La détonation résonna dans l'entrepôt abandonné, brisant le silence oppressant qui s'était installé. En une fraction de seconde, Emma réagit avec un instinct affûté, plaquant Regina au sol avec une violence calculée, son corps érigé en bouclier. La Maire sentit la rudesse du bitume contre sa peau, l'air lui manqua un instant sous le choc, mais elle eut à peine le temps de protester qu'Emma était déjà en mouvement.
Un second coup de feu siffla au-dessus de leurs têtes. Emma riposta d'un mouvement vif, dégainant son arme avec la précision et l'assurance d'une femme ayant fait de la survie un art. Son regard scruta l'obscurité, cherchant l'assaillant embusqué, mais il était déjà en fuite, son ombre disparaissant dans le labyrinthe de containers et de palettes abandonnées.
Le silence retomba brutalement, comme si l'espace lui-même retenait son souffle.
Regina tenta de se redresser, mais une douleur fulgurante irradia son poignet, vestige de sa chute. Emma, toujours accroupie, posa une main ferme sur son épaule.
— Bougez pas. Je dois vérifier que vous n'êtes pas blessée.
— Je vais bien, murmura Regina d'une voix tendue. Mais notre contact...
Elles tournèrent la tête en même temps vers l'homme qui gisait à quelques mètres d'elles, un filet de sang s'échappant de son abdomen. Il haletait, ses yeux fixes reflétant une conscience vacillante.
Emma se rua vers lui, inspectant sa blessure avec l'efficacité froide d'une professionnelle. Regina, quant à elle, sentit son estomac se nouer. Cet homme détenait des informations capitales. Et il était en train de mourir sous leurs yeux.
— Qui vous a fait ça ? souffla Regina, s'agenouillant à côté de lui.
Le blessé esquissa un rictus, un mélange d'agonie et d'une ironie macabre.
— Ce n'était... pas une simple... vengeance, articula-t-il dans un souffle. C'est plus grand... que ça...
Regina frissonna.
— Expliquez-moi. Qui est derrière tout ça ?
Ses lèvres tremblèrent, cherchant les mots, mais la douleur le submergea. Emma serra la mâchoire et attrapa sa radio.
— Ici Swan, besoin d'une assistance médicale immédiate. Homme blessé par balle. Priorité absolue.
Un grésillement statique répondit avant qu'une voix ne confirme l'arrivée imminente d'une unité d'intervention. Emma jeta un regard à Regina.
— Il faut qu'on sorte d'ici, maintenant.
— Mais il n'a pas fini...
— Et il ne finira jamais si on se fait descendre aussi. Allez, debout !
Emma attrapa Regina par le bras et la remit sur pied d'un geste ferme, tout en scrutant l'entrée de l'entrepôt. Le silence était trop pesant, trop menaçant. L'instinct d'Emma criait au piège.
Et elle eut raison.
Un crissement de pneus déchira l'air à l'extérieur. Emma tira Regina en arrière juste à temps. Une rafale de balles cribla les portes en métal du bâtiment derrière elles, soulevant un nuage d'étincelles et de poussière.
— Bordel !
Emma pivota, se mettant en position de tir. Deux silhouettes armées surgissaient d'une voiture noire, leurs mouvements coordonnés trahissant une organisation bien huilée. Ils n'étaient pas de simples mercenaires.
— Regina, cours !
Elles se ruèrent vers leur voiture, Emma couvrant leur fuite en tirant à plusieurs reprises. Une balle siffla près de Regina, frôlant son épaule, mais elle n'avait pas le temps de penser à la peur. Pas maintenant.
Emma ouvrit la portière de leur véhicule et poussa Regina à l'intérieur avant de démarrer en trombe. Les phares d'une seconde voiture illuminèrent le rétroviseur.
— Accrochez-vous !
Emma fonça dans les rues de Seattle, zigzaguant entre les voitures, le crissement des pneus résonnant dans la nuit. Les assaillants étaient sur leurs traces, leurs balles percutant le coffre de la voiture avec un bruit assourdissant.
Regina, agrippée à son siège, voyait les lampadaires défiler à une vitesse vertigineuse.
— Ils ne nous lâcheront pas ! cria-t-elle.
Emma ne répondit pas, concentrée sur la route, cherchant une issue. Un tunnel apparaissait devant elles.
— Parfait.
Elle coupa brusquement ses phares en entrant dans l'obscurité du tunnel et exécuta une manœuvre brutale, frein à main et rotation foudroyante. Leur véhicule se fondit dans une aire de stationnement latérale, plongée dans l'ombre.
Les poursuivants, incapables de suivre la trajectoire, continuèrent tout droit, leurs phares disparaissant dans la distance.
Emma et Regina retinrent leur souffle.
Après de longues secondes, Emma reprit la route, mais à une allure plus modérée.
— Qu'est-ce que ce type a voulu dire par "c'est plus grand que ça" ? murmura Regina, les yeux fixés sur la route déserte.
Emma resta silencieuse un moment avant de répondre, le regard sombre.
— Il faut qu'on trouve qui, à la mairie, savait que vous seriez là ce soir.
Regina sentit un frisson lui parcourir l'échine.
Quelqu'un de son entourage était impliqué.
Et elle allait découvrir qui.
Le trajet jusqu'à la mairie se fit sous haute surveillance. Après l'attaque avortée, les forces de police avaient instauré un protocole strict : escorte armée, inspection minutieuse des alentours et une présence renforcée aux entrées du bâtiment. Emma marchait à pas mesurés, scrutant chaque visage dans le hall comme si elle s'attendait à ce qu'un danger se dissimule dans l'ombre. Regina, elle, avançait la tête haute, feignant une assurance qu'elle ne ressentait pas.
Elle était Maire de Seattle, après tout. Elle ne pouvait se permettre d'afficher la moindre faiblesse.
Mais chaque pas était un combat silencieux contre la peur qui lui rongeait l'estomac.
Dès son entrée dans son bureau, Ruby l'attendait avec un dossier en main, l'air grave.
— Vous devriez voir ça, Madame la Maire.
Regina fronça les sourcils en attrapant le document. Les scellés officiels de la police figuraient sur la couverture. Son regard croisa celui d'Emma qui hocha discrètement la tête avant de refermer la porte derrière elles.
Elle ouvrit le dossier avec prudence et sentit son sang se glacer à la lecture des premières lignes. Les rapports d'enquête indiquaient que l'attaque n'était pas l'œuvre d'un simple déséquilibré. Non. Il s'agissait d'une opération méticuleusement planifiée. L'assaillant avait eu des complicités au sein même de la mairie.
Une liste de noms apparaissait sur les pages suivantes. Certains lui étaient totalement inconnus, d'autres… beaucoup trop familiers.
Son souffle se coupa en lisant le nom de Richard Lawson, son conseiller en stratégie politique depuis cinq ans.
— C'est une blague, murmura-t-elle en s'appuyant contre son fauteuil, les yeux fixés sur le nom comme s'il allait s'effacer par miracle.
Emma attrapa le dossier et le parcourut rapidement.
— Lawson a été en contact régulier avec un homme que nous suspectons d'être le cerveau de l'attaque. Des transferts d'argent suspects ont été relevés entre un compte off-shore lui appartenant et une société écran liée à l'agresseur de lundi dernier.
Regina secoua la tête, refusant d'y croire. Richard était un pilier de son équipe. Il l'avait conseillé durant sa campagne, avait géré des crises politiques à ses côtés… Il était l'un des seuls en qui elle avait encore confiance.
— On parle de preuves indirectes, Emma, pas de preuves formelles.
La blonde croisa les bras.
— Alors pourquoi a-t-il pris l'avion pour Washington ce matin, sans prévenir personne, avec un aller simple ?
Un silence tendu s'installa.
Regina passa une main sur son visage, sentant une migraine poindre.
— On doit l'arrêter avant qu'il ne disparaisse.
— Le FBI est déjà sur l'affaire, répondit Emma. Mais il n'est pas le seul à être dans le viseur.
Elle ouvrit une autre page du dossier et la fit glisser devant Regina.
— Ce n'est pas seulement Lawson. Nous avons trouvé des liens financiers similaires avec deux autres fonctionnaires travaillant directement avec vous : Martin Cooper, chef de la division des infrastructures, et Lila Martinez, responsable de la communication externe. Tous les deux ont des transactions suspectes, et leur dernière activité bancaire suggère qu'ils sont en train de couvrir leurs traces.
Regina sentit un frisson la parcourir. Cette conspiration était bien plus grande que ce qu'elle avait imaginé.
Elle ferma les yeux un instant, essayant de remettre de l'ordre dans ses pensées. Comment pouvait-elle encore diriger cette ville si elle ne savait plus à qui faire confiance ?
Emma posa une main légère sur son poignet, une rare marque de soutien.
— Vous n'êtes pas seule, Regina.
Un bref silence. La Maire leva les yeux vers elle, captant cette sincérité absolue dans son regard.
Non, elle n'était pas seule. Mais elle était en guerre.
Elle inspira profondément avant de prendre une décision.
— Nous devons jouer intelligemment. On ne peut pas faire des arrestations sans preuves solides. Lawson est déjà en fuite. Mais Cooper et Martinez sont encore ici. Je veux qu'on les place sous surveillance discrète.
Emma hocha la tête.
— Je vais coordonner avec la police et le FBI. On les garde à l'œil.
Ruby, jusque-là silencieuse, s'approcha, visiblement secouée.
— Madame la Maire… qui que ce soit derrière tout ça, ils veulent vous faire tomber. Peut-être même… vous éliminer.
Regina la fixa un instant, puis regarda le dossier devant elle.
— Alors il est temps qu'on les devance.
Le lendemain matin, une enveloppe sans expéditeur attendait sur le bureau de Regina. Elle la prit du bout des doigts, un mauvais pressentiment lui nouant l'estomac. Avec précaution, elle l'ouvrit et en sortit une unique feuille de papier. Les mots, tracés à l'encre noire et en lettres capitales, lui glacèrent le sang :
"ABANDONNEZ CETTE ENQUÊTE. CELA NE VOUS REGARDE PAS. NE FAITES PAS LA MÊME ERREUR QUE LES AUTRES."
Un frisson lui parcourut l'échine. Cette menace n'avait rien d'une plaisanterie ni d'un simple avertissement. C'était un ultimatum. Si elle avait encore des doutes sur l'ampleur de l'affaire dans laquelle elle mettait les pieds, ce message les dissipait définitivement. Elle serra la lettre dans sa main avant de la tendre à Emma, qui se tenait près de son bureau, le regard dur.
— Ça commence, murmura-t-elle.
Emma attrapa le papier et le lut rapidement. Ses mâchoires se contractèrent, signe évident de sa frustration et de sa colère contenue. Elle savait ce que ce genre de message impliquait : une mise en garde déguisée, une démonstration de force pour rappeler à Regina qu'elle était surveillée. Que son enquête dérangeait les mauvaises personnes.
— Ce n'est qu'un début, fit-elle en relevant les yeux vers elle. Ils veulent te faire peur, te pousser à reculer.
— Mais ce n'est pas ce que je vais faire, répondit Regina, sa voix plus déterminée que jamais.
Elle savait qu'elle devait agir prudemment. Les menaces ne la feraient pas reculer, mais elles lui rappelaient qu'elle ne pouvait plus se permettre de prendre des risques inconsidérés. Les erreurs d'inattention, les actes irréfléchis, tout cela devait disparaître. Son adversaire était de taille. Plus elle avançait, plus elle se rendait compte qu'elle n'était qu'un pion sur un échiquier où les règles du jeu lui échappaient encore.
Emma s'approcha et posa doucement une main sur son épaule, un contact bref mais suffisant pour ancrer Regina dans le moment présent.
— On va trouver qui est derrière ça. Mais on doit être stratégiques. Ne prends plus de décisions seule.
Regina soupira mais acquiesça. Pour la première fois depuis longtemps, elle acceptait de ne pas porter ce fardeau seule.
Après quelques heures de réflexion, Regina prit une décision. Elle devait obtenir plus d'informations avant de décider de la marche à suivre. Se précipiter serait une erreur. Elle choisit alors de contacter un journaliste d'investigation de renom, un homme qui avait déjà travaillé sur des affaires similaires et qui avait failli tout perdre en creusant trop profondément.
Lorsqu'ils se rencontrèrent dans un café discret en périphérie de la ville, l'homme jeta un regard autour de lui avant de s'asseoir en face d'elle. Il était visiblement tendu, comme s'il savait déjà que cette rencontre pouvait lui coûter cher.
— Vous avez mis le doigt sur quelque chose de bien plus grand, Madame la Maire, lui confia-t-il en baissant la voix. Ce groupe n'agit pas seulement à Seattle. Ils influencent des décisions politiques, financent des campagnes électorales, éliminent ceux qui posent trop de questions. Vous avez vu leurs méthodes. Vous êtes en danger.
Regina resta silencieuse un instant, absorbant chaque mot. Elle savait que l'homme ne cherchait pas à dramatiser la situation. Si ce qu'il disait était vrai, elle n'était qu'un pion sur un échiquier bien plus vaste.
— Que me conseillez-vous ? demanda-t-elle, tentant de masquer son malaise.
— Vous avez deux choix, répondit le journaliste en s'adossant à sa chaise. Vous divulguez immédiatement ce que vous savez et mettez l'opinion publique de votre côté, mais vous vous exposez à de lourdes représailles. Ou vous continuez en sous-marin, et vous remontez plus haut. Mais chaque minute jouée en silence est un risque de plus.
Regina sentit son estomac se nouer. Elle n'aimait pas l'idée de devoir choisir entre prudence et confrontation. Mais elle n'était pas du genre à reculer.
— Je vais réfléchir à vos conseils, répondit-elle finalement.
Le journaliste lui tendit une clé USB.
— Ce qu'il y a là-dedans pourrait vous donner une meilleure vision d'ensemble. Je ne peux pas faire plus pour l'instant. Soyez prudente.
Regina prit la clé et hocha la tête. Elle le regarda quitter le café en jetant des coups d'œil discrets autour de lui, avant de disparaître dans la rue. Elle glissa la clé dans son sac, consciente que ce qu'elle s'apprêtait à découvrir allait changer la donne.
Le soir même, alors qu'elle était plongée dans l'analyse des données contenues sur la clé USB, un message électronique crypté arriva sur son ordinateur. L'expéditeur était inconnu.
*"Madame la Maire,
Nous savons que vous cherchez des réponses. Nous pouvons vous les donner.
Un dîner est organisé demain soir à l'hôtel Magnani. Un homme influent souhaite vous rencontrer. Il a des informations que vous ne trouverez nulle part ailleurs.
Mais sachez que certaines portes, une fois ouvertes, ne peuvent plus être refermées.
Venez seule."*
Regina sentit un mélange de fascination et de crainte l'envahir. Cet hôtel était réputé pour être un lieu de réunion de l'élite de Seattle. Elle était consciente que cette invitation pouvait être une opportunité... ou un piège. Une mise à l'épreuve pour voir jusqu'où elle était prête à aller.
Elle releva les yeux vers Emma, qui, assise en face d'elle, analysait les documents récupérés sur la clé USB.
— On a un problème, murmura Regina.
Emma releva la tête et lut le message à son tour. Son visage se ferma instantanément.
— C'est une folie d'y aller, lâcha-t-elle.
— Et c'est une folie de ne pas y aller, répliqua Regina.
Un long silence s'installa. Puis Emma soupira.
— Alors on va faire en sorte que ce soit eux qui tombent dans un piège.
Regina hocha la tête. Elle savait qu'à partir de ce moment, chaque décision qu'elle prendrait aurait des conséquences irréversibles.
La journée s'étira en longueur, marquée par une tension sourde que Regina ne parvenait pas à dissiper. L'invitation qu'elle avait reçue, cette simple note mystérieuse, pesait sur elle comme une menace silencieuse. L'identité de son expéditeur restait floue, mais elle savait que ce dîner à l'hôtel Magnani n'était pas une rencontre ordinaire. Il s'agissait d'un test. D'une mise à l'épreuve. D'une façon pour l'adversaire d'évaluer jusqu'où elle était prête à aller.
En début d'après-midi, enfermée dans son bureau, Regina inséra la clé USB dans son ordinateur sécurisé. Son écran s'illumina, affichant une série de dossiers protégés par un cryptage basique. Après quelques manipulations, elle put enfin accéder au contenu. Des fichiers Excel, des correspondances confidentielles, des rapports financiers détaillant des flux monétaires entre divers acteurs politiques et économiques.
Un document attira particulièrement son attention : une liste de transferts bancaires effectués par Magnani & Co, un groupe d'investissements omniprésent dans les affaires de Seattle, et propriétaire de l'hôtel où devait avoir lieu son dîner. Ce n'était pas une coïncidence.
Regina parcourut la liste avec une inquiétude croissante. Certaines transactions impliquaient des projets municipaux qu'elle avait elle-même supervisés, des décisions budgétaires qui, à première vue, semblaient légitimes. Mais en y regardant de plus près, il était évident que des fonds avaient été siphonnés vers des entités aux origines douteuses. Son propre nom figurait dans certains documents, comme si elle était impliquée dans ce réseau de corruption.
Elle serra la mâchoire, repoussant la vague de panique qui menaçait de l'envahir. Quelqu'un essayait il de la piéger ? De la compromettre avant qu'elle ne puisse réagir ?
Emma, qui n'avait pas quitté la mairie de la journée, débarqua dans son bureau sans prévenir, son regard perçant immédiatement les doutes de Regina.
— Tu as une sale tête.
— Charmant, Lieutenant Swan.
— C'est parce que je sais ce que tu es en train de penser. Tu veux aller à ce dîner seule.
Regina soupira en fermant son ordinateur. Elle savait que discuter avec Emma n'allait pas être une partie de plaisir.
—Ils l'ont demandé.
— Et tu vas obéir comme une gentille petite maire bien docile ? rétorqua Emma, croisant les bras.
Regina soutint son regard, mais Emma ne lâcha rien.
— C'est une opportunité, Emma. Je ne peux pas ignorer ça.
— C'est un piège. Tu le sais. Ils veulent te manipuler, t'effrayer, ou pire.
— Alors qu'est-ce que tu proposes ? Que je refuse l'invitation et continue d'attendre qu'ils reviennent me tirer dessus ?
Emma inspira profondément, cherchant à contenir sa frustration.
— Non. Mais tu ne vas pas là-bas sans un plan.
— J'ai un plan.
— Non, tu as une idée stupide.
Regina eut un sourire en coin malgré la gravité de la situation.
— Alors j'y vais avec toi.
— Ils m'ont demandé de venir seule.
— Et moi, je me fiche de leurs exigences.
Regina savait qu'Emma ne céderait pas. Après une longue discussion, elles trouvèrent un compromis : Emma surveillerait à distance et interviendrait en cas de besoin. Regina porterait également un dispositif d'écoute miniature sous son bracelet.
— Si quelque chose tourne mal, tu donnes un signal.
— D'accord.
Emma n'avait toujours pas l'air convaincue, mais c'était le mieux qu'elle pouvait obtenir.
La nuit était tombée sur Seattle, et l'hôtel Magnani, un établissement réputé pour sa discrétion et son luxe feutré, était illuminé par des lumières tamisées qui renforçaient son allure exclusive. Regina descendit de la voiture avec une assurance feinte, masquant l'angoisse sourde qui tambourinait contre sa poitrine. Emma, restée en retrait, avait insisté pour suivre chaque seconde de ce rendez-vous, en liaison avec une équipe prête à intervenir au moindre faux pas.
Le hall de l'hôtel exhalait une opulence calculée. Des lustres de cristal jetaient une lumière dorée sur les marbres polis et les velours lourds qui tapissaient les salons attenants. Un maître d'hôtel aux gants blancs s'approcha d'elle avec un sourire professionnel.
— Madame la Maire, veuillez me suivre.
Regina lui emboîta le pas sans un mot. Elle fut conduite à travers un couloir privé jusqu'à une salle isolée du reste du restaurant. À l'intérieur, une table élégamment dressée pour deux, éclairée par une unique suspension qui laissait le reste de la pièce dans une pénombre inquiétante.
Assis en bout de table, un homme attendait. Il devait avoir une cinquantaine d'années, un costume sur mesure qui témoignait de sa réussite et un regard perçant où se lisait une intelligence affûtée. Il se leva lentement en la voyant entrer et esquissa un sourire calculé.
— Madame la Maire, enfin nous nous rencontrons.
Il marqua une pause, observant sa réaction avant d'ajouter :
— Je suis Victor Magnani. Je pense que vous avez déjà entendu parler de moi.
Regina resta impassible. Elle s'avança lentement et s'installa en face de lui. Elle savait qui il était. PDG du groupe Magnani & Co, un empire financier aux ramifications multiples, de l'immobilier aux infrastructures urbaines. Un homme dont l'influence s'étendait bien au-delà des simples transactions financières.
— Vous avez éveillé l'attention de personnes puissantes, poursuivit-il en servant du vin dans son verre. Des personnes qui préféraient que vous ne creusiez pas certaines affaires.
Regina observa le vin rouge danser dans le cristal, mais ne toucha pas à son propre verre.
— Si elles préféraient que je ne creuse pas, alors pourquoi cette invitation ?
Un sourire amusé effleura les lèvres de Magnani.
— Parce que parfois, il vaut mieux transformer un problème en opportunité.
D'un geste fluide, il ouvrit son attaché-case et en sortit un dossier qu'il fit glisser vers elle.
— Ce que vous avez trouvé n'est que la surface. Je vous offre une issue. Une alliance.
Regina ouvrit lentement le dossier et parcourut les documents. Des noms, des chiffres, des correspondances confidentielles. Ce n'était pas seulement une affaire de détournement de fonds. Il s'agissait d'une véritable toile d'araignée tissée entre les élites de Seattle, où politique, finance et corruption s'entremêlaient avec une précision effrayante. Et parmi ces noms, certains lui étaient terriblement familiers.
Elle referma le dossier et leva les yeux vers Magnani.
— Vous êtes intelligent, Monsieur Magnani. Vous savez que Seattle fonctionne sur un équilibre délicat. Et je suppose que vous faites partie de ceux qui préfèrent le préserver.
— Exactement.
— Et moi, qu'est-ce que je gagne à accepter votre… alliance ?
Son sourire s'élargit légèrement.
— Votre sécurité. Votre avenir politique intact. Et des ressources qui vous permettraient de réaliser bien plus que vous ne le pourriez seule.
Regina ne répondit pas immédiatement. Son cœur battait à un rythme plus rapide qu'elle ne l'aurait voulu, mais elle garda son expression impassible.
— Et si je refuse ?
Le sourire de Magnani s'effaça légèrement.
— Alors vous deviendrez une cible, comme tant d'autres avant vous.
La tension monta d'un cran. Regina sentit une sueur froide couler dans son dos. Elle savait qu'elle jouait à un jeu dangereux.
Dans le véhicule garé non loin de l'hôtel, Emma écoutait attentivement la conversation via le dispositif dissimulé dans le bracelet de Regina. À l'instant où elle entendit Magnani prononcer les mots "vous deviendrez une cible", elle sentit une alarme intérieure se déclencher. C'était une menace. Pas voilée, pas subtile. Une menace directe.
Sans hésitation, elle sortit du véhicule et s'engouffra dans l'hôtel, évitant les regards indiscrets. Elle contourna la sécurité et repéra la salle privée où se tenait le dîner. Mais alors qu'elle s'approchait, son regard s'arrêta sur un homme posté non loin de l'entrée. Grand, carré d'épaules, habillé en serveur mais dont la posture trahissait une formation militaire. Et sous sa veste, l'ombre d'un pistolet.
Emma réagit immédiatement. Elle se rapprocha discrètement et, d'un mouvement rapide, neutralisa le garde en le désarmant silencieusement. Elle envoya ensuite un message codé à son équipe pour préparer une extraction rapide.
À l'intérieur de la salle, Magnani observa soudain un changement d'attitude chez Regina. Son sourire se fit plus incisif.
— Vous avez amené quelqu'un, n'est-ce pas ?
Regina ne cilla pas.
— On ne vient jamais seule à un dîner dangereux.
Magnani lâcha un léger rire en se levant lentement.
— Vous avez du cran. J'aime ça. Mais vous devriez vraiment réfléchir à ma proposition.
Il prit son attaché-case, ajusta sa veste et ajouta, sur un ton plus grave :
— Parce que vous ne voulez pas être mon ennemie, Madame la Maire.
Il quitta la salle sans se presser, laissant Regina seule quelques instants. Puis, la porte s'ouvrit brutalement.
— On s'en va. Maintenant.
Emma, le regard sombre, fit signe à Regina de la suivre. Aucune discussion n'était nécessaire. Elles sortirent rapidement par une issue de service, retrouvant la voiture qui démarra aussitôt.
Le silence régnait dans l'habitacle. Regina fixait la route, perdue dans ses pensées. Magnani ne l'avait pas convoquée pour la menacer. Il lui avait tendu une main.
— Tu vas me dire que je n'aurais pas dû venir, dit Regina d'une voix lasse.
Emma soupira.
— Je vais plutôt te dire que maintenant, tu es au centre de quelque chose qui te dépasse.
Regina savait qu'elle avait raison. Ce dîner n'avait pas été un simple avertissement. C'était une invitation à entrer dans l'arène.
Et elle n'était pas sûre d'avoir le choix.
Le lendemain matin, Regina arriva à la mairie plus tôt que d'ordinaire, comme si le travail pouvait lui offrir un répit face à l'engrenage dangereux dans lequel elle s'était retrouvée. Mais avant même qu'elle ne puisse franchir le seuil de son bureau, Ruby l'attendait déjà, une expression grave collée au visage.
— Madame la Maire… c'est sur toutes les chaînes d'information.
Son ton fébrile lui fit froncer les sourcils. Ruby ne paniquait jamais pour rien.
— De quoi s'agit-il ? demanda Regina en retirant son manteau.
Ruby ne répondit pas immédiatement. Elle lui tendit plutôt une télécommande et alluma l'écran suspendu au mur. La chaîne d'information locale diffusait une édition spéciale. Les gros titres frappaient comme un coup de marteau :
« Tentative d'assassinat contre le conseiller municipal Richard Vaughn. L'élu retrouvé entre la vie et la mort dans son véhicule. »
Les images qui accompagnaient le reportage montraient une voiture noire criblée de balles, stationnée sur le bas-côté d'une route isolée. Des gyrophares bleus et rouges illuminaient la scène tandis que les enquêteurs prenaient des photos sous l'angle des projecteurs de la police.
Regina sentit une boule se former dans sa gorge.
Richard Vaughn. Un nom qu'elle connaissait bien.
Elle tourna lentement son regard vers Ruby, cherchant une explication rationnelle, une autre possibilité… mais elle savait déjà. Elle n'avait même pas besoin d'ouvrir le dossier que Magnani lui avait laissé la veille. Vaughn figurait parmi les opposants farouches aux entreprises liées à Magnani & Co. Il avait refusé de signer plusieurs accords et bloqué des projets qui servaient leurs intérêts.
Et maintenant, il gisait dans une voiture criblée de balles.
Un message.
Un avertissement clair et brutal.
— Madame la Maire ?
Ruby attendait une réaction, une directive, n'importe quoi. Mais Regina était figée, son esprit traitant toutes les implications à une vitesse vertigineuse.
Magnani ne bluffait pas. Il lui avait donné un choix la veille, et cette attaque était sa façon de prouver qu'il détenait les cartes en main.
Elle inspira profondément, l'air soudain trop lourd dans son bureau. Ce n'était plus seulement une affaire de corruption politique. C'était une guerre souterraine où ceux qui s'opposaient au pouvoir occulte disparaissaient, étaient réduits au silence ou neutralisés d'une manière ou d'une autre.
— Ruby, ferme la porte, ordonna-t-elle d'un ton qui ne tolérait aucune discussion.
La jeune femme s'exécuta, puis revint s'asseoir face à elle, l'air nerveux.
— Qu'allons-nous faire ?
Regina ferma les yeux une fraction de seconde. Elle savait que deux voies s'ouvraient à elle : accepter l'offre de Magnani et tenter de jouer de l'intérieur, ou refuser et devenir la prochaine cible.
Aucune option ne lui plaisait.
— Je veux un rapport détaillé sur l'état de Vaughn. Contacte quelqu'un à l'hôpital et obtiens des informations fiables.
— Bien sûr.
— Et trouve-moi Emma. Immédiatement.
Ruby acquiesça et quitta la pièce en vitesse. Regina, elle, resta un instant seule, le regard rivé sur l'écran où défilaient encore les images du véhicule ensanglanté.
Elle posa les mains sur son bureau, le souffle court.
L'étau se refermait. Et elle allait devoir choisir un camp avant qu'il ne soit trop tard.
TBC
Bon j'avais fini d'écrire cette suite il y a longtemps mais impossible de retrouver ce que j'avais écrit de base, tempi ça prend une autre direction, j'ai été très inspiré. Je ne pensais pas que j'avais posté le chapitre précédant cet été !
J'espère que ce chapitre vous a plu, du coup je ne suis pas sur de le finir dans deux chapitre, peut-être qu'il y en aura plus !
Bonne journée/soirée !
