Chapitre 7: Non, mais je rêve!
Le lendemain matin, je me levai fourbu d'une nuit ponctuée de brusques réveils. En dépit de l'empire que j'avais sur moi-même, je m'inquiétai de l'ampleur de la tâche à laquelle je m'étais engagé auprès de notre Ministre de la Magie, et plus encore de ne pas être à la hauteur de la confiance d'Albus. C'est dire mon agacement de m'entendre interpelé par la voix de mon grand-père à peine avais-je mis un pied sur l'escalier pour descendre au rez-de-chaussée. Pour être certain de ne pas me manquer, le portrait du regrettable Ferrucius Prince s'était positionné de façon stratégique dans un tableau représentant un sous-bois qui ornait l'escalier.
«Vous voilà enfin!» s'écria-t-il sans préambule en m'apercevant. «Je ne sais à quoi vous occupez votre temps, mais il est de votre devoir de mettre un terme au désordre qui règne dans cette Maison!»
Je n'avais évidemment pas la moindre intention de déférer à son injonction. Mais après avoir essayé à de multiples reprises de lui expliquer sérieusement que j'avais autre chose à faire que de m'occuper de ses histoires, je tentai pour une fois le second degré. Je le gratifiai donc d'un dialogue imaginaire entre lui et moi sans cesser de descendre l'escalier:
««Bonjour, Severus, j'espère que vous allez bien ce matin.» «Bonjour, Ferrucius. Pas trop mal, si l'on considère l'importance de la mission que la Ministre de la Magie m'a confiée. Une mission de la réussite de laquelle dépend la sécurité du monde sorcier et l'avenir de notre Maison.» «Comptez sur moi, Severus, pour veiller à ce que rien ni personne ne vienne vous déranger dans ces circonstances difficiles et surtout pas des problèmes très secondaires.»»
Mais évidemment et comme à son habitude, Ferrucius Prince ne comprit rien au message que j'essayais de lui faire passer. M'ayant suivi de tableau en tableau jusqu'à mon bureau, il interrompit mon monologue d'une voix courroucée:
«Je ne comprends rien à toutes ces balivernes! Auriez-vous abusé du Whisky Pur Feu hier soir? Le problème dont je viens vous entretenir n'a rien de secondaire, il est même d'une importance vitale!»
Pour me débarrasser de ses jérémiades, j'eus la faiblesse de consentir à l'écouter.
«Il se trouve que la nuit dernière, profitant que je m'étais légèrement assoupi, un malfaisant m'a dérobé mon Ordre de Merlin.» m'annonça-t-il d'un ton tragique.
«Votre ordre de Merlin, mais c'est impossible.» affirmai-je.
«Pourquoi serait-ce impossible ?» s'étonna-t-il.
«Eh bien, parce que pour qu'on vous dérobe votre Ordre de Merlin encore faudrait-il que quelqu'un ait eu l'idée absurde de vous le remettre.» assurai-je.
«Absurde vous-même, espèce de malotru !» s'insurgea-t-il. «Je l'ai reçu des mains du Ministre de la Magie en personne.»
«Je me demande bien pour quelle raison bizarre, un Ministre de la Magie quel qu'il soit vous aurait donné l'Ordre de Merlin.» ironisai-je.
«Mais pour tous les services que j'ai rendus.» osa-t-il affirmer. «Pourquoi riez-vous ? Je ne vois pas ce qu'il y a de drôle !»
« Parce que jamais vous n'avez rendu le moindre service à qui que ce soit.» m'esclaffai-je bruyamment pour le faire enrager.
«Vous n'en savez rien.» s'étrangla-t-il alors que son teint peint virait au rouge brique.
«Alors surprenez-moi. Racontez-moi ne serait-ce qu'une situation dans laquelle vous auriez rendu un service susceptible de vous valoir l'Ordre de Merlin.» réclamai-je.
«Ce serait contraire à ma discrétion.» protesta-t-il.
«C'est facile d'être discret quand on n'a rien à dire !» se moqua depuis le mur d'en face une voix que je reconnus comme celle de mon grand-oncle Fraxinus Prince, frère cadet de Ferrucius.
«Taisez-vous, Fraxinus.» ordonna ce dernier d'un ton ulcéré. «Vous ne savez rien du tout.»
«Au contraire, je sais tout.» répliqua Fraxinus en adressant une grimace à son aîné avant de se tourner vers moi pour ajouter. «Et si vous voulez, je vous le raconte.»
«Si j'avais du temps à perdre, je vous aurais bien dit oui.» répondis-je.
«Alors, je vous raconte.» en conclut-il me laissant une fois de plus l'impression étrange que ces fichus portraits et moi nous ne parlions vraiment pas la même langue. «Dans la même année que Ferrucius à Poudlard, il y avait un type complètement maniaque, un vrai bêcheur, qui ne voulait avoir que la note «Optimal» à tous ses devoirs. Du coup, il envoyait en douce ses devoirs par hibou à son père pour que celui-ci les corrige avant qu'il les rende. Eh bien, Ferrucius a réussi à subtiliser quelques-uns de ces devoirs annotés par son père et les a conservés. »
«Ce sont d'ignobles calomnies! C'est une honte d'oser dire des choses pareilles.» vitupéra Ferrucius Prince écarlate.
« C'est l'exacte vérité!» affirma Fraxinus «Alors, quand le type en question est devenu Ministre de la Magie, Ferrucius a décidé de négocier les preuves qu'il détenait contre son Ordre de est allé le voir au Ministère et …»
Un hibou ou plus exactement un grand-duc majestueux qui tapait à la fenêtre de mon bureau, détourna mon attention de ces révélations croustillantes. Il était porteur d'un message de Lucius Malefoyrédigé en ces termes:
«Narcissa ne va pas bien. Elle est morte d'angoisse depuis votre visite d'hier à Nurmengard. Je ne sais plus quoi dire pour la rassurer. Je veux que tu viennes lui parler IMMEDIATEMENT!»
Le hibou de Lucius venant s'ajouter au petit mot d'Albus que j'avais trouvé posé sur mon bureau m'indiquant qu'il était déjà retourné au Manoir Malefoy à la demande de Delphini Black, je décidai donc de m'y rendre à mon tour sur le champ. Je n'avais plus qu'à espérer que Narcissa serait d'humeur à m'offrir le petit déjeuner.
Le portrait de Fraxinus Prince m'interpela alors que je me dirigeai vers la porte de mon bureau pour aller transplaner dans le jardin:
«Vous nous quittez déjà?»
«Vous avez tort, ça allait devenir drôle!» ajouta depuis un autre tableau la voix de Spiritus Prince.
En me tournant vers ce dernier, je remarquai que son serpent qui comme toujours l'accompagnait, portait cette fois un Ordre de Merlin autour du cou. Je ne fus pas le seul à le remarquer.
«Mon Ordre de Merlin! Rendez-le moi tout de suite!» hurla Ferrucius dont la figure peinte menaçait de se fissurer sous l'intensité de sa colère.
«Viens le chercher! Viens le chercher!» chantonnait Spiritus couché dans l'herbe, alors qu'à ses côtés, son serpent, la gueule ouverte, semblait se moquer de Ferrucius.
«Je suis certain, Messieurs, que vous trouverez sans moi de quoi vous distraire. Pour ma part, j'ai des choses bien plus importantes à faire que d'arbitrer vos problèmes domestiques.» leur lançai-je en refermant la porte de mon bureau.
