Chapitre 10: Retour à Poudlard

Pour une fois, j'étais plutôt soulagé de voir arriver la rentrée. Mon enquête tournait en rond. L'exploitation de tous les documents que m'avait fait parvenir le Ministère par l'intermédiaire d'Harry, ne m'avait pas permis d'entrevoir la moindre solution pour résoudre le problème de Delphini Black. C'est ce que j'expliquai à Harry quand il vint me rendre visite la veille de mon retour à Poudlard.

«Tu n'as vraiment rien trouvé d'intéressant?» s'étonna-t-il en écoutant mon rapport.

«Rien qui dépasse la transformation humaine ordinaire.» confirmai-je.

«La transformation humaine n'a rien d'ordinaire.» s'émeut-il.

«Je disais ordinaire au sens où ce sont toujours les mêmes recettes de potions qui reviennent d'un document à l'autre.» précisai-je avant d'ajouter en levant tour à tour trois doigts. «Il y a un, la potion de Régénération dont j'ai trouvé plusieurs recettes. Deux, les potions d'adoption de sang, comme celle que Dumbeldore t'a donné juste après ta naissance pour te transformer en fils de James Potter. Trois, des variantes du Polynectar pour une transformation définitive de l'apparence d'une personne. A condition que le sujet y survive, ce qui dans ce cas me parait douteux. Mais, faute de pouvoir faire des tests, j'en suis réduit aux hypothèses.»

Harry avait tiqué quand j'avais parlé de la potion d'adoption de sang, celle qui le concernait très directement, mais c'est sur les variantes du Polynectar qu'il réagit:

«Tu as l'air d'exclure totalement qu'une variante du Polynectar ait pu être envisagée pour transformer Delphini Black en Voldemort.»

«En effet, car ça n'aurait aucun sens.» confirmai-je. «Même en supposant que quelque chose ait été conservé du corps de Voldemort, ce qui est nécessaire pour finaliser les variantes du Polynectar comme le Polynectar lui-même, cette potion ne permettrait de transformer que l'apparence de la personne qui l'ingérerait. Il ne s'agirait donc que de la transformation de l'aspect extérieur de la personne concernée et pas du retour de Voldemort et de ses pouvoirs. Sans compter que, pour ce type de potion, Delphini Black ne serait pas la candidate idéale, comme tu dois le savoir si tu as autrefois écouté ce que je racontais en cours.»

«N'importe quel homme prendrait plus facilement qu'elle l'apparence de Voldemort.» murmura-t-il d'un ton songeur.

«Exactement.» approuvai-je.

«Et donc, ça ne colle pas. Ça ne colle pas avec le fait de prendre autant de risques pour essayer d'enlever la petite Black.» conclut-il de lui-même.

«Comme tu dis, ça ne colle pas.» confirmai-je.

« Mais quoi, alors? Allez dis-moi ce que tu as en tête. Je n'arrive pas à croire que tu n'aies pas un début d'idée de la potion qui aurait pu être utilisée pour la métamorphoser en Voldemort.» insista-t-il.

Je secouai la tête:

«J'ai beaucoup de débuts d'idée. Mais toutes les potions que j'ai en tête n'aboutiraient qu'au décès immédiat de Delphini Black si on la lui administrait, bien avant que la métamorphose puisse intervenir …»

…..

Avec les préoccupations liées à cette enquête qui n'avançait pas, une fois de retour à Poudlard, je peinais à me montrer aussi cordial que d'habitude avec mes crétins de collègues. Et je ne parle pas des trésors de patience dont je devais faire preuve pour garder un semblant de calme face à la stupidité des élèves qui encombraient le cachot où je dispensais mes cours en pure perte. J'avais d'autant plus de mérite à conserver une apparente sérénité que les uns et les autres faisaient tout pour m'exaspérer.

«Non, Miss Volcano deux tours dans un sens et deux tours dans l'autreet dix minutes après encore deux tours dans chaque sens, ce n'est pas la même chose que quatre tours dans un sens et dix minutes après quatre tours dans l'autre. Quand Mme Pomefresh aura terminé de vous raccommoder vous profiterez de vos deux heures de retenue avec M. Rusard pour réfléchir à la question.»

«Mais si, Monsieur Londubat, l'ordre des ingrédients change quelque chose. Vous en avez d'ailleurs la preuve sous les yeux. J'enlève 5 points à Gryffondor. Et vous resterez ici après le cours pour récurer ce chaudron jusqu'à ce qu'il brille. Sans baguette évidemment. Qu'est-ce que vous baragouinez? C'est tout collé au fond. Eh bien ça vous laissera le temps de bien intégrer les règles concernant l'ordre des ingrédients en dépit de votre cervelle de Veracrasse.»

«Non, cher collègue, je vous assure que je n'ai pas mal aux dents, ni aux oreilles. En tout cas pas avant que vous veniez me les cassez. J'aimerais juste pouvoir dîner en paix, si ce n'est trop vous demander.»

A la fin de la semaine, je n'avais encore transformé aucun de mes collègues en salière, ni mis aucun de mes élèves aux fers dans les cachots. J'étais presque surpris moi-même de la retenue dont j'avais réussi à faire preuve, et c'est le moment que choisis le loup-garou pour venir me déranger dans mon bureau.

«Albus est venu me voir pour que je lui explique comment renforcer l'efficacité de son Bouclier afin qu'il soit capable de protéger ses camarades en plus de lui et que je lui-même enseigne d'autres sorts de protection. J'ai accepté, mais je tenais à t'en informer, car tu aurais pu faire ça aussi bien que moi. Du coup, je ne sais pas bien pourquoi il s'adresse à moi.» lança-t-il sans préambule.

«Parce que je n'ai pas accepté de répondre immédiatement à ses questions, car j'aimerais bien qu'il utilise son talent magique pour autre chose que pour apprendre à se battre.» répondis-je d'un ton bref.

«Tu sais très bien que je n'aurais pas accepté, s'il s'agissait de lui apprendre à se battre, mais là il veut tout simplement apprendre à protéger et à se protéger. C'est tout ce qui l'intéresse et c'est une demande tout à fait raisonnable.»répliqua-t-il avec un sourire béat.

«Tu n'es quand même pas idiot à ce point-là !» m'écriai-je, avant de conclure à voir sa tête. «Manifestement, si. Décidément, tu es bien comme tous ceux de ton espèce !»

«Attends un peu la prochaine pleine lune et je te montrerai que l'idiotie n'est pas la principale caractéristique de ceux de mon espèce comme tu dis!» rétorqua-t-il vexé.

«Je te remercie, j'ai déjà vu la représentation et je ne tiens pas spécialement à recommencer.» grinçai-je. «En l'occurrence, en disant «ceux de ton espèce», je ne parlais pas des loups-garous mais des gryffondors et de leur indécrottable naïveté!»

«Mais de quoi parles-tu?» s'étonna-t-il.

«Du fait que tu le crois quand il te dit qu'il ne cherche vraiment qu'à apprendre à se défendre. Alors qu'en fait il se contente de cloisonner ses demandes en utilisant chacun pour ce qu'il peut lui apprendre d'utile.» rétorquai-je.

Je vis passer un début de compréhension dans son regard, mais le doute lui succéda très vite:

«Mais je ne vois pas qui pourrait lui apprendre à se battre à part toi.»

«Ce qui prouve ton manque d'imagination!» répliquai-je du tac au tac. «Je te rappelle que toute la bande a passé une grande partie de l'été à traîner au Manoir Malefoy, puisque Narcissa ne voulait plus laisser sa nièce aller où que ce soit, de peur qu'elle ne soit enlevée. Des heures et des jours pendant lesquels Albus a traîné à proximité de Lucius Malefoy, le grand spécialiste des coups fourrés en duel. J'imagine qu'Albus n'a pas perdu l'occasion d'aller lui demander des conseils et que Lucius n'a été que trop content de lui en donner dans mon dos. Sans compter le portrait de Salazar Serpentard au fin fond des cachots qui n'a rien de mieux à faire que de lui enseigner tout ce qu'il veut, y compris dans une magie dont ni toi ni moi n'avons pas la moindre idée, car nous ne sommes pas Fourchelang contrairement à lui!»

Il avait enfin compris. Il me fixa un bon moment d'un air songeur avant de m'interroger :

«Pourquoi es-tu aussi inquiet de ce que fait Albus? Pour autant que je m'en souvienne, tu n'as pas été le dernier à te former toi-même au duel à l'époque où nous étions élèves à Poudlard.»

«Je ne m'inquiète pas de ce qu'il fait, mais de la raison pour laquelle il le fait.» expliquai-je.

«Précise.» insista-t-il.

« Il le fait parce qu'il a peur. Peur pour la vie Delphini Black. Je suis persuadé qu'il est prêt à tout, absolument tout, pour la sauver.» murmurai-je.

«Absolument tout? Tout quoi?» reprit-il sur le même ton.

«De quoi aurais-tu été capable pour sauver Nymphadora? Ou pour la faire revenir?» interrogeai-je à mon tour.

«La faire revenir!» releva-t-il d'un ton effaré. «Mais tu sais que tu parles là d'une magie totalement interdite!»

«Réponds honnêtement à ma question.» réclamai-je.

Il resta un bon moment silencieux en me regardant d'un air circonspect comme s'il se demandait s'il allait me faire confiance.

«De n'importe quoi qui ne risque pas de mettre Teddy en danger.» répondit-il finalement à voix basse.

«Je te remercie de ta franchise!Et j'admets sans peine que j'aurais pu te faire exactement la même réponse. S'il n'y avait pas eu Harry à protéger, j'aurais tout tenté pour retrouver Lily, quitte à faire des choses totalement illégales.» réagis-je avant d'ajouter. «Eh bien, Albus n'a pas les mêmes contraintes que nous pour limiter ce qu'il est capable de faire. Sans compter qu'un jour, très bientôt, il sera un sorcier bien plus puissant que toi ou moi. Ce jour-là, mieux vaudrait qu'il n'ait pas la tentation d'essayer quelque chose de désespéré pour ramener Delphini Black parmi les vivants.»

«Si tu as raison, alors tu es condamné à réussir. A trouver maintenant une solution qui permette de protéger la petite Black.» répondit-il gravement.

«Parce que tu crois que je t'ai attendu pour le savoir!» rageai-je d'un ton furieux, en laissant éclater ma mauvaise humeur pour masquer mon inquiétude.