One-shot écrit dans le cadre de la cent-quatre-vingt-unième nuit d'écriture du FoF (Forum Francophone), sur le thème "Patience". Entre 21h et minuit, les premiers vendredi et samedi de chaque mois, un thème par heure et autant de temps pour écrire un texte sur ce thème. Pour plus de précisions, vous pouvez m'envoyer un MP !
La machine à écrire : telle était la meilleure amie de Napoléon Solo lorsqu'il était coincé à l'hôpital. Et ce n'était pas une compagne qui se trouvait souvent à ses côtés! L'engin était lourd, encombrant, on la lui avait fait apporter exprès à chaque fois que l'agent secret s'était trouvé assis à une table dans un coin des salles encombrées de familles en attente, à écrire.
Ce jour-là, c'était un peu différent. Il était venu transmettre le précieux appareil à Illya, qui était de surveillance auprès du prince d'un nouveau pays africain qu'une faction rivale avait essayé d'éliminer. Et Illya s'était fait prendre pour cible aussi, comme ça leur arrivait à chaque fois.
En ce froid samedi de janvier, il avait eu moins de chance que les autres jours : il n'avait pas su voir arriver l'assassin de T.H.R.U.S.H et avait reçu une balle dans la tête.
Il était vivant. Mais tout juste et le projectile s'était coincé à un endroit, près de l'oreille gauche, d'où il serait difficile de l'extraire.
Napoléon avait refusé de partir de l'hôpital depuis qu'on avait emmené son ami dans une salle d'opération de l'aile des soins intensifs. Normalement, son travail aurait dû l'obliger à être sans cesse en mouvement, aux quatre coins du monde, pour arrêter n'importe quel homme ou organisation qui se mettrait en tête de menacer la sécurité dans le monde. Et il y en avait beaucoup. Généralement, quand les autres agents de l'U.N.C.L.E étaient suffisamment nombreux pour prendre en charge toutes les missions de première importance, Napoléon et Illya enquêtaient sur d'autres choses, moins urgentes. Ou bien ils prenaient leur journée. Naturellement, à l'instant ils ne pouvaient faire ni l'un, ni l'autre, et c'était pour ça que Solo avait réussi à tenir tête à son chef.
Alexandre Waverly comprenait très bien que les liens d'amitié soudant ses hommes et les femmes qui travaillaient pour lui étaient très forts. C'était le métier, les dangers et les traumatismes sans cesse traversés ensemble qui voulaient ça. Il était lui-même proche de Mohandus Bal et Sir Brightstone Jurrgens, deux des autres chefs de l'U.N.C.L.E. Mais même les plus hauts gradés d'entre eux étaient remplaçables, malheureusement. Cependant, voyant qu'il n'y avait pas grand-chose à faire qui requérait l'attention immédiate de son numéro 1 de la Section II de New-York, il l'avait autorisé à rester avec Illya.
À partir de là, il n'y avait plus qu'à s'armer de patience. Celle de Napoléon aurait mérité de partir en morceaux avec chacun des coups qu'il portait à la machine à écrire, enfonçant les touches de plus en plus durement dans le métal poli. Devoir rester assis à attendre était une angoisse qu'on ne souhaitait à personne et n'importe qui aurait souhaité pouvoir accélérer les choses, dire à l'agent secret qu'il n'avait plus à se tourmenter ainsi l'esprit et que l'opération était terminée.
Des personnes rassemblées dans la cafétéria de l'hôpital, il était pourtant l'un de ceux qui étaient le plus à même d'endurer l'anxiété. LE plus à même, probablement. Il était le chef de sa Section. Il avait plusieurs dizaines d'agents sous ses ordres et il travaillait pour une société internationale contre le crime. Des situations tendues, de mort imminente, il en avait connues toutes les semaines de sa carrière. Des collègues, parfois des amis, il en avait déjà vus mourir. Mais il ne s'habituerait jamais à la détresse qui le prenait à chaque fois qu'Illya était touché. Enfin, il fallait admettre que cette circonstance précise était l'une des pires ! Une balle dans la tête. Il avait reçu une balle dans la tête. Sur le côté de la boîte crânienne, plus précisément, mais jamais il n'avait dû endurer une blessure si grave qu'elle le propulsait presque dans les bras de la mort.
Napoléon ne voyait presque plus les lettres qui s'imprimaient sur sa feuille de papier. Il tapait ces rapports retardataires en tant qu'agent numéro 11, mais était à un cheveu de cesser de l'être pour ne plus demeurer que le meilleur ami d'Illya. Le travail de bureau paraissait bien futile quand son partenaire, de qui il était pratiquement inséparable depuis des années, vivait en ce moment même une opération qui risquait de se solder par la mort.
Le chef de la Section II prit une grande inspiration et se remit au martellement de ses touches. Après tout, depuis toutes ces années justement, ce n'était pas la première fois qu'il devait patienter dans des salles d'attente qu'Illya se fasse opérer, examiner, rabibocher, sevrer, sorte de l'inconscience ou d'un coma médicamenteux. Il avait l'habitude et bien que ce soit toujours angoissant à différents niveaux, il devait garder espoir.
« M. Solo ? s'enquit une infirmière quelques deux heures plus tard.
-Oui ? répondit l'agent aux cheveux noirs en se levant immédiatement. Comment va-t-il ?
-Bien, M. Solo, lui dit la jeune femme avec un charmant sourire. Il se repose. Normalement, on ne laisse personne s'approcher des patients aussi peu de temps après leur opération, mais on nous a dit que c'était important que vous puissiez le voir vite.
-Allez-y, Napoléon, l'encouragea William, qui était là avec une mallette blindée qui lui servirait à récupérer les rapports confidentiels. Et adressez nos vœux de guérison à Illya, de la part de tous les agents qui ont entendu la nouvelle de sa blessure !
-Merci, William, sourit Solo en lui serrant l'épaule comme si c'était lui qui avait apporté la bonne nouvelle. Prenez bien soin de ces documents. »
Il remonta le couloir à la suite de l'infirmière en affectant un air calme, mais en vérité, le soulagement était si fort qu'il lui donnait une bouffée d'énergie et d'impatience difficiles à contrôler. La jeune femme le laissa au chevet d'Illya, près duquel il s'assit en choisissant une chaise à la place du lit.
Kuryakin était aussi pâle que les draps et les murs de la chambre autour de lui, ce qui n'était pas peu dire car il avait toujours eu ce teint slave naturellement clair. On pouvait en douter, mais pour Napoléon qui connaissait bien ses nuances d'expression les plus subtiles, ses yeux bleus étaient entrouverts.
« Est-ce que tu te souviens de qui je suis ? demanda Solo tout de go.
-Napoléon, se plaignit son partenaire avec un claquement de langue d'impatience, c'est vraiment la première question que tu te poses après un événement pareil ?
-Ça ne devait pas être si terrible si tu arrives déjà à râler.
-C'était probablement plus dur pour toi que pour moi, tu ne sais pas attendre. »
Le sourire de Napoléon s'élargit et il se pencha pour rencontrer le petit rictus d'Illya et la lueur dans ses yeux clairs. Tout allait bien, il le savait à leur échange de piques quasi-institutionnel. L'attente pleine d'anxiété était vraiment terminée.
