Note : Bonjour à toi, lecteurice ! Ceci est la version remastérisée de Chiche !, une fanfiction qui a plus de vingt ans aujourd'hui (2025). C'est un texte que j'avais un peu renié après l'avoir terminé, parce que son écriture avait trop traîné et qu'entre le début et la fin, ma façon d'écrire et mes réflexions personnelles avaient beaucoup évolué.
Toutefois, en le relisant quinze ans plus tard, en ayant pratiquement tout oublié (!), j'ai eu un regard plus indulgent sur cette histoire. Le début est un peu faible, mais il y a quand même de beaux moments dedans, et la nostalgie m'a poussée à la retravailler. Purement pour le plaisir de retrouver ces personnages que j'aime tant et avec lesquels j'ai passé de si bons moments quand j'étais plus jeune.
Dans cette nouvelle version, je prévois les changements suivants :
- Je supprime les relents misogynes que contenait la fic et qui me dérangent aujourd'hui. Je ne souhaite pas propager de telles idées. De même pour les quelques instants (heureusement rares) où la notion de consentement est un peu floue.
- J'inclus quelques éléments du canon qui n'étaient pas encore connus à l'époque où j'ai écrit cette fic (les tomes 6 et 7 n'étant pas encore sortis). Notamment, l'amour de Severus pour Lily.
- Je retravaille le texte pour qu'il soit plus agréable à lire et je retire tout ce que je considère comme lourdingue et inutile, notamment lorsqu'il s'agit des personnages que j'ai inventés. J'ai aussi francisé la plupart des noms que j'avais laissés en anglais, à l'exception de "Snape" qui incarne mieux le Severus du fandom que "Rogue" à mes yeux.
- J'ajouterai des scènes de romance entre Sirius et Severus, soit dans un nouveau chapitre, soit en allongeant les chapitres existants. Plus de love !
- J'intégrerai au moins un personnage trans à l'histoire en protestation contre les prises de position hautement nocives de l'autrice de Harry Potter. Je suis, comme beaucoup, profondément heurtée par la haine qui transpire actuellement de ses interventions et je lui en veux énormément d'avoir sali les livres avec lesquels nous avons grandi. Toutefois, je considère que le fandom reste à nous, et d'autant plus l'époque des Maraudeurs, qui n'a jamais été décrite en détail par JKR. Mon écœurement vis-à-vis de la créatrice de cet univers ne retire rien à tout ce que celui-ci a pu m'apporter, tant en termes d'identification que de création et d'amitiés. Sirius et Severus restent mes personnages préférés – du moins, la version d'eux que j'écris dans mes histoires :)
J'ai hésité à publier cette nouvelle version comme une histoire distincte, mais je préfère qu'elle remplace véritablement l'originale. L'ancienne version n'est pas quelque chose que j'ai envie de laisser à la postérité, et je ne vais pas faire de changements si drastiques que qui que ce soit regretterait l'ancienne Chiche, je pense.
Sur ce, bonne lecture !
1. Pari tenu
Comme tous les matins, la Grande Salle résonne au son des bavardages animés des élèves, et la table des Gryffondors n'est pas en reste. Certains prétendent qu'à eux seuls, les Gryffondors sont aussi bruyants que les trois autres maisons réunies. Je n'en crois pas un mot – mais je dois reconnaître que James et moi ne faisons rien pour arranger cette réputation.
« ARRÊTE, James, tu n'as AUCUNE chance !
– Vraiment ? fait le garçon en relevant le menton vers moi. On parie ?
– Tout ce que tu veux ! Evans te déteste, il faudrait que tu t'y fasses ! Tu as vu comme elle s'est mise en colère quand tu as fait tomber Snape dans le lac, la semaine dernière ? D'ailleurs, si tu veux mon avis, c'est pour lui qu'elle en pince. »
Les yeux de James s'étrécissent et lancent éclairs, tempêtes et tornades. Si je ne connaissais pas sa tête d'oursin au réveil, il parviendrait presque à m'effrayer.
« Ne dis pas de bêtises plus grosses que tes chevilles, Sirius ! » souffle-t-il avec hargne.
– Tu veux vraiment qu'on compare nos chevilles, MÔSSIEUR le grand joueur de Quidditch ?!
– Si elle s'est fâchée, c'est juste parce que McGo' s'est ramenée à ce moment-là et nous a fait perdre des points !
– Tu te berces d'illusions, mon vieux. REMUS, PETER, dites-lui ! »
Nos deux amis échangent un regard blasé en touillant mollement leur chocolat chaud.
« Je n'ai pas l'énergie nécessaire pour prendre parti, déclare le premier, encore épuisé par la dernière pleine lune.
– Moi, je crois en l'amour ! » s'exclame Peter en brandissant le poing.
Il se ravise toutefois en voyant mon regard :
« Mais, euh, je pense que Sirius a aussi soulevé de très bons arguments.
– AH ! Tu vois, tout le monde est d'accord avec moi, dis-je avec une mauvaise foi absolue. Lily Evans ne t'accompagnera JAMAIS au bal d'Halloween, c'est sans espoir. »
Soudain, Remus tousse bruyamment dans son poing.
– HEM HEM, les gars, il serait temps qu'on remonte chercher nos affaires au dortoir, vous croyez pas ?
– Pourquoi ? On n'en a pas fini avec… oh. »
Lily Evans, accompagnée de Sue, vient d'arriver à la table du petit-déjeuner. Elle jette un regard dédaigneux dans notre direction tandis que Sue, blonde et ravissante, m'envoie un baiser en soufflant dans sa main. Je lui renvoie un sourire un peu forcé. Je suis arrivé au stade de notre relation où il est devenu clair qu'à l'exception de notre beauté ravageuse, nous n'avons absolument rien en commun. Je dois absolument rompre avec elle, mais je n'ai pas envie de lui briser le cœur. Je ne vois décemment pas comment la pauvrette pourrait s'en remettre.
Alors que nous nous levons et quittons la Grande Salle, Remus tente d'embrayer sur un autre sujet :
« Est-ce que vous avez compris quelque chose au dernier cours de potions ? Parce que…
– Excuse-moi Remus, mais vous avez tous vu comment Lily m'a regardé, non ? l'interrompt James.
– Raaaaah, peste le loup-garou en plaquant une main sur son visage.
– Tu veux dire, comme si tu étais un déchet humain ? dis-je, moqueur.
– La haine et l'amour sont des sentiments très proches, fait remarquer Peter. Ce serait pire si elle était indifférente.
– Tout à fait, approuve James. Elle voulait mon corps, ça se voyait. Elle se donne des airs parce qu'elle ne sait pas comment dissimuler ses sentiments, c'est évident.
– Ha ! Mais même si elle pouvait supporter de se tenir à moins de trois mètres de toi sans te lancer un sort de crache-limaces, de toute façon, elle y va déjà avec Diggory, c'est…
– C'est Sue qui te l'a dit, je sais, maugrée James. Mais Sue est une dinde, elle raconterait n'importe quoi pour faire son intéressante. »
Je suis sur le point de lui donner raison. Toutefois, il m'apparaît que je suis plus ou moins censé la défendre, aussi je m'exclame, avec un petit temps de retard :
« Eh, n'insulte pas ma copine, s'il te plaît !
– Très bien, alors arrête de répéter les potins qu'elle invente juste pour tes beaux yeux !
– C'est vrai que j'ai de jolis yeux, je suis content que tu…
– Et quand bien même ce serait la vérité, coupe James, j'ai toujours une chance de lui faire changer d'avis !
– Oh, bien sûr, je rétorque avec un soupçon d'ironie, et j'ai aussi une chance de me mettre en ménage avec Snape ! »
James, qui avait ouvert la bouche pour relancer la dispute, la referme avec un hoquet de surprise. Son corps s'agite de soubresauts tandis que d'incontrôlables gloussements s'emparent de lui. Un instant plus tard, nous hurlons de rire en nous tenant les côtes d'une main et en nous retenant à Remus et Peter de l'autre.
« Hahaha, toi et… héhé… toi et Servilus, c'est… c'est la meilleure de l'année… » fait James après quelques minutes de fou rire, en soulevant ses lunettes pour essuyer ses yeux noyés de larmes.
Quoique, à la réflexion, je ne suis pas sûr de trouver cela si drôle que cela. Passons.
« Ah ! Sirius, personne ne sait me faire rire comme toi, dit James en me donnant une grande claque dans le dos.
– Si on vous dérange, on peut s'en aller, hein… fait Remus.
– OH MAIS NOOOON, viens là mon vieux Moony ! dis-je en riant.
– Et toi aussi Peter ! » fait James, qui l'inclut dans un énorme câlin groupé.
Après ce moment de liesse, Remus s'assure que le couloir est désert et me donne un petit coup dans les côtes.
« Sirius, fais attention à ne pas utiliser ce surnom en public… marmonne-t-il. Ça pourrait mettre la puce à l'oreille de quelqu'un.
– C'est vrai, désolé Moo… Remus », dis-je en me passant une main sur la nuque.
Alors que nous arrivons à notre dortoir pour récupérer les livres dont nous avons besoin pour la matinée, il s'avère que James n'a toujours qu'une idée en tête.
« Franchement. Il suffirait qu'elle voie mon torse musclé et transpirant après un entraînement de Quidditch, et c'est sûr qu'elle me tomberait dans les bras. »
Remus fronce le nez, peu convaincu.
« Tu penses que les filles aiment les garçons qui puent la sueur ?
– Moi, je pense qu'elles préfèrent les roses, dit Peter avec raison.
– LAISSE TOMBER, James, dis-je exaspéré. La seule personne au monde qui te méprise plus que Lily, c'est Snape. Tu peux choisir littéralement n'importe qui d'autre et tu auras plus de chances. »
James croise les bras d'un air buté.
« Chiche.
– Quoi, chiche ?
– Chiche que j'arrive à convaincre Evans de sortir avec moi.
– Je croyais qu'on avait dit qu'on arrêtait les défis stupides ? tente de s'interposer Remus.
– Bof, si tu aimes les paris perdus d'avance… » dis-je avec dédain.
James m'écrase le pied d'un grand coup de talon.
« AÏE ! Ça va pas, non ?!
– Oh, pardon, fait James, l'air aussi désolé qu'un Mangemort qui aurait écrasé une coccinelle. Donc, si je perds…
– Si tu perds, dis-je courroucé, je veux que tu passes la soirée du bal avec le fantôme de Mimi Geignarde à la place !
– Hein ?! Je… euh…
– Alors, Potter, ta belle assurance te retombe dans les chaussettes, tout d'un coup ? »
James fronce les sourcils avec indignation, mais presque aussitôt il plisse de nouveau les yeux et un sourire étrange se dessine sur ses lèvres. Ce sourire me fait froid dans le dos.
« D'accord, dit James en tendant la main pour conclure. Mais si je gagne…
– Ce qui n'arrivera pas… je glisse sournoisement.
– Si je gagne, continue-t-il, alors tu devras persuader ce cher Servilus que tu veux sortir avec lui…
– Quoi ?
– Et l'embrasser ! » s'exclame Peter avec un enthousiasme non dissimulé.
Horrifié, je foudroie cet ignoble petit rat du regard.
« Euh, Peter ? Reste en dehors de ça », lui intime Remus, qui ne retient pourtant pas un sourire franchement amusé.
Je suis entouré de traîtres !
« OUI, PETER. RESTE EN DEHORS DE ÇA, dis-je d'une voix légèrement paniquée.
– Vous lisez dans mes pensées, Monsieur Queudver, approuve James. Et l'embrasser. Sur la bouche.
– QUOI ?! » je m'écrie, au comble de l'horreur.
Peter et Remus pouffent de rire.
« James ! Tu ne peux pas me demander de parier ça ! J'aimerais mieux avaler des limaces vivantes que de faire une chose pareille !
– Eh bien quoi ? dit James avec une délectation ostensible. Tu avais l'air si sûr de toi en affirmant que je n'avais aucune chance avec Evans, il y a une minute !
– Évidemment que tu n'as pas la moindre chance ! je persiste.
– Dans ce cas, tu ne risques rien, je me trompe ? » lance James sur un ton de défi.
Je me sens piégé entre ma fierté de Gryffondor et l'effroi que m'inspire un tel marché. Ma raison me hurle de déclarer forfait. Mais mon goût du risque et l'absolue certitude que Lily Evans préférerait être livrée à Voldemort plutôt que d'accompagner James à ce bal font pencher la balance du côté de la déraison.
Je saisis la main tendue de James avec un irrépressible frisson.
« Pari tenu », dis-je fermement en plantant mon regard dans les yeux du garçon à lunettes.
Celui-ci sourit largement et se tourne vers nos amis, qui nous regardent comme si on avait perdu la tête.
« Vous êtes témoins ? »
Remus lève les yeux au ciel, mais Peter acquiesce vivement. Je déglutis péniblement.
Non, aucune raison d'avoir peur. Après tout, James va perdre, c'est évident. Je ricane :
« Eh bien, vieux, j'espère que tu réussiras à passer toute une soirée avec Mimi sans te jeter par la fenêtre !
– Et moi, j'espère que Snape entretient mieux son haleine que ses cheveux », rétorque James avant de partir d'un rire dément, bientôt rejoint par Remus et Peter.
Dans quoi est-ce que je viens de m'embarquer ?!
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Je fais des ronds dans mon porridge avec ma cuillère. Je suis de très mauvaise humeur.
« Quel pari idiot ! » je dis pour la énième fois.
Remus penche la tête avec sympathie et sort d'un ton badin :
« Le pari en lui-même est moins idiot que les parieurs. Ce qui n'est pas peu dire. »
Il hoche la tête en direction de James. Je jette un coup d'œil irrité à mon ami qui, un verre dans chaque main, se dirige vers Sue et Evans.
« Et deux jus citrouille-pomme-gingembre pour la une ! s'exclame-t-il. J'ai mis plus de gingembre cette fois, Lily, puisque j'ai cru comprendre que tu adorais ça.
– Oh, merci, James, s'extasie Sue. Tu es vraiment une perle.
– Merci, lâche Evans d'un ton glacial.
– J'ai repensé au cours d'Histoire de la Magie d'hier et quelque chose me turlupine… Lily, vu que tu es la meilleure en histoire, tu pourras peut-être m'éclairer. »
Tandis que James pose ses questions, Evans répond toujours avec froideur et méfiance. Pourtant, depuis le temps que j'observe ce petit manège, je VOIS apparaître un semblant de sourire sur le visage de la rouquine.
« Ah, soupire Peter, rêveur. L'amour !
– Il est bon, le bougre, dit Remus d'un ton appréciateur en me donnant un coup de coude. Tu ne trouves pas, Sirius ?
– Mouais, dis-je d'un air bougon. Pas assez ! Le bal est dans une semaine et elle le traite toujours comme un étranger !
– Au moins, elle ne le traite plus comme un nuisible », dit calmement Remus, avec une lueur de malice dans les yeux.
Je hausse les épaules avec irritation.
« Si tu savais ce que j'en ai marre de ce cirque. Où est passé James l'intrépide ? Le génie des farces et attrapes ? Le casseur de Serpentards ? Il est devenu plus sage et studieux qu'un Serdaigle ! Même Snape doit s'amuser plus que ça, et il n'a aucun ami !
– Il est possible de s'amuser sans enfreindre systématiquement le règlement », souligne-t-il.
Je déteste quand il prend ses petits airs de préfet modèle.
« C'est la chose la plus stupide que j'ai jamais entendue ! Et pourquoi pas jouer au Quidditch sans balai ?!
– Tu sais, dit patiemment Remus, si c'est cette histoire avec Snape qui t'inquiète, tu n'as qu'à dire à James que tu annules le pari.
– Pas question ! je m'exclame, envahi par une bouffée d'orgueil. De toute façon, je vais gagner !
– Comme tu voudras », fait Remus en souriant.
Je devine à son expression qu'il est loin d'être aussi sûr que moi de l'issue de ce pari.
Il a tort, bien sûr.
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« Je ne te crois pas ! »
Mon ton devait être enragé, mais la boule qui s'est formée dans ma gorge transforme mon cri en gémissement.
« À ton aise, Sirius, dit James tranquillement. Tu verras bien samedi soir, au bal…
– Mais… Mais… je balbutie, éberlué. Et Diggory ? »
James passe un bras autour de mes épaules et serre fort.
« Il y a trois jours, Lily lui a dit que ses parents lui avaient interdit de fréquenter des élèves de dernière année, répond James avec un sourire trop grand pour son visage. C'était un mensonge, bien sûr.
– Et tous les trucs que je lui ai racontés sur toi ? Que tu t'amuses à crucifier des animaux vivants ? Que tu as une troisième oreille derrière la nuque ? Ça ne l'a pas impressionnée ?
– Tu as fait quoi ? »
Les yeux de James s'arrondissent comme des soucoupes, avant de ne devenir plus que deux fentes.
« Faux frère !
– Oh, c'est bon, la fin justifie les moyens… Je suis sûr que tu aurais fait la même chose à ma place.
– Mmh, dit James en penchant la tête, oui, là, tu marques un point.
– Et tu te prétends mon ami !
– Tu te crois vraiment en position de jouer les vexés, là ? »
Gnagnagna. Je déteste quand il a raison. Et je déteste encore plus quand il gagne ses paris.
« Une troisième oreille… glousse James d'un air songeur. Ça expliquerait la main qu'elle m'a passée dans les cheveux l'autre jour… Je me disais bien, aussi, que si ça avait été par tendresse elle ne m'aurait pas sauté dessus par-derrière. »
Je ne peux pas le croire. C'est tout simplement incroyable. Et d'ailleurs, je ne le crois toujours pas.
« Oh, oh, oh, attends un peu ! Ce que tu es en train de me dire, c'est que Lily Evans a rejeté le garçon le plus convoité de Poudlard, l'objet des toutes les attentions de toutes les filles de toute l'école depuis les prémices de sa puberté, pour… pour toi ? »
Là, je me voulais blessant, mais James se contente de sourire béatement. Il me tapote l'épaule avec un clin d'œil complice.
« Tu te sous-estimes, vieux : ton fan-club vaut bien celui de Diggory… »
Il se frotte les ongles sur sa robe avec désinvolture.
« En fait, je crois que même Snape ne pourra pas résister à ton charme. »
Oh, misère.
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Je devrais être heureux pour lui. C'est mon meilleur ami, son bonheur devrait me remplir de joie. C'est ce que je ne cesse de me répéter, encore et encore. Mais j'ai beau essayer de toutes mes forces, je n'y arrive pas. Au lieu de cela, je m'imagine en train de lui faire avaler ses lunettes de force.
Je rabaisse le bandeau de pirate sur mon œil pour masquer au moins en partie le spectacle du cow-boy à lunettes et de l'ange aux cheveux roux enlacés sur la piste de danse.
« Siri, tu vas me chercher un verre de punch ? »
Je sursaute. J'avais presque oublié Sue.
Elle est absolument sublime dans son costume de fée. Mais je vois bien que le peu d'attention que je lui réserve depuis le début de la soirée met ses nerfs à rude épreuve.
Je relève le bandeau de pirate et produis un grognement vaguement affirmatif, avant de me lever et de me diriger à la table des boissons. Avec un certain soulagement, je dois avouer. Je ne suis pas d'humeur à faire semblant d'être intéressé par ce que Sue a à raconter. Pourquoi est-ce que je ne l'ai pas encore quittée ? Parce que j'avais besoin d'elle pour avoir des informations sur ce que Lily pensait de James. Oui, c'est moche. Je sais. Merci. La vie est moche.
J'avale coup sur coup huit verres de punch (des élèves de dernière année ont réussi à y ajouter du rhum au nez et à la barbe des professeurs) avant de trouver le courage de revenir à ma table, un verre dans chaque main et les yeux un peu moins en face des trous. Ce qui ne m'empêche pas de constater avec confusion que Sue a disparu. Je tourne un regard éteint vers la piste de danse et j'aperçois ses ailes de papillon. Elle est dans les bras d'un chevalier rutilant – ce bâtard d'Amos Diggory.
Parfait, vraiment parfait.
Je vagabonde un moment dans la salle avec mes verres de punch et je réussis à trouver Remus, adossé à un mur, dans son déguisement de vampire. Il a tout à fait la tête de l'emploi, d'ailleurs : cadavérique à souhait. La pleine lune est dans quelques jours, et il a du mal à dormir. Moi aussi, d'ailleurs, mais cela vient peut-être de l'horreur d'avoir trouvé des blattes géantes sous mon oreiller avant-hier. Foutu Snape.
Je tends le verre de Sue à Remus et il l'accepte avec un faible sourire. Je m'avachis contre le mur à côté de lui.
« Cette soirée est vraiment un cauchemar », dis-je avec un soupir désespéré, avant d'avaler cul sec mon neuvième verre d'alcool.
C'est dingue, le punch : on dirait du jus d'orange, alors on boit, on boit, et voilà qu'on est incapable de se décoller du mur.
Pas grave, j'y suis très bien.
Nous écoutons la musique pendant quelques minutes – pas mal comme groupe, les Harpies En Furie, un peu trash mais entraînant – mais je ne peux contenir plus longtemps une vague d'auto-apitoiement et je marmonne à Remus :
« J'organise un suicide collectif, le week-end prochain, tu en es ? »
Remus me dévisage longuement. Je sens qu'il va me sortir une de ses phrases formidables qui me requinquent en moins de deux.
« Tu as bu combien de verre ? » finit-il par demander.
Je grogne.
« On s'en fout, Remus ! Nom d'un saint-bernard anorexique, tu ne vois pas que mon moralomètre est descendu à moins cinquante, là ? »
Enfin, c'est ce que j'ai essayé de dire, mais j'ai peut-être un peu bafouillé parce qu'il y a plein de mots compliqués et que ma langue pâteuse n'est plus trop en état de tenir le rythme. Remus secoue la tête d'un air de « mais-qui-est-ce-qui-m'a-fichu-une-épave-pareille-en-guise-d'ami ? ». Il me dévoile quand même sa pensée philosophique du moment.
« Tu devrais essayer de voir les choses du bon côté.
– Oui, je sais, dis-je en marmonnant. James est heureux et je devrais me réjouir pour lui…
– Non, je ne parlais pas de ça, me coupe Remus avec un sourire en coin. Je sais bien que c'est beaucoup trop demander à une tête de cochon comme toi. »
Je ne relève pas. Je me contente de lui prendre son verre des mains et de l'engloutir d'une traite, avant de lui adresser un regard interrogateur – et peut-être un peu vitreux.
« Si on y réfléchit, reprend mon ami en haussant les épaules, la véritable victime de l'histoire, ce sera Snape. »
J'ai un ricanement amer. Et puis je réunis les quelques neurones rescapés d'une mort par noyade dans la mer de punch dans laquelle a coulé mon cerveau, et je réfléchis à ce qu'il vient de me dire.
C'est vrai que si je séduisais Snape, ce serait une occasion de l'humilier. Encore. En supposant bien sûr que cet être asexué, cette espèce de bernique à cheveux gras, puisse être sensible à mon charme éblouissant. Est-ce qu'il n'en pinçait pas un peu pour Lily Evans, lui aussi ? Faudrait-il que je me teigne les cheveux en roux ? Ça encore, je veux bien, mais pour les nichons, je fais comment ? Lorsque je prends conscience que je suis en train de m'interroger sur les préférences sexuelles de Severus Snape, c'en est trop.
J'ai besoin d'un verre. Punch. Tout de suite. Maintenant.
Je me désincruste péniblement du mur – le tissu de ma chemise en satin avait dû commencer à se souder au marbre, sans quoi cela n'aurait pas été aussi laborieux – et je m'avance en titubant en direction du buffet après avoir lancé un « Je reviens ! » approximatif à Remus. Qui ne répond pas.
Je marque une pause, fronce les sourcils, fais volte-face en vacillant – bon sang, vous êtes sûrs qu'on est sur la terre ferme ? - relève le bandeau qui m'est retombé sur l'œil, et c'est alors seulement que je me rends compte que Remus n'est plus là. Il me faut une dangereuse rotation à 360° pour enfin repérer le monstre derrière une colonne, en train de faire un gros câlin à une fille que je ne reconnais pas. Il n'est plus blanc du tout, mais au contraire très rouge.
J'ai passé combien de temps tout seul à réfléchir soudé à mon mur, moi ? Et depuis quand Remus se comporte de façon aussi audacieuse avec la gent féminine ?
Je mets cette fougue exceptionnelle sur le compte de sa panoplie de vampire et le chasse de mes pensées à coups de pied, pour me concentrer à nouveau sur mon but premier. Qui était : réussir à tenir assez longtemps sur mes jambes pour atteindre les boissons et me rincer le citron une onzième fois.
Mais la Mort se trouve sur mon chemin.
Littéralement : juste en face de moi, je vois la grande Faucheuse qui me tourne le dos. Tout encapuchonnée de noir, elle tient son ustensile de jardinage habituel dans l'une de ses mains décharnées, tandis que de l'autre, elle se sert un verre de diabolo menthe.
Bien.
Je pense que cette vision est un signe que je suis à deux doigts du coma éthylique. Il serait certainement déraisonnable de poursuivre ma beuverie à ce stade. Mais serais-je un Gryffondor digne de ce nom si je reculais devant la première hallucination venue ?!
Décidé à prouver ma vaillance, je fonce tête baissée vers les boissons… et me heurte violemment à mon mirage, qui pousse une exclamation étouffée. Ça ne parle pas, les hallucinations, si ? Et on ne se cogne pas dedans, non plus.
Mmh, il est temps de reconsidérer la nature de cette Mort buveuse de diabolo.
« Black ! » s'écrie une voix familière.
Sous le choc de l'impact, la capuche de la Faucheuse est tombée en arrière. C'est ainsi que je découvre avec stupeur, à quelques centimètres de mon nez, le visage furibond de Severus Snape.
J'ai l'impression de dessaouler sous le choc. Pouce ! Juste le temps de mettre les choses en place. En fait, la Mort sur laquelle je me suis écroulé n'était autre que Snape déguisé. Ah oui, logique. Ça explique le diabolo. Les Serpentards aiment tout ce qui est vert.
« Lâche-moi tout de suite, Black ! »
Ah, tiens. Il semble que, pour éviter de tomber à la renverse, je me sois raccroché aux épaules de Snape. Mais est-ce que je tiendrai debout si je le lâche ?
Une douleur intense me vrille brusquement le crâne et Snape me repousse sans ménagement. Je ne peux que me raccrocher maladroitement à la table pour ne pas finir les quatre fers en l'air. Le salopard m'a frappé avec sa faux !
Tandis que je me frotte la tête, mon cerveau imbibé par l'alcool cherche aussi vite qu'il peut une vengeance immédiate qui ne me ferait pas renvoyer de l'école. Malheureusement, les cellules grises qui me restaient ont été terrassées par le coup que je viens de prendre, et je n'ai droit qu'à un réchauffé de la longue réflexion à laquelle je me suis attelé contre mon mur tout à l'heure.
En clair, je reluque Snape des pieds à la tête avec mon sourire le plus charmeur.
« Bonsoir, Severus… Joli costume. »
L'autre devient aussitôt encore plus pâle qu'il ne l'était déjà. Il me lance son regard le plus… eh bien, mortel, mais je le soutiens sans ciller, et il se met à se dandiner en tripotant sa faux.
« Tu es ivre, commente-t-il avec dégoût. Aie un peu de décence, par pitié. Et rhabille-toi. »
Je baisse les yeux vers mon torse et constate que ma chemise s'est ouverte presque jusqu'au nombril lorsque Snape m'a envoyé bouler. Personnellement, je ne vois pas le problème. C'est plutôt sexy, si vous voulez mon avis.
« Eh bien, je ne te plais pas comme ça ? dis-je d'un ton chagriné. Tu me préfèrerais en rousse, peut-être ? »
Le Serpentard passe du blanc au vert, puis à un coquet rose framboise.
« Va mourir, Black ! répond-il avec fureur.
– Eh, c'est toi la Mort, non ? Alors vas-y… prends-moi », dis-je avec un clin d'œil appuyé.
Il me dévisage avec consternation.
« Black, espèce de… de… de… »
Incroyable. Je ne pensais pas un jour voir Snape à court de répartie cinglante.
« De ?
– De dégénéré ! »
Il tourne les talons en faisant voler son grand manteau et se fraie un chemin à travers la foule à grands coups de faux bien placés.
Serait-ce la première fois que j'arrive à faire capituler Snape sans me servir de mes poings ni de ma baguette magique ? Peut-être que Remus a raison, après tout. Ça pourrait être amusant, cette histoire.
Bon, où en étais-je ? Ah, oui, le bol de punch.
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J'ai mal à la tête. Où suis-je ?
Dans mon lit, apparemment.
J'ai fait un drôle de rêve… Un truc incroyable. Hé, je suis bien content de voir que j'ai été sage en fait, et que je suis allé me coucher à une heure raisonnable. Même si je ne me rappelle absolument pas m'être couché. Bizarre.
Soudain, les rideaux de mon lit à baldaquin s'ouvrent et la tête de James apparaît dans une lumière insupportable.
« Aaargh ! Mes yeux ! »
J'ai l'impression que quelqu'un joue des claquettes dans mon crâne avec des semelles cloutées. Et je suis tout nauséeux… On pourrait croire que j'ai fait la bringue toute la nuit.
« Alors, réveillée, la Belle au Bois Dormant ? ricane James.
– Va te faire foutre. J'ai mal à la tête.
– Pas étonnant, vieux, t'as descendu au moins la moitié du punch prévu pour la soirée à toi tout seul.
– Arrête, j'en ai bu à peine, euh… onze verres… Mais ensuite je suis allé sagement me coucher !
– Hum, non, je crois que ton onzième verre était déjà loin quand tu es allé te coucher. D'ailleurs, il serait plus juste de dire que nous t'avons couché. Et tu n'étais pas vraiment consentant, il a fallu qu'on te porte.
– Attends, attends. Tu dis n'importe quoi. »
Je masse mes tempes douloureuses.
« Laisse-moi me souvenir. Je me suis d'abord fait piquer ma copine par Diggory… Ensuite j'ai été planté par Remus… Puis je me suis vautré dans Snape… Oh, bon sang, quelle soirée moisie !
– Bah, tu avais pourtant l'air de bien t'amuser sur la fin, dit James avec innocence. Tu ne voulais plus partir. Tu m'as même cassé mes lunettes quand j'ai voulu te faire descendre de la table. »
Descendre de… ? Non, alors là, non, si on me fait le coup du rêve qui en fait était vrai, je hurle.
« D'ailleurs, ton strip-tease était chouette, dommage que Gogo n'ait pas trop apprécié.
– AAAAAAAAAAAAAAAH ! »
Ce n'est pas possible, il se fiche de moi. Je le dévisage avec horreur, cherchant désespérément le mensonge dans ses yeux. Mais où est-il ?!
« James, dis-moi que ce n'est pas vrai !
– Tu veux que je te mente ? Je ne vois pas à quoi ça va t'avancer…
– C'est abominable ! je gémis.
– Mais non, je t'assure, c'était très réussi ! Tu peux être certain que maintenant Diggory est relégué à la seconde place : tu as eu un succès fou auprès des filles ! Et d'un certain nombre de garçons aussi, moi inclus.
– Aaargh ! »
Je m'enfouis la tête sous mon oreiller en essayant de ne pas pleurer. James me tapote le dos avec compassion.
« Allons, allons… dit-il d'un ton consolateur. Ce n'est pas si grave… On a réussi à te faire descendre avant que tu n'enlèves ton caleçon…
– Quoi ?! j'émerge de sous l'oreiller. Et le reste de mes vêtements ?
– Alors là, vieux, faudra demander aux filles qui les ont embarqués… »
Je me plaque les mains sur le visage en regrettant tous mes choix de vie jusqu'à cet instant.
« Beuh… J'en ai marre… Pourquoi c'est toujours à moi que ça arrive… Je l'avais loué, en plus, ce costume…
– Ça, il fallait y penser avant de te mettre à lancer tes fringues dans toute la pièce !
– Désolé, James, mais ma capacité à penser s'est envolée complètement autour de mon douzième verre, je crois… Est-ce que j'ai gâché la soirée pour tout le monde ?
James fait la moue.
« Je ne vais pas te cacher que Lily et moi, c'est resté très platonique… Elle était fâchée contre toi et nous a encore traités d'imbéciles. Bref, c'est pas encore le grand amour. »
Il me serre gentiment l'épaule.
« Mais je sais que tu l'as fait pour honorer ton gage, et j'admire profondément ton sens de l'honneur et du dévouement. »
Je lui lance un regard de travers. Il est clairement en train de se payer ma tête.
« Bon, est-ce qu'on peut ne plus jamais mentionner cet incident ? dis-je, mortifié.
– Aucune chance. Je te le rappellerai jusque sur ton lit de mort.
– Je te hais.
– Bon, j'y vais, j'ai entraînement de Quidditch, dit James. Je t'ai laissé la retenue de McGo' sur ta table de nuit, à côté de la potion contre la gueule de bois qu'on t'a concoctée avec Peter. »
James se lève, et juste avant de partir, il me lance :
« Oh, Sirius ? Tu danses vraiment bien. Je suis sûr que Snape est tombé sous le charme. »
Je lui balance un oreiller à la tête.
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« Ne mens pas, Ju. J'ai des témoins.
– Mais non, Sirius, je te promets que je ne l'ai pas, ta chemise ! proteste Juliana. C'est vrai que Sandy l'a attrapée et me l'a passée, mais ensuite Nina me l'a prise ! Tiens, j'ai juste une de tes chaussettes… »
Oh, j'en ai plus qu'assez !
Heureusement, mon calvaire touche à sa fin. J'ai le foulard, le pantalon, la veste, les chaussettes, les bottines. Lorsque j'aurai retrouvé ma chemise, je pourrai rendre mon costume complet à la boutique.
Ah, non, il me manque aussi le bandeau. Mais personne n'a su me dire qui l'a pris, alors je devrai probablement en racheter un.
Visiblement, la chemise de satin rouge a été appréciée et est passée de main en main. Quatre filles embarrassées plus tard, je la range soigneusement avec le reste du déguisement.
« C'est demain que tu as ta retenue ? me demande Remus.
– Oui. Je dois laver le sol des cachots. »
Remus grimace avec sympathie.
« C'est vraiment dégoûtant là-bas. Depuis le temps que plus personne n'y va ! »
J'acquiesce d'un soupir.
« Je m'excuse encore de ne pas t'avoir empêché de boire, samedi. Je ne savais même pas qu'on pouvait ingurgiter cinq litres de punch sans éclater.
– Oui, et puis, tu avais mieux à faire ! j'ajoute avec un sourire narquois tout en refermant mon placard.
– Je… hein ? fait Remus, soudain très mal à l'aise. Euh… Mais non ! Enfin… Je ne vois vraiment pas ce dont tu…
– Oh, arrête de jouer les innocents, Moony ! Je t'ai vu avec une fille dans les bras ! »
Remus devient écarlate jusqu'à la racine des cheveux.
« Je croyais que tu ne te souvenais pas de ça…
– Ha ! je ricane. Même ivre mort, je n'aurais jamais oublié ça. Mon petit Moony devient un homme !
– Oh, Sirius, s'écrie Remus d'une voix curieusement haut-perchée. Regarde-moi cette araignée sur le mur, elle est magnifique !
– Remus Lupin !
– Ouiii ?
– Parle-moi de cette fille ! »
Remus pique un nouveau fard.
J'attends avec toute la patience dont je suis capable. Il ouvre la bouche, mais c'est le moment que choisit Peter pour entrer.
« Venez vite voir ! fait-il avec de grands gestes. Marshall Bulstrode est devenu fou ! »
Après une brève hésitation, Remus et moi nous élançons à la suite de Peter.
