Chapitre 30: En transe
S'il y a dans mon caractère une faiblesse que je suis prêt à admettre, c'est que je déteste plus que tout les situations dans lesquelles je suis obligé d'attendre sans rien pouvoir faire.
C'est dire mon état, pendant les jours qui suivirent la visite qu'Albus et moi avions rendu à Hexaphorus. Comme prévu, nous avions égrainé comme par inadvertance les faussesinformations sur la date du début et le lieu du traitement de Delphini Black au cours de la conversation. Hexaphorus n'avait relevé aucune de ces informations, apparemment concentrésur les recettes que j'étais venu lui montrer.
Pour une fois, il avait omis de me traiter de nul et avait concentré ses attaques sur les risques encourus par Delphini Black pour essayer de nous diviser Albus et moi. Il avait expliqué par le menu à mon petit-fils, ce qui se passerait si je ne parvenais pas à maîtriser le problème de la transformation physique après avoir administré à Delphini Black la potion d'adoption de sang et donc comment le traitement la tuerait. Albus avait impeccablement joué le rôle de celui qui n'avait jamais entendu parler de ce risque et qui était paniqué de découvrir cette éventualité. Ensuite, et alors qu'à Sainte Mangouste, tout était déjà en place, il ne restait plus que ce détestable moment, l'attente, pour savoir si mon plan allait fonctionner.
Au bout d'un jour de cette attente, McGonagall m'avait déjà demandé de prendre mes repas dans mon bureau ou dans mes quartiers jusqu'à nouvel ordre, sous prétexte que j'étais «encore plus insupportable que d'habitude» et que j'avais «failli faire pleurer» son tout nouveau professeur de métamorphose. Quand je lui avais fait valoir que ce n'était pas de ma faute, si elle embauchait des petites natures, elle avait refusé de se rendre à mes arguments en expliquant que ce type était là pour enseigner la métamorphose et pas pour me servir de souffre-douleur.
Au bout de trois jours de cette situation, heureusement pour ma santé mentale, les choses commencèrent à bouger. Encouragée par l'allure de ruche qui régnait apparemment dans le bâtiment de Sainte Mangouste où le Ministère préparait son piège, une visiteuse s'était introduite sous prétexte de visiter un parent. Ella avait été repérée immédiatement par tous les membres de Ministère, mais ils avaient fait mine de l'ignorer. La sorcière avait jeté un œil, qu'elle pensait discret, dans quelques chambres avant de jeter son dévolu sur un très vieux sorcier, dont elle s'était prétendu être la petite-nièce pour expliquer sa présence, tout en le mettant sous Imperium pour qu'il ne la contredise pas. Enfin, sous Imperium, c'est ce qu'elle croyait, car il s'agissait d'un ancien Auror particulièrement coriace que ses collègues était allé tirer de sa retraite tout exprès pour qu'il joue le rôle du vieux sorcier isolé et sans défense et qu'il sache faire semblant d'être sous Imperium tout en assurant une surveillance efficace. Le lendemain, la même sorcière était revenue le visiter accompagnée d'un soi-disant cousin.
Dès lors, il n'y avait plus de doute, la partie était engagée et l'ennemi en plein repérage. Pour tromper le temps, puisqu'il s'en fallait encore de plusieurs jours avant la soi-disant arrivée de Delphini Black pour son traitement à Sainte Mangouste, j'occupais mes loisirs en imaginant la tête que devait faire Madame la Ministre au même instant face à la preuve flagrante que j'avais raison et qu'elle avait tort, puisqu'Hexaphorus était manifestement capable de faire passer des messages à l'exté me tardait même de la recroiser pour pouvoir la chambrer sur les propos outrés qu'elle m'avait tenu lors de notre entrevue au Manoir Malefoy.
Me concentrer sur cette perspective réjouissante m'évitait d'être gagné par l'angoisse. Car, le fait que la partie soit engagée signifiait aussi que la bataille de Sainte Mangouste allait bel et bien avoir lieu avec Harry jouant mon rôle, celui de l'homme à abattre, alors que nous n'avions pas la moindre idée de l'ampleur de la bataille en question. C'était là l'inconvénient du fait que les envoyés de Voldemort se soient installés sur le continent pour recruter de nouveaux adeptes, nous ne savions rien de leur nombre ou de leur identité. Un inconvénient compensé par un avantage de taille, leurs recrues ne connaissaient pas les Aurors, ni les autres membres du Ministère qui pouvaient donc tranquillement jouer les rôles des malades comme des Medicomages et préparer le piège dans lequel nous espérions les voir tomber.
…..
Le dix-septième anniversaire de Delphini Black tombait le deuxième jour des vacances de printemps. Nous avions choisi de faire croire à Hexaphorus que c'est ce jour là qu'elle prendrait la potion d'adoption de sang qui l'empêcherait à tout jamais d'être transformée en Voldemort. C'est donc ce jour-là que devait avoir lieu la bataille de Sainte Mangouste. En réalité, j'avais renvoyé au lendemain de ce jour fatidique le début du vrai traitement, dont j'avais décidé qu'il aurait lieu à Poudlard, car j'avais plus confiance dans Madame Pomefresh que dans n'importe quel Médicomage pour dmaider à contenir les effets secondaires du traitement.
Dans ces circonstances, Albus et les autres membres de leur petite bande avait par avance exclu de quitter Poudlard pour les vacances. L'atmosphère dans leurs rangs était à la veillée d'armes. Ils étaient dans cet état d'extrême tension depuis des semaines, au point que McGonagall avait renoncé à leur infliger pour le moment la moindre sanction pour avoir contrevenu au règlement de l'école dans l'affaire de l'Immuable du Temps.
«On verra quand tout sera terminé.» nous avait-elle expliqué à Lupin et moi quand nous étions venus nous enquérir de sa décision.
Après des jours pendant lesquels le temps était resté comme suspendu, il sembla soudain s'accélérer et je me retrouvai le matin de la bataille de Sainte Mangouste. Contraint de rester dans mes quartiers de Poudlard à attendre que les choses adviennent sans rien pouvoir faire. Je me refaisais pour la centième fois dans ma tête le film de l'arrivée de la fausse Delphini Black en fin de matinée par le Réseau des cheminées dans le bâtiment de Sainte Mangouste avec la fausse Narcissa Malefoy, le faux moi et le vrai Drago Malefoy, quand j'entendis frapper à la porte. Comme Albus serait entré directement après avoir frappé et, comme je n'avais pas l'intention de recevoir qui que ce soit d'autre, je proposai fermement au visiteur d'aller faire un tour du côté des puissances infernales pour voir si je m'y trouvais moi-même. Nullement découragé, il insista cependant:
«Arrête de faire ta mauvaise tête! Laisse moi entrer.»
Le loup-garou! Voilà une journée qui commençait décidément sous de mauvais auspices.
«Qu'est-ce que tu veux?» lançai-je d'un ton volontairement peu amène allant néanmoins ouvrir la porte. «Minerva t'aurait-elle supprimé ton appartement que tu erres ainsi dans les couloirs?»
«Nullement.» admit-il. «Mais Teddy vient de réquisitionner l'appartement en question pour organiser une petite fête surprise pour l'anniversaire de Delphini Black.»
Dans d'autres circonstances, j'aurais été choqué qu'ils organisent une fête alors même que la bataille de Sainte Mangouste aller se dérouler et qu'Harry risquait sa vie, mais le lendemain Delphini Black allait elle aussi risquer son existence en prenant la potion d'adoption de sang. Dans ces conditions, il me semblait difficile de leur reprocher leur initiative.
Je m'écartai donc pour laisser Lupin entrer dans mon salon. Il alla s'assoir directement dans le fauteuil en face de celui où je m'installai habituellement.
«Tu veux du thé?» grommelai-je.
«Si c'est pas trop te demander.» répondit-il.
En haussant les épaules, je commandai un thé et de quoi grignoter aux elfes de cuisine. Car, je n'avais rien mangé le matin et quasiment rien la veille. Au fond, et même si j'aurais préféré affronter sans baguette une douzaine d'Inferi, j'étais tellement soulagé qu'il soit venu attendre avec moi des nouvelles que je me sentais capable d'avaler enfin quelque chose.
….
Après près de deux heures pendant lesquels chaque seconde m'avait paru une éternité, ma cheminée s'anima pour laisser apparaître Harry en personne. J'en conçus un tel soulagement que pendant un instant l'émotion m'empêcha de prononcer le moindre mot, si bien que Lupin me précéda pour l'interroger sur le bilan de la bataille.
«Beaucoup de blessés, mais aucun mort de notre côté.» résuma Harry avant d'ajouter en s'écroulant dans un fauteuil. «En dépit de la bonne volonté que Drago a mise à essayer de se faire tuer.»
«Drago? Que s'est-il passé?» m'inquiétai-je rétrospectivement en pensant à mon filleul.
«Au début, il ne s'est rien passé justement. Il est resté les bras ballants au milieu des sorts qui volaient dans tous les sens. Il a fallu que je lui balance un grand coup de coude dans les côtes pour qu'il se réveille, qu'il se planque et qu'il sorte enfin sa baguette pour nous aider.» articula Harry avec mauvaise humeur. «Il fait partie des blessés, mais rien de grave. Quelques brûlures. Sans compter les deux côtes que j'ai dû lui casser. Il est resté à Sainte Mangouste avec les autres. Au moins, nous étions sur place pour nous faire soigner après coup.»
A cet instant, je m'aperçus que les mains et les bras d'Harry présentaient un certain nombre de plaies. D'un Accio, je fis venir jusqu'à lui un pot d'onguent orange anti-brûlure pour qu'il puisse soigner le plus gros de ses blessures qui semblaient heureusement superficielles.
«Et du côté des assaillants?» demanda Lupin pendant qu'Harry retroussait ses manches pour se passer de l'onguent sur les bras.
«Capturés. Tous. A part les trois qui ont préféré mettre fin à leur jour.» résuma Harry.
«Mais il ne se sont pas enfuis quand ils ont compris que c'était un piège?» s'étonna ne loup-garou.
«Je n'avais pas voulu en parler à l'avance pour éviter de vous inquiéter.» expliqua Harry en me jetant un coup d'œil en coin. «Mais, nous avions décidé de les piéger à l'intérieur du bâtiment en mettant en place un sort anti-transplanage comme à Poudlard. Certes, la bataille n'en a été que plus dure, ce qui explique le nombre important de blessés de part et d'autre, mais il fallait en finir une bonne fois pour toute avec tous ces nostalgiques de Voldemort, et …»
La suite de leur discussion m'échappa. Mon corps était présent, mais mon esprit s'était soudain évadé très loin en arrière, très loin de mes quartiers. Je me souvenais de tous ces gens avaient cru eux aussi que s'en été fini. Après la mort de Lily en même temps que James Potter, la plupart des gens avaient prétendu que leur sacrifice n'avait pas été vain, puisque s'en était fini de Voldemort. Mais Voldemort était revenu et ma Lily elle était restée morte. A nouveau, Harry avait dû l'affronter et risquer sa vie. A nouveau, nous l'avions cru définitivement vaincu pour nous retrouver à nouveau quinze ans plus tard face aux plans que celui qui se faisait appeler le Seigneur des Ténèbres avait ourdi bien avant sa disparition pour tenter d'assurer sa survie. Cela ne finirait-il donc jamais?
