Chapitre 25: Le Menteur

«… Je reconnais ce qu'il a fait pour mes amis, pour moi et par extension, pour le monde. Mais le monde peut surmonter le désespoir sans Naegi Makoto. Avec l'aide de la Fondation du Futur, nous avons l'intention de ...»

La voix claire mais douce de Kirigiri Kyoko était noyée par un fredonnement. Les pieds battant sous le bureau, Komaeda jouait avec un bouton du panneau de contrôle devant lui. La voix de Kirigiri se déforma soudainement, formant des sons incompréhensibles avant de s'arrêter en tressautant. Puis, sa voix emplit à nouveau la pièce.

«… Je reconnais ce qu'il a fait pour mes amis, pour moi...»

Komaeda soupira affectueusement et observa l'écran en face de lui. Enoshima avait raison: l'espoir et le désespoir étaient contagieux. Ecoutez simplement la Détective Ultime! Comment qualifier ce discours autrement que d'optimiste?

A l'écran, les appareils photo s'emballèrent alors que Kirigiri achevait son discours. Le Président de la Fondation du Futur s'avança sur la scène, prêchant de similaires paroles d'espoir dans le microphone. Komaeda suivit attentivement la scène. La moitié de son esprit était occupée à s'imbiber de ces mots d'espoir ; l'autre moitié bruissait de plans et d'étapes successives qui devaient être mises à exécution.

La porte s'ouvrit. Komaeda n'eut même pas besoin de tourner la tête pour deviner qui venait d'entrer. Il se pencha plutôt en avant, écoutant le bourdonnement de l'espoir de Naegi-kun passant les lèvres de Kirigiri Kyoko.

«Pourquoi m'as-tu fait venir?» demanda l'Imposteur.

Komaeda pivota sur sa chaise. «Bonjour, Togami-kun. Je suis si content que tu aies accepté de passer voir une ordure comme moi.»

«Ne me fais pas perdre mon temps.» L'Imposteur s'avança au centre de la pièce, croisant les bras sur sa poitrine. «Que voulais-tu?

-Ça concerne ton affectation précédente. J'ai quelques questions sur cet endroit.

-Mon affectation précédente?» L'Imposteur haussa un sourcil. «Que veux-tu savoir sur Towa City?»


«Vous êtes encore là.

-… J'espérais ne jamais avoir à te dire ça», dit Iwata.

Ils étaient assis tous deux côte à côte dans la prison presque déserte. Naegi n'était pas sûr de ce qui l'avait conduit là-dessous, mais il ne s'était pas attendu – il avait espéré une issue différente – à voir Iwata de nouveau dans sa cellule. Même le prisonnier qui avait aidé Iwata à s'attaquer aux soldats Monokuma manquait à l'appel. Ils n'étaient que tous les deux, plus deux autres prisonniers que Naegi n'avait jamais vus.

Ces derniers étaient particulièrement furieux quand Naegi était entré. A son arrivée, ils avaient brusquement tourné la tête, le regard flamboyant. Flammes qui s'étaient estompées en de simples braises quand ils avaient vu qui se tenait sur le seuil. Puis, le déni avait commencé. Un des nouveaux prisonniers avait murmuré que les rumeurs étaient vraies et qu'on leur avait menti. Naegi avait essayé de leur dire qu'il ne travaillait pas avec le Désespoir Ultime, mais ils n'avaient pas vraiment répondu.

Iwata, d'un autre côté, s'était contenté de le fixer. Il avait été incapable de parler jusqu'à ce que Naegi s'assoie à côté de lui d'un mouvement résigné. Naegi n'avait pas été capable de croiser le regard d'Iwata, par honte de son inutilité. Iwata avait sacrifié sa chance de s'échapper pour l'aider et Naegi avait tout gâché. Il n'était pas un héros. On pouvait difficilement dire qu'il était l'Espoir.

«J'ai apporté de la nourriture», dit Naegi. Pour les deux autres captifs, il ajouta: «J'en ai aussi assez pour vous deux.

-Tu l'as sans doute empoisonnée», grogna un des prisonniers.

Cela sembla provoquer l'ire d'Iwata. Les épais murs de béton entre les cellules l'empêchaient de discerner qui avait parlé, mais il se tourna quand même vers le mur.

«Naegi-kun n'est pas l'un d'entre eux!

-Je ne leur reproche pas de le penser, dit Naegi. Je veux dire, ce n'est pas comme si j'étais enfermé ici avec vous.

-Exactement. S'il n'est pas prisonnier, alors pourquoi il est là?» demanda le captif.

Naegi ne pensait pas qu'il y ait une façon d'expliquer sans s'incriminer lui-même. Il se contenta d'un vague «Le Désespoir Ultime est fou».

Ce qui s'avéra ne vraiment pas être la meilleure chose à dire. Ce ne fut pas bien reçu du tout. L'un d'eux le maudit et Iwata se tendit à ses côtés, prêt à prendre sa défense. Naegi courba la tête et accepta les insultes qui fusaient.

Il reprit à l'intention d'Iwata: «Je ne pense pas que je pourrai utiliser la même astuce, mais je vous promets que je vous libèrerai.

-Ne nous agite pas des promesses en l'air sous le nez, grogna le captif.

-Ce n'est pas une promesse en l'air. Je suis sincère! Je vais essayer de vous faire sortir d'ici!» Cette fois, il chercha le soutien d'Iwata. «J'ai bien réussi à faire s'échapper les autres?»

(Naegi ne remarqua pas l'hésitation d'Iwata).

«Oui. Ils se sont échappés.

-Exactement! Et je vais vous aider à vous enfuir, vous aussi. Comme je l'ai dit, je ne pense pas pouvoir berner une nouvelle fois les Monokumas, mais il y a plein d'autres choses que je peux essayer.»

Les prisonniers ne semblaient pas savoir que croire. Après qu'Iwata et lui aient attendu un moment une dispute qui n'éclata pas, Iwata dévora le reste de son repas, puis s'adressa à Naegi.

«Qu'est-ce qui s'est passé? Comment t'ont-ils attrapé?»

Naegi le fixa. Son sang se glaça.

«… L'un deux m'a poursuivi quand j'essayais de traverser la ville, mentit-il.

-Alors tu as réussi à sortir dehors?

-Oui.»

Ils restèrent assis ensemble, partageant une camaraderie silencieuse. Les deux autres prisonniers s'étaient retirés au fond de leurs cellules, se contentant de faire comme si Naegi n'existait pas. La lumière orange des torches léchait les murs. Occasionnellement, elle se réfléchissait dans les yeux du babysitter robotique de Naegi, qui attendait patiemment à la sortie de la prison. Il devait dire que cette dernière lui paraissait plus confortable quand elle était moins peuplée. Ce voile de désespoir ne hantait plus les cellules ; Iwata gardait encore beaucoup espoir et les deux autres prisonniers étaient trop récents – trop en colère – pour avoir succombé au désespoir.

«… Désolé, mais est-ce que vous avez vu le reste de ma classe?» Naegi devait leur demander.

«Ils sont avec la Fondation du Futur, dit une prisonnière. C'était une décision stupide. On les aurait jamais acceptés si on avait su que leur chef coopérait avec le Désespoir Ultime. On leur aurait mis une balle...

-Je ne travaille pas avec eux! cria Naegi. Et puis, je n'étais pas le chef de toute façon. Si on en avait un, je pense que ce serait probablement Kirigiri-san.

-Tu prétends toujours que ta présence ici n'est pas ce qu'il paraît?

-Oui, parce que c'est vrai! Jamais mes amis et moi ne...»

Mais sa voix s'éteignit quand le visage de Togami apparut sous ses yeux.

La prisonnière le remarqua. Elle était de nouveau devant l'entrée de sa cellule, agrippant les barreaux. «Oui?

-Naegi-kun?» Iwata lui attrapa l'épaule, inquiet.

Naegi lui lança un sourire tremblant. «C'est rien. J'étais un peu distrait. Je n'aiderais jamais le Désespoir Ultime... Iwata-kun, je dois y aller maintenant, mais je vous apporterai quelque chose à manger plus tard.»

Naegi se leva et se dirigea vers la sortie, ignorant les regards noirs des deux autres prisonniers. Il attendit que le Monokuma s'écarte, puis ouvrit la porte. Il franchit le seuil...

Komaeda le regarda, un fin sourire aux lèvres.

«As-tu apprécié ta visite?»

Naegi se figea comme un lapin qui avait aperçu un renard. Komaeda attendit patiemment qu'il s'explique, son visage transformé en un masque angélique et compréhensif. Les joues de Naegi s'empourprèrent sous l'effet de cette attention et il baissa les yeux vers les chaussures de Komaeda quand la peur lui taquina l'échine. Il aurait dû s'y attendre. Il avait disparu pendant trop longtemps ; c'était logique que Komaeda s'en rende compte. Komaeda devait être resté là pendant un moment, frustré...

Pourquoi s'en souciait-il! Ce n'était pas sa faute. Ils avaient enfermé Iwata et les membres de la Fondation du Futur. Ils l'avaient kidnappé et le retenaient ici. Ils n'avaient aucun droit de s'estimer déçus! S'ils n'avaient pas l'intention de l'enchaîner et de l'empêcher physiquement d'aller voir ces gens, ils ne pouvaient pas se plaindre.

… Mais il ne pouvait vraiment pas risquer de pousser Komaeda à bout une seconde fois.

Naegi marmonna: «Oui.»

Silence.

«Quel soulagement! dit Komaeda. Je pensais que ça risquait de devenir ennuyeux maintenant qu'il y a si peu de monde là-dedans.

-… Tu n'es pas en colère?» C'était une ruse. Ce devait être une ruse.

«Pourquoi serais-je en colère? répliqua Komaeda et il avait l'air sincèrement perplexe.

-Parce que tu... tu... tu n'aimes pas que je leur parle.

-Quand est-ce que j'ai dit ça? Je n'ai jamais rien fait d'autre que te soutenir avec tes relations.

-Non! Tu n'aimais pas quand je leur parlais. Je le sais!»

Ils étaient proches. Naegi parlait presque dans le cou de Komaeda. De son côté, le Chanceux lui lançait un regard décontenancé, haussant les sourcils. Il leva lentement les mains, puis repoussa doucement Naegi en le forçant à faire un pas en arrière.

«Tu es toujours en colère à cause de ce qu'a fait Kuzuryu-kun, n'est-ce pas? Je crois que tu as intériorisé cette colère et que c'est pour ça que tu inventes ce genre de choses.

-J'invente rien du tout!»

Pourquoi se mettait-il à pleurer? C'était juste un mensonge. Un mensonge stupide, qui plus est. Mais les larmes lui montaient aux yeux et il retenait un geignement et ça n'avait aucun sens. Il savait ce qu'il avait entendu et ce qu'il avait vu. Pourquoi Komaeda disait-il le contraire? Tout ça était si stupide!

«Hé... essaie de te calmer, ok?» Komaeda lui massait les épaules. «Ce n'est pas grave.

-Tu es en train de me mentir.»

Les coins de la bouche de Komaeda s'affaissèrent. «Naegi-kun...»

Peut-être était-ce son imagination, mais il jurait avoir entendu une note d'avertissement dans ce mot et son cœur bondit dans sa poitrine.

«Je suis désolé! dit-il rapidement. Je ne voulais pas dire ça.»

Komaeda le jaugea pendant encore un moment, puis se fendit d'un sourire tranquille.

«C'est bon. Je sais. Je te pardonne.»

Komaeda avait entrelacé leurs doigts et Naegi ne savait plus trop quelle en était la raison ou ce qui se passait. Il se laissa entraîner vers une destination inconnue. Chaque pas le recouvrait d'une ombre funeste ; son estomac se tordait de plus en plus. Mais il ne s'empêcha pas d'avancer. Il ne savait pas ce qui arriverait s'il essayait de se rebiffer.

La pièce dans laquelle Komaeda l'emmena n'était pas ce à quoi il s'attendait. Il n'y avait rien à l'intérieur. Littéralement. C'était une pièce vide. Elle ne comportait qu'un sol blanc, des murs gris et à peine plus d'espace que les cellules de la prison. Naegi n'avait aucune idée de ce que voulait Komaeda, jusqu'à ce que le garçon aux cheveux blancs s'assoie en tailleur contre le mur du fond.

«Naegi-kun.» Komaeda fit un signe de menton dans sa direction tout en s'asseyant, comme s'ils n'étaient pas entrés ici ensemble et que Naegi venait simplement d'arriver. «Je pense qu'on devrait discuter. Il est évident que quelque chose te dérange.

-Bien sûr que quelque chose me dérange, s'exclama-t-il, à deux doigts de crier. Ils... ils... tu l'as vu! Tu as vu ce qu'ils leur ont fait. Je ne comprends pas pourquoi ça ne te perturbe pas.

-Donc, c'est par rapport à ce qu'a fait Kuzuryu-kun?»

Le simple fait de penser à cette question, la simple indication que Komaeda n'était pas 100% certain de ce qui le hantait, effaça le peu de contrôle qu'il conservait. Il put presque entendre le craquement quand le volume de sa voix passa de «élevé» à «assourdissant».

« OUI! Evidemment! Ils l'ont torturé. Ils l'ont obligé à se torturer à mort et tu t'es contenté de rester là à regarder. Tu t'en fichais! J'ai entendu ce que tu as dit. Tu pensais qu'il le méritait!»

Il n'enregistra pas quelles autres horribles accusations il décocha. Komaeda les endura toutes, le visage soigneusement travaillé en un masque neutre. Peu importait la force ou le contenu de ce que lui hurlait Naegi, Komaeda ne bougeait pas. Il était aussi immobile qu'une statue, même quand Naegi vociféra à s'en casser la voix.

Il ne savait pas s'il devait en être troublé ou soulagé. Sa gorge le brûlait comme du papier de verre et même reprendre son souffle lui était douloureux. Il laissa retomber sa tête, masquant ses yeux irrités et sa faiblesse. Pour être honnête, même s'il avait toujours entendu dire que s'exprimer était sain, Naegi ne se sentait pas mieux. Il se sentait pire en fait, alors qu'il commençait à se souvenir de ce qu'il venait de dire à Komaeda.

Ce dernier tendit la main et lui attrapa l'épaule. De son autre main, il écarta une mèche de cheveux des yeux de Naegi. «Ne sois pas gêné, Naegi-kun. Dis tout ce que tu as sur le cœur.»

Naegi releva la tête, mais seulement assez pour voir le bas du menton de Komaeda. S'il regardait son visage, il risquait de fondre en larmes. «Pourquoi est-ce que je te parle, de toute façon? Tu t'en fiches. Tu t'es contenté de regarder.

-Si ça te perturbe, bien sûr que non, je ne m'en fiche pas. Mais Naegi-kun, ce que tu dis de moi, ce n'est pas vraiment juste.» Naegi eut un mouvement de recul quand les doigts de Komaeda suivirent la courbe de son genou.

Naegi prit une profonde inspiration et mordit à l'hameçon. «Pourquoi?»

Komaeda fit un large sourire, quelque chose qu'il ne pouvait lire brillant dans son regard.

«Parce que toi aussi tu es resté assis à regarder.

-...Quoi?»

Le Chanceux haussa les épaules. «Si tu te souviens si clairement de ce qui est arrivé à ce prisonnier, alors tu devrais aussi te rappeler ce que tu faisais. Tu étais sur cette chaise, tu te souviens? Tu regardais. Tsumiki-san et moi étions juste à côté de toi.

-Ce n'était pas... C... ce n'est pas vrai!» Ses bras étaient engourdis et commençaient à le picoter. «Ce n'est pas ce qui s'est passé!

-Alors, tu es en train de dire que tu t'es précipité pour essayer de lui arracher le couteau des mains? Parce que je ne me souviens pas de ça», répliqua Komaeda d'un ton jovial, et un frisson remonta le long des bras de Naegi et gela son âme elle-même. «Je ne me souviens pas que tu aies fait quoi que ce soit à part rester assis.

-J'ai essayé! Tu m'en as empêché!

-Non, tu n'as pas essayé, dit Komaeda. Naegi-kun, parfois quand quelqu'un porte en lui beaucoup de culpabilité, son esprit commence à lui jouer des tours et fabrique de faux souvenirs. Tu as dû endurer beaucoup de stress et de culpabilité ces derniers jours...

-Non, c'est faux!» Naegi secoua sauvagement la tête, les yeux étroitement clos. Komaeda avait tort. Il avait tort. Il avait tort!

«A quel point penses-tu avoir essayé?

-J'ai essayé! hurla-t-il à nouveau. Tu m'empêchais de bouger. Tu m'empêchais d'aller l'aider...

-D'accord, supposons que tu aies raison, l'interrompit Komaeda. Disons que tu as essayé de l'aider et que je t'ai stoppé. Tu aurais tout fait pour le rejoindre, non? Tu te serais débattu, tu aurais lutté contre moi, n'est-ce pas?

-Je...

-Regarde-moi, Naegi-kun.»

Naegi ouvrit les yeux. Alors qu'il peinait à former des mots corrects, Komaeda retira son sweat et le laissa tomber au sol. Il ôta ensuite son t-shirt et le laissa choir, si bien qu'il se retrouva torse nu devant son public.

«Hmm... Pas d'égratignure.» Komaeda se passa les doigts sur les bras, les examinant avant de se focaliser sur sa poitrine. «Pas de marque de morsure. Pas de bleu. Enfin, il y a ceux de Pekoyama-san, mais ça n'a rien à voir avec ta théorie. On dirait que les preuves sont contre toi.»

Il tremblait tant que ses dents commençaient à s'entrechoquer. Il ferma à nouveau les yeux.

«Je ne... Ce n'est pas...»

Même avec les yeux clos, Naegi put sentir Komaeda se pencher sur lui. Quand le Chanceux reprit la parole, il sentit l'air se réchauffer. «Je ne veux pas mettre ta parole en doute – je me sens toujours mal quand je te fais douter de toi – mais Naegi-kun, as-tu des preuves que tu as essayé?

-Je... Je ne sais pas...

-Et puis, même si tu as essayé, les preuves semblent suggérer que tu ne t'es pas donné trop de mal. Je me trompe?

-Je ne sais pas.

-Je sais. Et c'est parce que ça ne s'est pas passé comme tu le dis, dit Komaeda.

-J'ai essayé... Je croyais... J'ai essayé de l'aider...

-En es-tu sûr?»

Il ne savait plus. Komaeda avait tort. Mais il avait raison. Il... il ne parvenait pas à se souvenir. Kuzuryu avait ordonné au prisonnier de ramasser le couteau et Naegi avait essayé de l'aider... non. Il était resté assis. Il avait regardé? Non. Il avait regardé dans le vide. Mais il n'avait pas aidé. Il était resté assis à sa place. Il n'avait pas aidé le prisonnier. Il aurait pu l'aider. Il n'avait pas fait beaucoup d'efforts. Il aurait pu le sauver. Pourquoi...? Pourquoi ne l'avait-il pas fait? Pourquoi avait-il été si égoïste! Il aurait pu faire plus.

«Ça t'a vraiment rongé, n'est-ce pas?»

Tout était douloureux. La poitrine de Naegi se contracta, lui écrasant les côtes. Son cœur le lançait. Les lumières trop vives le transperçaient. Il ne résista pas quand Komaeda prit son menton entre ses mains et lui releva la tête. Le visage du jeune homme était devenu une tache floue dans sa vision troublée par les larmes.

«Naegi-kun, après ce qui s'est passé, quand tu as arrêté de parler à tout le monde, à quoi pensais-tu?

-A rien, murmura Naegi. Je ne pouvais penser à rien. A chaque fois que j'essayais de penser, j'entendais des choses. Ou je revoyais ça. Je ne voulais pas revivre ça, alors je restais allongé et je ne pensais à rien jusqu'à ce que ça s'arrête.»

Quelque chose lui martelait les oreilles. Il se sentait vidé. ( Pourquoi faisait-il si froid ?) Komaeda le regardait ; sa silhouette floue laissait mystérieuses les pensées du Chanceux. Naegi n'avait pas la force de s'y intéresser de toute manière. Il enroula ses bras autour de lui. Il ne savait pas quoi en faire d'autre.

Soudain, il y eut de la chaleur contre lui. La paume de Komaeda se posa sur lui, lui frottant le dos. Le Chanceux aîné avait, à un moment donné, abandonné sa position en tailleur pour ramper vers lui. Il se recula ensuite en position assise, emportant Naegi avec lui. Naegi se sentait à peine lucide, mais il avait faiblement conscience de se trouver sur les genoux de Komaeda, son menton confortablement posé sur son épaule, complètement dépendant de l'autre pour ne pas s'effondrer.

Komaeda lui parla doucement. «Chh, tout va bien... Ce n'est pas ta faute. Tu ne pouvais pas faire mieux. Mais tu dois rattraper ça, Naegi-kun. Sinon, ce n'est pas juste pour eux.

-...C... comment?

-En en profitant pour alimenter ton espoir.» Dans son dos, Komaeda serra le poing. «Tu les as laissés mourir au fond du désespoir et c'était une erreur de ta part. Tu dois arranger les choses. Ils voulaient aider à restaurer l'espoir dans le monde, donc c'est ce que tu dois faire. Laisse leur sacrifice être une échelle pour toi. Prends-le, et laisse-le te rendre plus fort. Porte-les en toi tout comme tu portes tes camarades de classe. Reviens à l'espoir.

-Je ne... Je ne peux pas juste...

-Tu peux le faire, l'exhorta Komaeda. Je serai à tes côtés pour te guider et te soutenir. J'ai juste besoin que tu coopères avec moi, ok? Je peux te conduire jusque-là. Nous pouvons corriger tes fautes et rembourser ta dette envers eux.

-Je...»

Il avait l'impression de nager dans la brume. La joue de Komaeda se pressait contre la sienne. Seule la sensation de son genou qui s'enfonçait dans sa jambe lui indiquait qu'il ne rêvait pas.

«Ne laisse pas leurs morts être vaines. Donne-leur du sens. Ils sont morts pour toi. Tu le leur dois bien, n'est-ce pas?

-Je...»

ce n'était pas normal

Komaeda se recula. Il maintenait immobile la tête de Naegi, une main sur chaque joue, s'assurant qu'ils se regardent droit dans les yeux.

«Naegi-kun... tu as juré de ramener l'espoir au monde, n'est-ce pas? Tu l'as promis à tes camarades de classe, vivants et morts. Tu ne vas pas briser cette promesse, n'est-ce pas? Ce serait cruel.

-Je...»

quelque chose n'allait pas

«Naegi-kun, vas-tu assumer la responsabilité de tes actions? Vas-tu tenir tes promesses et accepter la responsabilité de l'Espoir?

-Je...»

il ne savait plus ce qu'il devait faire.