entre lui et la liberté. Peut-être que c'était ce dont il avait besoin pour passer cette barrière. Mais en même temps, avait-il vraiment envie de passer du temps avec Soda ? Il y songea. Soda l'avait frappé avec cette clé à molette, mais Naegi ne s'en souvenait pas. Soda ne l'avait pas touché. Il n'avait pas beaucoup crié. Il ne l'avait certainement pas étranglé.

Oui... il pouvait le faire.

« Je vais y réfléchir », dit-il d'un ton neutre.

Soda ne tarda pas à repartir. Au moment même où le battant se refermait en claquant, Komaeda se retourna lentement pour faire face à Naegi. Le visage du garçon aux cheveux blancs était figé en un sourire digne d'une parodie de film d'horreur.

« Amis ? »

Ouais, il aurait dû le voir venir. Il expira profondément et dit : « Oui. Amis. »

… Soit Komaeda hurlait de joie, soit quelqu'un avait laissé une bouilloire sur le feu.


Est-ce que je peux vraiment faire ça ?

Naegi se tenait devant la porte menant à l'atelier présumé de Soda. Komaeda s'attardait à l'entrée du couloir. Pour une raison ou une autre, son aîné avait décidé de ne pas accompagner Naegi à l'intérieur, bien qu'il attendait quand même dans les parages au cas où Naegi change d'avis. La décision du Chanceux était à la fois réconfortante et terrifiante. Réconfortante parce que cela devait vouloir dire que Komaeda ne classait pas Soda comme un danger ; inquiétante parce que Naegi n'avait jamais eu une interaction amicale avec un Rémanent (à l'exception de Kamukura) sans Komaeda. C'était un nouveau terrain qu'il foulait, terrain qui serait hostile, voire carrément mortel, pour une personne ordinaire.

« Ça devra arriver dans l'avenir. » C'était ce que Komaeda lui avait dit quand Naegi avait d'abord protesté contre sa décision. D'après les commentaires désinvoltes de Komaeda et les bribes qu'il avait entendues des autres, il était évident que Komaeda n'était pas particulièrement apprécié par les Rémanents. C'était logique. Komaeda était morbidement obsédé par l'espoir, bien qu'il semblait se modérer quand il voulait quelque chose de ses camarades. Le fait même que Komaeda se soit joint à eux n'en était que plus étrange. Mais le problème était que les autres n'aimaient pas Komaeda, et comme l'avait expliqué le garçon aux cheveux blancs, cela signifiait que ce n'était qu'une question de temps avant qu'ils ne commencent à essayer de passer du temps avec Naegi sans que Komaeda ne soit présent.

Naegi regarda derrière lui. Komaeda lui sourit et agita la main. Il ressentit le désir enfantin de rabattre sa capuche sur sa tête, comme si cela pouvait bloquer toutes les mauvaises choses dans le monde.

Ok, je peux y arriver. Il inspira profondément et redressa les épaules. Je veux dire, c'est un atelier, pas une salle de torture.

Ça ne pouvait pas être si horrible.