Chapitre 11: Je patine, ils s'excitent
Les semaines suivantes, je continuai de piétiner dans mon enquête à propos de la métamorphose de Delphini Black et des moyens de l'empêcher. J'en conçus un tel agacement que je finis par prendre la plupart de mes repas dans mes quartiers ou dans mon bureau, de peur que des menaces qu'il m'arrivait de proférer à l'encontre de mes collègues, quand ils étaient particulièrement pénibles, je ne finisse par passer aux actes.
Un matin où j'avais néanmoins décidé de venir prendre le petit déjeuner dans la Grande Salle suite aux demandes insistantes de McGonagall qui considérait que c'était là ma place en tant que directeur de Maison, j'aperçus une scène qui me laissa pour le moins perplexe. Rose Granger-Weasley avait à peine ouvert l'exemplaire de la Gazette du Sorcier qu'un hibou venait de déposer devant elle qu'elle poussa une exclamation sonore.
Abandonnant son porridge, elle se précipita vers Teddy Lupin assis quelques places plus loin pour lui montrer quelque chose sur le journal. Le fils du loup-garou sembla partager son excitation, car ils se précipitèrent tous les deux vers l'endroit où était assise Victoire Weasley à la table des serdaigles.
En même temps, la fille de Madame la Ministre cherchait à attirer l'attention de ses complices de Serpentard, ce qui ne fut guère compliqué, car Scorpius Malefoy la quittait rarement des yeux. Du geste, elle l'invita à la rejoindre auprès de Miss Weasley avec Albus et Delphini Black.
Cinq minutes plus tard, ils discutaient tous les six penchés vers un article de la Gazette qui manifestement leur inspiraient les nombreux commentaires qu'ils échangeaient à voix basse, indifférents aux regards suspicieux des serdaigles peu ravis de se voir envahis par des élèves d'autres Maisons, surtout par des serpentards. Il n'en fallut pas plus pour piquer ma curiosité et que j'attrape sur la table un exemplaire du même journal pour essayer de repérer ce qui les intéressait autant, sans me préoccuper du fait que cet exemplaire était celui de Zephyrus Eole, le professeur de Métamorphose, ni que celui-ci était en train de le lire. De toutes façons, j'étais certain que mon collègue n'oserait pas se permettre d'émettre le moindre couinement de protestation. Il avait bien trop peur de moi!
Grâce à la photo illustrant un autre article de la même page, je repérais sans trop de mal malgré la distance la nouvelle qui les mettait dans un tel état d'excitation. C'était un petit encart qui indiquait qu'une inscription étrange avait été découverte dans une ancienne librairie située à Pré-au-Lard. C'était à la suite de fouilles réalisées par le Ministère dans cette boutique abandonnée depuis des décennies que cette inscription aurait été découverte.
Même l'inventivité du journaliste de la Gazette comme toujours prompt à faire mousser le moindre incident ne lui avait pas permis d'écrire plus de quelques lignes. Et pourtant, toute la bande restait là penchée sur les quelques lignes en question, tellement concentrés qu'ils en oubliaient de manger tout comme je l'oubliais moi-même à les observer.
…..
Mes préoccupations du moment chassèrent rapidement le souvenir de cet épisode de mon esprit. Je l'avais totalement oublié, lorsqu'un dimanche Delphini Black vint me demander l'autorisation de passer par la cheminée de mon bureau pour «aller rendre visite au professeur Hagrid», puisqu'on ne lui permettait pas de faire le moindre pas dehors, «pendant que mes amis iront à Pré-au-Lard». J'appris ainsi que tout le reste de la bande s'apprêtait à profiter sans elle du premier dimanche de sortie à Pré-au-Lard.
Comme elle ne semblait nullement émue d'être ainsi abandonnée, j'en conclus que la raison de cette sortie des autres en groupe ne lui était pas inconnue. Avec un peu de chance, elle attendait simplement qu'ils lui ramènent des chocogrenouilles et autres saletés de chez Honeyduckes, mais j'avais du mal à en être convaincu. Bien décidé à en avoir le cœur net, je m'empressai d'accompagner Delphini Black chez Hagrid pour renforcer les protections magiques de sa cabane et lui rappeler qu'il ne devait en aucun cas la laisser sortir. Même pas deux minutes pour aller saluer l'hipogriffe ou jeter un coup d'œil aux nouveaux strangulots dans leur aquarium.
Croisant Lupin dans le hall, j'en profitai pour lui confier la tâche que je ne pouvais pas accomplir moi-même.
«Delphini Black est chez Hagrid.» indiquai-je d'un ton bref. «Tu surveilles qu'il ne la laisse pas sortir. Moi, j'ai à faire.»
«Tu n'as jamais songé devenir un animagus». me demanda-t-il bêtement.
Comme si la question avait quoi que ce soit à voir avec ce que je venais de lui dire !
«De quoi tu me parles ?» grognai-je. «Tu manques de compagnie les soirs de pleine lune ?»
«Non, c'est juste que j'hésite à savoir si tu te transformerais en ours ou en sanglier.»
Automatiquement, je sortis ma baguette pour la lui brandir sous le nez, car je n'étais pas vraiment d'humeur à goûter ses niaiseries.
«Ça va, je plaisante.» ironisa-t-il mais non sans reculer d'un pas face au regard furieux que je lui lançais. «Je soulignais juste que tu réussis ces temps-ci à être encore plus insupportable que d'habitude. A ce niveau-là, c'est une performance !»
Je m'éloignais en haussant les épaules. Je n'allais quand même pas perdre mon temps à répondre à ses bêtises. De toutes façons,j'avais mieux à faire, car je venais de voir le petit groupe dont la destination m'interrogeait sortir par la grande porte.
Je commençais à les suivre à bonne distance. Dans le flot des élèves qui se dirigeaient vers le centre de Pré-au-Lard, il y avait peu de chance qu'ils me repèrent. Ma filature se compliqua quand ils quittèrent la rue principale pour enfiler une ruelle étroite. Je ne dus qu'à un instinct hérité de mes années d'espionnage de ne pas me faire surprendre au bout de quelques mètres. Je me dissimulai juste à temps derrière un pan de mur quand Rose Granger-Weasley se retourna pour vérifier que personne ne les suivait.
Bien que j'aie toujours trouvé ça très inconfortable, je me décidai àme désillusionner. Ce sort ne donnait pas un résultat parfait, rien à voir avec une véritable cape d'invisibilité comme celle d'Harry, mais il devrait brouiller suffisamment ma silhouette pour qu'ils ne fassent pas attention à moi. De fait, je les suivis sans encombre. Teddy Lupin qui habitait Pré-au-Lard avec son père et sa grand-mère, les conduisait sans hésitation dans le dédale de ruelles, mais je ne comprenais pas où ils se rendaient avec ces allures de conspirateurs.
Ce n'est qu'en débouchant sur une petite place déserte à la limite du village que je pris conscience de leur objectif. Ils se rendaient à la librairie abandonnée, dont il était question dans l'entrefilet de la Gazette du sorcier qui les avait tant passionnés.
Le Ministère avait placardé partout autour des interdictions d'entrée. Rose Granger-Weasley s'approcha néanmoins d'un pas décidé jusqu'au seuil, avant de sortir de sa poche un objet que, malgré la distance, j'identifiais comme un Scrutoscope. Elle cherchait clairement à identifier un éventuel danger au cas où un sort quelconque aurait protéger les lieux. Le Scrutoscope n'ayant manifestement rien indiqué d'inquiétant, elle franchit délibérément le seuil sans un regard pour les panneaux d'interdiction du Ministère.
Son absolu sans-gêne arrivait encore à me surprendre. En revanche, j'avais déjà parfaitement pris conscience de l'ampleur de son influence sur les autres, c'est donc sans étonnement que je les vis lui emboîter le pas sans hésitation. J'étais sur le point d'intervenir pour les sortir de là à grands cris, quand mes sens en alerte m'avertirent d'un autre danger, nous n'étions pas seuls dans cet endroit apparemment désert.
Je tournai lentement sur moi-même. Du coin de l'œil, j'aperçus une vague forme. Je n'étais pas le seul à être désillusionné. Quelqu'un d'autre les surveillait ou surveillait la librairie abandonnée. Je me dirigeai vers l'endroit où se tenait le sorcier ou la sorcière désillusionné. J'entendis un pop de transplanage. Transplaner désillusionné, il ou elle avait dû drôlement morfler, ce qui en disait long sur sa motivation à ne pas être surpris en train d'espionner cet endroit. En tout cas, ce n'était pas n'importe quel sorcier, tout le monde n'était pas capable de se désillusionner convenablement, cela supposait à la fois des capacités et de la pratique. Un membre du Ministère peut-être. Mais dans ce cas, pourquoi se contenter d'espionner au lieu d'être intervenu pour les empêcher d'entrer?
Pendant que je gambergeais ainsi, je vis la petite bande se faufiler discrètement à l'extérieur et retourner vers la rue principale. Je renonçai à les intercepter. Après tout, je ne doutais guère du motif de leur visite, voir de leurs propres yeux la fameuse inscription, dont avait parlé le petit article de la Gazette du sorcier. Si la raison de leur curiosité pour ces signes m'échappait pour le moment, il ne me paraissait pas suffisamment urgent de le savoir pour renoncer à quelques heures de tranquillité. Les ayant vus rentrer au Trois Balais, probablement pour avaler une Biereaubeurre, je me dirigeais moi-même vers la Tête de Sanglier. Pour cette fois, un verre de Whisky Pur Feu dans un endroit tranquille me tentait bien davantage qu'une tasse de thé dans un endroit probablement bondé d'élèves et, pire encore, de collègues.
