Je suis de retour! Joyeux Noël! Merci à tous pour votre patience, cette pause m'a fait un bien fou! Maintenant je suis de retour et j'ai trop trop hâte d'écrire, j'espère rattraper ma marge pendant les vacances! Normalement, le prochain chapitre sera donc le dimanche 5 janvier et ensuite on reprend le rythme d'un chapitre toutes les deux semaines!
Merci pour tous vos messages! :)
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Drago
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Des figures noires et floues qui marchent sur un terrain vert.
Des cahiers tachés d'encre noire aux lignes illisibles.
Des flacons aux liquides sombres sur des étagères.
Une longue cape noire qui glisse sur la pierre.
"Concentrez-vous, Drago." murmura une voix grave, qui pénétra dans sa tête comme un souffle.
Drago essaya de s'accrocher aux ligaments de pensées, mais elles s'évaporaient quand il était assez près pour les saisir. Une image apparaissait devant ses yeux dès qu'il en prenait une, mais c'était trop rapide pour qu'il puisse comprendre ce qu'elle représentait.
"Concentrez-vous." répéta Rogue inlassablement.
Il voulut crier de protestation, mais il n'avait plus aucun air dans ses poumons. Il avait l'impression que ses jambes étaient engourdies, comme s'il essayait de marcher dans des sables mouvants, ou dans de l'eau très profonde. Un mal de tête tapait contre ses tempes et il ferma les yeux quand son bras tomba de fatigue.
L'instant d'après, il était revenu dans le bureau de Rogue.
"C'était très bien, Drago."
Il essaya de répondre, mais sa langue refusait de bouger. Il avait l'impression que son corps ne lui appartenait plus, qu'il s'était décomposé et qu'il voyait la scène de très loin. Il ne sentait plus ses jambes. Rogue matérialisa un verre d'eau mais Drago n'esquissa aucun geste pour le prendre. Il n'en avait pas la force.
"Vous avez médité." devina Rogue après plusieurs secondes.
Drago leva la tête lassement vers son professeur de Potions. Il ne comprenait pas comment il pouvait en arriver à cette conclusion à cet instant, parce qu'il n'avait rien fait d'extraordinaire ce soir, c'était comme si tous ses efforts depuis des mois avaient été réduits à néant. Il hocha tout de même la tête et il eut la douloureuse réalisation que sa mâchoire était aussi lourde que si elle avait été faite en pierre.
"Vous avez pris mes menaces à cœur." réalisa Rogue avec une certaine fierté. "Vous avez enfin réalisé le danger qui pesait sur vous."
Drago eut un petit rire qui secoua ses épaules mais le son se transforma plutôt en hoquet de douleur.
"C'est très bien, Drago. Les sciences de l'Occlumancie et de la Légilimancie sont cérébrales avant tout, et ne peuvent pas être mises complètement à exécution si votre volonté faillit. Je vois que vous avez retrouvé votre motivation."
Drago n'était pas vraiment d'accord. Il n'avait jamais perdu sa motivation. Il n'avait pris ces cours que pour protéger Granger, pour lui enseigner à son tour comment fermer son esprit des intrus. Il n'avait jamais perdu de vue cet objectif. C'était sa propre tête qui l'avait abandonné, il avait perdu le goût de la méditation quand Granger s'était éloignée. Il avait soudainement oublié comment fermer correctement son esprit tant il avait été accaparé par son absence, et maintenant qu'elle était revenue et qu'il était retourné à la table de la Bibliothèque, il y arrivait de nouveau. Rien à voir avec de l'entraînement intensif ou de la remotivation.
Peut-être que l'Occlumencie était liée au cœur, mais que Rogue ne l'avait jamais associé, parce qu'il n'en avait pas.
"Nous nous reverrons jeudi pour votre entraînement en Légilimancie." annonça Rogue en contournant son bureau pour atteindre la porte.
"Quoi ?" demanda Drago, qui avait retrouvé sa voix, bien qu'elle était enrouée après l'exercice de Légilimancie. "Non, je veux continuer à…"
"Ce ne sera pas possible ce soir, Malefoy." coupa sèchement Rogue. Il ouvrit la porte de son bureau et montra le couloir faiblement éclairé d'un geste de la main : "Vous pouvez disposer."
"Mais, Professeur…"
"Les lundis soirs ne sont plus possibles." dit Rogue. "Je serai ici jeudi, à 18h, pour que nous puissions continuer à vous entraîner en Légilimancie. En attendant, méditez et entraînez vous à fermer votre esprit à des moments aléatoires de la journée."
Drago ne pouvait plus compter le nombre de fois où Rogue lui avait dit ça. Il détestait être renvoyé de la sorte, comme s'il faisait un caprice enfantin. Il voulait continuer la Légilimancie, il voulait comprendre cet art obscur que Rogue maîtrisait si bien et qu'il n'arrivait pas à perfectionner. Il manquait toujours trop de temps, et Rogue était le seul à pouvoir l'entraîner dignement. Il avait pensé qu'en venant ici un lundi soir, ils pourraient s'entraîner pendant des heures.
Drago grommela et marcha jusqu'au palier de la porte. Rogue paraissait anxieux, comme s'il avait hâte qu'il parte, et Drago ne comprenait pas pourquoi. C'était lui qui insistait toujours pour pratiquer, encore et encore, malgré la fatigue et la douleur et les plaintes.
Il comprit pourquoi une seconde avant de lui demander.
Des pas retentirent dans le couloir et Drago reconnut Potter dans la pénombre. Il marchait vers eux sans les voir, les yeux fixés sur le sol en pierre froide sur laquelle il marchait, vêtu d'un pull de Quidditch abîmé à l'effigie de Gryffondor. La lumière des torches lui donnait un air lugubre qui accentuait ses cernes et sa grimace d'horreur quand il arriva à leur hauteur et qu'il aperçut Drago et Rogue.
Pendant une seconde, Drago ne comprit pas ce que Potter foutait là, au beau milieu du couloir des Serpentards bien après l'heure du dîner. Son cerveau ralenti par la Légilimancie mit du temps à comprendre pourquoi il s'arrêta devant le bureau, et pourquoi il regardait stupidement Drago et Rogue successivement sans rien dire, et pourquoi Rogue ne lui hurlait pas dessus, ou qu'il ne lui enlevait pas des points.
La réalisation le frappa et il se tourna vers son professeur avec un air de pur outrage sur son visage :
"Qu'est-ce qu'il fout là ?!"
Rogue ne répondit rien mais pinça les lèvres sévèrement, comme si Drago était un enfant dissipé sur le point de faire une crise de nerf.
"Je pourrais poser la même question, Malefoy." répliqua Potter froidement.
Drago ne lui accorda même pas un regard.
"C'est pour ça ?" demanda-t-il à Rogue en montrant Potter du doigt, sans cacher sa rancœur dans sa question. "C'est pour Potter ?"
"Je vous verrai demain, Malefoy." répondit Rogue.
Drago cracha un soupir agacé.
"Potter, entrez."
Ce dernier ne se gêna pas pour passer entre les deux en bousculant violemment l'épaule de Drago au passage. Ce dernier se fit la réflexion que Potter agissait rarement ainsi devant Granger. Elle savait que leur haine était mutuelle, mais elle n'avait jamais vraiment vu ce côté-là de lui. C'était peut-être pour ça qu'elle prenait toujours son côté.
Drago fut contraint de sortir et Rogue ferma la porte derrière lui. Drago n'aurait pas su expliquer pourquoi l'image de son professeur préféré fermer la porte au nez de Drago avec un Potter presque jubilant dans le fond lui déclencha une forme de jalousie qu'il n'avait jamais ressenti jusqu'alors.
Il ne savait pas vraiment s'il pouvait décrire le lien qui l'unissait avec Rogue comme étant amical, parce que c'était la personne la plus froide et distante qu'il connaissait, mais il avait toujours ressenti une espèce de respect entre les deux, une entente. La plupart du temps, il le détestait pour le mettre dans cet état de fatigue intense tous les jeudis soirs, ou pour avoir vu des choses bien trop personnelles dans son esprit. Mais après que Drago se soit fait virer pour que Rogue puisse enseigner à Potter tout ce qu'il avait appris à Drago, il eut le sentiment de s'être fait relégué au second plan, et il eut envie de pleurer.
Son égo prit tout de suite le dessus. Il ravala sa vulnérabilité et ferma son esprit, en essayant de ne pas penser au fait que l'homme qui lui avait enseigné comment le faire était en train de l'apprendre au garçon qu'il haïssait plus que tout. Il monta les marches de l'escalier en ignorant ses courbatures lancinantes aux jambes à chaque pas qu'il faisait et arriva au premier étage. Il savait que Weasley avait un entraînement ce soir, ça voulait dire que Granger était à la Bibliothèque. Il s'y dirigea avec la ferme intention de se plaindre auprès d'elle et que sa voix calme son mal de tête.
Il ne regarda pas Madame Pince quand elle le salua et se dirigea directement vers la table reculée. Il sut qu'elle était là rien qu'en atteignant les étagères, parce qu'il pouvait entendre le crissement de la plume sur le papier et l'odeur de thé à la cannelle. Quand elle l'entendit arriver, elle leva la tête sans comprendre.
"Qu'est-ce que tu fais là ?" demanda-t-elle avec étonnement.
"Ravi de te revoir aussi, Granger." répondit-il ironiquement.
Il marcha vers la chaise inoccupée en face d'elle et elle poussa un petit cri épouvanté :
"Drago ! Tu boites !"
Il ignora sa remarque.
"Est-ce que Potter prend des cours d'Occlumancie ?" questionna-t-il.
Il pouvait deviner sa réponse juste en la regardant. Elle écarquilla à peine les yeux et son index se crispa un peu contre sa plume, une fraction de seconde, mais juste assez pour que Drago le remarque. Ses craintes furent confirmées et il prit sa tête entre les mains :
"Putain !" lança-t-il.
"Comment… Pourquoi tu me poses cette question ?" demanda Granger en essayant de garder une attitude calme et composée alors qu'il savait pertinemment qu'elle paniquait intérieurement.
"Parce que je viens de le voir entrer dans le bureau de Rogue." lâcha-t-il avec colère.
"Oh." répondit-elle.
Drago essaya d'imaginer Potter se mettre au même endroit que lui, devant le bureau, en train de ressentir cette même sensation d'aiguille contre la paroi de son lobe frontal, et il fut assailli par une vague de rancœur.
"Dis moi Granger, qui a suggéré l'idée parfaitement stupide d'enseigner à Potter l'Occlumencie ?" râla-t-il à voix haute. "Dumbledore ? Rogue ?"
Soudain, une horrible réalisation remonta le long de sa gorge et il releva la tête pour la regarder :
"Toi ?"
Granger afficha un air blasé :
"Tu es ridicule." dit-elle. "Non, ce n'était pas moi, c'était Dumbledore. Mais je te l'ai dit, je pense que c'est une excellente idée, Harry en a besoin."
"Pourquoi ?" demanda-t-il hargneusement.
"Parce que Voldemort est capable d'entrer dans sa tête." répondit-elle calmement.
Drago sursauta tellement fort que son genou tapa contre la table et que la tasse de thé de Granger explosa contre le parquet.
"Putain, Granger ! Ça va pas non ?!" s'exclama-t-il, en essayant tant bien que mal de murmurer pour que personne de la Bibliothèque ne puisse l'entendre. "Tu es malade ? Depuis quand oses-tu prononcer Son nom ?!"
"Depuis le début de l'année." dit-elle d'un ton léger, imperturbable, comme s'ils discutaient de sa dernière note d'essai et pas du sorcier le plus dangereux de tous les temps. "Dumbledore dit que la peur d'un nom ne fait qu'accroître la peur de la chose elle-même."
"J'en ai rien à foutre de ce que raconte Dumbledore !" dit Drago, qui parlait de plus en plus fort. "Tu ne devrais pas prononcer ce nom, Granger, ça porte malheur !"
Elle arqua un sourcil dans sa direction et sortit sa baguette :
"Wingardium Leviosa." lança-t-elle en direction des débris de sa tasse de thé sur le sol. "Je pense qu'il a autre chose à faire que de hanter une née-Moldue parce qu'elle a prononcé son nom. Ce sont des légendes, Drago. Des histoires pour faire peur. Reparo."
La tasse se reconstitua sans la moindre fissure apparente. Drago avait toujours le souffle court et porta une main à sa poitrine pour essayer de calmer son cœur.
Il n'avait entendu ce nom que quatre fois dans sa vie. Une fois quand son père avait été alcoolisé et qu'il l'avait laissé glisser sans le vouloir, un soir avant Poudlard quand Blaise lui avait chuchoté dans l'oreille sous une cabane improvisée dans son jardin, et deux fois par Potter dans la classe d'Ombrage. Il avait tressailli à chaque fois, comme si le porteur du nom en personne était juste derrière lui et attendait qu'il se retourne pour le tuer sur le champ. Mais l'entendre de la bouche de Granger était encore plus terrifiant, parce qu'elle le disait comme s'il n'était rien, comme s'il ne contaminait pas sa bouche parfaite rien qu'en le prononçant.
"Tu-Sais-Qui peut entrer dans sa tête ?" demanda Drago après plusieurs secondes où il reprit son souffle avec difficulté. "Potter ?"
"Oui, en quelque sorte." répondit-elle vaguement.
Elle remplit la tasse d'eau bouillante et trempa un nouveau sachet dedans. Drago ressentit l'envie contradictoire de s'excuser de lui avoir cassé sa tasse préférée mais il n'arrivait toujours pas à assourdir l'écho de sa voix dans son crâne. Il devait absolument ranger ce souvenir dans le livre le plus lointain de sa Bibliothèque pour ne plus jamais y repenser.
"Comment est-ce possible ?" demanda-t-il.
Granger haussa les épaules, mais son front était barré par un pli anxieux qu'il repéra dès qu'elle leva la tête vers lui :
"Nous en savons très peu. Et tu as interdiction d'en parler, Drago, à qui que ce soit."
Il leva les yeux au ciel mais elle insista :
"Drago, sérieusement, je te partage des secrets beaucoup trop confidentiels, c'est dangereux !"
Il faillit s'esclaffer en notant l'ironie de la situation.
"Je ne dirai rien, Granger. Je ne suis pas intéressé par les histoires de Potter, de toute façon."
C'était faux, et elle le savait très bien, mais elle hocha la tête et retourna à son essai. Plusieurs mèches tombèrent sur sa copie quand elle se pencha et elle les chassa d'un geste de la main.
"Qu'est-ce que tu faisais dans le bureau de Rogue, d'ailleurs ?" demanda-t-elle en continuant d'écrire, un talent que Drago aurait rêvé d'avoir. "Tu as cours les jeudis soirs, non ?"
"Je voulais m'entraîner. Et Rogue m'a menacé avant les vacances d'arrêter de m'enseigner la Légilimancie si je ne m'y remettais pas, je voulais lui prouver que je l'avais fait… Mais il faut croire que Potter détient le créneau du lundi soir désormais."
Drago croisa ses bras contre sa poitrine et réalisa qu'il ressemblait, pour la troisième fois de la soirée, à un enfant capricieux.
"Ah." dit Granger. Elle avait un sourire en coin et son regard brillait d'amusement, toujours penchée sur son parchemin. "Tu es jaloux."
"Pas du tout." répliqua Drago instantanément.
"Si, tu l'es. Tu es jaloux qu'Harry puisse profiter de ton professeur préféré pour lui enseigner une science que tu maîtrises et dont il va s'attribuer tout le mérite."
Drago ouvrit et referma la bouche plusieurs fois sans savoir quoi dire. Il était toujours choqué de la perception exacte que Granger avait de lui. Il savait qu'il se révélait beaucoup plus à elle qu'avec les autres, mais il avait toujours du mal à réaliser à quel point elle le cernait bien.
"Tu vois ?" dit-elle quand il ne répondit pas. "J'ai raison."
Elle fit un petit sourire satisfait et Drago faillit rire, avant de se rappeler qu'il était censé être indigné.
"Je n'ai rien à envier de Potter." dit-il.
"Tu lui envies l'attention de Rogue." répondit Granger du tac au tac. "Tu lui en veux de te piquer ton professeur, et tu n'aimes pas partager. C'est du Drago tout craché."
"Ce n'est pas vrai."
Mais Granger était trop sûre d'elle pour qu'il puisse réfuter. Il savait qu'elle avait raison, comme d'habitude, mais il ne voulait pas admettre cette faiblesse à haute voix, et la laissa donc continuer sans rien dire :
"Tu n'as pas grandi avec Pansy ?" demanda-t-elle, alors qu'elle connaissait parfaitement la réponse. "Tu ne devais pas partager tes jouets avec elle ?"
Il tapota la table avec ses doigts en feignant le désintérêt. Il se souvint soudainement de leurs parties de jeux inventées dans le jardin du Manoir entre deux cours particuliers et fut un instant happé par ses souvenirs nostalgiques. Il pouvait visualiser la tête de Pansy, avec une dent en moins et la frange toute décoiffée d'avoir tant couru, il pouvait encore entendre sa voix fluette lui donner des règles d'un jeu que personne d'autre qu'eux ne connaissait. Il se voyait s'élancer sur la pelouse et râler quand le professeur de latin les appelait depuis le Manoir.
À cette époque, il passait son temps à rêver, parler et attendre Poudlard. Aujourd'hui, ce qu'il voulait voulait plus que tout, c'était passer une après-midi entière à jouer avec Pansy dans son jardin.
"Non. J'imagine qu'on avait chacun nos jouets." finit-il par dire.
"Typique de l'enfant unique." dit Granger en levant les yeux au ciel.
"Je te rappelle que tu es une fille unique aussi." pointa-t-il.
"Oui, mais ce n'est pas pareil." dit-elle, soudain pensive. "Je crois que c'est différent pour les nés-Moldus."
Drago aurait pu écouter Granger parler pendant des heures de son enfance à elle. Il savait qu'elle avait passé une grande partie de sa vie avec le Moldu Poufsouffle, Danny, mais elle n'avait jamais trop développé cette partie de sa vie, et ça l'intriguait beaucoup. C'était comme si elle avait une deuxième vie pleine de mystère dont il ne connaissait rien.
Il voulut lui demander, comprendre toutes les différences de leurs existences avant qu'ils ne se rencontrent, mais l'attention de Granger se porta soudain sur les lignes du planning posé au milieu de la table et elle soupira :
"En tout cas, ce n'est pas sérieux, Drago. Si tu as cours avec Rogue les lundis soirs aussi, ça t'enlève un soir de travail, et tu ne peux pas te permettre de décaler des révisions, encore et encore !"
Elle prit sa baguette qui était posée à côté d'elle et tapota le carnet pour réarranger le planning, la bouche plissée dans son expression typique de désapprobation. Il remarqua qu'elle avait annoté les séances de révisions de Drago sur son planning à elle, en bleu, une attention qui le toucha énormément.
"Je n'aurai pas cours avec lui, puisque Potter m'a volé la place." rappela-t-il quand elle eut terminé de déplacer ses devoirs. "Et on se voit demain, non ? Je pourrai continuer à ce moment-là."
Granger secoua la tête :
"Non, demain, j'ai ma ronde de préfets avec Padma."
"Mercredi ?"
Elle baissa la tête et plusieurs mèches de cheveux couvrirent ses yeux :
"Hum… Non, mercredi, je ne peux pas non plus."
Drago pouvait deviner la raison, et il se doutait que ça commençait par un P et que ça allait l'énerver, alors il ne lui demanda pas. Putain de Potter qui ruinait sa vie.
"Jeudi, tu as cours d'Occlumancie…" dit-elle en faisant glisser son doigt le long de la semaine. "Vendredi soir ?"
"J'ai entraînement de Quidditch."
Granger roula des yeux pour montrer qu'elle n'aimait pas cette raison.
"Alors, ça ne nous reste que le samedi."
"Samedi, il y a le match contre les Serdaigles, et j'ai promis à Blaise et Pansy que je resterai pour la fête." dit Drago avec réticence.
"Comment tu sais qu'il y aura une fête ?" demanda-t-elle. "Peut-être que vous perdrez."
Drago eut un ricanement hautain :
"S'il te plaît, Granger, un peu de respect."
Elle frotta sa paupière en observant son carnet tout raturé, un geste qu'elle faisait inconsciemment quand elle stressait.
"Dimanche soir, alors ? C'est catastrophique Drago, tu ne vas pas travailler de la semaine !"
Drago n'était pas très peiné pour son retard de devoirs, il était bien plus attristé à l'idée de ne pas passer de soirée avec Granger avant la fin de la semaine.
"Tu devrais t'y mettre tout de suite." dit-elle avec urgence.
"Je n'ai rien sur moi."
Il était entré dans la Bibliothèque pour discuter avec elle sans même penser à son travail en retard. Granger le fusilla de son regard McGonagallien et dénicha l'un de ses manuels ouverts sous une pile de livres et le mit devant elle. Il put déchiffrer le titre, "Les différentes guerres des Géants, de 212 à 1891", et son mal de temps s'intensifia.
"Je vais te faire réviser l'Histoire de la Magie, et demain tu reviendras ici pour faire ton devoir de Botanique que tu dois rendre jeudi."
Drago grommela en guise de réponse. Il savait que Théo l'avait déjà fait et il lui donnerait sans doute les réponses, mais cette perspective était beaucoup moins alléchante que de le faire aux côtés de Granger.
"Alors, qui a été le précurseur du mouvement des Mouvements des Géants ?" demanda-t-elle.
Son visage était à moitié dissimulé par son immense bouquin. Il pouvait apercevoir la racine de ses cheveux et ses yeux qui balayaient les pages à toute vitesse.
"Grogn le III." répondit-il d'un ton blasé.
"En quelle année ?"
"En 987."
"988." rectifia-t-elle.
"C'est pareil."
Ses yeux chocolat remontèrent une seconde pour le jauger sévèrement.
"Où s'est passée la troisième bataille de la guerre de 1311 ?"
Drago récita ses connaissances d'un ton monocorde. Granger l'écouta, le corrigea de temps en temps, ou lui donna les réponses qu'il ignorait. Elle faisait semblant d'être agacée lorsqu'il ne connaissait pas le nom de l'énième Géant à avoir déclaré la guerre, mais il pouvait voir qu'elle était impressionnée par la quantité d'informations qu'il possédait sur le sujet. Il ne pouvait pas vraiment lui dire qu'il avait développé une certaine affection pour la matière depuis que les Serpentards la partageait avec les Gryffondors et qu'il ne passait plus l'heure à dormir, mais plutôt à l'observer prendre des notes, la langue dépassant légèrement de ses dents serrées par la concentration.
Elle l'interrogea jusqu'à ce que la Bibliothèque soit sur le point de fermer. Quand elle entreprit son rituel habituel de rangement de sac, Drago lui demanda :
"Au fait, tu t'es entraînée à méditer pendant les vacances ?"
Elle dodelina de la tête :
"J'ai essayé, mais je n'y arrivais pas."
Drago fronça les sourcils en entendant cette réponse :
"Comment ça, tu n'y arrivais pas ?"
"Je n'aime pas le silence, ça me rend inconfortable. Et je n'arrivais pas à ne penser à rien pendant suffisamment longtemps pour appeler ça de la méditation." répondit Granger en rangeant son planning dans son sac méthodiquement organisé. "Par contre, j'ai lu tous les livres que j'ai trouvés sur le sujet, pour avoir une approche plus pragmatique, tu vois ?"
Elle sortit un bouquin de son sac et le posa sur la table pour qu'il puisse voir le titre : "Le don ancestral de l'Occlumancie."
"J'ai fait quelques recherches." expliqua-t-elle avec sérieux, et ça rappela à Drago leur première vraie interaction, quand elle lui avait dit que son prénom venait d'une constellation. "Avant d'essayer, je voulais comprendre exactement ce que l'Occlumancie impliquait, quel mécanisme magique était utilisé pour parvenir à entrer dans l'esprit de l'autre. Je n'avais jamais entendu parler de télépathie dans le monde des sorciers, alors j'ai trouvé quelques livres pour comprendre un peu plus."
Drago sourit en la regardant ouvrir le volume. Évidemment qu'elle n'allait pas se lancer tête baissée dans une science dont elle ne connaissait rien d'autre que les récits de Drago, c'était Granger. Il avait été sûr qu'elle aurait besoin d'une semaine ou deux de recherches avant de méditer pour de bon.
"C'est quoi, la télépathie ?" demanda-t-il.
Granger arrêta son feuilletage pour le regarder avec l'intemporel pli de réflexion entre ses deux sourcils.
"C'est le fait de pouvoir communiquer sans la parole, de lire en l'autre, en quelque sorte. Mais je crois que le mot est moldu, ils sont fascinés à l'idée de pouvoir lire dans les pensées. Dans le cadre de l'Occlumancie, je dirais que le terme serait plutôt la télesthésie, parce que ce n'est que dans un sens, il entre dans ton esprit, il n'y a pas de "communication" à proprement parler."
Granger feuilleta son livre pour retrouver une page en particulier, et Drago se demanda si, aux yeux des Moldus, il ne pratiquait pas la télépathie avec Granger. Il était capable de deviner tout ce qu'elle ressentait rien qu'en observant son visage, il pouvait analyser la moindre de ses émotions au moindre froncement de sourcil léger, à la courbe de ses lèvres, au reflet de ses yeux, et ce, depuis la première fois qu'il l'avait vue. Il n'avait pas besoin de Légilimancie pour savoir quand elle mentait, ou quand elle se retenait de rire. Il pouvait lire en elle depuis toujours, et il avait la sensation qu'elle pouvait le faire aussi, alors que personne d'autre qu'elle n'arrivait à le faire.
"Le préfixe "télé" vient du grec têle, qui signifie au loin, à distance." continua Granger en continuant de tourner les pages du livre. "Comme la télévision, ou le téléphone."
Drago hocha la tête, même s'il n'avait aucune idée de ce qu'était une télévision. Elle finit par trouver ce qu'elle cherchait et tourna le livre pour qu'il puisse voir. C'était un dessin de deux silhouettes, l'une tenait une baguette magique pointée sur l'autre, et des sortes d'ondes en sortaient et se heurtaient au lobe frontal de l'autre personne sans pouvoir entrer à l'intérieur de sa tête.
"Ce que tu parviens à faire, Drago, c'est du jamais vu." dit Granger, pleine d'admiration. "J'ai lu une dizaine de livres sur l'Occlumancie, et tous les auteurs disent que c'est l'une des branches les plus complexes de la magie. Il faut des décennies pour la maîtriser complètement, et même les plus grands sorciers de ce monde ne parvienne pas à le faire !"
Drago sentit les effets de cette phrase sur lui comme s'il avait bu un Élixir d'Euphorie. Il adorait recevoir des compliments, mais c'était encore plus plaisant quand ils provenaient de Granger. Il avait oublié pourquoi il était censé être de mauvaise humeur.
"Rogue m'a dit que j'étais doué." dit-il, d'un ton à peine pompeux.
"Tu es bien plus que ça, Drago !" poursuivit Granger en posant son doigt sur le paragraphe sous l'illustration. "Ils disent ici que ça prend plusieurs années pour fermer son esprit, et tu y arrives depuis Février !"
Drago sourit fièrement. Granger se pencha alors sur la table, et Drago put sentir les effluves sucrées de ses cheveux et s'approcha inconsciemment, lui aussi.
"Drago, je sais que tu as fait ça pour te protéger, mais aussi pour me protéger, moi." dit-elle à voix basse, les yeux rivés dans les siens. "Et ne crois pas que je sous-estime l'investissement, le travail et le temps que tu as consacré pour moi. C'est la plus belle preuve d'amour qu'on m'ait jamais faite, et que tu l'ai faite sans même m'en parler, juste pour passer du temps avec moi sans avoir à craindre de ce qui pourrait m'arriver si quelqu'un t'interrogeait… Ça me touche, beaucoup. Merci, Drago."
Il voulut lui dire qu'il était prêt à se prendre une centaine d'intrusions mentales d'affilée juste pour une soirée en sa compagnie, mais il ne dit rien, parce qu'il était soudain gêné par l'émerveillement de Granger face à lui. Il ne pensait pas mériter ce remerciement. Après tout, c'était à cause de lui qu'elle se mettait en danger. Ce n'était pas pour la protéger qu'il avait appris à Occluder, c'était pour se faire pardonner d'être tombé amoureux d'elle et de l'avoir entraînée dans ce monde sombre et sans pitié qu'était le sien.
"Je peux essayer de te rendre la pareille en apprenant à mon tour." poursuivit-elle en se rasseyant sur sa chaise. "Mais je ne crois pas que je suis capable d'apprendre l'Occlumancie aussi bien que toi."
"Pourquoi ?" demanda-t-il, surpris d'entendre une Granger défaitiste. D'habitude, elle sautait toujours sur l'occasion d'apprendre quelque chose de nouveau, surtout quand ça concernait une magie qu'elle ne connaissait pas.
"Sirius m'a dit qu'il fallait avoir un don. Une aptitude rare, qui se transmet de génération en génération."
Drago ne put empêcher la grimace que lui inspira ce prénom. Il avait toujours du mal à associer Sirius Black et Granger dans la même pièce en train d'avoir une conversation civilisée. Il avait eu raison, alors, elle avait vraiment passé ses vacances de Noël en compagnie d'un faux tueur en série.
Le visage de Granger revêtit soudain un air malheureux et elle baissa les yeux. Elle caressa la couverture du doigt doucement, comme s'il s'agissait d'un trésor qu'elle ne pourrait jamais découvrir.
"Et… disons que mon héritage ne… Je ne possède pas ce don, bien entendu, mes ancêtres sont tous des Moldus."
Elle haussa mollement les épaules et Drago se redressa complètement sur sa chaise :
"Pardon ?"
Elle releva la tête, surprise par son ton.
"Quoi ?"
"Comment tu peux dire ça ?" demanda Drago, outré.
"Dire quoi ? Mes parents sont Moldus, c'est un fait !"
"Peut-être, mais ça ne veut rien dire, et tu le sais très bien !" s'exclama-t-il, révolté. "Tes ancêtres étaient Moldus, ils n'ont jamais tenu une baguette de leur vie, et pourtant te voilà, à faire des sorts qui ne sont même pas au programme, tu Conjures des objets sans le moindre effort, tu sais que même mon père ne sait pas faire ça ?"
Les joues de Granger prirent la teinte rosée familière et elle détourna le regard de gêne.
"Tu as un don, Granger, parents moldus ou pas." déclara Drago fermement. "J'en ai peut-être un pour l'Occlumancie, mais tu as un don pour la magie en général. Tu es la sorcière la plus douée que j'ai rencontrée, je n'ai aucun doute que tu arriveras à fermer ton esprit bien plus vite que n'importe qui."
"Je n'arrive même pas à méditer." avoua-t-elle piteusement.
"Alors viens." déclara Drago en se levant. "Je vais te montrer."
Il tendit la main mais elle la regarda suspicieusement sans la prendre.
"Me montrer ?"
"On va méditer ensemble, sur le banc." décida-t-il.
Granger se mordit la lèvre et regarda son sac qui débordait de manuels et de parchemins.
"Ce n'est pas très raisonnable, Drago, tu as encore plein de travail à faire…"
Il roula des yeux en entendant cette excuse plutôt pathétique.
"Je les ferai après. Je ne suis pas Weasley, Granger."
Elle fit les gros yeux, mais il pouvait voir qu'elle hésitait. Elle était sans cesse partagée entre la raison et le cœur, il pouvait voir le choix danser dans ses pupilles. Il avait toujours la main tendue, une invitation, et elle regardait sa paume avec envie. Il savait qu'elle voulait venir. Il ne retira pas sa main. Il voulait qu'elle choisisse.
Au bout d'une longue minute, elle lui prit la main et le contact envoya une série de frissons le long de son avant-bras, comme d'habitude.
"Bon, d'accord." dit-elle en se levant.
Drago ne retira sa main que lorsqu'ils atteignèrent la salle principale de la Bibliothèque. Il avança et elle resta derrière lui, et aucun des élèves qu'ils croisèrent ne réalisèrent qu'ils allaient au même endroit. Ils prirent le couloir du premier étage, descendirent les grands escaliers et arrivèrent dans le Hall du Château. Drago ne put se retenir de regarder fréquemment derrière son épaule, au cas où elle aurait changé d'avis et aurait tourné dans l'autre direction, mais Granger était bien là, derrière lui, les joues toujours aussi roses.
Ils arrivèrent sur le banc en moins de cinq minutes. Granger sortit une jarre de son sac et y lança une gerbe de flammes bleues, qu'elle posa ensuite au milieu du banc.
"Alors, comment tu as fait pour méditer ?" demanda Drago en s'asseyant.
Granger s'assit à côté de lui et replia ses jambes pour poser son menton sur ses genoux.
"J'ai vu dans un livre qu'il fallait rester silencieux, ne penser à rien, respirer profondément et se relaxer." lista-t-elle timidement.
"C'est à peu près ça." dit-il.
"Mais j'avais beau essayer de ne penser à rien, je finissais toujours par avoir la tête pleine en moins d'une minute."
Drago eut un petit rire. Ça ne l'étonnait pas vraiment.
"Pose ta tête contre le dossier du banc, je vais te montrer." dit-il.
Granger obéit et pencha la tête en arrière, la nuque calée contre le dossier. Elle avait le visage tourné vers le ciel, mais elle regardait Drago avec une lueur d'appréhension.
"Ferme les yeux."
Elle n'avait pas l'air enchantée à cette idée mais le fit tout de même. Il déplaça la jarre et s'approcha d'elle. Il mit sa tête contre le dossier, juste à côté de la sienne, pour qu'elle puisse entendre sa voix :
"Prends une grande inspiration et visualise ce qu'il se passe à l'intérieur de ta tête."
Elle fronça un peu les sourcils mais s'exécuta. La respiration qu'elle relâcha s'évapora dans l'air sous forme de nuée glacée qui se dispersa dans l'air d'hiver.
"Qu'est-ce que tu vois ?" demanda-t-il.
"Je vois la centaine de devoirs qui t'attend à ton retour." dit-elle d'une voix accusatrice.
"Mets ça de côté." dit Drago en se retenant de rire. "À quoi d'autre tu penses ?"
Son beau visage se tordit légèrement :
"À Harry. Au fait que je sois inquiète pour lui."
Drago inspira plusieurs fois. Penser à Potter lui donna une nouvelle vague de colère à laquelle il essaya difficilement de résister. Quand il fut calmé, il lui prit la main et passa son doigt sur sa peau délicatement, plusieurs fois, jusqu'à ce que ses traits se détendirent de nouveau.
"Prends ces pensées, et mets-les au fond de ta tête."
Granger ne parla pas pendant plusieurs secondes, puis poussa un soupir agacé :
"Je n'y arrive pas !"
Elle rouvrit les yeux et fit un mouvement pour se redresser mais Drago la retint :
"Granger, attends, t'y étais presque !"
Elle n'avait pas l'air très convaincue. Ses joues étaient encore plus rouges, mais Drago ne comprenait pas pourquoi. Elle se remit lentement contre le banc.
"Reprends plusieurs inspirations et expire. Prends ton temps."
Elle le fit, un peu trop rapidement au goût de Drago.
"Très bien." dit-il. "À quoi tu penses, maintenant ?"
"À plein de choses." répondit-elle. "Je me rappelle que je dois rendre le pull que j'ai emprunté à Ginny la semaine dernière, je pense à la lettre que je dois absolument envoyer à ma grand-mère demain, j'ai oublié de mettre la formule de Métamorphose des objets inanimés dans mon devoir, j'ai promis à Ron que je relirai son devoir d'Astronomie mais je n'ai pas eu le temps de le faire et il a certainement oublié…"
"Merlin, Granger !" coupa Drago avec un sourire qu'elle ne pouvait pas voir. "D'accord, alors, prends tout ça, et mets-les dans un coin de ta tête."
"Je ne peux pas." répéta-t-elle obstinément. "C'est tout le problème !"
"Mais si, tu peux. Pense à rien. Essaye de visualiser l'intérieur de ta tête et de virer toutes ces pensées parasites." Il attendit quelques secondes puis murmura : "C'est fait ?"
Elle hocha la tête.
"Très bien. Maintenant, tu vas penser à un endroit que tu aimes, où tu te sens bien, en sécurité. Un endroit paisible. Tu le vois, dans ta tête ? Imagine toi là, en respirant profondément. Tu ne dois penser à rien d'autre que cet endroit."
Les lèvres de Granger s'étirèrent peu à peu dans un sourire. Elle était tellement belle que Drago se tut quelques secondes juste pour la regarder, en essayant de capturer cette image mentalement. Il voulait garder cette vision pour toujours, de Granger calme, sereine, avec les yeux fermés et les cheveux doucement balayés par le vent.
"À quel endroit tu penses ?" demanda-t-il, plus par curiosité que pour la méditation. Il s'attendait à ce qu'elle réponde la Bibliothèque, ou la banquette sous la fenêtre de chez elle.
Mais Granger répondit d'une voix calme :
"Ici-même, sur ce banc, avec toi."
Il sourit. Il pensait au même endroit lorsqu'il méditait. Il se souvint quand il venait ici tout seul avant, pour regarder le Château s'éteindre. Maintenant, c'était impossible d'envisager venir ici sans espérer que Granger le rejoigne. Il associait ce banc à leurs confessions murmurées dans la nuit, à leurs réparties, à leurs disputes et leurs réconciliations, à son rire qui réverbait autour d'eux.
En fait, ce n'était pas tant l'endroit qui le calmait tant, c'était elle.
Incapable de résister, il se pencha en avant et l'embrassa sur les lèvres. Elle sursauta un peu au contact, mais elle leva la main instantanément pour poser sa main contre sa nuque, l'empêchant de reculer, et il le prit comme une invitation.
Ils s'embrassèrent sous les étoiles. Drago pouvait sentir les battements de son cœur rapide contre la paroi de ses lèvres, et il ressentit une immense satisfaction à l'idée que ça puisse être lui qui lui procurait ça. Hermione pencha la tête en arrière pour qu'il puisse approfondir le baiser, et il fit sans hésiter, passant une main dans ses boucles rebelles pour frôler son cou brûlant, sa peau tendre juste sous l'oreille. Il pouvait sentir les doigts d'Hermione caresser distraitement sa nuque, juste sous la racine de ses cheveux, et il essaya de savourer chaque son qu'elle fit, la texture de ses lèvres sous les siennes, l'odeur de la fraise de ses cheveux qui l'intoxicait délicieusement.
"Comment je suis censée me concentrer si tu fais ça ?" demanda-t-elle contre sa bouche, amusée.
Il embrassa la commissure de ses lèvres délicatement, qui étaient relevées dans un sourire espiègle.
"Aucune idée, mais je n'ai pas pu me retenir." répondit Drago en lui embrassant le nez.
Elle passa une main dans ses cheveux en souriant :
"Je vais peut-être devoir trouver un autre professeur de méditation, alors."
"Hmm, peut-être." murmura-t-il en parcourant sa peau de ses lèvres jusqu'à son cou. Elle frémit lorsqu'il arriva sous son oreille. Il passa un bras sous son dos et la serra contre lui.
Elle posa sa tête dans le creux de son cou et lâcha un petit soupir de contentement. Ils avaient tous les deux la tête posée contre le dossier du banc et regardaient les étoiles, enchevêtrés l'un dans l'autre.
"Tu es la meilleure chose qui me soit arrivée." chuchota Drago.
Granger tourna la tête sur le côté pour le regarder, ahurie.
"Tu l'es." réaffirma Drago en constatant sa surprise. "La meilleure chose. Je n'arrête pas de penser à celui que je serais si tu ne m'avais pas laissé m'asseoir à cette table, l'année dernière."
"Tu aurais changé." répondit-elle, sans la moindre hésitation. "Tu avais déjà du bon en toi, Drago. Tu avais simplement du mal à le ressentir sans te sentir mal. Je n'ai fait… qu'accélérer le processus."
Mais Drago n'était pas d'accord. Elle ne l'avait pas seulement changé, elle lui avait fait voir une toute autre version de la vie que celle qu'il connaissait. Il ne vivait plus dans la haine et la douleur, elle lui avait montré la lumière, et maintenant qu'il l'avait vécu, il était incapable de revenir en arrière. Comment pourrait-il vivre dans un monde froid, quand il avait goûté à sa chaleur ?
"En tout cas, merci de m'avoir accepté à ta table." dit Drago après plusieurs secondes de silence. "Je ne sais vraiment pas où je serais si tu ne l'avais pas fait."
Il eut une image de lui-même affalé dans un canapé de la Salle Commune, assommé par l'alcool, la seule chose qui lui aurait permis de ressentir quelque chose et de ne pas penser à la peur que lui inspirait son père au quotidien. Granger rit doucement :
"Je n'avais pas vraiment le choix, je te ferais remarquer." dit-elle gaiement. "Tu t'es assis là et je n'ai rien pu dire."
"J'étais terrifié à l'idée que tu me lances un Kanarpalmus entre les deux yeux." avoua-t-il.
"Tu n'en avais pas l'air. J'avais presque l'impression de te déranger."
Il se souvint de la stupeur de Granger le jour où il avait osé s'asseoir face à elle et ils éclatèrent de rire en même temps. Il adorait le rire de Granger, mais le son de leurs rires combinés était son préféré. Il s'insinuait en lui, plus chaud encore que les flammes bleues dans la jarre.
"Je faisais semblant d'écrire des fiches de révisions pour rester le plus longtemps possible." admit Drago. "Je suis intimement persuadé que si tu ne m'avais pas adressé la parole en me parlant de ma constellation, je n'aurais jamais trouvé le courage de te parler."
Elle se blottit contre lui et il prit la mèche qu'elle glissait toujours derrière son oreille pour l'enrouler autour de son doigt.
"Si, tu l'aurais fait." dit-elle, sûre d'elle. "Tu disais tout le temps que je parlais trop et que je posais trop de questions, mais tu es pire que moi."
Elle avait raison, bien entendu. Il ne la contredit même pas.
"Je suis désolé pour ce que je t'ai fait subir depuis, Granger." dit-il, soudain plein de gravité. "Je suis tellement terrifié à l'idée de te perdre que ça me fait faire des conneries. Tu aurais dû partir depuis longtemps sans regarder en arrière."
Elle secoua la tête contre son cou.
"Je ne partirai pas, Drago. Tu as peur et tu ne sais pas comment réagir, mais je sais qu'il y a du bon en toi. Tu dois simplement comprendre que tu ne pourras jamais nous séparer."
Il compta les étoiles en se repassant cette phrase plusieurs fois dans sa tête. Malgré tout le temps qui passait, les pardons qu'elle lui accordait, et l'amour flagrant qu'ils éprouvaient l'un envers l'autre, Drago avait toujours du mal à concevoir le fait que Granger puisse ressentir la même chose que lui.
"Tu m'as changée aussi, tu sais." murmura-t-elle. "Beaucoup."
"En quoi ?" demanda Drago.
"J'ai l'impression qu'avant de te connaître aussi bien, je jouais une sorte de rôle." expliqua-t-elle. "J'aime Harry et Ron, mais j'ai toujours eu tendance à leur ommettre des informations pour ne pas qu'ils se moquent de moi, ou qu'ils ne pensent pas quelque chose de négatif à mon égard. Avec toi, c'est différent. Je peux te parler librement sans craindre que tu me juges, même quand on n'est pas d'accord."
Elle prit une grande inspiration et Drago eut l'impression de voir une larme rouler sur sa joue.
"Tu m'as appris à dire ce que je pense, même quand ça dérange. Grâce à toi, je me suis libérée de ce complexe d'infériorité, je n'ai plus peur d'être rejetée pour mes idées ou mon statut, je défends mes opinions, je suis… moi."
Elle se tourna vers lui et eut un petit sourire triste :
"Ironique, non ? Un Serpentard qui m'apprend à être courageuse."
Il essuya ses larmes avec ses doigts délicatement :
"Ça me paraît improbable que je puisse être la cause d'un changement positif chez toi." admit Drago. "J'ai l'impression de ne t'avoir donné que de la souffrance."
Granger fronça les sourcils et tapa sa main contre sa joue pour le réprimander :
"C'est complètement faux, tu es toujours persuadé que tu n'inspires que le mal, alors que ce n'est pas le cas du tout. Tu m'inspires beaucoup plus de joie que de malheur, de loin."
Il ne répondit rien et tourna la tête vers le ciel. Le sourire que lui donna sa phrase resta ancré sur son visage pendant de longues minutes.
"Drago ?" appela Granger doucement, d'un ton presque inquiet. Il tourna la tête vers elle :
"Oui ?"
"Je peux te proposer un deal ?" demanda-t-elle anxieusement.
Elle le regarda avec un air de supplique et il faillit rire. C'était la proposition de deal la plus mignonne qu'il ait pu entendre de sa vie.
"Oui, bien sûr." dit-il.
Granger se tritura nerveusement les mains et il comprit que c'était quelque chose à laquelle elle pensait depuis longtemps, peut-être même avant les vacances.
"Je te pardonne, pour tout." énonça-t-elle. Le cœur de Drago fit un bond dans sa poitrine en l'entendant proposer ça. "Et en échange… j'aimerais rester amie avec Théo."
Il fronça les sourcils par réflexe et elle s'empressa de s'expliquer :
"Je sais que tu penses que nous ne sommes pas amis, et je conçois que tu puisses penser ça, parce que je l'ai mis dans une position délicate en l'utilisant pour te rendre jaloux, mais… pour être tout à fait honnête, j'ai très vite compris que ce n'était pas pour la jalousie que je passais du temps avec lui. Tu avais raison, Drago, on se ressemble beaucoup, et… Il a été la seule personne à me remonter le moral quand tu t'es éloigné de moi."
Son cœur se serra douloureusement dans sa poitrine. Granger poursuivit d'un ton saccadé :
"Et je sais que tu n'aimes pas quand je dis ça, mais c'est la vérité, Drago. Je l'aime beaucoup, et je sais maintenant que ça me ferait du mal de couper les ponts avec lui, je pense que ça serait gâcher une belle amitié sans raison valable… Et je pourrais continuer à le voir sans rien te dire, mais je déteste te cacher des choses, et je n'imagine même pas ta réaction si tu me voyais avec lui sans être au courant avant. Peut-être que tu partirais, et je ne supporterais pas ça une nouvelle fois, ou pire, peut-être que tu lui en voudrait à lui, et Théo ne mérite pas ça. Alors, je préfère être honnête. Voici mon deal : mon pardon contre Théo."
Drago observa les traits anxieux de la fille en face de lui et reprit la mèche bouclée pour la glisser derrière son oreille.
"Est-ce que tu es la vraie toi avec lui aussi ?" demanda-t-il, sans trace de colère dans sa voix.
Elle hésita une seconde.
"Je crois, oui. Il ne s'est jamais moqué de moi quand je lui parlais de quelque chose qu'il ne savait pas, il ne m'a jamais rabaissée lorsque je défendais mes valeurs…"
"Logique." dit Drago avec un petit rire sarcastique. "Vous êtes les deux plus gros intellos de Poudlard."
Elle lui retapa la main mais il pouvait voir qu'elle se retenait difficilement de rire.
"Je n'aime pas beaucoup partager mes amis, Granger." avertit Drago doucement. "Et surtout, je n'aime pas te partager toi."
Ses joues s'enflammèrent et elle voulut détourner le regard, mais il laissa sa main contre sa mâchoire pour qu'elle continue de le regarder dans les yeux :
"Mais je comprends. Et je suppose que je ne suis pas vraiment dans la bonne position pour te réclamer des trucs. Si tu veux rester amie avec Théo, tu n'as pas besoin de me proposer de deals. Je veux que tu m'accordes ton pardon sincèrement, Hermione, quand tu seras prête."
Ses yeux pétillèrent de joie et Drago essaya de retenir l'élan de jalousie qui le traversa quand il vit sa réaction en apprenant qu'elle pouvait continuer de parler avec Théo.
"Vraiment ?" demanda-t-elle, presque suspicieuse.
"Vraiment. Si Théo a compté pour toi à un moment où tu avais besoin de lui, je ne peux que le remercier. Je ne veux pas que tu te retiennes de devenir amie avec quelqu'un juste pour me faire plaisir."
Elle remit sa tête contre son épaule et Drago prit une grande inspiration, l'odeur de fraise suffisamment réconfortante pour qu'il puisse se détendre instantanément.
"Et puis, je pense qu'être amie avec d'autres personnes que Potter et Weasley peut t'aider, te faire voir d'autres horizons. Devenir la vraie toi."
Il s'attendait à ce qu'elle se relève brutalement pour le contredire, mais elle hocha timidement la tête en agrément.
Drago savait qu'il faisait la bonne chose, mais ça le brisait de l'intérieur de savoir qu'elle avait pu réfléchir à un stratagème pour rester amie avec Théo. Elle avait dû angoisser à l'idée de lui proposer, elle avait du avoir peur d'une réaction stupide de sa part, et il ne pouvait pas la blâmer. Il haïssait l'idée d'avoir pu être la cause d'un stress chez elle. Et il détestait qu'elle le connaisse si bien pour craindre ce qu'il en penserait, parce que sa première réaction avait été l'indignation, et qu'il avait réussi à la refouler qu'à la dernière seconde.
Il lui embrassa le haut de sa tête pour lui montrer qu'il n'était pas énervé contre elle. Il ne voulait plus jamais qu'elle réfléchisse à ce genre de requête, il voulait qu'elle soit libre. Sa propre angoisse à l'idée de la perdre ne devait pas la faire souffrir elle. Il devait travailler dessus, absolument.
"Merci." chuchota-t-elle.
"Tu n'as pas besoin de me remercier pour ça, Hermione." répondit-il. "Tu as le droit d'être amie avec qui tu veux. Juste… plus de plan pour me rendre jaloux, s'il te plaît."
"Alors, tu ne t'éloignes plus de moi quand tu as peur." renchérit-elle.
"Deal."
Il la serra contre lui et entendit le soupir soulagé s'échapper de ses lèvres.
"Je te fais confiance, Hermione." murmura-t-il.
Ils se tendirent tous les deux. Il n'avait jamais prononcé ces mots. Il n'avait jamais osé lui partager cette partie de lui, cette vulnérabilité, et maintenant qu'il l'avait fait, il était presque tenté de la reprendre. Son corps voulut Occluder par réflexe. Il voulait s'effacer et éteindre ses émotions pour ne pas ressentir cette appréhension.
Mais il ne le fit pas.
Il attendit patiemment que Granger reçoive cette confession, d'une certaine manière encore plus lourde que sa déclaration d'amour à Londres, puis elle répondit d'une voix calme :
"Et je te fais confiance, Drago."
Il la serra contre lui, avec la douce mais terrible impression qu'ils venaient de s'échanger une partie de leurs âmes.
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Hermione
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"C'était atroce." se lamenta Harry à voix basse.
Hermione ne le regardait pas, parce que son attention était prise par l'exercice que Flitwick leur avait demandé de faire cinq minutes avant. La classe de Sortilèges était, comme souvent, bruyante. Tous les élèves s'entraînaient à réaliser un sortilège de Réduction correct, envoyant des sorts de tous les côtés et rarement sur les oreillers que le professeur avait placés devant eux pour qu'ils puissent s'entraîner à les détruire.
Hermione savait que le sort serait très certainement demandé aux BUSES, et elle savait le lancer depuis l'année précédente quand elle avait aidé Harry à s'entraîner pour le labyrinthe de la Troisième Tâche. Elle essayait de se concentrer du mieux qu'elle pouvait, mais Harry avait la fâcheuse tendance à vouloir raconter les derniers évènements de sa vie pendant la classe de Sortilèges à Ron et elle, donc elle était obligée de l'écouter raconter son premier cours d'Occlumancie dans ces conditions plus ou moins adéquates.
"Pourquoi ?" demanda Ron qui, lui, était bien plus intéressé par le récit d'Harry que par l'oreiller en face de lui.
"Il est entré dans ma tête sans même me prévenir de ce qu'il allait faire, ou de comment je pouvais me défendre. Je le sentais, là, juste derrière mon front…"
Il se frotta inconsciemment la cicatrice et Hermione grimaça en imaginant la sensation que ça devait procurer.
"Il a vu tes pensées ?" demanda Ron, tout aussi écoeuré.
"Oui." répondit sombrement Harry. "Comme des flashs. Je ne pouvais rien faire pour l'en empêcher, il a vu Dudley, mes parents dans le Miroir du Rised, et même… Même Cedric."
Sa voix partit dans un trémolo mal contrôlé. Ron baissa les yeux avec un air de pure désolation, et Hermione se couvrit la bouche de sa main qui ne tenait pas sa baguette :
"Non !" dit-elle avec horreur.
"Si." répondit amèrement Harry. "Je le hais. Je hais Rogue, pourquoi fallait-il que ce soit lui qui m'apprenne l'Occlumancie ?"
"Science effrayante, homme effrayant." offrit Ron en guise d'explication. "Comment était-il ?"
"Infect, comme d'habitude." grommela Harry en tapotant distraitement sa baguette contre son oreiller, sans même prendre la peine de prononcer le sort à apprendre. "Mais peu importe. Ce n'est pas ça, le plus important."
Harry se pencha et Hermione et Ron firent de même d'un même mouvement.
"Vous vous souvenez de ce rêve que je fais depuis des mois…"
"Celui de la porte ?" coupa Ron dans un murmure. "Le couloir sans fenêtres avec la porte au bout que tu n'arrives pas à ouvrir ?"
"Exactement." répondit Harry, visiblement soulagé de ne pas devoir leur réexpliquer. "J'ai enfin compris d'où venait cette porte. Je l'ai vue cet été, juste avant mon audition au Ministère de la Magie. Elle me semblait tellement familière, c'est là que je l'ai vue !"
Il sourit de toutes ses dents, satisfait de cette révélation, mais Ron et Hermione agrandirent les yeux d'effroi.
"Tu… tu veux dire… que l'arme, celle que cherche Tu-Sais-Qui, se trouverait au Ministère de la Magie ?" demanda Ron.
"Au Département des mystères, très certainement." chuchota Harry. "J'ai vu cette porte quand ton père m'a emmené dans la salle du tribunal et c'est la même qu'il gardait quand le serpent l'a mordu."
Hermione soupira longuement. Les deux garçons se tournèrent vers elle.
"Évidemment." souffla-t-elle.
"Évidemment quoi ?" demanda Ron.
"Ron, réfléchis ! Sturgis Podmore a essayé de forcer une porte au ministère de la Magie… C'était sûrement celle-là, ça ne peut pas être une simple coïncidence." dit Hermione.
"Comment se fait-il que Sturgis ait tenté de forcer la porte que mon père gardait alors qu'il est de notre côté ?" fit remarquer Ron.
"Je n'en sais rien." avoua-t-elle, prise de court par cette réflexion. "C'est un peu étrange…"
"Qu'est-ce qu'il y a au Département des mystères ?" demanda Harry à Ron. "Est-ce que ton père t'en a déjà parlé ?"
"Tout ce que je sais, c'est que les gens qui y travaillent sont surnommés les Langues-de-plomb." répondit Ron en fronçant les sourcils. "Parce que personne ne semble savoir vraiment ce qu'ils font. C'est un endroit bizarre pour cacher une arme."
"Pas bizarre du tout, très logique, au contraire." objecta Hermione. Elle ne connaissait pas grand-chose aux différentes salles du Ministère de la Magie, mais elle était grandement intriguée. "Il doit s'agir de quelque chose de top secret sur lequel a travaillé le Ministère… Harry, tu es sûr que ça va ?"
Le concerné était en train de se masser inconsciemment le front, comme si sa cicatrice le brûlait encore. Il reposa aussitôt ses mains sur le pupitre.
"Oui… Très bien… Je me sens simplement un peu… Je n'aime pas beaucoup l'Occlumancie." admit-il.
"N'importe qui se sentirait secoué si quelqu'un essayait sans arrêt d'entrer dans sa tête." dit Hermione d'un ton compatissant.
Elle pensa à l'état dans lequel s'était retrouvé Drago quand il avait surchargé ses séances d'Occlumancie. Rogue considérait Drago comme son élève préféré, ce n'était pas très étonnant qu'il ne soit pas aussi attentif envers Harry et qu'il le laisse souffrir sans rien faire. Hermione en était révoltée, elle détestait le favoritisme.
À cet instant, Parvati lança un Reducto trop puissant, qui ricocha contre son oreiller et frôla l'oreille de Ron.
"Hé !" beugla-t-il à l'attention de Parvati. "Fais attention où tu vises !"
Parvati s'excusa et retourna à son travail. Ron se tritura l'oreille une dizaine de fois pour être sûr que le sort ne l'avait pas touché, puis fusilla son oreiller du regard comme si c'était lui l'auteur du sortilège raté.
"De toute façon, c'est trop dur." ronchonna-t-il. "C'est impossible de lancer un Reducto décent en cinquième année, Percy n'a pas réussi à en lancer un avant sa sixième année. Ça devrait être enseigné pour les ASPIC."
Hermione arqua un sourcil las et pointa sa baguette sur le coussin :
"Reducto." lança-t-elle.
L'oreiller explosa dans un gros bruit de déchirure qui interrompit les élèves aux alentours. Une pluie de petites plumes blanches tomba au-dessus d'eux, voletant à côté des pupitres, un peu brûlées par endroits. Flitwick lui fit un grand sourire depuis son bureau :
"Bravo, Miss Granger !" cria-t-il avec joie. "Dix points pour Gryffondor !"
Hermione ébaucha un sourire fier et Ron posa furieusement sa tête entre ses bras, les cheveux constellés de plumes blanches.
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Hermione ne vit pas Drago de la semaine. Bien sûr, elle le voyait dans les couloirs, pendant les cours partagés, et dans la Grande Salle pendant les repas, mais il l'ignorait à chaque fois pour ne pas attirer les soupçons. Chaque jour qui passait, elle avait l'impression qu'il s'était éloigné sans qu'elle s'en rende compte, qu'il lui avait encore filé entre les doigts de peur de ce qu'ils étaient devenus l'un pour l'autre. C'était horriblement frustrant de ne pas pouvoir lui parler. La table ronde de la Bibliothèque demeura vide le long de la semaine et Hermione était terrifiée à l'idée qu'il ait pu changer d'avis. Elle fut donc de très mauvaise humeur, ce que Ron lui répéta tous les jours sans réaliser que ça ne faisait qu'augmenter son irritation.
Le samedi, Neville arriva à l'heure habituelle de leur séance de révisions et ils travaillèrent sans interruption pendant deux heures. Étrangement, ce fut le seul moment de la semaine où Hermione ne fut pas tendue. Elle ne pensa même pas à Drago, tant immergée elle était dans leurs derniers cours et fiches de révision.
Quand elle eut terminé d'aider Neville à faire ses exercices de Métamorphose, elle s'adossa contre le dossier de sa chaise et se frotta les yeux.
"Mione ?" appela Neville d'une petite voix.
Quand elle se tourna vers lui, il avait une mine penaude comme s'il allait lui avouer une bêtise.
"Oui ?"
"Je voulais te dire… Tu sais, pendant les vacances, je… Je ne voulais pas que les autres sachent, pour mes… mes parents."
Un frémissement glacial parcourut ses bras et elle vit la salle de Ste Mangouste dans un flash : la petite fenêtre qui laissait à peine passer la lumière, l'ambiance morose qui pesait sur chacun des patients, une femme frêle aux cheveux gris et aux joues autrefois rondes qui contemplait une plante que son fils lui avait offert pour Noël.
"Oh, Neville, je…"
"Mais j'ai voulu te le dire." coupa-t-il, les joues cramoisies et les yeux rivés sur la table. Elle pouvait voir que ce n'était pas des paroles en l'air, qu'il y avait réfléchi et qu'il avait besoin de lui dire. Elle le laissa donc parler sans l'interrompre. "J'ai voulu t'expliquer, mais je n'ai jamais trouvé le moyen, et j'avais peur que tu… je sais pas, que tu me vois différemment, alors je ne l'ai jamais fait, mais j'ai voulu, crois-moi. Et je suis fier d'eux, mes parents, ils se sont battus pour que je puisse vivre dans un monde meilleur, et je leur en serai toujours reconnaissant, mais c'est dur, parfois, de… de parler d'eux."
Il avait les yeux baignés de larmes et elle pouvait sentir les siennes monter dangereusement. Voir Neville pleurer était une épreuve qu'elle n'aurait pas pensé vivre un jour.
"Excuse-moi." glapit-il sans la regarder.
Hermione passa sa main timidement au-dessus de la table pour saisir la sienne et la serra affectueusement.
"Tu n'as pas à t'excuser, Neville." dit-elle fermement. "Tu as parfaitement le droit de ne pas le dire, ça n'enlève en rien la fierté que tu ressens à leur égard. Je comprends que tu n'aies pas voulu m'en parler et je suis terriblement désolée que nous l'ayons appris dans ces circonstances."
Neville renifla et leva un peu la tête pour la regarder. Il pouvait sûrement voir les larmes aux coins de ses yeux, mais si c'était le cas, il ne fit pas de commentaire.
"Et je suis sûre qu'ils sont très fiers de toi, eux aussi." continua Hermione d'une voix tremblante. "Tu es un garçon extraordinaire, Neville. Ne laisse personne te dire le contraire."
Il n'avait pas l'air convaincu mais hocha la tête tout de même. Il essuya sa joue précipitamment quand une larme coula, comme s'il avait honte de pleurer devant elle alors qu'Hermione n'en avait rien à faire. Elle voulait lui dire qu'il avait le droit de pleurer, mais elle ne savait pas comment formuler sa proposition, alors à la place, elle se leva et contourna la table de la Bibliothèque, et lui fit un câlin.
Elle put le sentir se détendre dans ses bras à l'instant où elle posa sa tête contre son épaule. Il la serrait faiblement et laissa court à des sanglots refoulés, probablement depuis l'instant où ils s'étaient croisés à Ste Mangouste, peut-être même avant. Ses épaules se secouaient dans des pleurs silencieux. Hermione le laissa pleurer sans rien dire, en le berçant doucement, parce que c'était comme ça que sa maman la consolait quand elle était triste et que c'était ce dont Neville avait besoin à cet instant.
"Merci, Hermione." murmura-t-il, la voix chevrotante, après plusieurs minutes.
Elle se releva et lui fit un sourire, puis alla se rasseoir comme s'il ne s'était rien passé. Neville se moucha et effaça les dernières traces de sa tristesse, et soudain, son visage se contracta dans une grimace de haine qu'elle n'avait jamais vu Neville porter jusqu'alors.
"Cette femme…" gronda-t-il, et elle comprit tout de suite à qui il voulait faire référence.
"Elle le paiera." promit Hermione.
Ils se regardèrent pendant de longues secondes de silence et Hermione ne s'était jamais sentie aussi proche de Neville émotionnellement. Elle pouvait voir toutes ses émotions dans ses yeux, la haine, la tristesse, le regret et la gratitude. Puis, ils se mirent d'accord, sans échanger un mot, que cette conversation était terminée et ils rangèrent leurs cahiers.
"Au fait, regarde ce que j'ai reçu pour Noël !" lança Hermione en sortant son nouvel herbier de son sac.
C'était un cadeau que sa grand-mère lui avait offert quand Hermione lui avait raconté qu'elle avait presque terminé l'ancien. Celui-ci était encore plus gros, avec des pages plus épaisses pour pouvoir coller des feuillages, et leurs yeux s'illuminèrent en même temps en pensant à la multitude de fleurs et de plantes qu'ils allaient pouvoir collectionner.
Ils passèrent donc le déjeuner tous les deux, à discuter du nouvel herbier et en choisissant avec précision quelles fleurs ils allaient pouvoir ajouter. Neville en listait plein et Hermione les notait sous chaque cadre du livre, puis ils sortirent dans la vallée de Poudlard en ignorant le froid saisissant pour commencer leurs recherches. Ils trouvèrent des digitalis, des fleurs noires qu'Hermione ne connaissait pas et que Neville lui expliqua être des "sangs de dragon", et même une pousse d'arbre magicalement préservée depuis plus d'un siècle.
Pendant que Neville découpait un pétale, un bruit attira l'attention d'Hermione et elle remarqua des silhouettes qui volaient au-dessus du terrain de Quidditch. Elle avait complètement oublié que Serpentard devait jouer contre les Serdaigles cette après-midi. Elle essaya de repérer Drago parmi les corps mouvants, mais ils allaient trop vite pour qu'elle puisse percevoir quelque chose.
Elle essaya de suivre le match en continuant de ramasser des fleurs en même temps. Elle se souvenait, quelque part ancré dans sa mémoire, que Drago portait le numéro 7, mais elle était trop loin pour pouvoir lire le numéro sur leurs tenues. Dès que Neville se penchait pour dépoter une plante, elle levait la tête pour essayer d'avoir une idée de qui menait. Elle pouvait entendre les acclamations du public et les faibles commentaires de Lee Jordan :
"50 points contre 30 pour Serdaigle, Cho Chang a l'air perturbée !" entendait-elle, et elle devait se retenir de ne pas sourire.
Elle marcha le long de l'allée le temps que Neville analyse une fleur pour essayer de trouver des pousses de moly, en continuant de lever la tête fréquemment dans l'espoir de le reconnaître.
"Hé, Mione !" appela Neville derrière elle. "J'ai trouvé une botryche lunaire, tu sais ce qu'on dit ? On dit qu'elle peut ouvrir des portes, encore plus efficace qu'un Alohomora ! C'est fou, non ?"
"Oui, complètement fou !" lança-t-elle, les yeux rivés sur l'espace entre les deux tours du public de Quidditch.
Soudain, un joueur apparut, et sans qu'Hermione sache comment, elle sut que c'était lui. Peut-être dans sa manière de tenir son balai, peut-être juste grâce à sa silhouette floue. Il survola le terrain quelques secondes, puis fonça en piqué d'un coup. Le public hurla mais la tentative de Drago avait dû être infructueuse, parce que le match continua sans mention d'un Vif d'Or attrapé.
Hermione continua sa marche et tomba alors sur une plante qu'elle ne connaissait pas. C'était une magnifique fleur en forme de coeur blanc au bout d'une longue tige verte. Les pétales étaient immenses et formaient presque un soleil. Hermione s'agenouilla pour l'observer, fascinée par sa blancheur éclatante.
"Neville ?" appela-t-elle au loin. Il était toujours en train de cueillir une feuille de la botryche lunaire et prenait une attention particulière à ne pas l'abîmer. "J'ai trouvé une fleur que je ne connais pas !"
"Vraiment ?" s'étonna-t-il. "Attends, j'arrive. À quoi ressemble-t-elle ?"
"Une longue tige avec de grands pétales blancs, comme un soleil."
Neville n'entendit que la moitié de son explication parce qu'il était trop loin. Il fronça les sourcils d'incompréhension, se releva et marcha vers elle. Quand il vit la fleur, ses traits se détendirent et il s'agenouilla à côté d'Hermione avec l'attitude parfaite d'un botanique qui vient de trouver un trésor inestimable.
"Oh ! Ça alors, Hermione, tu as trouvé une amor mensurantis !"
"Une quoi ?" demanda Hermione, qui n'avait jamais entendu ce mot auparavant.
"Une amor mensurantis." répéta Neville, enchanté. "On dit qu'elle est capable de…"
Mais la phrase de Neville s'arrêta net quand Hermione toucha le pétale blanc. À l'instant où ses doigts effleurèrent la fleur, elle prit une teinte rouge vif qui se répandit le long des pétales, comme de l'encre sur une page blanche. Hermione retira brusquement sa main, mais la fleur continua de devenir rouge.
Quand Hermione tourna la tête vers Neville pour l'interroger sur cet étrange phénomène, elle fut surprise de voir qu'il n'analysait pas la fleur, mais elle. Quand leurs regards se croisèrent, Neville détourna le sien et des petites taches rouges apparurent sur ses joues rondes.
"Euh…" dit-il maladroitement.
"Qu'est-ce qu'il se passe ?" demanda Hermione, qui ne comprenait pas vraiment pourquoi il réagissait de la sorte.
"Cette fleur est une amor mensurantis." expliqua-t-il, l'air gêné. "Elle est blanche jusqu'à ce que quelqu'un la touche, et, euh… Si cette personne est amoureuse, elle devient rouge."
En entendant ça, Hermione rougit exactement comme Neville quelques secondes plus tôt.
"Qu-quoi ?" balbutia-t-elle. "C'est vrai ?"
Neville hocha la tête en contemplant la fleur, maintenant entièrement écarlate.
"Je… Ne t'en fais pas, Hermione. Je le savais déjà." dit-il, comme pour apaiser son embarras.
Le cœur d'Hermione tambourina violemment contre sa cage thoracique et elle s'étouffa à moitié sur sa propre salive :
"Quoi ? Tu le savais déjà ?!"
Neville plissa les lèvres et lança un bref regard vers le terrain de Quidditch.
"Euh… Oui. Désolé, Mione, mais c'était plutôt évident."
Hermione devait probablement être aussi rouge que l'amor mensurantis.
"Tu plaisantes ?" bredouilla-t-elle. "Comment… Comment tu l'as appris ? C'est Fred qui te l'a dit ?"
"Non, pas du tout." dit Neville, surpris par cette question. "Je l'ai compris l'année dernière, au Bal de Noël."
Hermione porta une main à son cœur en repassant cette soirée dans sa tête. Comment Neville avait-il pu le deviner ? Ils s'étaient hurlés dessus dans une classe, peut-être qu'il était passé devant pile à ce moment-là ? Il savait depuis tout ce temps et n'avait rien dit ?! Comment Drago allait réagir quand il allait apprendre que Neville Londubat était au courant de leur relation secrète depuis plus d'un an ?
Hermione commença à hyperventiler et dût s'éventer avec l'herbier qu'elle tenait dans la main.
"Tu… tu l'as dit à quelqu'un ?" demanda-t-elle, la panique montant de plus en plus jusqu'à ce qu'elle en devienne aveuglée.
"Non, personne, mais… Je crois que tout le monde est au courant, Mione. Vous n'êtes pas très discrets…"
Elle eut un cri d'horreur et se couvrit les yeux avec ses mains :
"Oh, mon Dieu…"
"Du calme, Hermione ! Respire !" dit Neville d'un ton affolé en agitant ses mains autour d'elle. "Merlin, je pensais que tu savais que Ron était amoureux de toi depuis la première année !"
La respiration qu'elle peinait à retrouver disparut brutalement de ses poumons. Sa main retomba mollement contre l'herbe et elle regarda Neville avec des grands yeux.
"Ron ?" répéta-t-elle, le nom étrange dans sa bouche.
"J'ai fait une gaffe, pas vrai ?" s'inquiéta Neville. "Désolé, je suis vraiment nul pour ce genre de choses, j'ai autant de tact que Loufoca Lovegood…"
Hermione regarda la fleur rouge d'un air ahuri. Elle n'avait pas pensé une seule seconde à Ron. Elle avait d'abord sauté à la conclusion que son ami connaissait l'existence de ses sentiments pour Drago plutôt que de réfléchir pragmatiquement.
"Oh…" dit-elle en utilisant Neville comme balance pour se stabiliser. "Désolée, je n'ai pas beaucoup mangé… Je… je crois que j'ai paniqué."
Neville hocha la tête, l'inquiétude marquée sur chacun de ses traits.
"Tu n'as pas fait de gaffe." promit Hermione. "Je le savais, bien sûr, je n'avais pas… Je ne pensais pas que c'était aussi flagrant."
"Il ne m'a jamais rien dit, mais je pensais que c'était évident, étant donné comment… tu sais, comment il parle de toi."
Hermione fronça les sourcils :
"Comment il parle de moi ?"
Neville avait l'air de vouloir être partout sauf dans cette situation. Ses rougeurs n'avaient pas diminué et il évitait toujours de poser ses yeux sur son visage, sûrement de peur de dévoiler des informations confidentielles.
"Ce n'est rien, simplement des bribes de conversations que j'ai entendues… entre Harry et Ron, tu sais, dans le dortoir, avant de dormir… Il te trouve jolie, rien de plus, peut-être que je me suis monté la tête, n'y pense plus, t'as trouvé une amor mensurantis, ça se fête !" dit-il avec un faux rire. "Je vais découper un pétale, ça repousse en une journée, je suis sûr que Professeure Chourave voudra la voir…"
Il prit son sécateur dans sa poche et découpa précautionneusement l'un des pétales rouges. Hermione le regarda faire sans rien dire, secouée, et pile à cet instant, quelques mètres plus loin, sous les hurlements de la foule, Drago attrapa le Vif d'Or.
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Le lendemain, un dimanche, Hermione arriva à la Bibliothèque à l'heure de l'ouverture. Elle avait une idée en tête, qui n'avait rien à voir avec les BUSES ou ses devoirs. Elle salua Madame Pince poliment et alla s'installer sur la table sous la fenêtre au centre de la pièce, ouvrit quelques livres au hasard pour faire semblant de travailler, et se balada dans les rayons vides pour trouver ce qu'elle cherchait.
Elle avait lu quelque part qu'il existait un sort qui permettait de connaître sa fréquence cardiaque, mais elle ne savait plus où. C'était devenu son obsession depuis quelques jours, parce qu'elle ne pensait plus qu'à une chose : le trafiquer pour qu'elle puisse connaître celui d'Harry en permanence. Si elle parvenait à capter son état de santé, elle saurait tout de suite quand il aurait besoin d'elle, et ça ne serait plus la peine de culpabiliser dès qu'elle serait avec Drago.
Elle prit quelques ouvrages dans le rayon sur la Médicomagie, mais elle ne trouva pas le sort qu'elle cherchait. Elle y passa la matinée, à éplucher chaque sommaire, chaque chapitre sur le cœur, chaque ligne de sortilèges médicaux qu'elle pouvait appliquer. Elle ne trouva rien sur la fréquence cardiaque et très vite, une impressionnante pile de livres à côté d'elle l'empêcha de voir l'entrée de la Bibliothèque.
"Refrenantem sanguinis… non… Ego tardus cor meum, non plus…" marmonna-t-elle, sans même se rendre compte qu'elle parlait à voix haute.
Ses cheveux étaient tout décoiffés à force de les tirer dans la concentration. Elle referma assez brusquement "Les organes vitaux des sorciers" et ouvrit "Morbi cordis" sans grande conviction, en se demandant vaguement si elle ne devait pas aller voir Pomfresh pour lui demander conseil, quand quelqu'un la fit sursauter :
"Qu'est-ce que tu fais ?"
Théo s'assit face à elle en passant son sac en bandoulière par-dessus sa tête pour le poser sur la chaise vacante entre eux deux. Plusieurs parchemins enroulés sortaient de sa sacoche, probablement les essais de Crabbe et Goyle. Ses cheveux avaient encore poussé, ils tombaient devant ses yeux.
Hermione le regarda sans comprendre sa question jusqu'à ce qu'il montre la pile de livres avec son menton :
"C'est pour quelle matière ?"
"Oh, non, ce sont… des recherches personnelles." répondit-elle piteusement.
Il fronça les sourcils en entendant cette réponse très peu élaborative.
"D'accord…"
Il attendit qu'elle explique davantage, mais en voyant qu'elle ne le faisait pas, il laissa tomber et fouilla quelque chose dans son sac :
"Regarde ce que j'ai préparé."
Il sortit une grosse fiole remplie d'une potion boueuse.
"Du Polynectar ?" demanda Hermione avec étonnement.
"Tout à fait. Cinq points pour Gryffondor." railla Théo.
Il posa la fiole entre eux comme s'ils n'étaient pas au milieu de la Bibliothèque et la pointa du doigt :
"Je pense qu'avec cette quantité, on peut facilement arriver à six ou sept doses. Mais je pense qu'on devrait changer de personne à chaque fois, Lavande Brown se douterait de quelque chose si je la remplaçais à chaque cours."
Hermione hocha la tête pensivement : elle avait déjà quelques noms en tête.
"Est-ce que Potter a déjà donné une date pour la prochaine réunion ?" demanda Théo en reprenant sa potion pour la ranger dans son sac.
"La semaine prochaine, mais il n'a pas encore donné de jour précis, à cause des entraînements de Quidditch…"
Théo et Hermione levèrent les yeux au ciel en même temps.
"D'accord, tu me diras." dit Théo.
"Il y en avait une mercredi, mais je n'ai pas eu le temps de te prévenir." dit-elle sur un ton d'excuse.
"Pas grave. "Il ne vaut mieux pas que je sois là à chaque fois pour ne pas me faire remarquer." répondit-il, pas du tout peiné.
Il prit les parchemins enroulés qui sortaient de son sac et les étala sur la table.
"Mais, Théo, cette potion…" dit Hermione d'un ton hésitant. "Elle est très difficile à préparer. Elle prend du temps, comment as-tu pu la faire aussi vite ?"
Le regard de Théo brilla d'une étincelle de malice :
"Et comment vous pouvez savoir ça, Miss Granger ?"
Hermione s'empourpra automatiquement, se révélant sans le vouloir.
"Grâce à, euh… mes recherches… académiques."
Théo arqua un sourcil et pointa du doigt le livre qu'elle était en train de feuilleter avant qu'il n'arrive :
"Ce genre de recherches, tu veux dire ?" demanda-t-il, plein d'ironie. "Arrête un peu, je sais que t'en as déjà fabriqué. Tu m'as dit toi-même que tu en avais déjà pris et tu connais trop bien les effets pour ne pas l'avoir préparée toi-même. C'était quand, l'année dernière ?"
"... en deuxième année." confessa Hermione platement.
Le visage de Théo sembla se rallonger de choc.
"En deuxième année ?!" s'écria-t-il. "Tu as préparé cette potion à douze ans ?!"
Hermione hocha timidement la tête.
"Putain ! En deuxième année ! Tout le monde dit que tu es très intelligente, mais là, c'est du jamais vu ! C'est la potion la plus compliquée qu'il m'ait été donné de faire, et tu l'as faite en deuxième année ?!"
"Chut !" intima Hermione en balançant ses bras autour d'elle pour lui rappeler l'endroit dans lequel ils se trouvaient. "Tout le monde va t'entendre !"
"Merlin… Deuxième année." souffla Théo, choqué.
"Tu l'as bien fait chauffer pendant un mois ?" demanda Hermione, surtout pour changer de sujet.
"Ouais." dit Théo. "Je l'ai commencée avant les vacances et je viens de la terminer. Qu'est-ce que c'est chiant ! Obligé de me lever tôt pour aller vérifier qu'elle avait gardé la même texture, et en plus, ça pue !"
Hermione eut un petit rire, se rappelant de ses longues nuits à veiller à ce que le feu sous le chaudron de son Polynectar n'était pas trop fort, ou que la potion n'avait pas collé à la fonte lorsqu'elle n'avait pas été mélangée depuis longtemps.
"Et aucun de tes amis ne t'a demandé pourquoi tu avais besoin de Polynectar ?" demanda Hermione.
Théo haussa nonchalamment les épaules.
"Ils n'ont pas remarqué. Blaise a vu que je préparais des trucs mais il ne m'a pas posé de questions, et il a un grand laboratoire chez lui où j'ai pu mettre le chaudron. Mais je ne voulais surtout pas que Drago la voit, il aurait compris tout de suite que je tramais quelque chose, il est super doué en Potions…"
Théo se tut en lui jetant un regard en biais, comme pour vérifier qu'elle n'avait pas mal pris sa réponse. Hermione mit plusieurs secondes à se rappeler qu'elle était censée haïr Drago Malefoy.
"Bon, je t'ai confié tout un tas de trucs personnels, à ton tour." décida Théo. "C'est quoi, alors, ces recherches personnelles ?"
Il montra les livres d'Hermione et elle capitula avec un soupir.
"Tu vas penser que je suis folle." murmura-t-elle.
Théo eut un sourire amusé.
"Tu as préparé une potion de Polynectar fonctionnelle à douze ans et tu m'as proposé d'en prendre pour incarner une Gryffondor et assister à une réunion top secrète." débita-t-il posément. "Je pense que je commence déjà à me faire une image de toi."
Hermione soupira une seconde fois et posa ses mains sur les différentes couvertures de livres qui l'entourait.
"Hum, alors… Harry a des problèmes pour dormir." résuma-t-elle.
Théo arqua un sourcil, ne s'attendant visiblement pas à une explication aussi banale.
"D'accord…?"
"Et… je cherche une solution pour l'aider." finit-elle.
Théo l'observa comme si elle était particulièrement stupide, et Hermione recevait rarement ce genre de regard, alors elle le soutint sans réagir.
"Il a essayé la Potion de Sommeil-Sans-Rêve ?" suggéra Théo après un silence, sa question enroulée d'un ton ironique.
"Il n'en veut pas." répondit Hermione.
Elle avait eu cette conversation avec Harry un nombre incalculable de fois, et il refusait toujours catégoriquement, en répétant qu'il avait besoin de ce lien avec Voldemort. Il disait que c'était au cas où, comme lorsqu'il avait vu Mr. Weasley se faire attaquer, mais Hermione savait qu'il voulait secrètement garder cette connexion pour se sentir utile auprès de l'Ordre, et surtout auprès de Sirius, dont l'admiration était quelque chose qu'il recherchait constamment. Hermione en était malade. Elle ne supportait pas qu'Harry se force à vivre des cauchemars et des insomnies juste pour avoir l'impression d'exister aux yeux des adultes.
Théo balaya son refus d'un geste de la main :
"Mets-en dans sa boisson du soir. Il n'y verra que du feu."
Hermione écarquilla les yeux en entendant une telle proposition.
"Non, je ne ferai jamais ça." répliqua-t-elle, outrée. "Il m'en voudrait à tout jamais."
"Pourquoi ?" demanda Théo, surpris. "Tu le ferais pour l'aider."
"Mais il m'a explicitement dit qu'il ne voulait pas en boire."
Théo la contempla quelques secondes sans rien dire. Puis, il se pencha en avant et lui raconta à voix basse :
"En troisième année, Pansy a eu cette… lubie étrange de vouloir des lèvres plus pulpeuses." Il leva les yeux au ciel pour montrer à quel point il trouvait ça stupide. "On s'est évidemment foutus de sa gueule dès qu'elle a émis l'idée de le faire. Mais après un certain temps, j'ai remarqué que ses lèvres avaient changé, et qu'elles grossissaient subtilement de jour en jour."
Hermione l'écouta attentivement, avide de connaître la suite.
"J'ai compris qu'il y avait une sorte de trafic parmi les filles de Serpentards de potions de cosmétiques de merde qui circulaient entre elles." dit Théo d'un ton désapprobateur. "J'en ai parlé à Pansy, qui m'a dit que je ne pouvais pas comprendre, mais ça me rendait fou de la voir arriver tous les matins avec des lèvres super gonflées. Elle n'en avait pas besoin et je voyais bien qu'elle augmentait les doses à chaque fois qu'elle en prenait."
Un sourire malicieux étira soudainement le visage de Théo et des petites fossettes apparurent sous ses joues.
"Alors, j'ai jeté toutes ses potions dans le lavabo de la salle de bains, et je les ai remplacées par du sirop de rose. Jusqu'à ce jour, elle n'a aucune idée qu'elle a bu du jus à la place de sa potion de beauté de pacotille pendant plus d'un an. Elle disait que les effets étaient phénoménaux et que ses lèvres n'avaient jamais été aussi belles et pulpeuses de toute sa vie."
Hermione éclata de rire et reçut un "chut !" de la part d'un élève de septième année qui étudiait à côté d'eux.
"Tout ça pour dire que tu rendrais service à Potter si tu lui versait quelques gouttes de potion de Sommeil-Sans-Rêve dans sa tisane du soir." avisa Théo. "Il n'en saurait rien, et ça serait pour son bien. Tu pourras lui dire dans quelques années, et vous en rirez ensemble."
"Tu le diras à Parkinson, toi ?" demanda Hermione.
Théo secoua fermement la tête, soudain frappé d'horreur.
"Non, jamais de la vie, elle me collerait un bec de canard sur le nez pendant un an si elle apprenait que j'avais fait ça !"
Hermione avait peine à croire que Parkinson soit capable de faire ça à l'un de ses plus proches amis, mais à en voir la tête effrayée de Théo, ça avait l'air probable. Il baissa la tête et lut quelques titres des livres qu'elle avait posé devant elle :
"Si tu ne veux pas lui donner de potions, qu'est-ce que tu cherches alors ?"
Hermione se mordit la lèvre.
"Tu ne le diras à personne ?" demanda-t-elle d'une petite voix.
Théo hocha la tête aussitôt.
"Donc… Harry a des terreurs nocturnes, en quelque sorte." expliqua Hermione en choisissant ses mots avec soin.
"J'en aurais aussi si j'étais lui." dit Théo d'un ton compatissant.
Hermione ferma la bouche et le considéra une seconde pour vérifier qu'il n'était pas en train de se moquer d'elle.
"Qu'est-ce que tu veux dire ?"
"Bah… C'est Potter." dit Théo, un véritable air de pitié sur ses traits. "Je n'ose même pas imaginer tout ce qu'il a vécu, tout ce qu'il a vu. Je comprends qu'il soit traumatisé. N'importe qui le serait, surtout après avoir vu le Seigneur des Ténèbres l'année dernière, et Diggory mourir…"
Il eut un frisson et regarda la table. Hermione avait l'impression qu'il était devenu très pâle. Son cœur se serra en entendant un tel aveu de la part d'un Serpentard.
"Tu le crois, alors ?" demanda-t-elle avec espoir.
"Bien sûr." dit Théo sans ciller, presque indigné par la question. "Tous ceux qui ne le croient pas sont des idiots dans le déni. C'est évident qu'Il est revenu, qu'Il a rassemblé ses anciennes troupes." cracha-t-il avec une rancoeur qu'Hermione n'avait entendu qu'une fois dans sa bouche, quand Goyle l'avait insultée de Sang-de-Bourbe.
Hermione se demanda si Théo savait que son père avait été là, ce soir-là, mais elle n'osa pas lui demander.
"Tout ça pour dire qu'Harry ne va pas très bien en ce moment, et il se réveille souvent… en panique." conclut-elle. "Alors, je recherche un moyen de lier ma baguette à son rythme cardiaque en permanence pour être au courant quand il a besoin d'aide."
Théo ne parla pas pendant plusieurs secondes, ses yeux bleus agrandis par le choc. Hermione attendit une réaction de sa part, mais en voyant qu'il n'en avait pas, elle commença à stresser. Elle fut sur le point de lui demander ce qu'il en pensait, quand il fit reculer bruyamment sa chaise en arrière et se leva d'un bond.
"Théo ?" appela Hermione, affolée. "Où tu vas ?"
Théo la regarda comme si elle venait de lui poser une question absurde.
"Je vais t'aider, bien sûr." répondit-il, comme une évidence. "Alors, le rythme cardiaque… Je crois avoir déjà lu quelque chose là-dessus. Continue à chercher dans les livres médicaux, je m'attaque aux sortilèges..."
Et il s'en alla dans les rayons avant qu'elle ne puisse prononcer le moindre mot.
