Chapitre 4 : Entre les Lignes du Crime
Le commissariat de Gotham, habituellement en pleine effervescence, était étrangement calme ce soir-là. Gabriel Belmont, désormais connu sous le nom de Dracula, reprenait lentement son rôle au sein de la police. Ses pas résonnaient dans les couloirs alors qu'il se dirigeait vers son bureau, la lourdeur de ses pensées ne pouvant être ignorée. Malgré son apparence imposante et la puissance qui sommeillait en lui, il jouait le jeu du simple agent, tâchant de s'intégrer à cette nouvelle vie, là où autrefois il avait été un homme.
— Eh, Belmont, tu comptes les couper un jour, tes cheveux ? lança une voix familière derrière lui.
C'était Harvey Bullock, un détective connu pour son manque de tact et ses manières brusques. Bullock n'avait jamais été du genre à prendre des gants, et encore moins avec Gabriel. Depuis le retour de ce dernier au commissariat, Bullock ne cessait de le chambrer.
Gabriel s'arrêta un instant, se passant une main dans ses cheveux longs, qui retombaient en cascade sombre sur ses épaules. Une partie de lui, la part vampirique, considérait cette remarque comme insignifiante, presque risible. Mais l'homme qu'il était autrefois ressentait encore ces petites piques, ces jugements silencieux.
— Ça te dérange, Bullock ? répondit-il calmement, sans même se retourner.
— Bah, ça fait pas très réglementaire, c'est tout. Mais qui suis-je pour dire quelque chose, hein ? répliqua Bullock avec un sourire en coin avant de s'éloigner, non sans un dernier regard moqueur.
Gabriel ne répondit pas, préférant ignorer la provocation. Il avait d'autres préoccupations. Depuis son retour, il avait tenté de se fondre dans le quotidien du commissariat, aidant là où il le pouvait, résistant à l'envie d'utiliser ses pouvoirs surnaturels de manière trop évidente. Aujourd'hui, il se contentait d'assister ses collègues dans des tâches plus ordinaires. Mais ce soir, cela allait changer.
Un appel radio brisa le silence : une nouvelle scène de crime venait d'être découverte dans l'un des quartiers les plus mal famés de Gotham. Gabriel reçut l'ordre de se rendre sur place pour sécuriser la zone et récupérer des indices. Harvey Bullock, quant à lui, était chargé de l'enquête principale.
Arrivé sur les lieux, Gabriel sentit immédiatement quelque chose de différent. La scène, pourtant semblable à tant d'autres dans cette ville, avait une lourdeur particulière. Le corps, celui d'un homme d'une trentaine d'années, gisait dans une ruelle étroite. Aucune trace de lutte visible, aucune arme, aucun témoin. À première vue, il s'agissait d'un meurtre ordinaire dans les bas-fonds de Gotham. Mais Gabriel savait mieux.
Il s'accroupit près du corps, scrutant la scène avec attention. Grâce à ses sens surnaturels, il pouvait percevoir des choses que personne d'autre ne pouvait voir. L'odeur du sang, même si elle était subtile, lui parvint immédiatement. Il suivit cette sensation jusqu'à un coin de la ruelle, où ses yeux s'arrêtèrent sur une fine trace presque invisible à l'œil humain : du sang, effacé à la hâte. Cette scène avait été nettoyée. Quelqu'un essayait de faire disparaître les preuves.
— T'as trouvé quelque chose, Sherlock Holmes ? ironisa Bullock, en arrivant derrière lui, une cigarette au coin des lèvres
Gabriel se redressa, ne répondant pas à la provocation. Il se tourna vers le commissaire Gordon, qui venait d'arriver sur les lieux avec un air concentré.
— Commissaire, je pense que cette scène a été manipulée, dit Gabriel d'une voix posée. Il y a des traces de sang presque minime là-bas. Quelqu'un essaie d'effacer les indices.
Gordon le regarda avec surprise, puis hocha lentement la tête.
— Bien, Gabriel, si tu as des pistes, je veux que tu travailles dessus. Mais tu collaboreras avec Bullock sur cette enquête, fit-il en jetant un regard à Harvey, qui fronça immédiatement les sourcils.
— Ah, non, commissaire, je bosse pas avec lui. C'est un simple flic, pas un enquêteur, grogna Bullock, jetant un coup d'œil désapprobateur à Gabriel.
— Bullock, c'est un ordre, répliqua Gordon, sans laisser place à la discussion. Gabriel a déjà remarqué des choses que tu n'as pas vues. Laisse-lui sa chance.
Bullock soupira bruyamment, écrasant sa cigarette du talon avec agacement.
— Très bien, mais je te préviens, Belmont, tu marches sur mes plates-bandes et je te ferai regretter d'avoir remis les pieds ici, grogna Bullock avant de se détourner pour retourner à ses propres observations.
Gabriel, malgré le ton hostile de Bullock, garda son calme. Il n'était pas là pour s'imposer, mais pour faire ce qu'il savait être juste. Il sentait que quelque chose de plus grand se jouait derrière cette scène de crime. Une méthode. Une froide précision. L'adversaire qu'il traquait n'était pas n'importe qui.
Et avec ou sans Bullock, il trouverait la vérité.
Gabriel et Bullock se dirigèrent vers une nouvelle scène de crime, située dans une autre ruelle sombre, non loin du premier meurtre. Gotham n'était jamais en manque de ce genre d'endroits, des lieux où la lumière ne semblait jamais atteindre les âmes errantes. Bullock, toujours aussi réticent, mâchait sa cigarette avec agacement, jetant des regards furtifs à Gabriel, comme s'il attendait que ce dernier commette une erreur.
— Bon, écoute, on va faire ça à ma manière, pas besoin de jouer à Batman, dit Bullock en pointant un doigt accusateur vers Gabriel. T'es là pour observer, pas pour jouer les détectives.
Gabriel se contenta de hocher la tête. Il n'avait pas besoin de s'imposer, ses sens faisaient le travail pour lui. Ils arrivèrent sur les lieux du deuxième crime. Une autre victime, un homme dans la trentaine, gisant à moitié dissimulé derrière une benne à ordures. Bullock s'accroupit près du corps, examinant sommairement la scène.
— Même schéma que le premier, marmonna-t-il en passant une main sur son menton. Aucun signe de lutte, rien de visible.
Gabriel, en retrait, observa la scène en silence. Comme dans le premier cas, il ressentit immédiatement une anomalie. Le sang. Même effacé, même invisible à l'œil nu, il pouvait le percevoir. Une subtile odeur de fer, des résidus presque imperceptibles s'accrochaient à l'air, trahissant la présence de l'hémoglobine effacée à la hâte. Il se concentra, fermant brièvement les yeux pour laisser ses sens surnaturels analyser l'environnement.
En rouvrant les yeux, Gabriel avança de quelques pas, s'arrêtant non loin du corps. Ses doigts effleurèrent le sol, là où le sang avait été nettoyé. Il sentit un mouvement. Quelqu'un avait été là, observant, effaçant. Mais cette personne avait laissé une trace infime, une légère pression dans l'air, presque imperceptible, comme si l'ombre elle-même avait bougé.
Bullock se redressa, croisant les bras en regardant Gabriel d'un air moqueur.
— Allez, tu vas nous faire ton numéro de super flic ? ricana-t-il. Je t'avais dit que t'étais là pour observer.
Gabriel resta stoïque face à la provocation. Son esprit tournait à plein régime. Les similitudes entre les deux meurtres étaient évidentes, mais ce qui attirait son attention, c'était la manière dont les scènes avaient été minutieusement nettoyées. Le tueur savait exactement comment effacer ses traces, rendant toute enquête presque impossible pour un enquêteur ordinaire. Presque.
— Il y a eu un nettoyage ici aussi, murmura Gabriel en se redressant. Les traces de sang sont infimes, mais elles existent. Et j'ai perçu une sorte de... mouvement. Comme si quelqu'un avait observé la scène après coup et effacé ce qu'il pouvait.
Bullock haussa les sourcils, visiblement agacé par ce qu'il prenait pour une tentative de jouer les héros.
— Du sang invisible ? T'es sérieux ? Écoute, c'est pas la première fois qu'on a affaire à un type propre. Certains criminels savent juste comment faire disparaître des preuves. Mais tu te fais des films si tu penses qu'on va résoudre ça avec des histoires de "mouvements imperceptibles", se moqua Bullock, un sourire en coin.
Gabriel ne se laissa pas déstabiliser. Il savait que ses capacités dépassaient de loin celles de ses collègues, mais il ne pouvait pas tout révéler. S'il continuait d'explorer cette piste, il trouverait tôt ou tard des preuves tangibles, visibles aux yeux de Bullock et des autres enquêteurs.
— Peu importe ce que tu penses, Harvey. On a deux corps et aucune piste. Je dis qu'on vérifie tout, répliqua Gabriel calmement.
— Ouais, ouais, fais comme tu veux, mais ne perds pas mon temps, répondit Bullock en allumant une nouvelle cigarette, visiblement peu impressionné.
Gabriel laissa Bullock à ses propres investigations, mais il continua d'explorer les alentours, suivant la faible trace de sang qu'il avait détectée. Il se déplaça lentement dans la ruelle, ses sens en alerte. La trace menait plus loin, presque hors de la scène principale, vers un coin sombre où une flaque d'eau stagnait.
En s'approchant, Gabriel s'agenouilla à nouveau, plongeant ses doigts dans l'eau. L'humidité recouvrait une autre parcelle effacée. Ici, l'eau avait protégé une trace infime que le nettoyeur avait manquée. Gabriel se redressa, son esprit analysant rapidement la scène. Un adversaire méthodique, qui savait exactement quoi effacer et où, mais qui n'était pas infaillible. Il avait laissé un détail derrière lui.
Il retourna vers Bullock, qui scrutait toujours la scène avec un regard las.
— J'ai trouvé une trace près de la flaque, indiqua Gabriel. Un nettoyage mal fait, quelqu'un n'a pas tout effacé.
Bullock lui jeta un regard incrédule, comme s'il n'avait même pas écouté. Mais voyant la détermination dans les yeux de Gabriel, il finit par soupirer.
— Ok, on vérifie ça, admit-il à contrecœur. Mais si c'est encore une de tes idées à la mords-moi-le-nœud, tu ferais mieux de t'en tenir à sécuriser les scènes.
Gabriel ne répondit pas, sachant que peu importe ce que Bullock pensait de lui, les indices qu'il avait trouvés allaient bientôt mener à quelque chose de concret. Il sentait que l'adversaire qu'ils poursuivaient n'était pas un criminel ordinaire. Il savait effacer les preuves avec une précision chirurgicale, et cela n'était pas à la portée de n'importe quel tueur.
Un scientifique, pensa Gabriel, tandis qu'il continuait de remonter les traces invisibles que seul lui pouvait percevoir.
Alors que Gabriel continuait de suivre les traces presque invisibles du meurtrier, son esprit s'égara un instant, emporté par des souvenirs douloureux. Chaque pas qu'il faisait dans cette enquête, chaque détail qu'il observait avec ses sens surnaturels, lui rappelait combien il était devenu différent de l'homme qu'il avait été autrefois. Il n'était plus Gabriel Belmont, le chevalier vaillant qui combattait pour la lumière. Il était devenu autre chose, une créature des ténèbres.
Et pourtant, dans cette quête pour protéger Gotham, une part de son humanité semblait résister, comme si une voix dans son esprit l'incitait à ne pas se laisser complètement submerger par sa nature vampirique. Cette voix, douce et familière, appartenait à une seule personne : Marie.
Le souvenir de Marie s'immisça brutalement dans son esprit. La dernière fois qu'il l'avait vue, avant qu'il ne la tue, sous l'emprise des manipulations du nécromancien Zobek, était gravé en lui. Il revivait cette scène encore et encore, une douleur lancinante à chaque fois qu'il osait y penser.
Il faisait nuit, et le monde semblait s'effondrer autour de lui. Gabriel, alors encore humain, se tenait dans un temple, épée en main. Devant lui, Marie. Belle, douce, et innocente. Elle ne comprenait pas ce qui se passait. Ses yeux, emplis d'amour, ne reflétaient aucune peur. Elle avait confiance en lui, en son époux, le chevalier qu'il avait été.
— Gabriel, que fais-tu ? demanda-t-elle doucement, sa voix brisant le silence assourdissant du temple.
Mais il ne pouvait pas répondre. Les ténèbres envahissaient son esprit, et chaque pas qu'il faisait vers elle le rapprochait de l'inévitable. Zobek l'avait manipulé, il le savait maintenant. Mais à cet instant, il n'était qu'une marionnette entre ses mains, un homme brisé, sur le point de commettre l'irréparable.
— Je... vais te terrasser, sale monstre …. Hurla-t-il.
Il leva son épée. Il ne voulait pas la tuer. Il ne voulait pas lui faire de mal. Mais la voix de Zobek, froide et implacable, résonnait dans sa tête, le forçant à agir contre sa volonté. Il la voyait comme une créature des ténèbres.
— Gabriel... je t'aime, dit-elle doucement, avant que l'épée ne s'abatte.
Le son métallique de la lame transperçant la chair résonna dans le temple désert. Le corps de Marie tomba lourdement dans ses bras. Gabriel réalisa son geste, la serra contre lui, désespéré, hurlant de douleur alors que la vie quittait lentement son corps. Il venait de tuer l'amour de sa vie. Ses mains, ensanglantées, tremblaient, et sa vue se brouillait de larmes.
— Non... Marie... je suis désolé... je suis désolé... répétait-il en sanglotant, son front appuyé contre le sien.
Mais il était trop tard.
Ce souvenir le hanta depuis lors. Il l'avait perdue, et tout cela à cause de Zobek, à cause des ténèbres qu'il avait embrassées malgré lui. Mais ce n'était pas la fin de leur histoire. Dans les moments qui suivirent sa mort, il avait pu communiquer avec l'âme de Marie. Son esprit était revenu brièvement, lui offrant une dernière chance de paix.
Il se souvenait de ses paroles, douces et apaisantes, alors qu'il s'effondrait sous le poids de sa culpabilité.
— Gabriel... tu n'es pas coupable de ce qui s'est passé, lui avait-elle dit dans un murmure. Je suis en paix maintenant. Je ne ressens aucune haine envers toi. Tu dois te libérer de cette culpabilité. Trouve la paix, Gabriel. Trouve-la, pour moi.
Ces mots avaient été sa seule source de réconfort. Marie, même dans la mort, lui avait pardonné. Elle avait trouvé la paix. Mais Gabriel, lui, ne l'avait jamais trouvée. Il portait en lui le fardeau de cette tragédie, et chaque jour, il se demandait si Marie serait fière de ce qu'il était devenu.
Il avait ensuite, embrassé les ténèbres, suite à la colère et la douleur.
Gabriel sortit lentement de ses pensées, ses yeux revenant à la scène de crime devant lui. Les souvenirs de Marie s'étaient estompés, mais la douleur était toujours là, sous-jacente. Elle le serait probablement toujours. Mais cela ne devait pas le détourner de sa mission. Il avait choisi ce chemin pour une raison.
Bullock, ignorant totalement la tempête intérieure que traversait Gabriel, continuait de fumer sa cigarette en silence, les mains dans les poches, l'air désintéressé.
— Alors, t'as trouvé quelque chose ou t'es juste là pour jouer les statues ? lança-t-il en brisant le silence.
Gabriel leva les yeux vers lui, ses traits impassibles, mais son esprit toujours tourmenté.
— J'ai trouvé quelque chose, répondit-il finalement. Mais ce n'est pas ce que tu crois.
Sans en dire plus, il se redressa, prêt à poursuivre l'enquête. Il savait que cette affaire n'était pas terminée. Et tant qu'il continuerait de marcher sur cette fine ligne entre la lumière et les ténèbres, il trouverait un moyen de se racheter.
Pour elle.
Après avoir quitté les pensées douloureuses de son passé, Gabriel se recentra sur l'enquête en cours. Il se déplaça doucement autour de la scène, ses sens en éveil, cherchant le moindre indice que les yeux humains ne pouvaient percevoir. Une brise légère portait des odeurs presque imperceptibles, mais distinctes pour lui. Il y avait du sang dans l'air, des traces infimes d'une lutte qui n'était pas visible à première vue.
Gabriel s'accroupit à nouveau près de la flaque d'eau, ses doigts effleurant la surface du sol humide. La trace de sang qu'il avait trouvée plus tôt ne correspondait pas au profil de la nouvelle victime.
l y avait une autre personne impliquée, quelqu'un d'extrêmement méticuleux. C'était un détail que Bullock n'aurait jamais remarqué, et Gabriel savait qu'il devait faire attention à la manière dont il révélerait cette information. Bullock n'appréciait déjà pas sa présence, et il ne voulait pas aggraver la situation.
Bullock, qui observait la scène avec son éternelle nonchalance, grogna en s'approchant de Gabriel. Il tirait nerveusement sur sa cigarette, laissant la fumée s'échapper en longs rubans dans l'air froid.
— Alors, Sherlock ? Tu as encore trouvé une piste invisible ou t'es juste là pour t'amuser ? lança Bullock, le ton rempli de sarcasme.
Gabriel leva les yeux vers lui, impassible.
— Ce n'est pas aussi simple que ça, Harvey. Ce sang ne vient pas de la victime. Il y avait quelqu'un d'autre ici, après le crime, qui a tenté de tout effacer.
Bullock roula des yeux, clairement sceptique.
— Écoute, fiston, tu commences sérieusement à m'agacer avec tes théories farfelues. Si t'as des preuves, montre-les. Sinon, laisse-moi faire mon boulot.
Gabriel prit une profonde inspiration, essayant de ne pas se laisser emporter par la frustration. Il comprenait que Bullock, comme beaucoup de policiers de Gotham, était habitué à des enquêtes plus directes, sans mystères ou détails surnaturels. Mais cela ne changeait rien à la réalité : quelqu'un effaçait systématiquement les preuves et dissimulait sa présence.
— Je te dis que ça ne colle pas, insista Gabriel. Si tu regardes attentivement ici, tu verras que les résidus de sang sont différents. Ce n'est pas la victime qui a saigné ici. Quelqu'un d'autre l'a fait, probablement accidentellement en essayant de nettoyer après coup.
Bullock soupira bruyamment, manifestant son agacement. Il se pencha à contrecœur pour observer l'endroit indiqué par Gabriel, même s'il semblait peu enclin à reconnaître son expertise.
— T'as peut-être raison... ou alors tu te fais des idées, grogna-t-il. Mais je te dis un truc, Belmont, si cette piste ne mène à rien, tu vas entendre parler de moi.
Gabriel hocha simplement la tête, sachant qu'il n'avait rien à gagner à se disputer avec Bullock. Il devait rester concentré sur l'enquête et ne pas laisser ses émotions prendre le dessus, surtout en présence d'un collègue aussi irritable.
— Qu'est-ce que tu proposes qu'on fasse alors, Monsieur le Détective ? continua Bullock, son ton chargé d'ironie.
Gabriel observa la scène une dernière fois avant de se redresser.
— On suit cette piste. Ce sang nous mènera quelque part, si on sait où chercher, répliqua-t-il calmement.
— Bien. Mais je te laisse faire. Si ça foire, c'est toi qui porteras le chapeau, fit Bullock en s'éloignant légèrement, sa cigarette toujours à la main.
Gabriel soupira intérieurement. Il savait que Bullock ne l'apprécierait jamais complètement, mais cela n'avait pas d'importance. Ce qui comptait, c'était de résoudre cette affaire avant que d'autres vies ne soient perdues.
Il se concentra à nouveau, ses sens guidant ses pas vers une ruelle plus éloignée de la scène de crime principale. Il suivit la trace du sang avec une précision presque instinctive. Chaque odeur, chaque fragment d'air lui racontait une histoire, et il la décryptait comme un livre ouvert.
— T'as toujours été aussi bizarre, ou c'est nouveau ? lança Bullock, qui le suivait de loin, avec un mélange de curiosité et de dédain.
Gabriel ne répondit pas. Il savait que Bullock ne comprendrait jamais totalement sa méthode, ni les pouvoirs dont il disposait. Mais il n'était pas là pour se justifier. Il était là pour résoudre l'enquête.
Ils arrivèrent finalement devant un bâtiment en apparence abandonné, mais Gabriel pouvait sentir une activité récente. Quelqu'un avait été ici récemment, quelqu'un qui avait laissé une trace infime mais bien présente.
— C'est ici, dit Gabriel en s'arrêtant devant la porte métallique rouillée.
Bullock haussa un sourcil, regardant la porte avec méfiance.
— Et comment tu sais ça, Belmont ? lança-t-il, encore plus sceptique qu'avant.
— Fais-moi confiance, murmura Gabriel.
Il poussa doucement la porte, ses sens en alerte. L'intérieur du bâtiment était sombre et silencieux, mais Gabriel sentait que quelque chose clochait. Ils étaient proches. Proches de celui qui avait tout effacé, et il savait qu'ils n'étaient plus très loin de la vérité.
L'intérieur du bâtiment était oppressant, le silence n'était troublé que par le bruit lointain de gouttes d'eau tombant du plafond. Les murs étaient ternes, rongés par l'humidité et le temps. Gabriel ressentait chaque vibration dans l'air, chaque trace laissée par les pas qui avaient foulé ce sol avant eux. Ils étaient tout proches.
Bullock, toujours sceptique, observait Gabriel avec des yeux méfiants, mais il ne disait rien. Il avait vu assez de choses étranges à Gotham pour savoir quand se taire et laisser les événements se dérouler.
Gabriel s'avança doucement, ses pas silencieux comme une ombre. Il perçut une légère odeur de produits chimiques, mêlée à celle du sang qu'il avait déjà identifié plus tôt. Cette combinaison ne lui était pas étrangère. Elle était typique de ceux qui effacent méticuleusement les traces d'un crime, sans laisser de chance aux enquêteurs classiques.
Ils atteignirent une pièce au fond du couloir. La porte, légèrement entrebâillée, laissait filtrer une lumière pâle et artificielle. Gabriel s'approcha sans bruit et jeta un coup d'œil à l'intérieur. Ce qu'il vit confirma ses soupçons. Un homme, vêtu d'une blouse de laboratoire, manipulait des flacons de produits chimiques. Sur une table, des échantillons de tissus, probablement prélevés sur des scènes de crime, étaient soigneusement rangés. Cet homme n'était pas un simple criminel, il était un expert.
— C'est lui, murmura Gabriel à Bullock, qui se tenait en retrait.
— Le flic scientifique ? T'es sûr ? fit Bullock, surpris. Pourquoi un type comme lui ferait ça ?
Gabriel hocha la tête en silence. Tout faisait sens à présent. Ce scientifique utilisait ses compétences pour effacer méticuleusement les preuves, couvrant ses propres crimes avec une précision chirurgicale. Il savait comment manipuler les scènes de crime, comment dissimuler les indices aux yeux des enquêteurs ordinaires. Mais il n'avait pas prévu que quelqu'un comme Gabriel pourrait percer à jour son jeu.
— Il a le savoir-faire, la méthode, continua Gabriel, gardant sa voix basse. Il connaît les failles du système. Il sait comment dissimuler les preuves et nettoyer une scène avant même que les enquêteurs n'aient le temps de les découvrir.
Bullock fronça les sourcils, fixant l'homme à travers l'entrebâillement de la porte. Le policier scientifique s'affairait, totalement inconscient du danger qui l'entourait. Bullock recula légèrement, sortant son arme discrètement.
— Bon, si c'est lui, on va le coincer proprement. Pas besoin de faire dans le spectaculaire, fit-il avec une pointe d'ironie.
Gabriel, toujours concentré, savait que l'affrontement ne se ferait pas uniquement sur le plan physique. Cet homme était rusé, il n'abandonnerait pas si facilement. Gabriel pouvait presque sentir son esprit calculateur à l'œuvre, déjà préparé à d'autres stratagèmes pour effacer les preuves, même après son arrestation.
Gabriel inspira profondément. Il savait qu'il devait intervenir avec précision, sans violence, mais avec assez de force pour neutraliser la menace. L'homme était un humain ordinaire, mais il représentait un défi intellectuel bien plus grand que ce que laissait penser son apparence tranquille.
Sans attendre davantage, Gabriel poussa doucement la porte et pénétra dans la pièce. L'homme sursauta, son regard se braquant immédiatement sur Gabriel. Ses yeux trahissaient une surprise, mais aussi une froideur calculée. Il comprenait qu'il avait été démasqué.
— Je vous conseille de ne pas bouger, dit Gabriel calmement. Il n'y a plus d'échappatoire.
L'homme se redressa lentement, sa posture trahissant une certaine arrogance. Il observa Gabriel de la tête aux pieds, comme s'il tentait d'évaluer son adversaire. Puis, un léger sourire narquois apparut sur ses lèvres.
— Vous ne savez pas à qui vous avez affaire, murmura-t-il en s'éloignant légèrement de la table. Tout est parfaitement sous contrôle.
Gabriel avança de quelques pas, ses yeux perçant la pénombre de la pièce.
— Ce que vous avez fait ne restera pas impuni, répondit-il, sa voix basse résonnant dans la pièce. Vous avez laissé des traces, même infimes. C'est terminé.
L'homme esquissa un rictus, puis, d'un geste rapide, il saisit un flacon contenant un liquide visiblement dangereux. Bullock, derrière Gabriel, réagit immédiatement et pointa son arme sur lui.
— Pose ça tout de suite, cria Bullock, sans hésitation.
Mais l'homme était prêt à tout. Gabriel le savait. Il n'était pas face à un criminel ordinaire. Le scientifique jeta le flacon au sol, libérant un nuage de vapeur toxique. Bullock recula précipitamment, tandis que Gabriel, grâce à ses réflexes surhumains, s'élança à une vitesse fulgurante pour éviter le pire.
Le scientifique tenta de fuir, mais Gabriel fut plus rapide. Il le rattrapa avant même qu'il n'ait pu atteindre la porte, l'immobilisant d'un geste sec. L'homme lutta brièvement, mais Gabriel ne flancha pas. Il savait que cette confrontation devait se terminer ici.
— Vous ne savez pas ce que vous faites... Vous ne savez rien, siffla l'homme, essoufflé, tandis que Gabriel le maintenait au sol.
— Au contraire, murmura Gabriel. Je sais exactement qui vous êtes.
Bullock arriva, l'arme toujours en main, et jeta un coup d'œil rapide à Gabriel avant de se pencher pour menotter le scientifique, désormais neutralisé.
— Et voilà, c'est terminé, grommela Bullock, visiblement soulagé mais aussi agacé d'avoir eu besoin de Gabriel pour boucler cette affaire.
Gabriel relâcha sa prise, laissant Bullock prendre le relais. Il savait que l'arrestation ne faisait que commencer. Mais il n'avait plus besoin de prouver quoi que ce soit. Il avait fait ce qu'il devait faire.
Le silence retomba dans la pièce une fois l'homme menotté, les vapeurs toxiques dissipées. Bullock se redressa, jeta un coup d'œil à Gabriel, et, pour une fois, il ne dit rien de sarcastique. Le policier scientifique, toujours au sol, avait cessé de se débattre, son regard distant, probablement déjà en train de réfléchir à des moyens d'échapper à la justice. Mais cette fois, Gabriel savait qu'il n'y aurait pas d'échappatoire.
— Je vais appeler les renforts, grogna Bullock en rangeant son arme dans son holster. Tu gardes un œil sur lui, le temps qu'ils arrivent, ajouta-t-il en se dirigeant vers l'extérieur pour capter la radio.
Gabriel hocha la tête et se pencha légèrement vers le policier scientifique, qui le fixait avec une froideur indifférente. Il ressentait encore cette aura d'arrogance chez l'homme. Même dans sa position vulnérable, il semblait croire qu'il contrôlait encore la situation, qu'il avait encore un dernier atout caché.
— Vous pensiez vraiment pouvoir vous en tirer ? murmura Gabriel, ses yeux perçant les ténèbres qui entouraient la pièce.
Le scientifique sourit faiblement, un sourire empreint de mépris.
— Vous ne comprenez pas. Je suis au-dessus de tout ça. Vous n'êtes qu'un outil parmi d'autres dans ce jeu. Tout ce que j'ai fait, je l'ai fait parfaitement. Vous avez juste eu... de la chance, répondit-il d'une voix froide et posée.
Gabriel resta silencieux un instant, laissant les mots de l'homme résonner dans l'air lourd. Il savait que cet homme se croyait invincible, que la précision scientifique de ses crimes le rendait supérieur dans son esprit. Mais ce qu'il ignorait, c'était que Gabriel possédait des capacités qui dépassaient de loin la simple chance.
— La chance n'a rien à voir avec ce qui vous a mené ici, dit Gabriel calmement. Vous avez commis des erreurs, des erreurs que seul un œil aguerri pouvait détecter. Vous pensiez avoir tout effacé, mais personne ne peut effacer sa propre essence.
Le scientifique écarquilla légèrement les yeux, comme s'il ne comprenait pas. Gabriel savait que cet homme ne saisirait jamais pleinement l'étendue de ce qu'il avait affronté. Ses sens vampiriques lui avaient permis de suivre des traces que l'homme n'avait même pas conscience d'avoir laissées.
Gabriel se redressa alors que Bullock revenait dans la pièce, escortant deux autres agents venus sécuriser la scène. Les menottes furent ajustées sur les poignets du scientifique, et ce dernier fut emmené, toujours aussi impassible.
— Bien joué, dit Bullock en passant à côté de Gabriel. Je dois l'admettre, t'as bien bossé sur ce coup-là. Mais va pas croire que je vais t'en remercier à chaque fois, ajouta-t-il, retrouvant son ton habituel.
Gabriel répondit par un simple hochement de tête. Il n'attendait ni reconnaissance ni gratitude. Ce n'était pas pour cela qu'il était revenu à Gotham. Son travail était de protéger cette ville, même si cela signifiait rester dans l'ombre, loin des projecteurs.
Le bâtiment se vida lentement, les équipes forensiques prenant en charge les lieux et ramassant les dernières preuves. Gabriel resta un moment dans la pièce, fixant un point invisible dans l'obscurité. Cette enquête, bien que résolue, n'avait fait que raviver des souvenirs douloureux. Des souvenirs de ses propres erreurs, des traces de sang qu'il n'avait pas pu effacer de son passé.
Il sortit finalement du bâtiment, Bullock déjà parti, probablement retourné au commissariat pour remplir les rapports habituels. Gabriel se retrouva seul dans la nuit de Gotham, avec seulement les lumières lointaines des gratte-ciels pour lui tenir compagnie.
Il marcha, s'éloignant des lieux du crime, et trouva refuge sur un toit surplombant la ville. Là, dans le silence de la nuit, il laissa son esprit vagabonder à nouveau vers Marie. Elle lui manquait, plus que jamais, et ce souvenir ne cessait de le hanter.
Elle lui avait dit de trouver la paix, mais comment trouver la paix dans une ville comme Gotham, où les ténèbres semblaient omniprésentes, où chaque jour ressemblait à une bataille sans fin ?
Gabriel observa les lumières de Gotham s'étendre devant lui. Il savait qu'il n'était plus tout à fait l'homme qu'il avait été, mais il se demandait toujours si, quelque part, Marie serait fière de ce qu'il était devenu. Il avait tué, il avait sombré dans les ténèbres, mais il luttait encore, chaque jour, pour ne pas se laisser submerger. Il avait fait des erreurs, mais il n'avait jamais cessé d'essayer de les réparer.
— Marie, murmura-t-il dans le vent, son regard fixé sur l'horizon.
Le vent souffla doucement, comme une réponse silencieuse. Peut-être qu'elle l'entendait, peut-être qu'elle observait. Mais Gabriel savait que la rédemption n'était pas une voie facile. Chaque jour, il marcherait sur cette fine ligne entre la lumière et l'ombre, entre la justice et la vengeance.
Pour l'instant, la nuit l'appelait, et Gotham avait encore besoin de lui.
Gabriel se redressa et, en une fraction de seconde, il se transforma en une nuée de chauves-souris, s'élevant dans les airs pour disparaître dans la nuit. La ville continuait de vivre en dessous, mais pour Gabriel, cette nuit était une autre victoire silencieuse, une victoire de plus dans sa quête pour préserver ce qui restait de son humanité.
