Chapitre 14 : Le Mécanicien

Atelier était un euphémisme. Ou peut-être carrément un mensonge. Les ateliers étaient censés être petits et coquets, avec leurs tables, leurs machines et leurs plans de projets éparpillés un peu partout. Les ateliers, ce n'était pas ça ; pas cet immense complexe tentaculaire en mouvement constant. Des tapis roulants transportaient des morceaux de métal d'un arrêt à l'autre. Des pistons en forme de pilier montaient et descendaient en synchronisation. Des bras robotiques équipés de tournevis vissaient des écrous et des vis pendant que des sarbacanes pulvérisaient de la peinture sur tout ce qui se présentait devant elles. Au début de la procession, près de l'entrée où il se tenait à présent, la construction commençait par des montagnes informes de métal. Mais plus celles-ci s'enfonçaient dans l'usine, plus elles se rapprochaient du mur opposé, plus elles s'enlaidissaient.

Car au bout des tapis roulants attendaient des dizaines et des dizaines et des dizaines de Monokumas.

Il y avait pas mal de distance entre eux. Si l'un d'eux décidait d'attaquer, il disposerait aisément d'une minute entière avant d'être en danger. Et pourtant, il était cloué sur place comme devant un train fonçant droit sur lui. Ce n'était pas de la peur qu'il ressentait. Peut-être du choc ? Monokuma avait des copies, mais il n'était pas censé en avoir autant. Naegi cligna plusieurs fois des yeux, incapable de comprendre la vérité que ses yeux lui révélaient.

Pour leur part, les Monokumas n'eurent pas même une fraction de la réaction qu'il avait eue à leur égard. Ils n'avaient aucun intérêt pour l'étranger dans la pièce et continuaient de vaquer à leurs occupations, quelles qu'elles soient. La plupart restaient immobiles, en attente, peut-être. Certains allaient et venaient avec des pas hésitants comme des enfants apprenant à marcher. Deux ou trois avaient sorti leurs griffes, mais ils ne semblaient pas savoir quoi en faire.

« Hé, tu es venu ! » Soda lui adressa de grands signes depuis l'autre bout de la pièce. Du côté des Monokumas. Il n'allait pas aller là-bas. Nan. Il refusait de s'approcher de ces griffes.

Soda, cependant, sembla ne pas remarquer ses signaux silencieux.

« Euh, Naegi-kun, par ici ! »

Comme s'il allait aller là-bas. Soda devrait venir le traîner...

Hé ! Il n'était pas sérieux !

« C'est plutôt pas mal, non ? T'as dû en rester bouche bée. » La poigne moite de Soda était malgré tout très robuste et il semblait à peine remarquer que Naegi essayait de résister. « Je n'aurais jamais pensé que j'aurais un jour l'occasion de diriger une installation aussi incroyable ! »

Ils se rapprochaient des Monokumas. Naegi se raidit. L'ours le plus proche avait sorti ses griffes et leurs pointes acérées étincelèrent quand il les leva...

Le Monokuma percuta une machine à vapeur et continua à tenter d'avancer. Soda lui jeta un coup d'œil et soupira.

« Leur I.A. n'est pas encore complètement chargée, expliqua-t-il. Ils sont vraiment stupides. Regarde ça ! »

Soda lâcha la main de Naegi et rejoignit le Monokuma en difficulté. D'une main, il lui poussa la tête et le renversa. Le Monokuma tomba sur le côté, battant l'air de ses bras et jambes. C'était presque drôle.

« Alors, ils ne me connaissent pas ? » demanda Naegi. Plus précisément, ils ne savaient pas qu'il avait détruit leur créateur.

Soda dit : « Je ne dirais pas ça... »

Son sourire aux dents de requin se révélait être plutôt intimidant sous un éclairage approprié.

Avant que Naegi ne puisse sentir autre chose que son propre courage l'abandonner, Soda l'attrapa par les épaules et le poussa en avant.

« Hé, tout le monde ! brailla le Mécanicien, les mains en coupe autour de sa bouche. Voici l'Espoir Ultime, Naegi Makoto !

-Naegi Makoto ! »

Une centaine – non, un millier – de chants robotiques s'élevèrent à l'unisson. Comme une seule unité, les Monokumas se tournèrent vers eux et saluèrent. Même le robot que Soda avait renversé serrait les jambes l'une contre l'autre et levait une patte à son front.

C'était sacrément terrifiant.

« Tu les as programmés pour qu'ils fassent ça pour moi ? demanda Naegi, ressentant au fond de lui l'envie de rentrer sous terre.

-Ils font ça pour chacun d'entre nous. » Pour prouver ses dires, Soda cria ses propres nom et titre, et les Monokumas chantèrent docilement son nom. « Ça veut dire qu'ils te reconnaissent comme l'un des nôtres. J'ai anticipé et je t'ai aussi donné les droits de base. »

Jusqu'ici, cela s'avérait être une mauvaise journée. Soda n'avait même pas fait quoi que ce soit de Désespérant, et Naegi avait déjà envie de retourner dans sa chambre. Il décida de ne pas s'attarder sur l'idée d'être reconnu comme membre du Désespoir Ultime (en fait, il décida de l'effacer complètement de sa mémoire. Sinon, il pourrait devenir fou), mais cette histoire de droits semblait importante.

« Qu'est-ce que ça veut dire ? » demanda-t-il.

Soda haussa les épaules. « Veut dire que tu peux leur donner des ordres du moment que ça n'aille pas contre ce qu'on leur a dit de faire. Pareil avec les soldats. Tu devrais essayer. »

Soda siffla et un Monokuma se précipita dans leur direction, s'arrêtant devant eux en titubant. Il... il ne ressemblait pas au Monokuma du Killing Game. Il avait l'air bien moins maléfique. Il lui fallut un moment pour comprendre pourquoi, mais il finit par réaliser qu'il possédait des dents normales au lieu des dents tranchantes et pointues de l'autre Monokuma.

« Demande-lui de nous amener un casse-croûte ou un truc comme ça, dit Soda. Je meurs de faim. »

Naegi regarda Soda pendant un moment, se demandant si le Mécanicien était sérieux. Apparemment, oui. Il se tourna vers le robot. « Euh, est-ce que tu pourrais nous apporter quelque chose à manger, s'il te plaît ? »

Le Monokuma le fixa avant de s'éloigner en se dandinant. Pendant ce temps, Soda se tordait de rire en arrière-plan.

« T... Tu... tu as dit s'il te plaît... à un robot ! Mon gars, t'es tordant. Hé, Monokuma, assure-toi que ce ne soit pas empoisonné ! » Il tapota l'épaule de Naegi, lui lançant ce type de regard affectueux mais supérieur qu'on lancerait à son petit frère. « Tu dois faire attention à ça. Il y a beaucoup de trucs comme ça qui traînent un peu partout et ils ne sont pas assez intelligents pour nous en amener un qui soit comestible à moins qu'on le demande.

-Fantastique.

-La télé est par là. » Soda désigna un établi qui se trouvait à une distance confortable des Monokumas. « Pour l'instant c'est qu'un tas de métal et de trucs, mais j'ai rassemblé toutes les pièces alors on peut commencer. T'as déjà travaillé avec des outils ?

-N... non. » Naegi était presque en train de marcher à reculons, gardant un œil sur les robots indifférents.

« Oh. Bah si tu m'observes, je suis sûr que tu vas apprendre quelques trucs ! » Soda s'assit à l'établi et frotta ses mains gantées. « Où est cet idiot d'ours ? »

Environ une minute plus tard, ledit ours réapparut. Il... Il portait une toque de chef cuisinier. Et un tablier. Il n'avait pas l'air mignon. Mais il portait aussi un plateau au-dessus de sa tête avec quelque plat sophistiqué pour lequel Naegi n'avait pas de nom. Soda tendit le bras, en attrapa un morceau et l'engloutit.

« T'en veux ? » demanda-t-il la bouche pleine.

Naegi prit un morceau avec réticence. C'était bon, plus que bon en fait, mais il ne parvenait pas à se laisser tenter par quelque chose donné par Monokuma. On ne pouvait pas lui faire confiance. Il avait toujours des arrière-pensées. Naegi devait être futé et...

Mais c'était différent, lui rappela soudain son cerveau. Enoshima s'était cachée derrière cet ancien Monokuma. Ce Monokuma-là était désarmé ; sans maître.

Tu ne peux plus leur faire de mal, songea-t-il vicieusement. Nous t'avons battue.

Monokuma continuait de sourire. Vindicatif, Naegi attrapa un autre morceau et l'avala tout rond. Il s'étrangla immédiatement, bien sûr.

Monokuma tendit la patte et le frappa dans le dos.

Ce fut efficace. Il recracha le morceau qui l'avait étouffé, mais il repoussa aussi la patte, sa peau s'embrasant de fureur à ce contact indésirable. Monokuma vacilla sous le choc, faisant passer son poids d'un pied à l'autre alors qu'il commençait à se stabiliser. Mais Naegi ne le laissa pas faire. Il poussa Monokuma comme Soda venait de le faire, et Monokuma bascula en arrière et s'écrasa au sol. Quand il jeta un coup d'œil vers son baby-sitter, Soda lui faisait des signes d'encouragement.

L'anxiété lui glaça le sang. Il s'embrouillait. Même si Naegi haïssait ce robot qui symbolisait son passé, il ne le haïssait pas assez pour se montrer très violent. D'un autre côté, Soda voulait qu'il continue et il ne savait pas ce qui se passerait s'il rejetait un ordre de ce Désespéré.

Faisant son choix, il ferma les yeux et donna un coup de pied à Monokuma...

… Ce qui se révéla être une très mauvaise idée.

« Aïe...

-Tu réalises que les robots sont faits en métal, hein ? demanda Soda.

-Ouais, je... » Naegi se baissa et se massa le pied. « Aïe.

-Regarde, je vais te montrer. » Soda se leva, un marteau dans la main. Il posa un pied sur la poitrine du Monokuma terrassé et brandit le marteau au-dessus de sa tête d'un geste menaçant. « D'abord, tu ne devrais pas commencer par viser les grosses parties. Ce sont les plus résistantes. Tu dois cibler les parties avec les jonctions les plus faibles. Comme... »

Le marteau s'abattit. Avec le crissement perçant du métal contre le métal, la tête s'enfonça profondément dans l'articulation de l'épaule du Monokuma. Des étincelles s'échappèrent des brèches dans le métal cabossé. Deux coups plus tard, le bras se détachait complètement du corps.

« Mais un petit marteau comme celui-là ne va pas faire grand-chose. » Soda laissa tomber mine de rien le marteau, et tendit la main vers le bras rompu. « Si tu veux vraiment le détruire, tu as besoin de quelque chose de plus fort. Comme... »

Avec l'aisance d'un expert, il fit sortir les griffes de la patte. Il l'inclina vers Naegi, comme s'il pensait que Naegi ne les avait jamais vues. Puis, il plongea les griffes dans la tête du Monokuma.

« Ah ! » Le Mécanicien tirait la langue en riant. « Ça c'est le pied. Ces trucs peuvent couper à peu près n'importe quoi si tu t'y prends bien. Tiens, essaie. Mais attention à la poitrine ; c'est là que se trouve la bombe. »

Honnêtement, Naegi en avait assez. Il détestait Monokuma... mais il y avait quelque chose de pitoyable à réduire brutalement en morceaux un robot sans défense de sa propre main. Mais Soda lui avait plaqué le bras de Monokuma contre la poitrine et le Mécanicien lui disait de le faire. Sa peau picota ; une sensation identique quand Kamukura le fixait un peu trop longtemps, ou quand le sourire de Komaeda s'étirait trop quand Naegi donnait une réponse insatisfaisante.

Alors, il s'exécuta, quand bien même ses bras se tendaient tellement à cause du son qu'il en avait des crampes. Il frappa deux ou trois fois. Quand il se retourna, Soda était en train de fixer les débris, la bouche béante d'horreur. Il y avait des traces de larmes dans ces yeux... que se passait-il ?

« Euh, Soda-kun ? »

Soda tressaillit, comme se libérant d'une transe. « J'ai mis un morceau de moi-même dans toutes mes créations. C'est pour ça... c'est pour ça que tous les ours peuvent rendre leurs dents pointues. Et les voir... les regarder être réduits en pièces si froidement devant mes yeux... c'est terrible. »

Mais Soda lui avait dit de le faire ! Malgré tout, Naegi traîna les pieds et marmonna : « Désolé. Je ne savais pas qu'ils étaient aussi importants pour toi. »

Un instant passa.

Soda ricana.

« Désolé ? répéta-t-il en s'essuyant les yeux. Désolé ? Non, c'est... c'est terrible ! J'ai travaillé si dur pour trouver comment les produire en masse et tu les détestes tellement que tu dois les réduire en morceaux dès que tu les vois, même après toute ma sueur et mes larmes... Allez, Naegi-kun. Va casser d'autres robots ! »

Les yeux de Soda étaient rouge sang. Des spirales démentes y dansaient. Naegi recula d'un pas ; il raffermit sa prise sur le bras du robot.

« Je n... ne...

-Au moins dis-moi à quel point je suis un loser pour perdre mon temps avec ça. » Il n'y avait qu'une manière de décrire comment Soda le regardait : voracement. « Dis-moi que tu les trouves hideux. Que ta grand-mère aurait pu faire du meilleur travail. Allez, Naegi-kun. S'il te plaît. Notre maîtresse le faisait tout le temps ! »

Ce fut la goutte d'eau qui fit déborder le vase. La colère lui prêta la force dont il avait besoin pour rendre sa voix forte et assurée. « Je ne suis pas Enoshima. »

Les lumières semblèrent soudain décliner. Soda resta silencieux, mais seulement un instant.

« D'accord, cracha-t-il. Alors dis-moi que je ne suis rien de plus qu'un meurtrier sans âme. Dis-moi que tu me détestes pour avoir créé les choses qui ont exécuté tes amis. »

Naegi le dévisagea. Une vague glaciale lui léchait les pieds et grimpait progressivement...

« Trouble émotionnel non autorisé ! »

Les cris des Monokumas les arrêtèrent sur leur lancée. Un unique robot se détacha de la masse et se jeta sur Soda. Tous deux tombèrent sur l'établi, le heurtant avec un glapissement. Le robot était certes petit mais aussi lourd et quand tous deux atterrirent sur le sol, le Monokuma était sur la poitrine du Mécanicien.

« Hé, laisse-moi ! » Le robot obéit instantanément. Soda s'en prit à lui, hurlant : « C'était pour quoi ? »

Le robot salua. « Décret de niveau 3 de Komaeda Nagito, Chanceux Ultime : toute tentative de donner du désespoir à Naegi Makoto, Espoir Ultime, doit avoir son approbation préalable.

-C'est ton thérapeute maintenant ? se plaignit Soda. Et je n'essayais pas de le faire tomber dans le désespoir ou quoi que ce soit. J'en voulais juste un peu pour moi. »

Vraiment ? C'était tout ? C'était tout ce qu'il fallait pour en finir ? Naegi avait presque envie de refuser, juste par principe, mais maintenant n'était pas le moment de faire le fier. Il mit donc ses réserves de côté et se prépara mentalement.

« Soda-kun... tu sens vraiment mauvais. »

Ce n'était pas un mensonge. Il sentait l'huile et la transpiration et le métal brûlant.

Il n'en fallut pas plus pour que le Mécanicien s'illumine de joie.

« Elle me disait tout le temps ça ! » s'écria-t-il d'une voix perçante.

Mission accomplie, supposa-t-il. Naegi se sentait sale.

« Je suis assez dégoûté pour toi, devoir passer tellement de temps avec ce taré obsédé. Je parie qu'il ne la ferme jamais. » Soda roula des yeux avec une légère moue tout en parlant de Komaeda. « Je pourrais toujours annuler ses ordres pour toi.

-C'est bon », dit Naegi. En fait, il approuvait complètement cet ordre particulier de Komaeda.

« Ok. Mais dis-le à l'un d'entre nous si tu changes d'avis. Tout le monde à part toi a des droits plus élevés que Komaeda parce que c'est un cinglé. Allons commencer cette télé !

-D'accord », dit Naegi à mi-voix. Il regarda une dernière fois la foule de Monokumas. Beaucoup n'avaient pas bougé de leur position précédente ; ils attendaient, saluant toujours de leur bras. Naegi ravala sa peur persistante et leur tourna le dos.


« Hé, passe-moi le tournevis plat. »

Ordre reçu. Localisation du tournevis à bout plat... objet localisé. Objectif de la mission : délivrer l'objet à Soda Kazuichi, Mécanicien Ultime.

Il passa le tournevis. Soda le prit avec à peine un mot, concentré sur son travail.

Mission accomplie. Retour à l'état d'attente.

Son casque grésilla. Un autre soldat dans le bâtiment parla. « Nouveau décret de niveau 0 de Kamukura Izuru. Kamukura Izuru doit être tenu informé de quiconque se trouve avec Naegi Makoto, Espoir Ultime. »

Message reçu. Clauses de niveau 0 appliquées (1. Ne pas alerter les autres membres du Désespoir de ce décret. 2. Le créateur du décret doit être immédiatement informé si le décret est compromis. 3. Sauf indication contraire, le décret peut être ignoré si l'appliquer violerait la clause 1). Remplace le décret de niveau 3 de Komaeda Nagito : informer les autres membres du Désespoir de la présence de Naegi Makoto, Espoir Ultime, est prohibé.

Clause trois active. Garder le silence en ce qui concerne le compagnon. L'application du décret est différée.

« Ok, maintenant tiens ça fermement. »

Ordre reçu. Maintien de l'objet.

(L'impact sec du marteau, à un pouce de ses doigts, ne le dérangea pas le moins du monde).

Mission accomplie. Retour à l'état d'attente...

Nouvelle arrivée détectée... Cible identifiée : Komaeda Nagito, Chanceux Ultime, droits de niveau deux.

« Je suis désolé d'interrompre deux personnes aussi remarquables au milieu de leur travail mais... Naegi-kun ? C'est toi ? »

Unité interpellée. Type de réponse : affirmative.

« Tu... ! Naegi-kun, enlève ça tout de suite ! »

Ordre prioritaire reçu. Enlèvement de l'appareil...

Ce fut comme recevoir un seau d'eau glacée en pleine figure. Naegi eut le souffle coupé alors que la vase épaisse qui occupait son esprit disparaissait. Le casque Monokuma faillit glisser entre ses mains tremblantes. Ce... Soda avait été évasif et lui avait dit que ça soulagerait son anxiété, mais il n'avait jamais fait allusion à quelque chose comme ça. Il...

Oh. Komaeda avait l'air furieux.

« Tu lui as mis un des casques ? s'écria Komaeda, la voix perçante.

-Il était nerveux. Je crois que tous les outils pointus l'ont stressé. Et puis il avait du mal à faire la différence entre tout et à bien maintenir les clous. J'ai pensé que ce serait plus facile pour nous deux ! » C'était une réponse si innocente que Naegi se demanda s'il savait à quoi servaient vraiment ces casques.

Komaeda s'agita. Il était clairement déchiré entre deux désirs également puissants : celui de se soumettre à son camarade talentueux et celui de défendre son précieux Espoir Ultime. Les deux triomphèrent d'une certaine façon ; Komaeda parvint à parler, mais en grinçant les dents et en serrant la mâchoire.

« Le lavage de cerveau n'est pas temporaire ! » dit Komaeda.

Soda répondit : Seulement s'il le porte pendant longtemps. C'est bon. »

Komaeda gémit de détresse. Il apparut qu'il était incapable de s'opposer davantage à Soda, alors il se tourna vers Naegi. « Tu vas bien ?

-Je vais bien. » Naegi frissonna intérieurement, se souvenant de la sensation d'enfiler le casque. L'idée d'un casque qui pouvait vous laver le cerveau était déjà assez dérangeante, mais ce qui était vraiment terrifiant était la rapidité des effets. Au moment où il l'avait mis sur sa tête, il avait eu l'impression qu'une ligne à haute tension lui touchait le cerveau ; son esprit s'était paralysé et avait complètement gelé, permettant aux vrilles vicieuses du casque hypnotique de s'y infiltrer. Il ne s'était même pas rendu compte que quelque chose n'allait pas, peu importait à quel point c'était évident avec le recul. L'obéissance avait semblé naturelle, comme l'apathie. L'afflux d'informations téléchargées dans son esprit...

Il se figea.

Son esprit s'activa aussitôt, tentant désespérément de se saisir des bribes d'informations données par le casque qui disparaissaient rapidement. Parce que s'il se souvenait correctement...

… Une de ces informations avait été une carte.

« Pourquoi t'es là de toute façon ? demanda Soda à Komaeda.

-C'est bientôt l'heure de manger, dit Komaeda. J'étais...

-Génial. Je mangerais bien quelque chose. » Soda pivota sur son siège pour faire face à Naegi. « Tu viens aussi, n'est-ce pas ? Ce sera notre premier repas en famille ! »

Komaeda se frotta la nuque. « En fait, je... »

Mais Soda avait déjà attrapé la main de Naegi. « Allons-y ! »

Naegi glapit et le suivit en trébuchant.

Komaeda les suivit du regard, la bouche encore ouverte, et cligna des yeux.