Chapitre 23: Amulette et devinette

Les jours suivants, j'étais tellement concentré et même obnubilé par les recherches vers lesquelles m'avait orientées le portrait de Dumbeldore que j'étais presque obligé de me forcer pour balancer quelques sarcasmes à mes crétins de collègues et pour distribuer à tous les demeurés qui peuplaient mes cours, les punitions qu'ils méritaient.

Un soir où je travaillais encore à une heure tardive enfoncé dans mon fauteuil préféré devant ma cheminée, un coup léger fut frappé à ma porte. Je levais un regard surpris vers mon horloge dont l'aiguille pointait vers «plus du tout l'heure de recevoir des visites». Mais avant que j'aie eu le temps d'ouvrir la bouche pour envoyer l'importun visiter les puissances infernales, la porte s'ouvrit sur la seule personne qui avait l'autorisation de rentrer dans mes quartiers à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit. Dans l'encadrement de la porte, Albus était livide. Quand il avança dans la pièce, je me rendis compte qu'il n'était pas seul. Delphini Black, Rose Granger-Weasley, Scorpius Malefoy et Teddy Lupin entrèrent à sa suite avec des mines tout aussi décomposées. Tellement décomposées que je ne songeai même pas à me mettre en colère de voir mon appartement ainsi envahi. Je me levai d'un bond, indifférent à la chute de l'antique grimoire que je consultais à leur entrée.

«Il a enlevé va la tuer, si on ne la lui apporte pas. Il nous a laissé une heure. On a essayé de lui dire qu'on ne sait pas où elle est, mais il ne nous a pas cru!»débita Albus à toute vitesse avant même que j'ai pu lui demander de m'expliquer la raison de leur intrusion nocturne.

Je levai une main pour l'interrompre:

«Je ne comprends strictement rien, Albus. Qui a enlevé Victoire Weasley? Qui menace de la tuer?»

«Wolfgang Boswell.» répondit Rose Granger-Weasley d'un ton sépulcral.

«Boswell? Le chef du Département des Mystères? Ça n'est pas possible. Pourquoi aurait-il fait ça?» m'écriai-je.

«Si c'est possible. Il est prêt à tout pour récupérer ce machin. Ça le rend complètement fou!» assura véhémentement la gryffondor.

J'eus une brusque illumination. Je repensai à cette histoire de fées acariâtres incompréhensible que m'avait raconté Albus quelques semaines auparavant.

«La bague du bonheur!» m'écriai-je en me tournant vers lui.

«Oui. A part que ce n'est pas une bague mais une amulette, et qu'elle procure autre chose qu'un sentiment de bonheur.» précisa celui-ci.

«Et elle procure quoi?» demandai-je.

«Du temps.» cracha Albus du ton dégoûté qu'il aurait employé pour parler d'une chose parfaitement répugnante.

«Du temps justement, on n'en a pas.» intervint Teddy Lupin d'une voix angoissée.«Il faut absolument aller chercher cette chose maintenant ou il va tuer Victoire!»

«Ne confondons pas vitesse et précipitation, Monsieur Lupin. Rien ne sert de courir dans tous les sens, il faut établir une stratégie claire avant de sortir d'ici. Où Boswell a-t-il emmené Miss Weasley? Que vous a-t-il donné précisément comme instructions?» interrogeai-je.

«Il est tout en haut de la Tour de Serdaigle avec Victoire. Il a jeté un sort dans la pièce où il se trouve pour que seules Rose et Delphini puissent y pénétrer, elles doivent lui apporter l'amulette et il a promis de libérer Victoire en échange. D'après ce qu'on a vu, il a un balai avec lui, on pense qu'il a prévu de s'enfuir directement de là-haut quand il aura récupéré, ce qu'il veut.» résuma Scorpius Malefoy d'une voix qu'il s'efforçait de rendre ferme.

«Je ne comprends pas grand-chose à votre histoire, mais je sais une chose, c'est que vous avez eu tort d'essayer de la régler tous seuls. Et je ne compte pas commettre la même erreur. » affirmai-je avant d'ajouter à l'intention d'Albus en me dirigeant vers ma cheminée. «Je vais chercher ton père.»

Malheureusement, ma cheminée ne réagit pas quand j'entrai dedans avec l'intention de me rendre chez Harry.

«Il a dû faire déconnecter toutes les cheminées de Poudlard du Réseau après avoir réussi à pénétrer dans l'école. Pour le chef du département des Mystères, ce n'est pas très difficile.» s'écria Rose Granger-Weasley en réussissant à pâlir encore.

Je ressortis de ma cheminée avec cette fois une vraie anxiété. La déconnection de ma cheminée du Réseau rendait soudain tangible l'histoire incroyable qu'ils étaient venus me raconter. Aux grands maux, les grands remèdes …

«Où est votre père?» demandai-je en me tournant vers Teddy Lupin.

«Dans le bureau du professeur McGonagall» répondit-il.

C'est vrai. Je savais qu'ils devaient travailler sur les comptes de l'école ce soir pour préparer une réunion imprévue du conseil d'administration. Ils m'y avaient convié, mais j'avais décliné pour privilégier mes recherches sur les potions d'adoption de sang.

«Mais on ne peut pas aller le chercher.» enchaîna le fils du loup-garou «On a essayé, mais le professeur Babbling s'est postée dans l'escalier qui mène au bureau du professeur McGonagall. Elle a brandi sa baguette et menacé de nous tuer si on approchait.»

«Le professeur Babbling? Menacer de vous tuer? Mais c'est impossible!» m'exclamai-je incrédule.

A part ces runes, je n'avais vu Bathsheda Babbling s'intéresser à quoi que ce soit, alors de là à l'imaginer complice de Wolgang Boswell…

«Elle doit être sous Imperium.» avança Delphini Black. «D'ailleurs, c'est elle qui a dû faire rentrer Boswell dans l'école.»

Petit à petit, un vrai sentiment d'inquiétude s'insinuait en moi. Cela ressemblait de plus en plus à un plan bien ficelé. Si je considérais Boswell comme un esprit obtus – il restait persuadé que ma vraie place était derrière les murs d'Azkaban et que jamais je n'aurais dû être innocenté par le Magenmagot - je ne faisais pas l'erreur de le sous-estimer comme adversaire. De réelles qualités de combattant et un grand sens de l'organisation. Bref, un type redoutable.

«Qu'est-ce que vous avez comme indications pour retrouver ce que veut Boswell?» demandai-je.

«Une sorte d'énigme incompréhensible. La seule chose dont on est sûr, c'est que ce truc est quelque part dans l'école.» se lamenta Rose Granger-Weasley, avant de sortir un bout de parchemin de sa poche qu'elle lut sur un ton tragique. «Le temps file immobile et ma destinée rejoint celle des autres mortels! »

Incompréhensible, en effet.

«Bon, soyons pragmatique.» soupirai-je «Si cette … amulette donne simplement «du temps», comme vous dites, il doit être compliqué de vérifier immédiatement son bon fonctionnement. Apportez à Boswell n'importe quel objet pour qu'il libère Miss Weasley, et on réglera le reste après.»

Ils secouèrent la tête d'un air dépité.

«Impossible.» m'expliqua Albus. «Nous ne savons pas à quoi cet objet ressemble, alors qu'apparemment lui en a vu des représentations.»

Encore une impasse. C'était frustrant, mais je n'avais pas le temps de m'agacer, car en jetant un coup d'œil à mon horloge, je vis qu'elle indiquait désormais «dépêche-toi».

«Il nous reste quelques instants pour chercher une solution à votre énigme. Si nous ne trouvons rien je monterais affronter Boswell. Seul. Il n'est pas question de vous vous mettiez en danger une fois de plus.» indiquai-je.

«Mais Victoire …» s'angoissa Teddy Lupin.

«Réfléchissez à cette fichue énigme, c'est la meilleure façon d'aider à la sauver!» lançai-je d'un ton impératif. «Miss Granger-Weasley, relisez la nous!»

«Le temps file immobile et ma destinée rejoint celle des autres mortels. » répéta cette dernière.

Malheureusement, ces mots n'éveillaient toujours pas la moindre lumière dans mon esprit inquiet.

«Ce sont les Parques qui filent la destinée des mortels.» dit soudain une voix qui semblait sortir du mur.

Personne en vue, mais au timbre caverneux, il n'y avait pas à s'y tromper. C'était le fantôme de la Maison Serpentard qui venait de parler. D'ailleurs, Albus fit deux pas en direction du mur, pendant que les autres faisaient instinctivement un pas en arrière.

«Vous avez une idée, Baron? S'il vous plait, venez nous aider!» le pria Albus.

«C'est que le professeur Rogue n'apprécie pas que je rentre chez lui sans m'être fait annoncer.» répondit la voix du Baron.

«Ce soir, il s'en fiche.» lui assura Albus d'un ton encourageant.

Sûr que je n'étais plus à ça près …

Le Baron sortit prudemment du mur en coulant vers moi un regard inquiet. Est-ce que, sans m'en rendre compte, j'étais de mauvaise humeur ces derniers temps au point de faire peur même au fantôme de la Maison ?

«Baron, s'il vous plaît, dites-nous vite ce à quoi vous avait pensé en entendant Rose lire cette phrase. C'est vraiment très urgent.» le pressa Albus.

«En fait, les mots prononcés par Miss Granger-Weasley m'ont surtout rappelé une scène à laquelle j'ai assisté il y a longtemps.» répondit le Baron Sanglant qui fronçait ses sourcils fantomatiques comme s'il faisait un effort pour se souvenir de quelque chose.

«Ça vous a rappelé quoi?» le pressa Albus.

«En fait, cette phrase, ou plutôt une partie de cette phrase, je l'ai déjà entendue prononcée.» dit-il lentement pendant que nous retenions notre souffle pour ne pas troubler sa réflexion.

«Celui qui l'a prononcé, était un homme venu rendre visite à l'infirmerie à son fils malade.» se remémora-t-il. «En redescendant, il s'est arrêté sur le palier du premier étage près de cette sculpture qui représente les trois Parques sous les traits de trois mégères à l'apparence proprement terrifiante. C'est un cadeau que quelqu'un a cru bon de faire à l'école, le directeur de l'époque n'a pas osé s'en débarrasser, mais il l'a relégué dans ce coin sombre pour ne pas faire peur aux élèves les plus jeunes.»

Je l'aurais bien secoué pour qu'il accélère, mais la nature fantomatique de mon hôte m'empêchait de recourir à une telle méthode. Il poursuivit donc à son rythme:

«Alors que moi-même je me tiens généralement loin de cet horrible trio, j'ai eu la surprise de voir cet homme s'en approcher en redescendant de l'infirmerie. En même temps, il regardait partout autour de lui comme pour vérifier que personne ne le voyait faire, c'est parce que je flottais près du plafond qu'il ne m'a pas vu. Il s'est approché des trois Parques et, malgré la distance, il m'a semblé qu'il passait quelque chose autour du cou de l'une d'entre elles, et c'est alors qu'il a prononcé cette phrase bizarre, «Aujourd'hui, ma destinée rejoint celle des autres mortels». Mais à ce moment-là, le Moine Gras m'a appelé parce que Peeves …»

«C'est ça! C'est forcément ça!» s'écria Rose Granger-Weasley sans se préoccuper d'interrompre le Baron Sanglant.

Albus remercia le fantôme avant de se ruer comme les autres vers la porte. Je les suivis non sans prier le Baron de nous accompagner:

«Venez, s'il vous plait, Baron, nous pourrions avoir encore besoin de votre aide. »