Chapitre 18 : Les Sawyer

La nuit texane était lourde, enveloppée d'une chaleur étouffante qui, même à l'approche de l'hiver, semblait persistante. La petite ville de Cold Creek, nichée dans une vallée perdue entre les collines, paraissait figée dans le temps, tout comme ses habitants. Un silence assourdissant régnait sur les rues désertes, et seules les lumières tremblotantes des lampadaires brisés témoignaient encore d'une activité passée. Chaque fenêtre fermée semblait murée par une peur muette, un désespoir ancré dans les murs mêmes des maisons.

Dracula marchait calmement à travers la ville, ses bottes noires foulant doucement la poussière des routes. Ses sens captaient chaque vibration, chaque murmure du vent, et il ne lui avait pas fallu longtemps pour comprendre que cette ville vivait sous le joug d'une terreur sourde. Les autorités locales avaient baissé les bras depuis longtemps, incapables de faire face à ce qui hantait les confins de cette terre. Les disparitions s'étaient multipliées, et bien que des murmures parlaient d'accidents ou de fuites volontaires, tout le monde savait que la vérité était bien plus sombre.

Le nom des Sawyer flottait dans l'air, prononcé à demi-mot, comme une malédiction que personne n'osait défier. On parlait d'une famille recluse, vivant à l'écart de la ville, dans un ranch délabré, entouré de carcasses d'animaux et de rumeurs macabres. Les meurtres qui y étaient associés, bien qu'horribles, étaient presque toujours tus, comme si la simple évocation des crimes rendait leur terreur plus réelle.

Dracula savait qu'il ne s'agissait pas ici d'un mal surnaturel, mais il n'en restait pas moins impérieux d'intervenir. Les crimes des hommes, lorsqu'ils restaient impunis, pouvaient détruire bien plus que des vies. Ils infectaient l'esprit collectif, plongeant les innocents dans un abîme de peur dont ils ne ressortaient jamais vraiment. Ici, la ville était rongée par cette peur. Les regards fuyants, les portes verrouillées avant le coucher du soleil, les rues désertées... tout témoignait de l'empreinte indélébile de la famille Sawyer sur cette communauté brisée.

Alors qu'il approchait de l'entrée d'un vieux saloon à moitié en ruine, Dracula sentit un frémissement dans l'air. Une présence, presque palpable, d'une horreur latente, stagnait autour de lui. Cette terre portait le poids des péchés de ses habitants. La justice n'avait plus de sens ici, du moins pas celle des hommes.

"Je dois leur rappeler ce qu'est la justice," pensa Dracula en silence, ses yeux parcourant les ombres mouvantes. Il était temps de restaurer un ordre oublié.

Il n'était ni juge ni bourreau, mais un protecteur pour ceux qui ne pouvaient se défendre. Cela, il l'avait toujours su. Pourtant, il ressentait un tiraillement profond en lui, une part de son être qui comprenait les ténèbres. Autrefois, il avait été autre chose, plus proche de la bête que de l'homme. Il avait combattu ces instincts, mais jamais il ne pourrait les effacer complètement. C'était ce qui le rendait unique parmi les autres. Et c'était cette part sombre, ce lien avec l'obscurité, qui l'aidait à comprendre la folie des hommes et à affronter les monstres qu'ils devenaient.

La route vers le ranch Sawyer ne serait pas longue, mais elle serait jonchée d'horreurs humaines. Et bien que Dracula eût connu les pires créatures de la nuit, il savait que ce qu'il trouverait au bout de ce chemin ne serait ni plus ni moins que l'écho des ténèbres qui habitaient l'âme des hommes.

Gabriel, enveloppé dans les ténèbres de la nuit, avançait sans bruit sur la route poussiéreuse qui menait au ranch des Sawyer. Le vent du Texas soufflait faiblement, soulevant des tourbillons de sable autour de lui. Pourtant, au fur et à mesure qu'il approchait du lieu maudit, la chaleur étouffante du désert semblait céder sa place à une fraîcheur oppressante, presque cadavérique. Cette sensation lui était familière : celle d'une corruption ancienne, d'une folie qui imprégnait les lieux, infectant la terre elle-même.

Là, au loin, se dressait la silhouette délabrée du ranch. À première vue, la bâtisse n'avait rien de particulier — une vieille ferme en bois, avec des murs décolorés et un toit qui semblait tenir par miracle. Mais pour Gabriel, chaque détail trahissait la nature véritable de cet endroit. Les clôtures étaient brisées et rouillées, et des carcasses d'animaux étaient éparpillées tout autour, dégageant une odeur fétide. Plus il se rapprochait, plus l'air devenait lourd, imprégné d'une malédiction invisible mais palpable. Il pouvait entendre le bruissement des ombres qui rôdaient autour, des murmures inaudibles portés par le vent.

L'extérieur du ranch était un avant-goût des horreurs qu'il contenait. Des restes d'animaux suspendus aux arbres, décharnés, comme des sacrifices oubliés, s'entassaient le long du chemin. Les os blanchis par le soleil formaient un étrange motif sur le sol, tels des symboles d'une cérémonie macabre. Des peaux d'animaux flottaient au vent, accrochées comme des trophées à des piquets plantés dans le sol. Le lieu était à mi-chemin entre une boucherie et un sanctuaire morbide, où la mort régnait en maîtresse absolue.

Gabriel, dans son apparence humaine, sentit une présence bien plus sombre que ce qu'il avait initialement perçu en arrivant dans cette région. C'était comme si le ranch lui-même aspirait les âmes perdues et les emprisonnait, les enchaînant à une existence de douleur éternelle. Un sentiment de tristesse profonde et d'horreur enfouie monta en lui, mais il resta impassible. Il avait traversé des siècles de cauchemars bien plus terrifiants que celui-ci, mais ce qu'il ressentait ici était différent. Ce n'était pas la simple cruauté des hommes, mais une folie collective qui s'était ancrée dans le sang des habitants du ranch.

Les cris silencieux des victimes semblaient résonner dans chaque ossements éparpillé, chaque éclat de métal rouillé qui brillait faiblement sous la lune. Ce ranch n'était pas seulement un lieu de meurtres, c'était un tombeau à ciel ouvert.

Gabriel s'immobilisa devant la porte principale. De l'intérieur, il percevait une âme tourmentée, enchaînée à une vie de violence. Leatherface. Gabriel connaissait ce genre de malédiction, celle qui prenait racine dans le traumatisme et la manipulation. Leatherface, bien qu'un tueur effroyable, n'était pas né monstre. La corruption de son esprit, l'influence toxique de sa famille, l'avaient transformé en une bête sans conscience ni répit, un instrument de terreur pour les Sawyer. Gabriel ressentait cette souffrance en lui, une douleur brute, inhumaine, mais néanmoins teintée de la fragile humanité qui restait dans cet être déformé par la violence.

« Une âme brisée, capturée dans un cycle infernal… » murmura Gabriel, ses yeux perçant à travers les ombres.

La maison elle-même semblait vivante, comme si elle respirait au rythme de la folie qui la consumait. Le bois des murs craquait sous l'effet de la chaleur résiduelle du jour, mais c'était plus qu'un simple effet du climat. Le mal ici n'était pas seulement dans les actes, il suintait littéralement des murs. Chaque brique, chaque planche de bois semblait avoir été témoin de crimes innommables, et portait la marque de la peur et de la souffrance.

Gabriel poussa la porte, qui s'ouvrit dans un grincement sinistre. L'intérieur du ranch était encore plus oppressant que l'extérieur. L'odeur de la chair en décomposition, des fluides corporels et de la terre imbibée de sang assaillait ses narines, bien qu'il ne soit plus humain pour être incommodé par de telles choses. Des morceaux de cadavres humains et animaux étaient mélangés sans distinction, comme des œuvres macabres suspendues aux murs ou déposées sur des meubles décrépis. Les os étaient assemblés en sculptures grotesques, les restes humains offerts comme des trophées macabres.

Le silence régnait, seulement rompu par un vrombissement lointain. Gabriel le reconnut immédiatement : le son caractéristique d'une tronçonneuse se réverbérait quelque part dans la maison. Leatherface n'était pas loin, préparant sûrement un nouveau massacre. Gabriel se concentra, cherchant à localiser la source du bruit tout en maintenant ses sens en alerte. Chaque ombre pouvait dissimuler une menace, mais il n'était pas effrayé.

Gabriel savait qu'il s'apprêtait à affronter non seulement la force brute de Leatherface, mais également la folie collective d'une famille entière, façonnée par la violence et le désespoir. Mais il ne tuerait pas ces âmes perdues. Leur destin n'était pas d'être détruit, mais de faire face à leurs propres démons dans un lieu où ils seraient neutralisés pour de bon.

Il progressa encore dans la maison, ses pas résonnant faiblement sur le sol en bois, prêt à mettre fin à cette terreur sans verser de sang.

Le grondement de la tronçonneuse perça le silence oppressant de la maison, se répercutant sur les murs en un rugissement métallique. Leatherface apparut dans l'embrasure de la porte, immense et massif, tenant son arme avec une fureur aveugle. Son masque fait de peau humaine cachait son visage, mais ses yeux, brillants de démence, étaient fixés sur Gabriel. L'air était saturé de menace, et chaque pas de Leatherface semblait faire trembler le sol sous ses pieds.

Sans attendre, Leatherface chargea, la tronçonneuse vrombissante en avant, prête à trancher tout sur son passage. Dracula, toujours en forme humaine, attendit le dernier moment, esquivant la lame avec une grâce surnaturelle. Le son strident de l'acier mordant l'air résonna dans la pièce alors que Gabriel se déplaçait avec une vitesse impossible pour un simple mortel. Leatherface, quant à lui, était une force brute, dénuée de finesse mais d'une puissance terrifiante.

Gabriel analysait chaque mouvement. Les gestes de Leatherface étaient désordonnés, marqués par une rage incontrôlée et une douleur sourde qui transperçait son être. Il n'était pas simplement un monstre, mais une âme tourmentée, prisonnière d'un cycle de violence que sa famille lui avait imposé. Dracula pouvait sentir cette douleur à travers chaque coup porté, à travers chaque cri bestial.

Leatherface frappa à nouveau, cette fois balayant la pièce avec sa tronçonneuse, espérant prendre Gabriel par surprise. Mais une fois encore, Dracula esquiva avec une aisance déconcertante, se déplaçant comme une ombre, fluide et insaisissable. Chaque mouvement de Gabriel contrastait avec la brutalité désespérée de son adversaire. Il évitait soigneusement tout geste qui pourrait blesser mortellement Leatherface, sachant que la violence n'était pas la réponse ici.

Alors qu'il esquivait un autre coup, Gabriel plongea son regard dans celui de Leatherface. Il ne voyait pas un tueur en série, mais un homme brisé, réduit à un instrument de terreur par une famille qui exploitait sa faiblesse mentale. Bubba Sawyer, alias Leatherface, n'avait jamais eu de choix, il avait été façonné par l'horreur de son environnement.

"Tu n'es pas né monstre," murmura Gabriel, alors que la tronçonneuse passa à quelques centimètres de son visage, le forçant à se déplacer à nouveau. "Ce n'est pas toi qui as choisi cette vie."

Leatherface répondit par un rugissement guttural, incapable de parler, son visage caché derrière ce masque grotesque de peau humaine. Mais Gabriel pouvait sentir sa confusion, sa douleur. Leatherface n'était pas un être de pur mal comme les créatures qu'il avait affrontées par le passé. Il était l'incarnation tragique d'un esprit innocent dévoyé par la folie et la manipulation.

La tronçonneuse s'abattit violemment sur un meuble à proximité, le réduisant en éclats de bois, alors que Gabriel se déplaçait avec rapidité pour éviter le choc. Leatherface, aveuglé par la rage, ne se rendait pas compte que sa force brute n'aurait aucun effet contre Gabriel.

Gabriel fit un pas en arrière, observant Leatherface s'essouffler sous l'effort, la tronçonneuse toujours rugissante entre ses mains. Ce géant aux mains tâchées de sang était une machine de destruction, mais au fond, il était surtout un enfant pris au piège d'un cauchemar. Dracula, dans son introspection, se rappela son propre passé, lorsqu'il avait lui aussi été consumé par la haine et la vengeance. Il connaissait le poids des ténèbres et la manière dont elles pouvaient dévorer l'âme.

Il savait qu'il ne pouvait pas tuer cet homme. Le tuer serait un acte de cruauté inutile. Ce qu'il fallait, c'était l'arrêter, le libérer de cette folie qui l'emprisonnait. Dracula était là pour mettre fin à la terreur, mais pas pour ajouter plus de sang sur ses mains.

Leatherface attaqua à nouveau, mais cette fois, Gabriel n'attendit pas. Utilisant ses réflexes vampiriques, il s'élança à une vitesse fulgurante, attrapant le bras de Leatherface en plein mouvement, le forçant à relâcher la tronçonneuse qui tomba au sol avec un bruit sourd. L'arme, une fois si menaçante, reposait maintenant immobile, tandis que Gabriel maintenait fermement Leatherface dans une prise puissante mais contrôlée.

Leatherface se débattit, essayant de se libérer de l'étreinte de Gabriel, mais ce dernier ne montrait aucun signe de fatigue. Au contraire, sa poigne était inébranlable, et Leatherface réalisa pour la première fois que cet homme n'était pas comme les autres. La panique commença à s'installer dans ses yeux alors qu'il comprenait qu'il était dépassé.

"Je ne te tuerai pas, Bubba," déclara Gabriel, son ton grave et calme. "Mais je vais mettre fin à cette folie."

Leatherface grogna, luttant encore, mais ses forces faiblissaient. Gabriel relâcha légèrement son emprise, assez pour lui permettre de respirer, mais pas pour qu'il puisse reprendre le combat. La lutte était terminée, mais Gabriel savait qu'il ne s'agissait pas seulement d'arrêter un homme. Il devait libérer cette âme enchaînée par la violence et la manipulation de sa famille.

Leatherface tomba à genoux, épuisé, ses épaules tremblantes sous le poids de sa propre existence. Gabriel regarda le géant, réalisant que ce n'était pas la victoire d'un combat, mais l'accomplissement d'un devoir moral. Leatherface avait besoin d'être arrêté, mais il méritait aussi d'être soigné, pas éliminé.

Alors que le silence retombait dans la maison, Gabriel releva les yeux, prêt à affronter le reste de la famille Sawyer. Il sentait leur présence à proximité. Mais ils ne savaient pas encore que leur règne de terreur était sur le point de prendre fin, de manière bien plus douce que ce qu'ils auraient pu imaginer.

Le silence pesant qui régnait après la défaite de Leatherface fut rapidement rompu par des cris et des pas précipités venant de l'étage supérieur. Gabriel tourna la tête, ressentant la présence de deux autres esprits tout aussi troublés que celui de Bubba. Drayton, le patriarche manipulateur, et Nubbins, l'insaisissable frère, étaient en route, croyant pouvoir sauver Leatherface.

Gabriel relâcha légèrement son emprise sur Bubba, qui s'écroula au sol, épuisé. Le géant ne montrait plus aucun signe de résistance. La force de Leatherface avait été terrifiante, mais elle était désormais éteinte. Toutefois, Gabriel savait que les autres membres de la famille Sawyer ne se laisseraient pas neutraliser aussi facilement.

Drayton Sawyer descendit en premier, une lueur de folie dans les yeux. Ce n'était pas un homme de combat, mais un manipulateur, un maître de la peur et de la ruse. Il brandissait un couteau, mais c'était surtout son esprit retors qui le rendait dangereux. "Qui es-tu, espèce de démon ?" cracha Drayton. "Personne ne rentre ici et s'en sort vivant."

Derrière lui, Nubbins, le plus sauvage des frères, s'agita, brandissant un marteau rouillé, un rictus dément plaqué sur son visage. Contrairement à Drayton, Nubbins était prêt à tuer pour le plaisir. Il regardait Gabriel avec une haine viscérale, prêt à le frapper sans la moindre hésitation.

Gabriel se redressa, impassible face à la fureur qui s'abattait sur lui. Il n'avait pas besoin de violence pour les stopper. Alors que Drayton et Nubbins se précipitaient vers lui, Gabriel leva légèrement la main. Une ombre, d'abord fine, s'épaissit dans la pièce, rampant sur les murs comme une entité vivante. Il n'eut besoin d'aucune parole pour les contrôler.

Les ombres s'étirèrent, formant des formes grotesques autour des deux Sawyer, créant l'illusion que la maison elle-même se refermait sur eux. Drayton s'arrêta brusquement, les yeux écarquillés. Nubbins, cependant, ne se laissa pas dissuader par les illusions et fonça sur Gabriel, le marteau levé. Mais avant qu'il ne puisse atteindre sa cible, une vague invisible de télékinésie le frappa, le projetant contre le mur avec une force contrôlée. Nubbins s'effondra dans un râle de douleur.

Drayton, paralysé par la terreur, observait avec incrédulité. Il tenta de reculer, mais une autre illusion le piégea : les ombres s'étaient resserrées autour de lui, prenant la forme de chaînes noires qui s'enroulaient lentement autour de son corps, l'immobilisant sur place. Il lâcha son couteau, ses mains tremblantes cherchant désespérément une issue.

"Vous avez vécu trop longtemps dans ce royaume de terreur," déclara Gabriel, sa voix basse et chargée de gravité. "Mais cette nuit, votre règne prend fin."

Nubbins, groggy mais toujours furieux, se releva péniblement. Il balança son marteau une dernière fois, dans un geste désespéré. Gabriel tendit la main, et le marteau s'immobilisa à quelques centimètres de son visage, retenu par une force invisible. D'un simple geste, Gabriel désarma Nubbins, faisant tomber l'arme au sol avec un bruit sourd.

"Tu as fait ton temps," murmura Gabriel, ses yeux plongeant dans ceux de Nubbins, perçant la folie qui y brillait. Une vague d'apaisement se répandit à travers le corps de Nubbins, comme s'il comprenait soudainement que la violence ne pouvait plus le sauver. Ses muscles se détendirent, et il s'effondra, vaincu, mais toujours en vie.

Drayton, bien qu'encore piégé dans les illusions des ombres, tenta de parler, cherchant à manipuler Gabriel par des paroles venimeuses. "Tu ne comprends pas… Nous survivons ! Nous sommes la loi ici !"

Gabriel le regarda, silencieux. Il voyait au-delà de la façade arrogante de Drayton. Cet homme n'était rien de plus qu'un être brisé, contrôlant sa famille par la peur et le mensonge, incapable de faire face à la réalité qu'il avait lui-même créée.

"Dites-vous cela pour vous rassurer, Drayton ?" répliqua Gabriel, calmement. "Parce qu'aujourd'hui, cette loi a changé."

D'un geste fluide, Gabriel dissipa les illusions, laissant Drayton et Nubbins dans un état de confusion, mais indemnes. L'air était redevenu normal, bien que la maison portât encore les stigmates de décennies de folie et de violence.

Les Sawyer étaient tous neutralisés, Leatherface toujours agenouillé dans un coin, Drayton terrifié et Nubbins trop désorienté pour tenter quoi que ce soit. Gabriel avait réussi à les stopper sans verser une goutte de sang, sans ajouter à la spirale infernale de violence qui les avait consumés pendant tant d'années.

"Je ne suis pas ici pour vous tuer," déclara Gabriel. "Mais pour vous forcer à faire face à ce que vous êtes devenus."

Les mots de Dracula résonnèrent dans le silence pesant de la maison. La famille Sawyer, qui avait semé la terreur pendant si longtemps, venait de rencontrer une force bien plus grande qu'eux, une force qui refusait de succomber à la vengeance ou à la colère.

Gabriel se retourna lentement, songeant à la prochaine étape. Il devait maintenant s'assurer que la justice serait rendue.

Gabriel se tenait devant l'entrée délabrée du ranch Sawyer, ses pensées tourbillonnant dans le calme retrouvé. Les membres de la famille étaient tous neutralisés, les visages marqués par la confusion, la folie, et pour certains, la résignation. La terreur qui avait sévi dans cette région du Texas était enfin arrivée à son terme, non par le sang, mais par une justice qui cherchait à offrir un semblant de rédemption, même aux âmes les plus perdues.

Il savait que la prochaine étape était cruciale. La justice humaine devait intervenir, et Gabriel, bien que puissant, comprenait l'importance de déléguer cette partie aux autorités locales.

Après avoir composé le numéro du bureau du shérif, il attendit que quelqu'un décroche.

"Allô ? Qui est à l'appareil ?" La voix du shérif était rauque, probablement épuisée par des années de tentatives infructueuses pour résoudre ces disparitions et crimes horribles.

"Je suis au ranch Sawyer. Je vous conseille de venir immédiatement."

"Le ranch Sawyer ? Ce... vous plaisantez ? Cet endroit est un cauchemar vivant, personne n'en sort jamais."

Gabriel resta silencieux un instant, laissant l'impact de ses paroles s'enfoncer dans l'esprit du shérif. "Le cauchemar est terminé. Envoyez des renforts et préparez des véhicules pour transférer la famille Sawyer dans un établissement approprié. Ils sont neutralisés et ne résisteront plus."

Le shérif balbutia quelques mots, ne sachant pas comment répondre à cette assurance. Finalement, il acquiesça, se contentant d'un simple "Nous arrivons", avant de raccrocher.

Gabriel rangea le téléphone et se retourna vers la maison qui, malgré l'absence de vie violente en son sein, semblait encore vibrer d'une sombre énergie résiduelle. Il savait que la folie ne disparaîtrait jamais complètement de ces murs, mais au moins, elle ne ferait plus de nouvelles victimes.

Il jeta un dernier regard vers la famille. Leatherface, toujours à genoux, ne faisait plus un geste. Nubbins gémissait doucement, tandis que Drayton, immobile, semblait perdu dans ses pensées. Gabriel voyait dans leurs yeux la fin de leur règne de terreur, mais aussi la fin de leur contrôle sur leurs propres démons. Il ne leur offrait pas la rédemption, mais plutôt une chance d'être jugés, et peut-être de trouver une certaine paix dans la folie qui les avait consumés.

Gabriel s'éloigna légèrement de la maison, ses sens toujours en alerte. Le vent se leva, faisant craquer les planches du vieux ranch. L'odeur de la terre humide et des vieilles carcasses s'estompait déjà, remplacée par le silence pesant d'une conclusion inévitable.

Alors qu'il attendait l'arrivée des forces de l'ordre, Gabriel laissa ses pensées vagabonder sur la notion de justice. Depuis des siècles, il avait affronté des êtres corrompus par le mal, par des forces qui les dépassaient, mais jamais la folie humaine ne cessait de l'étonner. Leatherface et sa famille n'étaient pas des monstres surnaturels, mais des hommes et des femmes brisés, poussés à l'extrême par la folie et la douleur. Pourtant, leur destin n'avait rien à envier aux créatures démoniaques qu'il avait pour habitude de combattre. Ils étaient prisonniers d'une autre forme de mal.

La lueur des gyrophares des voitures de police déchira soudain la nuit texane. Le ranch lugubre fut bientôt entouré d'officiers en armes, leurs visages tendus, presque terrifiés à l'idée de mettre les pieds sur cette terre maudite. Gabriel resta en retrait, observant d'un œil vigilant, s'assurant que tout se passerait comme prévu.

Le shérif, un homme trapu avec des cheveux grisonnants, descendit de son véhicule, sa lampe de poche tremblotante pointée vers le ranch. "Bon Dieu... Vous avez vraiment réussi..."

Gabriel, se tenant à l'ombre d'un grand chêne, hocha simplement la tête. "Ils sont à l'intérieur. Ils ne sont plus un danger."

Le shérif s'avança prudemment, ses hommes derrière lui, comme s'ils entraient dans un champ de mines. Ils trouvèrent les Sawyer comme Gabriel l'avait dit : immobiles, vaincus, mais vivants. Leatherface était toujours prostré, ses épaules tombantes, tandis que Drayton, dans un dernier élan de fierté, lança un regard haineux aux officiers. Mais même lui savait que c'était fini.

L'un des policiers murmura, "On dirait un asile ambulant…"

Le shérif se tourna vers Gabriel, encore incrédule face à l'ampleur de ce qui venait de se passer. "Qu'est-ce que vous êtes ? Un justicier ? demanda-t-il, cherchant une explication rationnelle à l'inexplicable.

"Je suis simplement un homme qui protège ceux qui ne peuvent se protéger," répondit Gabriel, sa voix empreinte de mystère. "Vous avez maintenant la tâche de les emmener loin d'ici. Ils doivent être enfermés, soignés, ou du moins neutralisés définitivement."

Les autorités commencèrent à menotter la famille, Drayton vociférant des insultes tandis que Nubbins marmonnait des paroles incohérentes. Leatherface, lui, resta silencieux, obéissant comme un enfant.

Alors que la famille Sawyer était emmenée, Gabriel recula dans l'obscurité, ne souhaitant pas attirer plus d'attention. Il observa, pensif, alors que les voitures s'éloignaient, les sirènes s'évanouissant dans la nuit tranquille.

"Que cette terre retrouve enfin un peu de paix," murmura Gabriel avant de disparaître dans les ténèbres, son devoir accompli. Mais il savait que cette paix était toujours fragile, menacée par les horreurs qui rôdent, prêtes à surgir. Et il était prêt, comme toujours, à faire face au mal, quel qu'il soit.