Chapitre 19 : Le Mur de l'Espoir
« … Pas mal. Celui qui t'a formé savait ce qu'il faisait, mais il aurait pu passer plus de temps sur le b.a.-ba avec toi ! » dit le Coach Ultime avec un petit rire jovial. Avec une délicatesse surprenante pour sa taille, il plaça les épaules de Naegi dans la bonne position. « Voilà. C'est mieux. »
Naegi ne pouvait pas parler. Son dos était luisant d'une sueur nerveuse ; il était surpris que Nidai ne le sente pas (Owari, d'un autre côté, il pensait l'avoir vue plisser du nez une ou deux fois). Que faisait-il là, déjà ? Pourquoi les avait-il laissés l'emmener ? Ah oui. Parce qu'il avait eu trop peur de refuser. Son seul réconfort était la présence de Komaeda, assis contre le mur du fond, apparemment en train de travailler un poème sur l'espoir.
Parfois, il s'inquiétait un peu pour Komaeda.
« Très bien... Maintenant, frappe ! »
Son bras jaillit comme un piston. Pas étonnant. Son corps fonctionnait à cet instant en mode « tout ou rien » ; soit ses membres se contractaient et se figeaient sous la peur, soit ils bougeaient brusquement, injectés d'adrénaline. Mais ce n'était pas comme si Nidai remarquait à quel point il était sur les nerfs. Le Coach rit bruyamment en rejetant la tête en arrière.
« Attention ! Si tu mets trop de force sans rien frapper, tu pourrais te faire une élongation. Des athlètes ont ruiné leur carrière comme ça, tu sais ! »
Le doigt pointé de Nidai s'arrêta à quelques centimètres de sa poitrine. S'il l'avait touché... hé bien, Naegi n'aurait pas été choqué que son cœur s'arrache de son corps pour tenter de s'échapper. Il était déjà à deux doigts de se cacher dans ses entrailles.
« Je... Je ne suis p... pas un athlète, parvint à articuler Naegi.
-Pas avec cette attitude, c'est sûr ! »
Nidai le frappa dans le dos. Naegi tressaillit et tenta simultanément de se dégager. L'instant d'après, il était au sol, Nidai baissant un regard abasourdi sur lui. De l'autre côté du gymnase, Owari cessa de se balancer sur les barres de gymnastique (comment pouvait-elle faire ça quand elle ne semblait plus avoir de muscle) et s'arrêta la tête à l'envers, suspendue par les pieds.
« Hé, Vieil Homme ! Fais attention à lui. Le gosse a encore des bleus partout. »
Nidai fit un grand sourire et lui adressa un signe de la main. « Tu sais ce qu'on dit : il faut souffrir pour progresser !
-On dit aussi qu'il ne faut pas en faire trop quand on est blessé, dit Naegi, toujours allongé sur le dos.
-C'est toi qui es venu nous voir.
-M... Mais non. Je faisais de l'exercice tout seul dans ma chambre. Owari-san est arrivée et m'a vu, et elle m'a traîné jusqu'ici pour que je m'entraîne avec vous.
-Exactement ! »
Naegi se renfrogna. Il ne pensait pas qu'il s'agissait d'une facette de l'illogisme des Désespérés. Non, c'était purement l'excentricité des Ultimes. Il jeta un coup d'œil vers Owari ; elle levait le pouce vers lui, toujours à l'envers.
« Qui t'a formé, au fait ? » demanda Nidai.
Son cœur se serra un peu. « Oogami Sakura.
-Oogami... » Owari se frotta le menton. « Hé, c'était la Combattante Ultime, non ?
-Bien sûr ! dit Nidai, sa voix forte étouffant l'acquiescement à mi-voix de Naegi. Vous savez, quand elle est arrivée, je pensais avoir une chance de l'affronter.
-Je n'avais pas entendu parler de cette histoire », dit Owari. Elle se retourna de manière à s'asseoir sur la barre. « Qu'est-ce qui s'est passé ? »
Naegi était lui aussi curieux, bien qu'il pensait avoir une idée de l'issue...
« Elle m'a démoli ! »
Ouaip. Il s'en était douté.
L'expression d'Owari égalait le large sourire de Nidai. « Ça a dû te plaire.
-Bien évidemment ! acquiesça Nidai. Je regrette de ne pas l'avoir enregistré. Je ne pense pas que l'école ait jamais subi autant de dégâts.
-Tu n'es pas fâché d'avoir perdu ? demanda Naegi en se redressant en position assise.
-Pas à cette époque. » Le Coach se frotta la nuque, rougissant un peu. « C'était le bon vieux temps où je pensais qu'aider les athlètes à atteindre le sommet de leurs performances était la plus grande joie au monde. Maintenant, je comprends que ce n'était que des enfantillages ! Le Désespoir est le vrai truc auquel on doit aspirer !
-Bravo, bravo ! » claironna Owari.
Nidai tapa du pied, leva les bras au ciel et beugla.
« Grahhhh ! »
Comment... ses yeux lançaient des éclairs rouges. Comment était-ce seulement possible !? Naegi recula précipitamment quand un éclair claqua près de lui. Ce n'était pas des vrais, n'est-ce pas ?
… Nidai était peut-être monté d'un coup au sommet de sa liste des Désespérés les plus dangereux.
« HÉ, TOI ! » Le doigt pointé de Nidai lui évoquait un pistolet prêt à tirer. « Ôte-moi cet air de ton visage. Tu ne peux pas les laisser voir ta peur comme ça ! »
Ça lui rappelait... avant. Il... il devait s'échapper ! Est-ce que c'étaient ses membres qui bougeaient, le traînant en arrière ? Il l'ignorait. Nidai le dominait de toute sa hauteur...
Naegi trébucha sur le pied de Komaeda.
« Naegi-kun, quel autre mot rime avec espoir ? »
Pendant un moment béni, il y eut le silence.
« Euh, Komaeda ? dit Nidai. J'essaie d'enseigner au gamin une leçon de vie, là. »
Naegi leva les yeux vers Komaeda. « Euh, mouchoir ?
-Hmm, L'espoir nettoie ton âme comme un mouchoir ! Je peux peut-être utiliser ça. »
C'était juste trop surréaliste.
« Ton poème a l'air nul ! » intervint Owari depuis sa barre. Naegi ne pouvait qu'acquiescer en son for intérieur.
Mais Komaeda balaya la remarque. « C'est parce que tu ne comprends pas la beauté de l'espoir. Naegi-kun, tu devrais tout leur dire là-dessus ! »
Nidai leva les mains et recula d'un pas. « Euh, je dois retourner m'entraîner ! Peut-être une autre fois.
-Ouaip. Moi aussi, dit Owari. Ces sacs ne vont pas se frapper tout seuls ! »
Il y avait presque un demi-mètre entre Naegi et Nidai à présent. Le Coach dit : « Restons-en là pour ce soir, Naegi-kun. Tu es plutôt maigre. Nous devons faire attention à ne pas te surmener ! »
… Et le plus drôle, c'était que Naegi ne pensait pas que Komaeda l'avait fait exprès. Non pas qu'il allait repousser cette opportunité. Il était content de quitter le gymnase. Komaeda le suivit lentement, un crayon derrière l'oreille, concentré sur sa feuille de papier. C'était un de ces rares moments où il ne souriait pas. Naegi marqua une pause et se retourna pour faire face à l'autre adolescent. Après qu'il lui avait sauvé la mise, il se sentait obligé de demander :
« Comment ça se passe pour le poème ?
-Je crois que ça se passe très bien ! » dit Komaeda. Ses yeux s'illuminèrent. « Tu veux l'écouter ?
-Euh ... »
Il s'avéra que Komaeda n'attendait pas de réponse.
…
… Wahou.
Wahou.
Ce n'était pas impossible que ses oreilles saignent. S'il y avait un record pour la plus grande utilisation du mot « espoir », Komaeda venait de le pulvériser. Naegi avait presque l'impression de devoir réinitialiser son cerveau pour que « l'espoir » ait de nouveau un sens.
« Qu'est-ce que tu en penses ? demanda Komaeda.
-C'est très … plein d'espoir.
-Alors c'est parfait ! » D'un mouvement élégant du poignet, Komaeda retira le crayon de derrière son oreille et le rangea dans sa poche. « Je vais l'afficher à ton Mur de l'Espoir. »
… Oh mon Dieu, qu'est-ce que c'était que ça ?
« Tu vois, j'ai eu une idée géniale, continuait Komaeda. Je vais couvrir le plafond de ta chambre avec des choses remplies d'espoir. Comme ça, chaque matin tu pourras te réveiller avec espoir et la dernière chose que tu verras avant de t'endormir sera de l'espoir ! N'est-ce pas génial !? »
Naegi ressentait une envie irrésistible de se taper la tête contre un mur.
« Je suis sûr que vous avez tous une petite idée de la raison pour laquelle je vous ai fait venir ici. Avez-vous eu vent des rumeurs selon lesquelles nous allons nous battre contre le Désespoir Ultime en personne dans les prochains jours ?
-Oui, monsieur.
-Ces rumeurs sont vraies. Dans trois jours, nous lancerons un assaut contre le principal quartier général du Désespoir Ultime. Plusieurs de nos divisions seront concernées, y compris la Seconde Division. Vous six, bien entendu, serez parmi eux. Vous soupçonnez sans doute, cependant, que votre rôle sera différent de celui des autres. Sinon, je ne me serais pas donné la peine de programmer cette entrevue avec vous.
-Oui, monsieur.
-Vous êtes tous des vétérans. Je vous ai choisis pour votre bravoure, votre adaptabilité, et principalement, votre loyauté. C'est ce dernier trait qui est le plus important. La tâche que je vais vous confier est cruciale pour le futur de notre cause. Si je vous le demande, êtes-vous prêts à tout sacrifier ?
-Oui, monsieur.
Naegi observait Komaeda qui se tenait en équilibre au sommet de l'échelle. Le Chanceux scotchait son « poème » pile au-dessus de l'oreiller de Naegi. Au début, il pensait que ce ne serait pas trop mal parce que l'écriture de Komaeda était petite, mais Komaeda en avait tenu compte. Il était allé taper son poème à l'ordinateur, puis l'avait imprimé sur plusieurs pages pour être certain qu'il soit lisible depuis le sol. Ce qui voulait dire que, en effet, chaque fois que Naegi se réveillerait, il se retrouverait à lire ce poème.
Il allait finir par avoir l'espoir en horreur le temps qu'il sorte d'ici.
Komaeda plaça le dernier morceau de scotch. « Voilà ! C'est parfait.
-Fantastique, dit Naegi d'un ton blasé.
-Alors, il y a des choses que tu veux ajouter à ton Mur de l'Espoir ? » A moitié redescendu, Komaeda sauta de l'échelle. Quand il jeta un coup d'œil vers le bureau de Naegi où reposait une pile de papier, sa main tressauta comme si prête à créer un autre « chef-d'œuvre ».
Naegi fixa la plafond. Chaque jour, il allait se réveiller et voir ça. Il regrettait déjà de ne pas avoir poussé Komaeda à bas de l'échelle. De la très, très mauvaise poésie sur une vision déformée de l'espoir n'était pas ce qu'il aimait voir au réveil. Il préférerait...
Il préférerait voir...
Doucement, Naegi dit : « En fait, ouais. Il y a des trucs que j'aimerais mettre là-haut. »
« Ce dont nous sommes sur le point de discuter ne doit pas quitter cette pièce. Vous ne devrez rien dire à personne, pas même aux autres chefs de Division. Si le Président lui-même vous interroge, vous devrez nier. Si ces informations se répandaient, nos forces pourraient tomber avant même de voir la bataille. Si vous ne pouvez accepter une telle responsabilité, je vais devoir vous demander de quitter la salle immédiatement... Je vous pose donc la question : pouvez-vous porter ce fardeau ?
-Oui, monsieur.
-Bien. Je suis au courant que depuis la dernière émission de Tsumiki Mikan, une autre rumeur s'est mise à circuler au sein de la Fondation du Futur. Je ne me trompe pas en supposant que vous êtes également au courant ?
-Non, monsieur.
-Ne le dites à personne, mais cette rumeur est également vraie. Naegi a été capturé par les Rémanents du Désespoir. Cependant, nous avons des raisons de penser qu'il est détenu dans leur principal quartier général et qu'il est encore en vie. Il est votre mission.
-Oui, monsieur. »
« … Qu'est-ce que vous faites ?
-C'est le Mur de l'Espoir ! » cria Komaeda qui dansait presque sur ses orteils tout en tenant l'épaule de Kamukura et lui montrant le plafond. « J'ai trouvé ça tout seul.
-Je vois ça, lâcha Kamukura d'un ton monotone. Pourquoi m'as-tu demandé de venir ? »
Komaeda gratta le sol du pied. Il sourit timidement. « Nous n'avons pas grand-chose à y mettre et je n'ai pas beaucoup de talent pour les poèmes. Je pensais que tu pourrais...
-Non.
-Mais... !
-Non. »
Depuis le sol où il était assis, Naegi retint un ricanement.
« Pas même un tout petit ?
-J'ai ma fierté, Komaeda. »
Komaeda passa environ deux secondes à bouder. Puis son humeur se réinitialisa et il se redressa d'un coup sec. Il sautilla vers Naegi (parce que comment qualifier autrement cette espèce de démarche bondissante ?) et se pencha par-dessus l'épaule de ce dernier, les mains dans le dos.
« Tu as trouvé ce que tu cherchais ? »
Naegi sourit et cette fois, c'était complètement sincère. « Oui. »
Il reposa l'album de promotion et s'empara de la pile de pages arrachées à côté de lui. Chacune d'entre elles comportait une photo d'au moins un de ses amis. Il les serra contre sa poitrine. Elles paraissaient chaudes entre ses mains, comme si leurs âmes résidaient dans ces pages, lui murmurant des mots. Il pouvait visualiser tous leurs visages et leurs sourires.
« Super, je vais les accrocher ! »
Il gémit audiblement quand Komaeda les lui arracha sans considération (il parvint de justesse à retenir celle qu'il ne voulait pas que Komaeda voit et la fourra dans sa poche). Komaeda remonta l'échelle en vitesse, la faisant osciller dangereusement. Tout le désarroi que Naegi avait pu avoir quand les photos lui avaient été enlevées s'adoucit rapidement à la vue de ces images qui s'élevaient, venant former un cercle rayonnant autour de cet affreux poème. Elles égayaient la chambre entière, changeant la cellule empruntée en un endroit qu'il pourrait réellement appeler sa …
Il secoua la tête. Non. Il ne pouvait pas penser ainsi. Ce n'était pas sa maison, après tout.
Kamukura s'approcha et jeta un coup d'œil aux photos. « C'est ennuyeux. »
Naegi ne s'était pas attendu à autre chose. Kamukura ne comprendrait pas.
Kamukura fixa soudain Naegi. Ouaip, Naegi s'y était aussi attendu. Kamukura savait déjà qu'il avait caché une photo à Komaeda. Après s'être assuré que ce dernier était occupé, il conduisit Kamukura dans la salle de bain et ferma la porte derrière eux.
Quand il se retourna, Kamukura avait tiré le rideau de la baignoire et fixait ses chaussures volées.
« Je ne laisse pas Komaeda-kun utiliser la douche », dit Naegi.
Le rideau retomba en place. « Qu'est-ce que tu lui caches ? »
Naegi ouvrit la bouche.
Il la referma.
Il ne devrait pas avoir de réticence à la montrer à Kamukura. Le jeune homme était la raison pour laquelle Naegi avait conservé cette photo, après tout. Mais il ne pouvait s'empêcher de se souvenir de la dernière fois qu'il l'avait vue. Et cette fois-ci, Komaeda n'était pas là pour servir de bouclier (non pas qu'il pensait que Komaeda puisse stopper quelqu'un d'aussi puissant que Kamukura).
« Je... » Il prit une profonde inspiration et ravala son hésitation. « Je voulais savoir si tu voulais ça. »
Prudemment, il sortit la photo de sa poche et la retourna. Il la tendit à Kamukura. Ce dernier ne la prit pas. A la place, il fixa silencieusement la fille menue aux cheveux violets. Naegi pouvait sentir la chaleur de son regard à travers le papier.
« Ça semblait avoir de l'importance pour toi, alors j'ai pensé que tu pourrais...
-Qu'est-ce que Komaeda t'a dit ? l'interrogea brusquement Kamukura.
-R... rien. Je n'ai plus jamais soulevé le sujet. »
Kamukura lui lança un regard perçant, le disséquant à la recherche d'un mensonge.
« … Nous avons quinze secondes avant que Komaeda remarque que nous sommes partis. »
Naegi comprit le message. Il hocha la tête, remit la photo dans sa poche et sortit de la salle de bain.
Dix secondes plus tard, quand Komaeda scotcha la dernière photo, Naegi l'attendait innocemment au pied de l'échelle. Quand il lui posa la question, il répondit à Komaeda qu'il adorait – ce qui était vrai. Il se demanda s'il serait capable de mettre la main sur des photos de sa famille. Pendant ce temps, la porte de la chambre se referma en arrière-plan quand Kamukura quitta les lieux.
« Hmm, je ne vois pas pourquoi on en aurait qui traînerait quelque part, répondit Komaeda quand Naegi lui en fit part. Mais nous sommes tous les deux chanceux, donc il y a une chance significative que j'en trouve une en cherchant. Donne-moi une heure et je vais voir ce que je trouve. »
Komaeda quitta la pièce, laissant Naegi seul avec son Mur de l'Espoir nouvellement érigé. Il l'absorba du regard, souriant tristement. Quelques minutes plus tard, ses pensées retournèrent vers la photo dans sa poche. Il esquissa un geste pour la récupérer. Il ne savait pas quoi faire avec, mais ça ne semblait pas correct de les jeter, cette photo et cette fille...
Hein ? Où était-elle ?
Il retourna sa poche. Elle était vide.
Elle n'était pas par terre. Elle n'était pas tombée dans la salle de bain. Et elle n'était certainement pas au plafond. Où était... ?
Il plissa le front. Il y avait eu des moments où il n'avait pas fait attention, où la photo dépassait de sa poche...
Kamukura l'avait-il prise après tout ?
« Notre attaque n'est censée être rien de plus qu'une distraction. Pendant que les yeux des Rémanents seront sur nous, vous devrez vous infiltrer dans le bâtiment et localiser Naegi. J'ai bien peur de ne pouvoir vous aider à remplir cet objectif. Peu de nos alliés ont quitté cet endroit vivants. Mais vous devez réussir. Même si la moitié de la Fondation du Futur est anéantie, atteindre votre objectif nous donnera un avantage sur le Désespoir.
-Oui, monsieur.
-Malgré sa bêtise et sa naïveté, j'admets que Naegi Makoto est très puissant. Je ne pense pas qu'il y ait qui que ce soit d'autre qui puisse manier les mots avec une telle force. Le monde l'a déclaré le sauveur de l'espoir. Nombreux sont ceux dans la Fondation du Futur à partager ce point de vue et à avoir rejoint notre cause pour cette raison.
-Oui, monsieur.
-... Et c'est pourquoi, après Enoshima Junko, Naegi serait la plus grande menace que nous ayons jamais affrontée. Entre nos mains, c'est un sauveur. Mais vous devez comprendre ceci. Si Naegi était corrompu par le Désespoir, il pourrait détruire le reste de ce monde en un an. Le monde pourrait ne jamais se relever. Comprenez-vous ?
-Oui, monsieur. »
« Komaeda-kun... Je n... ne veux pas voir ça.
-Ça ne sert à rien de rester dans l'ignorance de ce qui se passe à l'extérieur ! dit Komaeda. N'était-ce pas frustrant quand tu étais enfermé à Hope's Peak ?
-C'est différent ! Je ... »
Komaeda rangea la télécommande dans sa poche et haussa les épaules. « Désolé, Naegi-kun, mais je ne vois vraiment pas en quoi. »
La télé était allumée. Elle montrait une sorte de bataille faisant rage dans le monde extérieur. Des feux brûlaient, des balles volaient et des gens... des gens se faisaient blesser. Un poids désagréable et houleux s'amassa dans son estomac. De la sueur perla sur son front.
Komaeda se tenait juste derrière son épaule, le regard fixe comme celui d'un prédateur. Dès que Naegi se tortillait et essayait de se détourner de la télévision, il était là pour lui attraper la tête et la remettre en place. Ses doigts s'attardaient sur le cou de Naegi, exerçant une pression sur le muscle.
« Je crois que c'est l'Allemagne, murmura Komaeda. La Princesse Ultime avait dit qu'elle voulait y écraser un mouvement de résistance avant de passer. »
Naegi ferma les yeux, tentant de prétendre que rien de tout cela n'était réel. Mais les doigts squelettiques de Komaeda remontèrent jusqu'à son visage, glissèrent sur ses yeux et s'enfoncèrent dans la chair autour. Les paupières de Naegi se contractèrent mais ne purent rester fermées. Les scènes qui flashaient à la télévision revinrent juste à temps pour montrer quelqu'un s'effondrer au sol.
« Regarde tout ce désespoir, Naegi-kun. N'est-ce pas horrible ? Dire que les gens peuvent se laisser tomber si bas... Mais tu ne sombreras jamais à leur niveau. » La voix de Komaeda était un souffle chaud contre sa joue. Son contact un fantôme faisant courir ses doigts dans ses cheveux. « Un jour, tu leur insuffleras à tous l'espoir. Tu épuiseras le désespoir et en avaleras les vestiges. Il ne restera plus que la lumière – ta lumière ! La lumière de l'espoir ! Le monde entier brûlera dedans !
-Arrête... » Il tremblait, une peur profondément ancrée marquant sa voix quand les lèvres de Komaeda effleurèrent son oreille. « Eteins-la. »
Chaque gloussement était un clou qui s'enfonçait dans son crâne. « Mais Naegi-kun, si je fais ça, tu ne verras pas. Si tu ne vois pas, alors comment ton espoir pourra s'épanouir ? »
Et Komaeda lui agrippa le menton avec tant de force qu'il lui fit mal.
« N'est-ce pas horrible, Naegi-kun ? C'est injuste, non ? Comment de telles choses ne pourraient-elles pas bouleverser quelqu'un d'aussi optimiste que toi ? Regarder toute cette douleur et cette misère est douloureux, je sais. Mais c'est ce qui fortifie l'espoir. Quand tu te réveilles et que tu réalises que tout le monde autour de toi est mort, c'est à cet instant que tu choisis l'espoir ou le désespoir une bonne fois pour toutes... Je sais tout ça. »
L'haleine de Komaeda pesait sur son cou. « Non pas que je vais être comme ça avec toi. Je serai doux. Je vais te construire pièce par pièce jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de place pour le désespoir. Tu seras pur. Tu seras parfait. »
« Naegi ne doit pas sombrer dans le désespoir. Il est trop dangereux. Le récupérer est l'objectif idéal, mais si cette issue s'avère impossible, alors considérez cela : nous devons retirer au Désespoir Ultime la capacité de l'utiliser contre nous.
-Oui, monsieur. »
(De l'autre côté d'un bâtiment, une femme aux cheveux orange parlait au téléphone. « Oui, dans trois jours. Soyez prêts. »)
Komaeda pressa ses lèvres contre le sommet de sa tête et elles brûlèrent comme un fer rouge.
« Je vais te rendre parfait. »
« Si vous ne pouvez pas exfiltrer Naegi Makoto... tuez-le. »
