Chapitre 6: Plongée dans les Ténèbres
En quittant le Ministère toujours par la cheminée du bureau d'Hermione Granger, je n'avais plus envie que de rentrer chez moi, avaler quelque chose, car j'avais négligé de me nourrir pendant toute la journée, et m'écrouler sur mon lit. Je réservais pour le lendemain l'analyse des événements de la journée. Mais je n'avais pas fait un pas hors de la cheminée du hall que mon projet me paraissait déjà compromis, car de la lumière filtrait par la porte entrouverte du salon.
Je poussais le battant avec un brin d'agacement tant je ressentais de besoin d'être tranquille après cette journée harassante, mais ce sentiment s'évanouit immédiatement pour faire place à l'inquiétude. Albus était roulé en boule dans un coin du canapé. Il avait retiré ses chaussures pour mettre les pieds dessus. Une posture qui expliquait les grognements désapprobateurs du portrait de mon grand-père, grognements auxquels le garçon ne prêtait aucune attention.
Albus affichait une moue préoccupée que je connaissais infiniment bien. Lily, ma Lily, sa grand-mère avait exactement la même quand quelque chose n'allait pas. Avec cette expression et ses deux grands yeux vert émeraude, il lui ressemblait tant que j'en ressentis un choc de cœur qui me laissa muet suffisamment longtemps pour l'inquiéter.
«Grand-père.» murmura-t-il. «Ça ne va pas ?»
Je remisais alors le passé pour m'occuper du présent.
«Je suis seulement surpris de te voir, Albus. Je croyais que tu allais rester dormirchez les Malefoy.» répondis-je.
«C'est ce qui était prévu.» confirma-t-il. «Mais j'avais envie de vous parler.»
Renonçant à l'espoir de me coucher rapidement, je m'assis à l'autre bout du canapé devant un plateau couvert de différentes choses à manger que Tinny avait manifestement prévues pour Albus et auquel il n'avait pas touché.
«Je vous attendais pour manger.» se justifia-t-il en voyant mon regard se poser sur la nourriture disposée sur la table basse.
Ce n'était qu'un prétexte. D'habitude, il aurait mangé avant moi et remangé avec moi sans se faire prier. Pour se donner une contenance, il attrapa sa tasse et entreprit de faire réchauffer d'un coup de baguette distrait le thé qu'il avait négligé de boire.
«Tu devrais plutôt la vider, je vais en refaire.» proposai-je.
Albus s'exécuta tout aussi distraitement. Il n'avait formulé aucun des deux sorts.
Après avoir conjuré un nouveau thé, j'attrapai sa tasse pour le servir, puis je poussai devant lui le plateau de victuailles. Il mangea un peu en silence avant de lâcher abruptement :
«Vous savez qu'il l'a fait. Hexaphorus. Autrefois, il y a longtemps, il a utilisé son propre enfant comme ingrédient de potion, il s'en est servi pour se rajeunir. Je l'ai lu dans ses souvenirs. C'est pour ça qu'il est toujours vivant même s'il est très très vieux.»
Une riche idée que j'avais eu de lui enseigner la Legilimencie ! Tout ça pour qu'il aille exercer ses talents sur ce vieillard monstrueux et qu'il en profite pour apprendre des horreurs. Je cherchais désespérément une idée pour réagir intelligemment à ces révélations, mais il n'avait pas fini :
«Et vous savez, il n'est mêmepas heureux d'avoir fait ça. Il se demande si, quelque part, il n'aurait pas un autre enfant. Pas pour en faire la même chose, mais parce qu'il aimerait le connaître.»
Des réflexions bien loin du discours qu'Hexaphorus nous avait tenu. D'où sa réaction quand il s'est rendu compte qu'Albus avait percé ses pensées.
«Vous n'aviez vraiment pas «entendu» ces pensées d'Hexaphorus, Grand-père?» me demanda-t-il mi-étonné mi incrédule, alors que je n'avais toujours pas réagi à ses propos.
Cette question-là au moins était facile.
«Non, car je n'ai pas utilisé de Legilimencie pendant notre visite à Nurmengard.» expliquai-je. «J'avais décidé de me concentrer sur ses paroles plutôt que sur ses pensées, car je supposais ce vieux sorcier assez bon Occlumens pour réussir à me duper.»
«Vous croyez que ce souvenir que j'ai attrapé dans sa tête était un faux souvenir?» s'enquit Albus.
J'avais perçu une once d'espoir dans son ton et, un instant, j'hésitai à m'engouffrer par cette porte qu'il venait d'entrouvrir. Histoire de le rassurer, de le préserver un peu plus longtemps des Ténèbres, j'étais tenté d'aller dans son sens. Mais depuis qu'Albus était entré dans ma vie, j'avais résolu de ne jamais lui mentir. De ne pas lui mentir sur moi, mais aussi de ne pas lui mentir sur la réalité du monde. Je renonçai donc à la facilité:
«Je crois malheureusement que non, Albus, que tu as saisi une pensée qui lui a juste échappé.».
Il vida sa tasse de thé, le temps d'encaisser ma réponse. J'avais l'impression de le voir se pencher au-dessus d'un gouffre et d'en regarder le fond.
«Je me demande pourquoi il a fait ce qu'il a fait, alors que maintenant il le regrette.» reprit-il lentement.
Une fort intéressante question à laquelle je n'avais pas vraiment de réponse, j'en tentai néanmoins une:
«Je n'en sais rien, Albus. Il l'a peut-être juste fait pour prouver ou pour se prouver qu'il en était capable.»
«Alors c'est qu'il est fou.» décréta-t-il avant de se resservir du thé.
Peut-être, en effet. Mais un fou avec lequel j'allais, bien malgré moi, devoir composer.
«Quand vous m'avez dit hier que la naissance de Delphini ne correspondait pas à la volonté de ses parents d'avoir un enfant.» reprit-il en observant avec une attention inutile la surface de son thé. «C'est parce que ses parents voulaient la transformer elle aussi en ingrédient de potion. Hexaphorus a pensé à ça plusieurs fois en regardant Delphini «ingrédient de potion».»
«Disons que c'était très probablement l'objectif de son père. Quant à sa mère, je ne sais pas si elle était au courant ou non de ce projet.» me forçai-je à répondre d'un ton égal comme si nous parlions de choses banales.
Je ne sais pas vraiment pourquoi je faisais ce crédit à Bellatrix pour la mémoire de laquelle je n'avais pas la moindre considération. Peut-être par amitié pour Narcissa. Peut-être pour alléger un peu le poids que cette horrible histoire faisait peser sur les épaules d'Albus. Un peu des deux sans doute.
«Ce projet a heureusement perdu tout son sens après la mort de Voldemort.» ajoutai-je.
Albus détacha les yeux de son thé pour les relever vers moi.
«Oui, mais ce vieux type, Hexaphorus, il a parlé d'autre chose.» dit-il. «Si j'ai bien compris, il a proposé à Delphini de la transformer en Voldemort. Vous croyez que c'est possible?»
«Franchement, j'aimerais te répondre , je me garderais bien d'être aussi définitif. Tout ce que je peux dire, c'est que jamais je n'avais entendu parler d'une telle magie. Mais je suis loin d'avoir exploré tous les méandres de la magie noire.» répondis-je franchement.
«Mais comment ce type peut-il imaginer que Delphini pourrait renoncer à sa propre vie pour permettre à Voldemort de réapparaître?» s'écria Albus.
«Je crois, Albus, que ceux qui ont pour projet de la transformer en Voldemort, n'ont jamais envisagé de lui demander son avis.» expliquai-je de la voix la plus neutre possible.
Albus prit le temps de bien soupeser chacune de mes paroles.
«Il faut trouver une solution pour empêcher ça.» lança-t-il. «Avec mes amis, je suis sûr que nous pouvons aider à trouver cette solution.»
Malheur, il ne manquait plus que ça!
«Albus, ce qui m'aidera le plus, c'est que tes petits camarades et toi vous ne veniez pas interférez au milieu de mon enquête. Je vais avoir besoin de tranquillité d'esprit pour mener mes recherches, pas de me demander ce que vous fabriquez de votre côté!D'autant plus qu'il va principalement s'agir de lire des vieilles recettes de magie noire que vous n'avez absolument pas la capacité de comprendre. » répliquai-je fermement.
«Alors, c'est vous qui allez chercher une solution pour empêcher que quelqu'un puisse essayer de transformer Delphini en Voldemort. Promettez-moi que vous allez trouver!» me pressa-t-il.
«Tout ce que je peux te promettre, c'est de faire tout ce qui est en mon pouvoir pour trouver.» assurai-je
«Alors je sais que vous allez trouver, car vous êtes le plus grand potionniste du monde!» s'écria-t-il avec une forme de confiance naïve dont je fus bêtement ému.
