Chapitre 28: Le Sosie
Elle lui demanda un moment mais sa seconde tentative pour s'endormir fut bien plus fructueuse. Il sombra dans le sommeil avec Tsumiki à ses côtés, leurs doigts entrelacés. Si Komaeda ou un autre lui rendit visite pendant la nuit, elle ne l'en informa pas, ni ne leur permit de le réveiller. Le temps passa et dehors, le monde reprit des couleurs. À l'infirmerie, tout restait silencieux. Le lapin en peluche était enfoui sous le menton de Naegi, son oreille dangereusement proche de la bave qui coulait du coin de sa bouche. Pas pour longtemps, cela dit. Tsumiki tendit la main et lui tamponna doucement le visage avec un morceau de tissu, prenant soin de ne pas le réveiller. Naegi s'agita un peu, mais quelques caresses immédiates sur ses cheveux le calmèrent à nouveau. Satisfaite, l'Infirmière se renfonça dans sa chaise, continuant sa veille silencieuse.
Tout était vraiment tranquille.
Alors naturellement, quelqu'un devait tout gâcher.
Il n'y eut aucun avertissement. Tsumiki se demandait si elle ne devrait pas border la couverture un peu plus, et l'instant d'après, quelqu'un ouvrait la porte de l'infirmerie d'un grand coup de pied.
«Hellooooo, Désespoir Ultime! Ibuki est arrivée!»
La porte ne s'était pas encore complètement ouverte, alors Mioda Ibuki lui donna un second coup de pied pour faire bonne mesure.
«Mioda-san!» Tsumiki bondit de sa chaise et se précipita vers elle, sans remarquer que c'était trop tard et que Naegi se réveillait derrière elle. «S'il te plait, ne le prends pas mal, mais... pourrais-tu parler moins fort? Makoto dort...
-Oh, Makoto-chan! Où est-il? Où est-il? Je veux le serrer dans mes bras et lui dire à quel point il est adorable!
-Mioda-san, je ne crois vraiment pas...
-Mikan, ça va.»
… Naegi aurait juré que Mioda se trouvait de l'autre côté de la pièce. La téléportation n'était pas une compétence dont il se serait attendu de la part d'une Ultime. Ce n'était pas quelque chose dont il tenait à se soucier. Cependant, il n'aurait pas été surpris qu'elle ait pu simplement courir aussi vite. La Musicienne Ultime semblait déborder d'énergie. Elle rebondissait avec enthousiasme à chaque pas, et on aurait dit que son corps était parcouru d'un frémissement ténu.
«Regarde! Il a un ahoge!» Mioda tira immédiatement dessus. «Tu penses qu'on peut lui en faire un deuxième? Comme ça il ferait un choix parfait pour le groupe d'Ibuki!
-Ibuki? répéta Naegi.
-C'est moi!» dit fièrement Mioda, les mains sur les hanches. Naegi n'était pas certain de pouvoir l'expliquer, mais son nez était devenu pointu comme celui de Pinocchio. «Mioda Ibuki, Musicienne Ultime... J'ai failli oublié de te serrer dans mes bras!»
Et elle joignit le geste à la parole. C'était douloureux, mais aussi agréable d'une certaine manière.
«Mikan-chan disait que tu étais mignon, mais elle n'avait pas dit à quel point. Tu ressembles à un ours en peluche!» Sa tête se tourna si vivement qu'une de ses «cornes» de cheveux faillit le gratifier d'une coupure. «Est-ce que Mahiru-chan est déjà là? On a besoin de plein de photos!
-N... non. Je ne crois pas qu'elle ou Nevermind-san soient censées arriver avant un moment.
-Ooohhh, l'Europe leur donne du fil à retordre? Nous devrions faire un concert et le diffuser là-bas. Je jouerai ma chanson préférée: Arrêtez de vous battre ou vous allez tous mourir! Makoto-chan, tu veux jouer la batterie?»
Pour de vrai? En dépit de ce que ses paroles impliquaient, elle parlait d'une manière si rayonnante et énergique – si différente de tous les autres du Désespoir Ultime – que pendant un moment, il resta sans voix.
«… Je ne sais pas jouer d'un instrument?» risqua-t-il finalement.
Mioda rit et lui toucha à nouveau les cheveux. «Pas besoin de savoir comment jouer à la batterie. Ecoute juste le rythme d'Ibuki et frappe! L'Imposteur pourra toujours te montrer. Quand il était tout rond et tout rigolo, il savait comment taper dessus super fort.
-L'Imposteur? De qui tu parles? demanda Naegi.
-L'Imposteur! Très maigre, et … euh... bah personne ne sait rien d'autre sur lui.»
Naegi s'assit un peu mieux. La couverture glissa de sa poitrine. «Comment peux-tu savoir juste qu'il est maigre?
-Parce que c'est l'Imposteur!» Mioda lui décocha un clin d'œil, une étincelle luisant dans son autre œil.
Il ne comprenait toujours pas. «Mikan?
-Hum, elle fait référence à l'Imposteur Ultime. Il fait toujours semblant d'être quelqu'un d'autre, alors...»
Mioda s'écarta d'un bond du lit d'hôpital de Naegi et s'approcha de Tsumiki. «Hé, il fait toujours semblant d'être le riche?»
Le riche?
«A moins qu'il n'ait changé de forme depuis hier...» Tsumiki se ratatina soudainement. «Je ne sais pas. Je n'ai pas vérifié. Je suis désolée!»
Le... riche?
«Mikan!» Naegi parla d'une voix plus cinglante qu'il ne l'avait voulu, mais ce n'était pas le moment de s'en excuser. «Que veux-tu dire par le riche? Qui est-ce que l'Imposteur imite en ce moment?»
Tsumiki détourna le regard. «Hé bien... euh... c'est...
-Togami Byakuya! annonça gaiement Mioda. C'est un de ses préférés. Ibuki aime bien aussi ; il devient tout rouge quand on fait tomber ses lunettes.»
Togami était...
Il était...
… Togami avait été un imposteur?
«Ce n'était pas lui, murmura Naegi pour lui-même.
-Questcequ'tu dis? s'enquit Mioda, qui l'avait parfaitement entendu. Qui n'est pas quoi?
-Togami. Ce n'était pas le vrai lui. Ce n'était qu'un faux. Il... Mikan, il ne fait pas partie du Désespoir Ultime. Il ne m'a pas trahi.»
Au moment où ces mots quittèrent sa bouche, quelque chose s'embrasa en lui. Quelque chose qui brûlait avec tant de force et si intensément qu'il se demanda si elles pouvaient voir ce brasier se refléter dans ses yeux. Il se sentait fort, puissant, même assis là dans son lit d'hôpital. Un voile de noirceur semblait avoir été ôté de ses pensées et soudainement, la pièce était un brin plus lumineuse, et les poils de son bras pouvaient ressentir les infimes courants d'air environnants. Il... Il s'était trompé. Il n'avait jamais été aussi ravi de s'être trompé!
Je suis désolé, Togami. J'aurais dû faire davantage preuve de discernement. J'aurais dû avoir foi en toi.
«Hé! C'est quoi ce champ d'énergie bizarre autour de Makoto-chan?» s'écria Mioda. Elle se protégeait les yeux comme si elle était dans la même pièce qu'un soleil.
«Je ne sais pas de quoi tu parles! cria Tsumiki d'une voix perçante. Mais je n'ai pas été formée pour m'en occuper! Pardonne-moiiiiiii!»
Une partie du pire jour de sa vie n'avait été qu'un simple malentendu. Bien sûr. C'était si évident! Il se rappela Togami pendant le procès final, espoir et détermination brûlant dans ses yeux ; la force dans sa voix quand il avait déclaré qu'il allait reconstruire la puissante Togami Corporation. Comment quelqu'un comme lui pourrait-il faillir? Comment quelqu'un avec cette résolution, cette force et cette ambition pourrait succomber si facilement aux murmures du désespoir?
Ce n'était pas possible.
C'était un mensonge depuis le début. Ils l'avaient pris pour un imbécile une fois, mais pas deux. Il était plus avisé à présent, et il ne douterait plus jamais de ses amis.
«Où est l'Imposteur?» demanda-t-il, les poings serrés. Il se savait pas ce qu'il allait dire – à part l'informer qu'il l'avait percé à jour – mais il voulait le voir.
«Oh, il est avec tout le monde dans la chapelle! C'est pour ça qu'Ibuki est là! J'étais censée vous dire que... Makoto-chan, tu fais quoi?
-Makoto!» Tsumiki se précipita vers lui. «S'il te plait, fais attention! Tu ne devrais pas bouger si vite...
-Je vais bien, Mikan, dit Naegi en se levant du lit. C'est juste que je ne mangeais pas suffisamment, tu te rappelles? Je ne suis pas vraiment malade.
-Mais ça t'avait quand même affaibli et fatigué. Tu pourrais trébucher et te b... blesser. Je peux aller chercher le fauteuil roulant...
-Je vais bien, répéta-t-il, las. Je n'ai pas besoin d'un fauteuil roulant.
-M... mais tu devrais quand même l'utiliser, juste par sécurité... Makoto? Où vas-tu? Le fauteuil roulant est là!
-Pas d'inquiétude, Mikan-chan. Ibuki s'en charge!»
… Ce fut ainsi que Naegi se retrouva à courir à travers les couloirs pendant que Tsumiki et Mioda le poursuivaient avec le fauteuil roulant. Et waouh, les filles étaient étonnamment rapides. Bien vite, ce n'était pas la fierté qui lui donnait des ailes, mais la certitude que s'il les laissait le rattraper maintenant, il finirait écrasé. Tsumiki n'avait pas fait long feu et s'était vite laissée distancer, mais Mioda avait récupéré le fauteuil roulant et la Musicienne ne ralentissait pas. Les jambes de Naegi criaient grâce pour lui permettre à grand-peine de rester devant elle, et Mioda laissait échapper un long et inépuisable beuglement annonçant sa victoire imminente.
Il dérapa.
Sa chute l'envoya valdinguer latéralement, la tête la première contre le mur. Mioda et le fauteuil roulant passèrent avec fracas à côté de lui, s'arrêtant finalement en glissant bruyamment. La Musicienne franchit d'un bond la distance qui les séparait, comme si elle venait d'être propulsée par un canon, et s'accrocha à son dos. Elle appela immédiatement Tsumiki à grands cris, cette dernière finissant par apparaître, le visage écarlate et hors d'haleine.
Quand il vit le regard qu'elles lui lançaient, il croisa les bras et marmonna: «Ok.»
Elles étaient en train de le charger dans le fauteuil roulant quand Komaeda tourna à l'angle du couloir.
«Naegi-kun, que fais-tu?»
Pendant un moment, Naegi demeura figé sur place, tenaillé par la peur et la culpabilité d'un enfant surpris en train de faire quelque chose qui lui avait été explicitement interdit...
Sauf que ce n'était pas la même situation. Il n'était pas contraint de rester dans ce lit d'hôpital, ou dans la chambre de Kamukura, ou peu importait l'endroit que le Chanceux avait décidé qu'il était censé se trouver. Naegi se dégagea des filles et redressa les épaules, se préparant pour ce que Komaeda amenait avec lui.
(Son cœur cavalait avec fureur, cognant comme le bloc...)
«Je sais que le Togami que j'ai rencontré n'était pas réel, dit Naegi. C'est un imposteur. Il a essayé de me duper, mais... mais je sais que c'est faux!
-Ah», dit Komaeda. Il n'eut aucune autre réaction, attendant que Naegi poursuive.
«Tu as essayé de me faire croire que c'était Togami. Tu as essayé de me faire croire qu'il était l'un d'entre vous. Hé bien, tu ne m'auras plus. Le vrai Togami est toujours loin, et il est toujours en train de se battre avec le reste de mes amis. Il n'est pas un ami du Désespoir et je sais qu'il ne le sera jamais.
-Naegi-kun...» Komaeda s'avança vers lui en traînant les pieds comme un zombie. Les sens de Naegi passèrent en alerte rouge et il fut soudainement parfaitement conscient de la présence de Tsumiki derrière lui. Komaeda se rapprocha, de plus en plus proche, jusqu'à ce qu'il soit à portée de main...
Et il tomba à genoux devant Naegi.
«Naegi-kun! Tu... tu...» Un sifflement léger s'échappa entre les dents serrées de Komaeda. «Je le sens. Ton espoir! Je peux le voir. Il brille d'une lumière merveilleuse.»
Il s'avança à quatre pattes et attrapa le pantalon de Naegi.
«C'est si beau, marmonna le jeune homme aux cheveux blancs. Je le vois tout autour de toi. C'est... Je pourrais m'y noyer!»
Komaeda se frotta soudain la joue contre la jambe de Naegi, pareil à un chat. C'était bizarre et perturbant et répugnant et Naegi se dégagea brusquement d'un coup de pied, perdant l'équilibre quand il recula tout droit dans le fauteuil roulant.
«Euh, Komaeda... tenta Tsumiki.
-Je commençais à m'inquiéter pour toi, Naegi-kun! ronronna Komaeda, se coulant quasiment le long des jambes de Naegi. Je pensais que j'avais fait une erreur de calcul et que je t'en avais trop montré, trop tôt. Je t'ai même trouvé un cadeau pour te remonter le moral... Mais j'aurais dû m'y attendre, je n'aurais pas dû douter de l'Espoir Ultime! Regarde-toi! Tu as tout fait tout seul.»
Maintenant, le visage de Komaeda était presque collé au sien. Le Chanceux avait ses mains sur les genoux de Naegi pour se soutenir et le jeune aux cheveux blancs se tenait dans une position bizarre, accroupi et courbé. Les genoux osseux de Komaeda s'enfonçaient dans ses tibias, tirant des frémissements à ses jambes.
«Et dire que j'ai presque douté de toi... Quel arrogant je fais. Je... je devrais être puni, n'est-ce pas? C'est ce que tu veux, Naegi-kun? Tu veux me punir?»
Naegi secoua la tête, incapable de parler.
«Non?» Komaeda fit rouler ce mot dans sa bouche. «Tu es sûr? Tu pourrais me frapper. Ou me crier dessus. Ou m'étrangler.» Sur cette suggestion, il attrapa les mains de Naegi et les plaça autour de sa gorge. «Ça ne me dérange pas. Tout ce que tu veux. Ça me va. Tout ce que tu veux...»
Ce fut à cet instant que Mioda vola à son secours et le repoussa.
«Nagito-chan, tu recommences à être creepy!» Comment est-ce que Mioda parvenait à dire cela avec rien de moins qu'un ton radieux, Naegi était incapable de le comprendre. Le fait que Komaeda réponde en souriant et en riant comme si c'était une blague entre eux fut tout aussi incompréhensible.
«Je ne vais pas te punir», marmonna Naegi.
Main sur la hanche, Komaeda dit: «Bah, si tu insistes.»
Naegi détourna le regard et s'humidifia les lèvres, tout en formulant sa question suivante. Il y avait quelque chose que Komaeda avait mentionné plus tôt qui lui trottait dans la tête, suspendue au-dessus de sa tête comme une guillotine.
«Komaeda-kun, de quel «cadeau» tu parles?»
Komaeda gloussa, et il parut de nouveau courbé au-dessus de Naegi, son visage contre le sien. «Si ce n'est pas arrogant à dire venant de moi, un cadeau merveilleux! Je l'avais préparé pour donner un coup de boost à ton espoir – j'étais si impatient et naïf à ce moment. Tu n'en as jamais eu besoin!
-Qu'est-ce que c'est?» demanda Naegi avec méfiance.
Le sourire de Komaeda s'élargit. Il fit un pas en avant. Tsumiki gémit en voyant ça.
«Je peux toujours te le donner», murmura Komaeda. Il tendit les mains et encadra le visage de Naegi. «Qu'en penses-tu? Si tu es sage aujourd'hui, je te le donnerai ce soir. D'accord? J'espère que tu te comporteras bien, Naegi-kun. J'ai vraiment hâte!
-Toujours creepy!» pépia Mioda.
Komaeda se redressa et reporta enfin son attention sur les accompagnatrices de Naegi. «On devrait y aller. Ils se demandent tous où nous sommes.»
Ce qui l'inquiéta fut que Tsumiki et Mioda acquiescèrent immédiatement et qu'aucune ne le lui fournit autre chose qu'une réponse vague quand il leur demanda où ils se rendaient. Même Komaeda n'offrit aucun indice, se contentant de lui jeter un coup d'œil et de lui ébouriffer les cheveux. Alors, Naegi s'affaissa dans son fauteuil roulant, son appréhension grimpant d'un cran à chaque mètre que Tsumiki lui faisait parcourir.
«Naegi-kun, détestes-tu le désespoir?» demanda soudainement Komaeda.
… Komaeda, pourquoi? voulait-il demander. C'était déjà une question bien délicate venant de lui, mais dans la situation actuelle, avec Tsumiki et Mioda à côté – deux membres du Désespoir Ultime – elle était bien plus dangereuse. Il se creusa un peu la tête, se tordant les neurones pour constituer une réponse qui ne ferait pas empirer les choses.
«Le désespoir est naturel, dit-il finalement. Les gens le ressentiront toujours. On ne peut pas l'exterminer et on ne devrait pas essayer. Mais trop de désespoir est un problème, de même que se sentir désespéré pendant trop longtemps. Il y a un ordre naturel pour ça, pour quand on en a besoin et quand on n'en a pas besoin, et la plupart du temps... on n'en a pas besoin.
-Bien sûr que non, renchérit Komaeda. Le désespoir est juste une étape vers le merveilleux...
-Mais le désespoir est super génial pour écrire des chansons! s'écria Mioda, écartant Komaeda d'un coup de coude. Sans le désespoir, Ibuki n'aurait pas eu des succès comme Tout le monde est triste et moi aussi ou J'ai poignardé mon meilleur ami en plein visage et c'était génial!
-Le désespoir nous a réunies, ma bien-aimée et moi», soupira Tsumiki. Naegi sentit qu'elle lui caressait les cheveux. «Et il m'a amené toi!»
Ce fut une phrase qui ne passa pas auprès de Komaeda. Le Chanceux bondit en avant, les mains levées comme s'il voulait arracher Tsumiki du fauteuil roulant. Il s'arrêta net, cependant, et secoua farouchement la tête. «Tsumiki-san, excuse-moi de te remettre en cause, mais tu ne devrais pas le troubler. Il est enfant de l'espoir, pas du désespoir.
-Mais ce n'est pas l'enfant de Junko-chan? demanda Mioda.
-Et si!
-... Oh, ok!»
Komaeda s'aligna sur l'allure du fauteuil roulant et posa sa main sur l'épaule de Naegi. «Naegi-kun, je sais que tu es instinctivement rebuté par le désespoir, mais peux-tu nous faire une faveur et essayer de le cacher? C'est assez tendu dans la chapelle et tout le monde marche sur des œufs. Je ne veux pas que tu incites les autres à te prendre pour cible.»
… Dans quoi est-ce que Komaeda l'embarquait, au juste?
La chapelle avait de lourdes portes de chêne. Komaeda était sur le point de les ouvrir quand quelqu'un de l'autre côté s'en chargea. Une fille portant un kimono rose à motifs floraux les dévisagea par l'embrasure, ses longs cheveux blonds cascadant librement dans son dos. Elle les regardait avec une animosité qui ne fit que croître quand son regard se posa sur Tsumiki.
«Pas trop tôt!» lança Saionji Hiyoko, la Danseuse Traditionnelle Ultime. La porte se referma derrière elle quand elle sortit. «J'étais sur le point de venir vous chercher par les oreilles.
-Désolé! dit Komaeda.
-C'est lui? Il est... petit.»
Mal à l'aise, Naegi se tortilla. «Je n'ai pas encore eu ma poussée de croissance.
-Peu importe!» Saionji croisa les bras en faisant la moue, fusillant le mur du regard. «Hé, t'as pas intérêt à faire ces trucs idiots d'espoir une fois à l'intérieur ou je vais te taper sur la tête.
-Je l'ai déjà averti», dit Komaeda.
Naegi tenta à nouveau sa chance. «Qu'est-ce qui se passe à l'intérieur?»
Les quatre Désespérés lui jetèrent un coup d'œil, mais ne répondirent toujours pas.
«E... est-ce qu'on entre? demanda Tsumiki.
-Bien entendu!» répondit sèchement Saionji. Sa mâchoire bougea comme si elle voulait en dire plus, mais elle se contenta de s'avancer à grands pas pour ouvrir les portes de la chapelle d'un geste brusque.
A l'intérieur se trouvaient les autres membres du Désespoir Ultime (y compris cet Imposteur. Si Komaeda n'avait pas été là, Naegi se serait précipité sur lui). Ils étaient rassemblés autour de l'abside en petits groupes parcourus de murmures ou gardant complètement le silence. Komaeda avait raison: il y avait vraiment une sorte d'énergie accumulée dans la pièce, quoique Naegi ne pensait pas que ce soit fondamentalement dangereux. Malgré cela, il serra les mains jusqu'à ce que ses phalanges deviennent blanches alors qu'ils le poussaient dans l'allée centrale. Les Désespérés, remarqua-t-il, l'observaient avec quelque chose s'approchant de la sympathie. Il doutait que ce soit à cause du fauteuil roulant.
Sur l'autel de l'église, il y avait une longue boîte rectangulaire. Les côtés étaient opaques, mais il pouvait voir que le haut était fait de verre. Mais étrangement, un mécanisme d'un genre ou d'un autre semblait y avoir été installé. Naegi pouvait entendre un bourdonnement doux s'en échapper. Quoi que ce fut, c'était apparemment le centre de l'attention, car Tsumiki le poussa dans cette direction jusqu'à ce qu'ils heurtent une marche, puis l'aida bien inutilement à marcher le reste du chemin. Naegi avançait lentement, incertain de ce qu'il allait découvrir quand il atteignit la boîte et regarda à l'intérieur...
Le corps congelé et soigneusement conservé d'Enoshima Junko lui rendit son regard.
