Chapitre 11: Le poids des morts.


L'anniversaire du décès de Ginny était toujours une journée particulière pour Teddy. Un an après sa disparition, il avait eu des accès de terreur incontrôlable. Il avait craint que Harry ne s'envole ou ne manque de disparaître comme il l'avait fait à sa mort. Teddy se souvenait très bien de son angoisse, de la peur de se retrouver seul et de devoir protéger Lily, James et Albus. À cette époque, même s'il commençait à réellement s'intégrer à sa meute, il ne la considérait pas comme sa principale famille. Et le loup en lui, l'enfant en lui qui voulait plaire et protéger ce qu'il aimait, avait voulu porter la douleur de ses proches pour ne pas qu'ils s'écrasent et le laissent seul à nouveau.

La veille du premier anniversaire, Teddy avait proposé à ses frères et soeurs de dormir tous ensemble au salon. Les petits avait tous apprécié l'idée, surtout Albus qui adorait gigoter dans tous les sens et être entouré des siens. Ils avaient créé une cabane de couverture et de duvet, dégusté le repas qu'avait laissé Timothy, par prévenance et puis ils s'étaient tous endormis, les membres entrelacés. Au réveil, Hermione était déjà dans leur salon prête à les préparer pour aller au cimetière. Ils n'avaient pas vu Harry de la journée. Hermione les avait assurés qu'il était en lieu sûr, permettant à Albus de ne pas crier aux larmes et ils avaient tous transplané pour rejoindre le reste des Weasley.

Au fil des années, les jours d'anniversaire étaient devenus moins douloureux et un moyen de se souvenir en famille de cette femme qui leur avait tant donné. C'était Ginny qui l'avait initié au rituel du chocolat en temps de chagrin, qui lui avait ouvert ses bras lorsqu'il n'avait plus été capable de rester avec sa grand-mère Andromeda. Elle avait été sa mère de substitution et ses maigres années passées ensemble avaient marqué le cœur de Teddy . Il arrivait à penser à elle avec révérence, douleur et nostalgie sans pour autant avoir l'impression d'être écartelé. Mais pour Harry, cet anniversaire semblait réveiller en lui une détresse qui faisait de la peine à Teddy. Même si son parrain le cachait de mieux en mieux, Teddy pouvait sentir sa tristesse. Cela perturbait son loup. Tout comme l'odeur de Draco qui finissait toujours par flotter dans l'air lorsque Harry revenait le lendemain. Ce n'était pas des effluves liées au sexe. Cette odeur était une caresse entêtante qui trahissait le fait qu'il s'était abandonné à la présence d'un autre individu.

Teddy n'avait jamais posé de questions. Tout ce qu'il savait, c'était que Harry vivait la journée du mieux qu'il pouvait. Cette année, c'était la première fois que leur père avait eu la force de les rejoindre au cimetière. Lily avait eu une excellente idée, en faisant réparer cette montre. Si cette guerre n'avait pas tout gaché, Teddy se serait senti infiniment soulagé. Il aurait eu l'impression que sa crainte irrationnelle de perdre son parrain se serait tue pour de bon.

Fenrir avait tout gâché. Sorti de sa tombe, après avoir ravagé la vie de son père, de sa famille, de la meute de Jane. Ce monstre osait revenir à la charge. Teddy devait se battre et il le haïssait pour ça. Il voulait le tuer.

Alors qu'il bouillonnait de rage, sur ce perron, Harry et Draco revinrent de leur escapade dans les bois. La vision des deux hommes força Teddy à se calmer. Ils ne voulaient pas les inquiéter plus qu'ils ne l'étaient déjà.

« Prêt à retourner à la maison ? Ron, Hermione, Lily et Henri nous attendent, déclara Harry.

— Oui…

— Il y a une zone de transplanage qui a ouverte il n'y a pas très longtemps à quinze minutes d'ici.

— Ah bon ? J'ai pris la même que d'habitude avec les enfants ! se plaignit Harry.

— Ce n'est pas de ma faute si tu n'es pas fichu de lire les nouvelles dans la Gazette…

— Ce torchon fait trop de mal à ma santé mentale !

— Vois le côté positif. Tu as pu faire un peu de sport … répondit Draco.

— Je ne suis pas aussi inactif que toi ! rétorqua Harry.

— On peut y aller ? demanda Teddy.

— Oui bien sûr. » répondirent-ils en cœur.

Sur la route, Teddy se décida à poser des questions aux deux idiots. Depuis la réunion, la montagne de choses à faire pour arrêter Fenrir le prenait à la gorge. Il fallait tuer cet homme. Pour s'assurer qu'il ne veuille pas revenir à la vie par un moyen étrange, ils devaient retrouver la corne d'argent. Toute la situation était absurde. Ils n'avaient que deux mois. Depuis l'affrontement, Teddy n'était plus en contact avec Fenrir. Il ne l'entendait plus et les liens au sein de la meute se modifiaient dangereusement. Et Timothy ne se réveillait toujours pas. Il était défait.

« Harry, on va commencer par quoi pour arrêter Fenrir ? demanda Teddy.

— L'équipe de Ron va se charger de retrouver l'ancien mangemort qui travaille avec lui. Le Conseil tente de localiser sa meute et notre rôle sera de vous aider avec Jane et Henri à trouver cette corne d'argent avant Fenrir !

— La prophétie au Ministère donne assez de détails. Cela nous aiderait beaucoup que tes amis et toi puissent l'écouter, ajouta Draco.

— On va vraiment croire ce qu'une dame a balancé dans une boule magique il y a des années ? demanda Teddy, perplexe.

— Je suis aussi peu motivé que toi, Teddy mais tu as bien entendu le Conseil des Loups ! Ils veulent savoir… répondit Harry.

— Weasley a réussi à organiser une réunion au Conseil des Sorciers dans quatre jours pour que tes amis puissent avoir le droit de pénétrer dans cette partie du Ministère de manière temporaire. Avec un peu de chance, on pourra avoir plus d'infos sur cette corne d'immortalité… déclara Draco.

— Parce que vous pensez que cette corne existe encore ? Ce serait un peu gros…

— Des sorciers et des loups-garous entrent en guerre pour arrêter un fou furieux. On est pas à une absurdité près, fit remarquer Harry avec un sourire lasse. Parle-nous de l'histoire de cette corne. »

Teddy n'aimait pas monopoliser la parole. Il détestait être au centre de l'attention. Mais il n'y avait que lui qui était capable de raconter cette histoire. Il devrait donc faire des efforts. Encore.

« On raconte qu'il y a plus de mille ans, à l'époque où les sorciers avaient réussi à créer les premiers loups-garous non naturels, le nombre de lycanthropes avait augmenté de manière phénoménale. Cette expansion de l'espèce était surtout liée au manque de contrôle des nouveaux lycanthropes qui naissaient des recherches de sorciers. Beaucoup d'entre-eux étaient des prédateurs assoiffés de domination et de pouvoir et n'avaient aucune envie de vivre en harmonie avec les autres créatures. Ils laissaient une trainée de corps derrière eux sans se soucier du danger qu'ils créaient en mettant en péril la communauté cachée des lycanthropes. Pour les arrêter, un loup nommait Léon le sage, s'était chargé avec sa meute de chasser tous ses congénaires dangereux. Dans sa quête, il avait tué une centaine de loups-garous. Pour ne jamais oublier que leurs morts seraient un poids dans sa vie et pour le restant de ses jours, il avait forgé une corne d'argent qu'il avait plongée dans le sang de ses opposants. Cette corne, il l'avait gardé à ses côtés jusqu'à la fin de ses jours. Elle était conservée au sein du Conseil des loups qu'il avait inauguré deux ans avant son décès. À sa mort, ses descendants décidèrent d'enterrer la corne avec lui. Aujourd'hui, elle n'est plus dans aucun des archives des loups. Des rumeurs courent selon lesquelles la corne aurait eu des propriétés magiques de son temps. Certains Omega se demandent si cette corne a même existé. Si ça se trouve, il ne s'agit que d'un ajout à l'histoire fantastique de cet illustre chef de meute. »

Teddy reprit son souffle, peu habitué à parler autant.

« Ça m'étonnerait que cette corne ne soit qu'une légende… Dans tous les cas, si Fenrir veut accéder à l'immortalité, il lui faut un objet puissant, avec une histoire illustre pour y enfermer son âme, déclara Harry.

— Y fixer son âme ? Tu penses qu'il voudrait créer un horcruxe ? C'est tellement dangereux et sombre comme magie que ça me semble impossible, fit remarquer Draco.

— Voldemort en avait, avoua Harry de but en blanc.

— Pardon ‽

— Qu'est- ce que c'est ? demanda Teddy.

— Un objet de magie noire dans lequel est stocké un morceau d'âme d'un individu, répondit Harry. Je n'aurais jamais cru que quelqu'un d'autre serait assez fou pour retenter l'expérience. Je me demande si le mangemort qui aide Fenrir était au courant.

— Sachant que ma famille n'en avait aucune idée, cela m'étonnerait que le Seigneur des Ténèbres lui ait dit de son plein gré. » dit Draco, un peu plus fermé.

L'odeur autour d'eux laissait peu à peu pénétrer des effluves plus ternes, entre regrets, incompréhension et peur sourde, Teddy n'arrivait pas à saisir de manière claire les émotions des deux hommes à ses côtés. Ils arrivèrent enfin à l'air de transplanage, fermant ainsi la discussion qui n'avait fait que renforcer ses propres inquiétudes.


Cela faisait des jours que son père était allongé sur ces draps d'une blancheur irritante. Il n'était pas sorti de son coma. Et de son corps se dégageait une odeur putride, éloigné de la vie qui l'habitait auparavant. Lorsque Jane lui serrait la main, elle avait l'impression que son père pouvait se liquéfier sous ses doigts. S'il disparaissait comme Maria, Jane ne savait pas ce qu'elle deviendrait. La meute était perdue sans leur ancien Alpha. S'il était réveillé, son père aurait su quoi faire pour rassurer les plus jeunes et se lancer contre ce Fenrir. Il aurait réussi à tous les souder même s'ils perdaient la raison et que de plus en plus d'images de loups inconnus traversaient leur esprit.

Il était hors de question que Fenrir devienne leur alpha. Il était hors de question que ce monstre survive. Jane avait beau se persuader, elle se demandait s'ils arriveraient à le tuer alors qu'ils avaient déjà échoué. Elle se sentait perdue. Et elle en voulait à Teddy. Depuis leur première rencontre, il n'avait jamais vraiment fait partie de leur meute. Il avait toujours été lié à Fenrir. Et d'un claquement de doigt, leurs liens lupins s'étaient effilochés comme par enchantement. Depuis quand avait-il des pouvoirs ? Elle l'avait bien vu lors de la bataille, cette lumière magique l'environnant. Teddy lui avait caché des informations. Il lui avait menti. C'était comme si toute la confiance qu'ils avaient construite avec Henri n'était rien d'autre qu'un vulgaire château de cartes.

Comment pouvait-elle être certaine qu'il ne les avait pas floués depuis le début ? Qu'il ne savait pas qu'il était l'un des bêta de Fenrir? Pourquoi devait-elle lui laisser tuer son oncle ? C'était à elle de détruire ce monstre de ses propres pattes. Son loup avait soif de justice mais surtout de vengeance. Jane fut sortie de ses pensées par l'arrivée de Henri.

Malgré la catastrophe, son odeur était toujours aussi apaisante. Elle laissa ses phéromones calmer son agitation et chercha sa main dans le tunnel de ses obsessions. Henri était accompagné de Hermione. Jane n'aimait pas la sorcière. Elle n'aimait pas être entourée de ces inconnus et de ces sorciers. Elle ne voulait pas se rapprocher d'eux. Elle savait comment ils traitaient ses semblables dans leur monde. Jane ne leur faisait pas confiance mais elle en avait besoin pour protéger ses proches.

«On a récupéré de nouveaux archives pour rechercher la corne d'argent. Tu veux nous aider ? » demanda avec douceur Henri en caressant son poignet.

Jane le suivit sans la moindre hésitation, prête à en découdre au plus vite.


Cette corne d'argent était un véritable mystère pour Hermione. Les omegas du Conseil avec qui elle avait discuté lui avait dit que durant de nombreuses années, des cornes factices avaient vu le jour, proposé par des entrepreneurs loups-garous véreux. Puisqu'il s'agissait d'un objet magique, Hermione avait d'abord pensé à chercher du côté du monde sorcier. Après tout, si cette corne avait des propriétés magiques, elle avait peut-être atterri entre les mains d'un collectionneur sorcier. Mais alors qu'elle épluchait les archives avec Jane et Henri, une remarque loin d'être inutile bouscula ses idées.

« Je sais pas à quel moment on pourra différencier cette corne d'une autre. Déjà que dans un musée, je suis pas fichu de faire la différence entre des instruments d'autres époques ! se plaignit Henri.

— Mais oui !

— Oui, quoi ? demanda Jane, perplexe.

— On a cherché du côté de la magie et des créatures parce que c'est un objet particulier mais qui dit que la corne n'aurait pas pu tomber entre les mains d'un moldu ! Il faut absolument qu'on trouve les archives des galleries privées et des musées nationaux !

— On peut aller sur internet du coup ! proposa Jane, ravie de se séparer de ces livres poussiéreux.

— On peut les trouver dessus ? demanda Hermione, perplexe.

— Ben ouais… déclara Henri. Je vais chercher l'ordinateur de Teddy. »

Les parents de Hermione avaient beau être plutôt bon avec toutes ces nouvelles technologies, la sorcière n'était pas aussi douée à cause de son temps passé dans le monde magique. Elle laisserait les deux adolescents la guider à travers ce monde numérique.


Il n'y avait pas de mots. Il n'existait aucune expression qui pourrait amenuiser le drame qu'était la perte d'un enfant. Ron laissait les parents du jeune Walter Fidge épancher leur peine alors qu'il leur tendait le seul objet qu'il restait du garçon : une montre. Rien d'autre n'avait pu être récupéré. Les os du petit cracmol avait été broyé sans vergogne. Ses parents n'auraient aucun corps à enterrer. Sans la coopération de Charles, Ron et son équipe n'auraient pas pu avoir autant d'informations. Et le mystère de sa disparition serait resté complet.

Malgré la flopée de missions qu'avait accomplie Ron, il trouvait toujours cela aussi difficile. Annoncer une mauvaise nouvelle de cette ampleur. Car de ces funestes mots, Ron n'entrapercevait que les larmes des vivants qui mouraient à petit feu à son annonce couperet.

Après cette entrevue difficile, Ron se rendit au Ministère en compagnie de Seamus. Il devait absolument obtenir le droit d'accès à la salle des Mystères pour Jane et Henri. S'il échouait, les loups-garous ne lui feraient jamais confiance pour la suite des recherches. Il avait réussi à avoir un entretien avec Pénélope Deauclaire, la directrice du département.

L'ancienne Serdaigle tenait cette section du Ministère d'une main de fer et sans toutes ses coordinations, il n'aurait pas évolué de manière à rendre ses activités et ses accès plus lisibles pour les employés. Malgré tout, c'était toujours un parcours du combattant de pouvoir avoir accès à certaines archives. Ron avait de la chance d'avoir obtenu sa confiance après une affaire de vol compliquée qu'il avait résolue au sein de l'équipe de la blonde.

Dès que Seamus toqua à la porte de son bureau, Pénélope leur ouvrit d'un coup de baguette et les accueillit dans le méli-mélo qu'était sa salle de travail. Très rapidement, les deux hommes lui exposèrent leurs problèmes et le besoin de faire pénétrer des loups-garous pour qu'il puisse poser leurs mains sur leur prophétie.

« Malheureusement, je ne pourrais pas te faire un laisser-passer sans enfreindre les règles de confidentialité et d'accès à la salle des mystères. Tu sais bien que les créatures ne sont pas acceptés à l'intérieur.

— C'est un cas de force majeure ! C'est évident que ces trois jeunes sont impliqués, grogna Ron.

— Le seul moyen que leur visite puisse s'organiser est de voter cette entorse à la loi en passant par le Conseil des Sorciers.

— Tu veux que je fasse quoi ? Que je crée une réunion exceptionnelle de force majeure ? Comment ils l'accepteraient alors que ça concerne surtout les Cracmols ? demanda Ron.

— Fenrir Greyback était un allié du Seigneur des Ténèbres. Des centaines de personnes sont mortes sous ses crocs. Il est vivant et a transmis une peur d'autant plus intense des loups-garous parmi les sorciers. Il est évident que son assassinat peut être considéré comme un cas de force majeure. En plus, le trio d'or est à nouveau lié pour cette affaire. Quoi de mieux pour clore le chapitre de cette guerre, balança Pénélope avec flegme.

— C'est sûr. Vous voir tous les trois sur cette affaire de cracmols a déjà fait pas mal de bruit, renforça Seamus. Et puis Teddy a une place au Conseil. Il pourrait nous donner une voix pour le vote en plus.

— En plus c'est le fils de héros de guerre ! Même si Tonks et Lupin ne sont pas les plus connus, ça rend votre demande d'autant plus crédible. Je vais t'aider à faire la demande, ajouta-t-elle.

— J'ai déjà les codes et l'adresse. » soupira Ron en se saisissant du formulaire que Pénélope lui tendait.

Ron remplit avec vélocité les cases prévues à cet effet et plaça la missive entre les pattes de l'aigle roux de la directrice. Il fut surpris par la rapidité de la réponse. Seamus et Pénélope reçurent à leur tour une lettre d'une chouette du Ministère. Leur demande avait été acceptée. Dans quatre jours, une réunion exceptionnelle au Conseil des Sorciers serait organisée pour décider de l'accès de Jane et Henri dans la salle des mystères. La mort des Cracmols ne serait plus un simple sujet de débat. Et le retour d'un ancien allié de Voldemort sur le devant de la scène provoquerait sans doute bien plus qu'un vulgaire choc médiatique. Cette chasse à l'homme rentrerait peut-être dans l'histoire.


En arrivant chez Harry, seul, pour lui exposer son plan, Ron ne put s'empêcher d'être inquiet. Si Harry n'acceptait pas que Teddy entre dans l'arène du Ministère, ils ne gagneraient pas. Une part de lui s'en voulait de devoir à nouveau mettre leur désir de tranquillité aux oubliettes.

Lorsqu'il tomba sur Harry et Malfoy en train d'éplucher des journaux et des fiches de référencements sorciers dans un calme olympien, Ron ne put s'empêcher de trouver la scène étrange. Le sang-pur était son collègue de travail depuis des lustres. Ron savait aussi qu'il avait fini par avoir de bons rapports avec Ginny. Il était donc tout naturel que Harry s'habitue à sa présence. Cependant, Ron n'avait jamais cherché à mélanger son travail et sa vie personnelle. Il ne voyait pas de quoi il pourrait parler avec ce type un peu trop pédant à son goût même s'il respectait Malfoy pour son parcours de vie.

La situation était donc cocasse. Harry laissait Malfoy envahir son espace personnel pour récupérer le livret d'une pile comme si c'était la situation la plus normale du monde. Voir la main blanche de son collègue se poser sur l'épaule de son meilleur ami sans qu'il ne scille surprit Ron. Harry était pourtant constipé par un contact physique non initié. Depuis quand Malfoy touchait quelqu'un en dehors des poignets de main protocolaire ? Toutes ces questions qui traversèrent l'esprit de Ron se terrèrent dans un coin de sa tête alors qu'ils rejoignaient les deux hommes. Il en parlerait avec Harry plus tard.

«Vous avez réussi à trouver des choses intéressantes parmi ces suspects ?

— Pas vraiment… déclara Draco, ennuyé. Il n'y a rien sur ces sangs-purs que je ne sache déjà…

— Par contre, on a bien reçu ta convocation pour le Conseil des Sorciers, coupa Harry d'une voix beaucoup plus neutre qu'il ne l'aurait imaginé. C'est vraiment pas possible de faire autrement que de convoquer tout le monde ?

— Malheureusement non… désolé, soupira Ron en s'asseyant sur sa chaise. »

Alors que Ron s'attendait à ce que Harry fasse une scène, il poussa un soupir de résignation et posa ses yeux verts sur lui, déterminé:

« J'imagine qu'on n'a pas d'autres choix. Tu es sûr que ça marchera ? Avec la façon dont certains sorciers ont pris cette affaires de Cracmols jusque là, ça m'étonnerait qu'on ait la majorité du Conseil derrière nous lorsqu'ils apprendront pour Greyback.

— Ce n'est pas parce que les loups-garous sont toujours détestés qu'il nous ait impossible d'atteindre la majorité. Greyback est un criminel de guerre et beaucoup de sangs-purs ou de sorciers liés à Voldemort par le passé pourraient se joindre à nous pour laver leur nom. Qu'il s'intéresse au sort des Cracmols importe peu, expliqua Malfoy.

— Tu as raison sur ce point mais Harry n'a pas totalement tort. Même avec cette donnée, les résultats risquent d'être serrés et il y a des chances qu'on perde ce vote. D'après mes calculs, ça pourrait se jouer à quelques voix près.

— On peut acheter quelques membres… proposa Malfoy le plus naturellement du monde.

— Mais ça va pas ? ! s'égosilla Harry. Il est hors de question qu'on fasse une chose pareille !

— C'est contre le règlement du Conseil et son bon fonctionnement… ajouta Ron.

— Ca irait plus vite… se renfrogna Draco.

— Il est hors de question qu'on te mette en danger inutilement, répliqua Harry sans appel.

— Nous aussi, on serait aussi dans un bourbier pas possible si on se faisait prendre, fit remarquer Ron.

— C'est pas pareil avec notre statut de héros de guerre, tu le sais bien.

— Bon, au lieu de débattre sur des idées discutables, je me demandais si tu pouvais pas proposer à tes deux amis de nous soutenir pour ce vote, proposa Ron.

— Pansy et Blaise n'accepteront jamais de se lancer dans l'arène politique surtout s'ils n'y gagnent rien…répondit Malfoy.

— Pas même pour aider un ami ?

— De quoi est-ce que vous parlez ? »

La voix de la jeune louve s'éleva dans la pièce alors qu'elle y entrait avec son ami Henri. Le loup-garou était alerte mais arborait un sourire qui se voulait avenant. Jane avait toujours l'air autant sur ses gardes. Elle croisait les bras et n'hésitait pas à laisser ses crocs visibles. Il n'y avait qu'avec Harry qu'elle était un peu plus détendue. Ron ne pouvait pas lui en vouloir. Avec ce qui était arrivé à sa meute et le fait qu'elle doive prendre de telles responsabilités à son âge, ce n'était pas évident.

« Une réunion au Conseil des Sorciers va être organisée pour obtenir les autorisations pour que vous écoutiez la prophétie, leur expliqua Harry avec douceur.

— Vous n'êtes pas sûrs de les obtenir ? Si c'est le cas, ça sert à rien qu'on continue de travailler ensemble. On peut se débrouiller tout seuls, lâcha Jane sans préambule.

— Pas la peine d'être aussi drastique, Jane. Ils essaient de trouver une solution, tenta de la raisonner Henri.

— On arrive déjà pas à trouver ce fichu sorcier avec tous ces archives, ni la supposée corne ! On a qu'à le faire à notre façon, se concentrer sur la recherche de Fenrir et le déchiqueter ! grogna-t-elle.

— Je comprends ton angoisse, Jane. Tu veux sauver tout le monde, rapidement. Mais pour la sécurité des tiens, il serait préférable qu'on s'assure que Fenrir meure sans possibilité de retour, déclara Hermione avec indulgence en entrant dans la pièce suivie par Teddy. Je te promets qu'on trouvera une solution pour le Conseil. »

Le calme et la fermeté de sa femme semblèrent avoir un effet sur Jane, au grand soulagement de Ron. Il avait tellement de chance d'avoir Hermione à ses côtés. Elle trouvait avec facilité les mots justes qui ne traversaient jamais sa gorge.

Alors que Ron pensait que les adolescents s'étaient enfin calmés et qu'ils pourraient reprendre une conversation sereine et posée, la proposition de Teddy fit l'effet d'une bombe:

« Je peux venir au Conseil pour voter si ça peut aider. »


Depuis ses dix-huit ans, Teddy avait son nom en gras sur un des sièges du Conseil des Sorciers : celui réservé à la famille Black. Il se souvenait très bien de l'appel qu'il avait reçu de Victoire à cette annonce. Il paraissait que des rumeurs avaient été lancées par la Gazette des Sorciers à ce changement étrange. Ils parlaient déjà du premier loup-garou au Conseil, assis du côté des anciennes familles sang-pur en plus. Cette idée était ironique. Les gens avaient continué de parler dans le vide puisque Teddy n'y avait jamais mis les pieds. Draco ne lui avait jamais mentionné cet événement et Harry lui avait demandé si cela l'intéressait ou s'il voulait qu'il tente quelque chose pour effacer son nom. Teddy avait simplement ignoré cet état de fait et continuer sa vie du côté moldu. Après tout, il n'avait pas de pouvoirs alors à quoi bon se mêler de la vie du monde sorcier. C'était ce qu'il avait toujours pensé jusqu'à récemment. Mais ses cheveux avaient changé de couleur et il les avait découverts: ses pouvoirs incontrôlables qui semblaient s'exacerber depuis qu'il avait rencontré son âme sœur.

Pourquoi Poudlard ne lui avait jamais envoyé de lettres ? Pourquoi ses pouvoirs ne s'activaient que maintenant ? Étaient-ce réellement les siens ? Peu importait s'il pouvait faire quelque chose pour faire pencher la balance de leur côté.

« Je peux venir au Conseil pour voter si ça peut aider.

— Vraiment ?! s'exclamèrent Harry et Draco, surpris

— Vous avez dit qu'une voix de plus pouvait faire la différence.

— Tu es certain que tu pourrais supporter les caméras, les flashs, l'attention ? questionna Harry, préoccupé.

— Ce serait vraiment génial si tu le faisais Teddy ! coupa Ron. On aura besoin que deux personnes en plus dont on serait certains du vote et ce serait bon. »

Teddy avait entendu la discussion des trois hommes avant d'entrer dans la pièce et une idée trottait déjà dans sa tête pour arranger ça. Ayaba était une héritière directe des Parkinson. En réalité, elle avait aussi une place au Conseil. S'il trouvait un moyen de la faire voter, le problème serait réglé. Mais pourrait-il utiliser son âme-soeur de manière aussi vile et pour ses propres intérêts ? Alors qu'il ne lui apportait rien que des problèmes et des difficultés ? Teddy fut stoppé dans le cours de sa réflexion par Jane.

« Comment ça se fait que tu as une place dans ce Conseil et que tu nous en as jamais parlé ? demanda Jane, d'une voix blanche.

— Tu détestes entendre parler du monde des Sorciers, j'ai pas juger ça nécessaire. » répondit Teddy à la hâte pour couper court à la conversation.

Mais alors qu'il allait passer à autre chose, il remarqua le regard et surtout l'odeur pleine de colère et l'incrédulité de Jane. Un flash dangereux traversa les yeux de son amie et Teddy ne put s'empêcher de montrer les crocs. Il en avait marre qu'elle le regarde comme si c'était un étranger depuis la bataille. Il savait qu'elle le considérait comme responsable. Elle faisait comme si lui aussi n'était pas touché par ce qu'il se passait, par la perte de leurs proches. Elle se comportait comme s'il avait choisi d'être rattaché à la meute de Fenrir. Teddy avait préféré laisser passer. Jane était blessée. Son père était entre la vie et la mort. Son monde était chamboulé. Mais le sien aussi. Pourquoi le regardait-elle avec autant de haine ?

« Qu'est-ce qu'il y a ? demanda Teddy, nerveux.

— Tu sais que tu as des pouvoirs depuis des années et tu nous as mentis !

— N'importe quoi ! Ça fait à peine quelques semaines que je me pose des questions ! s'énerva-t-il.

— Des semaines de trop ! Tu nous as caché tout ça avec Henri ! Tu nous as à peine parlé de la voix dans ta tête ! Tu n'as jamais réellement fait partie de la meute ! T'es un menteur !

— Je vous ai déja parlé de ma sensation de danger ! Je sais que j'aurais du comprendre plus tôt que c'était Fenrir ! J'aurais dû être un meilleur Gamma pour la meute ! Je le sais, Jane ! Donc arrête de faire comme si je m'en fichais !

— Mais tu te fiches de la meute ! DEPUIS TOUJOURS ! C'est TOUJOURS moi et Henri qui devions faire des efforts ! Et pour quoi ? Pour découvrir que je n'étais qu'une alpha de pacotille pour toi ‽

— Jane…supplia Henri.

— Non… Dis lui Henri ! Dis lui que ça fait plusieurs lunes que Maria voulait virer Teddy de la meute par sécurité depuis l'incident des goules ! Dis lui qu'on l'en a empêché avec mon père ! Et tout ça pour quoi ‽

— Qu-quoi … ? » balbutia Teddy, sous le choc.

Il tenta de croiser le regard de Henri mais celui-ci l'évita. Il mordillait ses lèvres avec anxiété. La meute voulait se débarrasser de lui depuis plus longtemps que sa discussion avec Maria au printemps. Depuis deux ans au moins, elle ne le voulait plus parmi eux. Pourquoi ? Qu'avait-il fait de pire que ce qu'il se produisait déjà ?

« Maria disait que le fait que tu aies tué autant de ses créatures seul, même pour protéger les autres élèves n'était pas normal. Pas avec une telle rage. Elle disait que ce n'était pas normal que tu aies besoin d'autant de temps pour reprendre forme humaine et que tu aies failli me blesser lors des affrontements. Elle disait que tu n'étais pas des nôtres, que tu ne nous aimais pas assez pour pouvoir accepter ton loup… débita Jane, sans remords. Elle avait raison…

— Retire ce que tu viens de dire.

— Pourquoi ?! cracha-t-elle. Plus besoin de faire semblant maintenant ! T'as jamais voulu être un loup ! T'as toujours voulu être un sorcier ! Tu nous as toujours méprisé !

— C'EST FAUX !

— Ton âme-sœur est une sorcière. Je pense que c'est assez révélateur. Pas étonnant que tu sois le successeur de Fenrir…»

À ses derniers mots, l'esprit de Teddy vira au rouge. Comment osait-elle insinuer une chose pareille ? Comment Jane pouvait-elle penser qu'il ne les aimait pas ? Que toutes ces années d'amitié n'étaient qu'un mensonge ? Les choses qu'il avait caché à ses proches, à son cœur, il l'avait fait pour être accepté. Pour ne pas faire de vague. Teddy avait fait tout ce qu'il pouvait pour contrôler son loup, pour tenter d'effacer les a priori qu'il avait sur cette animalité qui lui faisait peur. Henri et Jane l'avaient accompagné toute sa vie du côté des moldus. C'étaient à leur côté qu'il s'était reconstruit. Comment sa meilleure amie, la personne que son esprit enfantin avait voulu embrasser en tant qu'alpha, pouvait-elle tout balayé d'un revers de main ?

Tous ses efforts avaient été vains. Teddy ne savait plus qui il était. Et Jane ne voulait plus de lui. Elle le considérait comme un leurre. Si même elle n'était plus sûr de qui il était lorsqu'il se tenait ses côtés, qu'est-ce qu'il restait à Teddy ? Du vide et de la rage. Jane devait retirer ce qu'elle avait dit.

Teddy grogna et se jeta sur elle. Il entendit à peine les cris et les sorts fuser. Tout ce qu'il ressentait étaient les crocs de Jane sur son avant-bras et son désir de la tuer pour effacer la douleur. Un sort frôla son épaule mais il l'évita il ne savait comment. Il n'avait qu'une idée en tête: la détruire. Cet être qui se débattait au-dessus de lui. Dans leur affrontement, Teddy entendit la voix de Fenrir dans son esprit.

"Tu vois, Teddy. La seule personne à qui tu appartiens depuis toujours, c'est moi. Vous n'avez jamais été une véritable meute tous les deux. Tue-la avec tes pouvoirs. "

Il se jeta sur la tempe de son amie, avide à l'idée de voir le sang s'échapper de sa cervelle. Son bouclier magique fut alors crevassé par une attaque de Harry. Mais ce ne fut pas son parrain qui l'arrêta. Ce fut la voix de son âme-soeur qui le réveilla :

" Je ne peux pas respirer…Il faut que je reste forte… À l'aide…Ils doivent rester en vie…"

Pourquoi Ayaba pleurait-elle ? Au dessus de quels corps s'accrochaient-elles ? Pourquoi ses larmes coulaient-elles sur ses joues ? Pourquoi avait-il si mal ?

En rouvrant les yeux, il croisa le regard incrédule de Harry qui le fixait comme s'il s'agissait d'un revenant.

«Teddy, il faut que tu lâches Jane, tout de suite. » lui intima-t-il.

D'autres odeurs, d'autres loups de sa meute étaient entrés dans la pièce pour l'arrêter. Il le sentait. Teddy lâcha sa meilleure amie, un peu plus amochée que lui. Jane s'apprêta à lui arracher le visage mais fut retenue par Henri et David. Teddy ne comprenait pas comment il avait pu la blesser autant. Sa tête lui tournait dangereusement et sa peine se mêlait à celle de la sorcière, à des kilomètres. Son énergie magique ne se calmait pas. Il ne savait pas quoi en faire. Teddy ne pensait qu'à fuir. Il repoussa tous ceux qui voulaient s'approcher de lui. Il devait se terrer dans sa chambre. Dans sa fuite, il percuta Hermione. Les chaînes magiques de contention qu'elle tenait échouèrent au sol en un claquement sourd.

« Tonks ?!» s'exclama-t-elle les yeux ronds avant qu'il continue sa course.

Lorsqu'il s'enferma enfin dans sa chambre, Teddy se jeta à terre. Chacun de ses muscles étaient pris de soubresauts incontrôlables alors que les larmes coulaient sur ses joues. Il voulait se lacérer la peau. Il avait du mal à respirer. C'était comme si tous les mots qu'ils n'avaient pas la force de prononcer l'étouffaient et empêchaient à ses poumons de récupérer un air salvateur.

Il avait si mal. Les mots de Jane tournaient en boucle dans sa tête. Il n'était qu'un menteur. Et à force de vouloir plaire et ne déranger personne, Teddy n'arrivait plus à savoir ce qu'il voulait ni à déterminer qui il était.. Il était épuisé.

Alors qu'il était prostré au sol, Teddy réussit enfin à retrouver une respiration viable. Il se retourna dans un grognement et en apercevant son reflet, un cri se coinça dans sa gorge.

Son apparence avait changé. Des cheveux bleus, les yeux gris des Black et un visage qui ressemblait tant à celui de sa défunte mère le fixait, apeuré. Teddy comprit pourquoi on l'avait pris pour un revenant. Il était si perdu qu'il faisait réapparaître les morts.


Ayaba se sentait mal depuis la veille malgré sa discussion avec Famuyiwa. Elle avait l'impression que toute leur maison était cernée par cette atmosphère malfaisante qui n'avait pas quitté les lieux. Pour ne rien arranger, elle ressentait une tristesse indicible au creux de son estomac. Elle se sentait toujours fébrile en cette période de l'année mais à présent, elle connaissait la raison. C'était la détresse d'Edward qui la traversait. Depuis que leur lien était sorti de sa torpeur, Ayaba était une véritable éponge. Elle n'arrivait pas à croire qu'elle était aussi instable alors que la Cité perdait pieds à cause de cette menace interne.

Depuis le lever du jour, Ayaba n'avait pas quitté sa chambre. Elle avait l'impression d'être écrasée par un poids incommensurable. Mais cette masse était-ce celle de ses propres craintes ou représentait-elle les peines d'Edward ? Elle avait l'impression qu'une catastrophe était toute proche. Ses pouvoirs étaient instables. Elle les sentait, vibrant sur sa peau, sur ses doigts, comme un châle dont elle ne pouvait se défaire. Ayaba était prise au piège. Elle s'enfonçait donc dans son lit, prise de clinophilie pour ne pas faire face à toutes ces épreuves.

Ce fut le cri d'Oyeniran qui l'obligea à quitter sa couche dans la précipitation. Sa baguette enserrée dans le creux de sa main, Ayaba courut vers la source du vacarme. Alors qu'elle avançait dans le long couloir, son esprit n'eut pas besoin d'indices pour comprendre qu'elle se rendait dans la chambre de son oncle et de sa tante.

Leur porte était grande ouverte. Or, tante Ayo détestait que l'on brise l'intimité de son couple. Ayaba avait rarement pénétré dans leur chambre depuis qu'elle avait six ans. Elle n'avait plus aucune raison valable de les ennuyer la nuit.

Si leur cocon était ouvert, si leurs filles avaient pénétré à l'intérieur, il leur était arrivé quelque chose de grave. À quelques pas de la porte, le corps d'Ayaba se pétrifia. Une part d'elle savait ce qui l'attendait à l'intérieur de la pièce. Elle pouvait percevoir les cris de douleurs d'Omilaye. Elle sentait cette puissante magie sombre, tortueuse, les ombres noires qui se reflétaient sur les carreaux du sol poli.

Dans un état second, la présence de son âme sœur reléguée au rang de parasite, elle plongea dans cette abysse. Et elle les vit. Les deux corps de ses deux parents d'adoption. Ils dormaient, leurs mains étaient enlacées en une poigne qui la bouleversait. Ils étaient entourés d'ombres. On ne pouvait les approcher et des larmes de sang coulaient sur leurs joues.

Fatumbi les avaient attrapés. Dans un dernier appel, Tante Ayo lui avait parlé hier parce qu'elle savait qu'elle se ferait prendre. Sa condition de sirène ne l'avait pas protégée des griffes de cet esprit. Ils étaient emprisonnés dans ce sommeil macabre, dévorés par cette brume infranchissable.

Omilaye et Oyeniran pleuraient. Famuyiwa commençait déjà à analyser les étranges effluves magiques qui s'échappaient de leurs corps hors d'atteinte.

C'était grave. Qu'était-elle censée faire ? Ayaba avait peur. Elle avait si mal. Ils ne pouvaient pas disparaître de cette manière, dévorés par cette sombre énergie magique qui n'avait jamais trouvé le repos . Pourquoi leur cité était-elle à nouveau en danger après tout ce qu'ils avaient traversé ? Devait-elle partir ? Et laisser sa famille derrière elle ? Impossible.

Ayaba se sentait prise au piège. Elle quitta l'affreux spectacle au pas de course. Elle sentait que ses pieds ne touchaient plus le sol, que sa magie tourbillonnait tout autour d'elle. Pourtant, elle n'arrivait pas à respirer. Il fallait qu'elle reste forte. Pourtant une partie d'elle ne pouvait s'empêcher de crier à l'aide. Ils devaient rester en vie. Tous. Leur famille continuait à subir les spectres d'une mort imminente depuis trop longtemps.


La dispute entre les trois jeunes avait escaladé plus rapidement que Harry ne l'avait anticipé. Cela lui faisait mal de voir ces trois amis s'entredéchirer ainsi. Il craignait pour la vie de Timothy, encore sur le fil. Et voir ses enfants qu'il avait vu grandir ensemble se battre ainsi, ravivait en lui un désir de protection qui lui arrachait le coeur. Ils avaient des conflits à régler entre eux. Lily était à cran. Teddy plus renfermé et dangereux que jamais. Harry ne pensait pas que ses pouvoirs reviendraient de cette manière. À l'image d'une explosion impossible à stopper, Teddy avait luit. Et il avait failli tuer Jane lors de leur altercation. Au départ, Harry n'avait pas voulu intervenir, On ne s'impliquait pas dans un duel entre des loups. L'expérience lui avait appris que c'était du suicide de se lancer dans cette entreprise et que cela ne faisait qu'empirer la situation.

Lorsqu'il s'était rendu compte de la tournure que prenait la bagarre, il avait crié à Hermione de chercher le père de Henri et les plus âgés de la meute pour les séparer.

Harry avait quadrillé les lieux avec un Ron et Draco plus que surpris et par miracle, il avait réussi à calmer Teddy. Lorsqu'il avait croisé la figure de Tonks dans un de ses costumes de filatures, et non les traits de son filleul, une part ancienne de Harry avait été ébranlée. Le métamorphomage s'était alors échappé de la pièce,bouleversé. Laissant le salon sans dessus-dessous et une Jane férale calmée tant bien que mal par les autres membres de sa meute. Ses amis étaient plus que perplexes.

Cette nouvelle plongée dans la guerre ne lui rappelait que trop bien celle qu'il avait vécu. Et cette constatation blessait Harry. Bien plus qu'il ne l'aurait cru.

« Depuis quand Teddy a des pouvoirs ? demanda Ron, abasourdi.

— Je l'ai découvert à la bataille contre Greyback…

— Albion en avait parlé dans sa cellule mais ils sont aussi puissants que ceux d'un sorcier ! Cela n'a aucun sens que Poudlard ne l'ait pas contacté ! fit remarquer Hermione.

— Certaines créatures peuvent avoir des pouvoirs importants. C'est le cas des vampires, des goules, des centaures. Ils n'ont pas leur place à Poudlard pour autant et Teddy, semble quand même très… loup… fit remarquer Draco en remettant sa mèche en place.

— Il a une place au Conseil des Sorciers. Ce n'est pas anodin, rétorqua Hermione.

— J'ai l'impression que cette montée de pouvoirs étranges est peut-être liée à son âme-soeur, avoua Harry.

— Je vois pas le lien avec une amourette…

— Une âme-soeur, Ron. Il y a plein de créatures qui sont rattachées à d'autres pour avoir une ancre plus stable. C'est le cas des loups-garous.

— Ah bon ? C'est si important que ça ? Ce n'est pas un poil dangereux d'avoir un point faible aussi évident ?

— Tu veux dire qu'une partie de cette dispute c'est à cause d'une banale histoire d'amour d'adolescents. En tant de guerre, sérieusement ! se plaignit Ron.

— T'es clairement pas le mieux placé pour te plaindre. » roula des yeux Hermione.

Ron rougit au rappel que lui fit sa femme, et ferma sa bouche mortifiée alors que de vieux souvenirs avaient dû ressurgir. Harry ne put s'empêcher de ricaner au rappel des affres de la relation de ses meilleurs amis.

« Arrête de te foutre de moi, Harry ! bougonna Ron.

— J'ai rien dit…se défendit le concerné. On devrait se faire un thé après avoir rangé tout ça…

— C'est affreux, ces lycanthropes ne savent pas tenir une maison. Cela doit faire plus de vingt fois que j'utilise un Reparo depuis que j'ai mis les pieds ici. » soupira Draco.


Famuyiwa s'était rendue au palais royal pour s'entretenir avec les membres de la garde. Il n'y avait pas que leur famille qui avait été touchée dans le quartier. D'autres avaient subi le même sort dans cette première attaque de grande envergure. Les cris qu'Ayaba avait entendus depuis sa chambre étaient assez évocateurs pour qu'elle en soit certaine. Il y aurait un discours du Roi dans la grande place. Il parlerait de leur rôle à jouer. Ayaba espérait que les érudits savaient où ils voulaient les emmener. Car rester sans rien faire, à attendre une prochaine catastrophe était infernal. Se préparer n'avait jamais semblé aussi compliqué pour Ayaba. Le seul élément qui l'entourait et l'engloutissait était le silence. Les murmures perpétuels de la maison et les cliquetis du restaurant avaient disparu, dévorés par les ombres et la perte de la propriétaire. Ayaba enfila une robe sans artifice. Elle attacha un foulard autour de sa tête et entra dans le restaurant pour rejoindre ses cousines. Sa surprise fut grande lorsqu'elle trouva Oyeniran en plein service, déposant devant trois petites têtes, des soupes pour le déjeuner.

Les trois enfants avaient le visage terne et mangeaient goulument le repas en face d'eux. Ayaba questionna sa cousine du regard qui l'invita à la suivre dans la cuisine.

«Leur grand-mère a aussi été prise par les ombres. Les voisins ont déjà pris avec eux quelques enfants en charge. Puisqu'ils viennent à tous les concerts, je me suis dit qu'on avait bien assez de place ici, expliqua Oyeniran. Tu veux bien partager ta chambre avec eux ? »

Sa chambre n'était pas la plus spacieuse mais elle était la moins encombrée. Ayaba n'y passait pas toute sa vie et il restait encore plusieurs jouets de son enfance dont elle n'avait pas pu se débarrasser. Même si elle n'était pas enthousiasmée par l'idée, elle ne pouvait pas dire non face à la bonté d'Oyeniran. Ni face aux trois petits triplés qui la fixaient avec cette douceur compréhensive et innocente qu'on ne trouvait que chez les enfants. Sa cousine avait raison. Elles se devaient de les protéger même si le monde les forcerait à s'endurcir.

« Vous avez fini ? demanda Oyeniran avec un grand sourire.

— Oui. Merci Tata.

— Ayaba va vous montrer où vous allez dormir cette nuit puis on ira tous ensemble sur la place principale pour le discours du Roi. Tout est bon pour vous ?

— Oui ! » déclarèrent-ils en chœur.

Les trois garçons suivirent Ayaba comme des petits poussins. Elle les avait déjà vu jouer avec les autres enfants du quartier devant le restaurant mais Ayaba n'avait jamais pris la peine de retenir leur nom. Ils s'échangeaient toujours leurs vêtements et prenaient un malin plaisir à prendre la place les uns des autres pour s'amuser. Il n'y avait que leur grand-mère qui savait les différencier.

« Comment vous vous appelez déjà ? demanda Ayaba.

— Amadi, Ade et Adisa, déclara le plus jeune en tête de fil.

— J'imagine que vous me donnerez pas de petit coup de pouce pour savoir qui est qui. »

Ils ricanèrent et la plus grande sut qu'elle n'aurait jamais de véritable réponse.

« Voici ma chambre ! Je vais vous faire apparaître des lits !

— Wouah ! Elle est grande !

— Pas de ballon ici, avertit-elle en sortant sa baguette.

— Tu sais pas faire de magie sans baguette ?

—Elle est pas d'ici » souffla un autre de ses frères.

Ayaba ignora leurs petites voix et fit apparaître un grand lit qui pourrait aisément contenir trois corps de bambins surexcités. Ils sautillèrent dessus pour s'assurer qu'ils tenaient bien en place avant de se jeter sur elle pour la remercier.

Ayaba n'était pas très à l'aise avec les enfants mais elle préférait les voir débattre sur qui prendre le meilleur côté du lit plutôt qu'observer la tristesse peinte sur leur visage.

« On doit y aller ! » annonça Omilaye en ouvrant la porte à grande volée.

Ayaba ne savait pas comment elle faisait pour toujours aussi pimpante et bien apprêtée. Avec son élégance, rien ne semblait pouvoir la broyer. C'était bien loin de la détresse qu'elle avait exprimé le matin même. Ayaba aimerait cultiver cette habileté qu'elle détestait et admirait tout à la fois.

Oyeniran les attendait à la sortie. Au loin, les rues étaient déjà bondée de monde. Ayaba avait la gorge nouée alors que la gravité de la situation côtoyait, telle une sœur, l'indifférence du monde qui ne cessait de tourner. Le soleil ne les brûlait pas assez fort. Juste à côté d'elle, le garçon qu'elle pensait être Ade semblait sur le point de pleurer alors qu'il observait sa maison juste en face. Elle était fermée à double-tour. Ayaba lui prit la main. Comme elle aurait aimé qu'on lui fasse lorsqu'elle doutait plus jeune. La chaleur de la paume d'Ade était aussi puissante que le sourire timide qu'il lui lança. Le fait que sa poignée se raffermisse contre ses doigts plus longs donnèrent à Ayaba le courage d'avancer. Et ils s'élancèrent tous ensemble jusqu'à la place.


La place était un océan de têtes et de corps. Les couleurs flamboyaient de toute part en une vague tremblante. Leur famille eut du mal à trouver une place adéquate dans toute cette mouvance. Malgré la chaleur, le ciel était lourd et chargé de larmes qui n'attendaient qu'un éclair pour se répandre sur la Terre.

La scène était déjà occupée par les prêtres et prêtresses des différents temples. Famuyiwa et Enitan étaient assis avec les membres de leur faction. Sa cousine se tenait droite sur son siège. Sur son visage, on ne pouvait y lire aucune émotion si ce n'était un calme imperturbable qui contrastait avec la gravité des événements.

Les tambours sonnèrent l'arrivée de la famille royale. Le roi était seul accompagné de son fils ainé et d'une partie de la garde. Tout le blanc qu'ils portaient donnait à Ayaba le tournis. Tels des spectres, leurs bijoux d'or, leurs armes et les couronnes étaient les seules tâches ardentes qui les séparaient de la mort.

Leur souverain couva du regard toute la foule. Il n'y avait pas le calme et la douceur d'antan sur ses traits. Pour la première fois, Ayaba y lut de la préoccupation.

« Chers frères et soeurs. Je ne vous ferais pas l'affront de vous mentir ou de vous cacher l'ampleur de la menace qui se profile devant nous. Hier soir, les ombres d'un esprit vengeur ont saisi les âmes du quartier sud de la ville. Des hommes et des femmes de plus de trente ans ont été faits prisonniers. Ils étaient dans l'âge où la sagesse et l'expérience finit par parsemer le chemin de tout être.

Hier, un autre drame s'est produit. Obi, le grand musicien, membre du conseil des Anciens, s'est éteint après deux mois et demi à se battre contre les ombres. »

Un bruissement inquiet et des exclamations horrifiées s'échappèrent de la foule.

« Vous l'avez bien entendu. C'est la première mort causée par ces ombres. Nous avons deux mois à peine pour libérer les nôtres. Deux mois pour comprendre la menace qui se profile.

— C'est UN ESPRIT ! s'écria une vieillarde assise sur un banc qui crissa sous son balancement inquiet.

— Oui. Un esprit qui n'a pas trouvé le repos. Elle s'appelle Fatumbi. Tout ce que nous savons, c'est qu'elle est née sous le règne de notre dernier souverain. Et cet être souhaite se repaitre de nos âmes et de celle des Petites-flammes. Nous ne connaissons pas son objectif mais il est de notre devoir de l'arrêter. Pour nous sauver tous et préserver notre monde.

Sous mon autorité, je vous jure solennellement que chaque prêtre, chaque membre de la garde, chaque membre de la cour se battra pour vous protéger. Je l'ai juré depuis que j'ai destitué mon père. Mais cet exploit ne pourra se faire avec les seules forces vives de ce pays. Chaque main tendue, chaque aide, chaque soutien sera précieux pour arrêter Fatumbi. Quiconque aurait des informations, quiconque aurait réussi à percer ses motivations, à découvrir ce que veulent les ombres pourra s'adresser au grand Doyen du Conseil. Dès aujourd'hui, des membres de la garde royale se rendront dans chaque quartier pour mettre en place des plans de surveillance. Des roulements pour s'occuper des enfants isolés seront organisés.

Nous fermerons les portes vers les autres royaumes voisins et le portail de communication avec les Petites-flammes pour ne pas que ce Mal se propage plus qu'il ne l'ait déjà. Pour tous ceux qui souhaiteraient quitter les lieux, retrouver de la famille de l'autre côté, vous avez cinq jours pour plier bagage ou retourner entre nos murs. Pour chaque sorcier de la diaspora en lien avec notre Cité, une lettre a été envoyée par le service des prêtres du temple d'Eshu. Elle donne les détails de mon discours et ce qui est attendu d'eux par delà les murs. Je vais laisser la place à mon futur successeur. Quoi qu'il puisse m'arriver dans le futur, si vous avez cru en mes projets, en mon règne, alors vous vous soumettrez à la voix de mon fils, Kayin. »

Toutes ses informations eurent l'effet d'une douche froide pour Ayaba. C'était encore plus grave que ce qu'elle avait imaginé. Depuis la fin de la Dictature, les portes du Royaume d'Ife n'avait jamais plus été fermée sur le monde. Une partie de sa vie se trouvait au-delà des murs. il y avait Grace et Zaynab qui l'attendaient de l'autre côté. Il y avait une part de sa vie en Angleterre. Ses amis de Poudlard et ses connaissances. Son père s'était démené comme un forcené pour leur permettre de construire et de retourner vivre sur leurs terres. Comment pouvait-elle repartir sans être certaine qu'elle pourrait revenir ? Pouvait-elle partir en laissant sa famille sur place ? Elle écoutait à peine les paroles du prince de vingt-cinq ans. La situation retournait l'estomac d'Ayaba. Un autre garde prit la parole mais ses mots étaient semblables à des incantations inaudibles pour elle. Ce ne fut que lorsque Famuyiwa prit la parole qu'Ayaba réussit à retrouver assez de calme pour se focaliser sur les informations qu'elle leur apportait.

« Tous les prêtres et prêtresses du Temple d'Orunmila parcouront le temps pour tenter de retrouver l'histoire de Fatumbi et son objectif. Pour l'instant, nous avons peu de données. C'est proche du néant mais nous avons pu réussir à nous connecter avec de potentiels ancêtres de la femme. Et les informations que nous avons eu son éparse. Des objets remplis d'histoire pourraient nous aiguiller mais ils sont répartis dans le monde entier. La diaspora, les écoles de magie du Brésil, d'Haïti et tous nos ressortissants au quatre coins de la planète, sur d'autres terres où au fin fond des empires auront des rôles à jouer dans cette quête.

Un bol, une dague, un collier et un crâne ont été arrachés à nos terres depuis des décennies . Et ils cachent des secrets qui pourraient nous guider jusqu'à Fatumbi. Nous nous devons de les retrouver. Pour comprendre et l'arrêter avant qu'il ne soit trop tard.

Si quelqu'un pense être un descendant potentiel de cette femme, si vous avez déjà des idées sur les moyens de se procurer ces objets, veuillez vous adresser à ma supérieure où au sorcier ambassadeur nommé sur chaque continent pour la suite des opérations. »

Le discours de Famuyiwa était d'une limpidité saisissante. Elle était sûre d'elle, sa voix profonde ne laissait pas de place à une quelconque hésitation. Elle avait la prestance d'une reine ou d'une cheffe. Son futur fiancé prit la parole par la suite pour encourager la population à rester souder dans cette épreuve.

À leur retour, Ayaba put à peine répondre à ses cousines qui lui demandaient ce qu'elle comptait faire. La jeune sorcière pensait à deux choses : ils n'avaient que deux mois et demi. Et elle avait déjà vu le bol que Famuyiwa avait fait présenter à la foule. Mais où ?


Ranger tout le désordre laissé par les adolescents avait agacé Draco au plus haut point. Mais il ne pouvait faire que ça dans ce chahut général et entouré de toute cette meute protéiforme. La situation était préoccupante. Le calme qu'il réussissait à conserver malgré leur plan bringuebalant venait de ses années de travail et son expérience des champs de bataille.

Dire qu'il avait accepté de son plein gré de s'engouffrer dans un bourbier de cette envergure. Draco ne se reconnaissait plus.

Harry prépara le thé dont ils avaient tous désespérément besoin. Un silence salvateur envahit enfin la majorité des pièces de la bâtisse. Weasley et Granger finirent par monter pour se coucher, épuisés par leur journée. Il ne restait plus que Harry et lui dans la salle de travail. Draco aurait pu se sentir mal à l'aise. Mais à la place, il ne ressentit qu'un soulagement indicible. Son soupir de contentement à sa nouvelle gorgée de thé brûlant provoqua un sourire chez Harry. Timide et amusé.

«Est- ce que tu veux que je réchauffe encore un peu d'eau ? souffla le propriétaire.

— On peut faire bouillir l'eau avec un sort, Harry. Mais je ne te retiens pas si tu veux te fatiguer ou partir, répondit-il au même volume.

—Non… Je suis bien, là. »

Aucun d'eux n'osa briser le calme qui les enveloppait alors que la nuit continuait sa course dans le temps. À présent, ils étaient enfin seuls. Et l'esprit de Draco put enfin se focaliser sur les questionnements qui tournoyaient dans les tréfonds de son esprit depuis les révélations de la matinée.

« Comment as tu découvert le secret de Voldemort alors que même ma famille ne le savait pas ? chuchota Draco, fébrile.

— C'était notre mission laissée par Dumbledore lors de la septième année. Retrouver les sept horcruxes pour le détruire…Quasiment personne n'était au courant.» souffla-Harry sans le quitter des yeux.

Draco ne s'attendait pas à ce qu'il réponde avec autant d'honnêteté à sa demande qui venait encore défraichir un passé révolu. Sept morceaux d'âmes. C'était impensable et inhumain. Cela expliquait sans doute la force macabre du Seigneur des Ténèbres, cette impression de parler à un spectre vengeur et détraqué plus qu'à un être humain. Alors que Draco réfléchissait, l'image de Nagini lui revint en mémoire. Tout ce que le serpent voyait, Voldemort le savait à son tour.

« Il a utilisé Nagini pour y greffer son âme ? C'est monstrueux et complètement dégénéré de faire ça sur un être vivant ! s'estomaqua Draco dans un murmure.

— Elle n'était pas la seule. J'en étais aussi un.

— Pardon ?

— J'étais son septième horcruxe.» avoua-t-il.

Il fallut quelques instants à Draco pour digérer l'information. À la lumière de celle-ci, il trouvait le sort que Voldemort avait lancé à Harry d'autant plus abominable. Le mage noir avait détruit sa famille, son enfance, ses proches et s'était même accaparé une part de son âme. Le fait que Harry ait pu traverser toutes ces épreuves sans sombrer dans la folie ou une violence vile et destructrice était un miracle. Le fait qu'il soit en face de lui était un éclat dans l'obscurité.

« Tu as encore son âme en toi ?

—Non. Je suis mort une fois pour la tuer. » déclara-t-il en fixant sa tasse.

Merlin.

Harry était bien mort lors de la bataille. Il existait une réalité dans laquelle il ne se serait pas retrouvé devant lui et où Draco n'aurait jamais pu s'excuser ou même le frôler. Cette constatation envahit Draco d'une peur sourde qu'il cacha au creux de son estomac.

« Je sais que c'est un peu flippant. Mais est-ce que tu pourrais garder ça pour toi ? C'est un secret pour éviter que d'autres se lancent dans ce genre de délire…

— Bien entendu… Merci.

— Pourquoi ? demanda Harry, surpris.

— De me l'avoir dit. »

Ce n'était pas une information anodine. Il se doutait du courage qu'il avait fallu à Harry pour lui avouer qu'il était revenu d'entre les morts. Draco chérissait cette confiance qu'il lui accordait.

Comment Harry avait-il pris cette révélation ? Comment vivait-il depuis qu'il n'avait pas ce morceau d'âme dans un coin de lui ? Gardait-il encore d'anciennes capacités de Voldemort ? Comment s'était-il reconstruit, après la guerre ? Enfin seul ? Était-ce un fardeau de garder cette information pour lui ?

Combien de secrets Harry cachait-il encore ? Qu'est-ce que Draco ne lui avait pas dévoilé sur lui-même ? Ils se côtoyaient sans se connaître assez intimement pour se glisser dans toutes les failles de leur passé. Et malgré les craintes, son esprit crevait d'envie de briser ce statut quo. Draco avait cru pouvoir le faire. Face au lac. Il avait cru apercevoir un soupçon d'affection renouvelée chez Harry. Une émotion qui l'avait bouleversée. Harry l'avait complimenté dans une tentative de séduction, n'est-ce pas ? Draco ne voulait pas se tromper ou faire des suppositions présomptueuses. Il ne voulait pas se briser.

Draco voulait décortiquer son âme, dépecer son cœur. Et une part de lui accepterait si Harry avait le même souhait. Draco fut tiraillé par l'envie de l'enlacer, de se fondre en lui pour mieux comprendre chacune des cicatrices fines, des froncements de sourcils et des sourires qui habitaient son corps. Ce désir arrogant, impérieux, et fugace n'était pas nouveau. Depuis qu'il s'était rendu compte que Harry perturbait un peu trop ses sens pour que son attirance soit innocente, Draco n'avait fait que ça. Se perdre un peu plus. Et tomber comme un imbécile.


Printemps 2005

Draco gravirait des montagnes pour Luna. Cette vérité s'offrait à lui de manière brutale. Il avançait à ses côtés sans rechigner depuis une demi-heure. Et cet exploit relevait du miracle. La forêt était vibrante de teintes rouges et orangées. Malgré l'automne bien installé, les températures restaient plus que clémentes. Draco avait du mal à croire qu'il puisse exister un cadre aussi idyllique à quelques pas de chez Andromeda. Luna avait le chic pour trouver les endroits les plus éclectiques et fabuleux à la fois et Draco n'avait aucune raison de l'arrêter dans sa quête. Cela ne l'étonnait pas que ce soit elle qui le pousse à se rendre au-delà de ce village sorcier et à se perdre au milieu des fougères.

Il l'écoutait parler. De sa joie d'avoir trouvé les herbes manquantes pour sa délicieuse soupe à la noix. De sa peur à l'idée de glisser à chacun de ses pas alors qu'elle portait son enfant.

Luna était incroyable. Elle avait offert une place à Draco dans sa vie qu'il n'avait jamais mérité.

Toute personne normale ne ferait pas rentrer un ancien geôlier dans son cercle amical. Mais Luna l'avait fait comme si c'était une chose naturelle. Comme si le fait que Draco ait tout entrepris pour qu'elle reste en vie lors de son passage au manoir Malfoy était un acte qui supposait un début d'entente et de réconciliation.

Luna et lui avaient traversé sa période de captivité dans l'urgence et la peur. La première fois qu'ils s'étaient fait face dans les cachots de sa demeure, Draco avait cru que Luna lui lancerait un regard empli de haine. Après tout, elle savait qui il était. Tout le monde le connaissait. Et même si pour lui, elle n'était qu'une Serdaigle aussi oubliable que les autres, Luna ne connaissait que trop bien le poids de ses crimes et ceux de sa famille.

Elle aurait pu lui cracher dessus, lui montrer toute sa haine alors qu'il lui apportait ses repas. Elle aurait dû. Car ses erreurs étaient trop grandes pour passer inaperçues. Draco aurait mérité les foudres de sa colère.

Pourtant, Luna n'avait rien fait de tout ça. Elle avait lu en lui avec son étrange perspicacité. Et peu à peu, ils s'étaient ouverts l'un à l'autre alors que tout explosait autour d'eux. Sans l'un des témoignages de Luna, Draco aurait plongé une peine plus grande que son assignation à résidence. Il n'aurait peut-être jamais pensé à la possibilité de se réhabiliter. À celle de pouvoir changer.

L'amitié qu'il entretenait avec Luna était singulière. La jeune femme pouvait disparaitre de sa vie pendant des mois et lorsqu'elle réapparaissait, sans crier gare, ils reprenaient leur conversation là où elle s'était arrêtée. Draco aimait s'enquérir des changements dans sa vie. Il enviait sa liberté mais il n'aimait rien de plus que de l'écouter parler de ses expériences et de ses voyages. Elle était la seule personne de son entourage restreint avec qu'il pouvait partager son enthousiasme pour les potions.

Une part de lui avait peur de ne faire que prendre de cette relation. Il ne savait pas pourquoi Luna avait fini par le considérer comme une personne de confiance. Draco ne comprenait pas pourquoi elle s'était proposée pour être sa mère porteuse comme si c'était la proposition la plus évidente et naturelle du monde. Mais il ne la remercierait jamais assez pour ce cadeau qu'elle lui offrait. Accepter de porter son enfant était l'un des plus bel acte d'amour qu'il avait reçu dans son existence. Draco pesait ses mots. Rien de ce qu'il pourrait entreprendre dans sa vie ne pourrait transmettre le privilège qu'il ressentait à l'idée de compter cette femme volatile et exceptionnelle parmi ses amies.

C'était toute cette affection qui l'avait poussé à accepter la proposition de Luna : inviter Ginny Weasley pour un déjeuner. D'après la blonde, cela lui tenait à coeur qu'ils s'entendent bien, d'autant plus que sa meilleure amie était enceinte également. Luna voulait partager cette expérience avec elle sans se restreindre, sans éviter de mentionner le père de l'être qui grandissait à l'intérieur de son corps.

Qui était Draco pour lui refuser cette demande ? Personne.

Après tout, il avait déjà passé un pacte avec la rouquine pour la protéger. C'était peu de choses de tenter de créer un lien ténu avec Ginny Weasley. Et même si elle s'avérait horripilante, Draco avait vécu pire qu'un déjeuner maussade.

Ils arrivèrent dans une étrange clairière. Luna prononça un sort à peine audible à ses oreilles et une cabane apparut devant leurs yeux. Surpris, Draco regardait avec hébétude la bâtisse qui semblait être à sa place depuis toujours.

«C'est toi qui… ?

Non. C'était une cachette de Tonks. Elle me l'avait montré durant la guerre. J'ai eu à l'utiliser lors de certaines distributions de journaux. C'est un lieu parfait pour partir sur de nouvelles bases, non ?

Aucune idée.»

Luna se moqua avec gentillesse de son manque de motivation manifeste et l'entraîna à sa suite.

La cabane était beaucoup plus meublée et aménagée que Draco ne l'aurait cru. Il y avait une cuisine étroite mais fonctionnelle, de la vaisselle et même une table assez grande pour accueillir des invités.

Luna et lui étaient bien incapables de cuisiner le moindre aliment sans brûler toute la structure en bois mais l'agencement et les équipements restaient remarquables. Draco fit apparaître les différents plats et mets qu'il avait commandés dans une ribambelle de restaurants. Puis il se rendit devant le feu pour faire l'unique boisson qu'il pouvait chauffer avec compétence: du thé.

Luna décorait la pièce colorée d'une ribambelle de fleurs toutes plus ravissantes les unes que les autres. Draco se laissa bercer par son flot de pensées irréguliers si éloignés des phrases utiles et engoncés du reste de son entourage proche. Toute la cabane fut prête pour l'invitée de "marque". Même si Draco voulait minimiser ses appréhensons, il craignait l'issue de ce déjeuner. Draco ne connaissait que très peu Ginny Weasley. C'était une Weasley, la meilleure amie de Luna, la femme du grand Harry Potter et surtout la seule personne avec qu'il avait formé un sort inviolable pleinement consenti. Luna savait-elle jusqu'où était allée sa meilleure amie pour la protéger ? Draco n'en était pas certain. Il ne savait pas s'il aurait fini par livrer Luna sans ce pacte, malgré ses réticences.

Draco était mal à l'aise. Même s'il avait envoyé des excuses, tenté de faire amende honorable, on ne pouvait effacer le passé. Parfois il réapparaissait autour d'un couloir, d'un objet et les souvenirs ne pouvaient pas être stoppés.

«Draco. Tu t'es encore perdu dans tes pensées. Cela ne sert à rien de tant réfléchir. Ginny t'aimera à coup sûr.

Qui t'a dit que moi, je l'aimerai ? la taquina-t-il.

Parce que vous êtes les deux personnes les plus bornées que je connaisse ! Et vous m'aimez suffisamment pour faire un effort. »

Luna avait un peu trop conscience du pouvoir qu'elle avait sur lui. C'était horripilant. Malgré la robe longue et ample qu'elle portait, son ventre rond ne pouvait plus être masqué. Son amie était adorable. On frappa enfin à la porte. Draco ne put retenir Luna qui sautilla jusqu'à celle-ci sans se faire prier. Telle une tornade, elle se jeta sur Ginny Weasley.

« Tu es venue !

Bien sûr que je suis venue.» répondit-elle dans un rire en l'enserrant dans ses bras.

Weasley était un peu trop couverte avec son énorme écharpe, son pull, son bonnet et ses caches-oreilles. Lorsqu'ils se fixèrent, en chien de faïence, son regard se durcit.

« Malfoy.

Weasley » la salua-t-il avec la même froideur.

Cessez de parler ainsi ! Vous n'êtes plus des étrangers à présent. » ricana Luna en forçant Draco à s'approcher.

Il tendit sa main, pétri d'appréhensions. Ginny la prit sous la sienne , après un instant d'hésitation. Sa main était chaude et plus potelée tout comme le reste de son corps qui semblait entrer en combustion. Elle se dépétra enfin de toutes ses couches de tissus et son corps de femme enceinte rayonna dans la pièce avec une intensité encore plus forte que Luna.

Ils s'assirent pour manger et le repas fut beaucoup moins gênant qu'il aurait pu l'être. Au départ, c'était surtout Luna qui faisait la conversation. Mais très vite, ils furent emportés à leur tour. Ginny était presque un être supportable lorsqu'elle arrêtait de poser des questions dignes d'un interrogatoire de police. Elle était sarcastique, spontanée et très protectrice envers ses proches. Elle riait avec la même spontanéité avec laquelle elle abordait la vie. Draco comprenait mieux pourquoi Luna voulait partager autant que possible la fin de sa grossesse et ses péripéties avec elle.

Lorsque Luna se leva pour aller aux toilettes, Ginny et Draco se retrouvèrent seuls. L'aristocrate tenta de combler le vide en se concentrant sur son thé mais son tact calculé fut ignoré par la sorcière.

«Tu sais bien que Luna est lesbienne et t'aimeras jamais plus qu'en ami ? questionna -t-elle.

Weasley, les femmes ne m'attirent pas particulièrement. C'est bien pour ça que je suis rassuré qu'elle porte mon enfant.

T'as bien intérêt à t'en occuper de ce gosse ! Même si c'est pour prolonger ta lignée ou une bêtise du genre, le menaça Ginny. Même si elle sera pas sa mère, ne gâche pas ce que fait Luna…

Jamais. J'ai aussi envie de devenir père. » avoua-t-il prestement avec de détourner le regard.

Draco ne voulait pas aborder ses craintes et la ribambelle de livres qu'il avait lus sur la parentalité avec elle. Il ne voulait pas se livrer ainsi et lui parler de sa peur à l'idée d'échouer à la tâche. Il ne voulait pas lui parler de sa propre naissance sous potions, des sangs volés que sa mère avait utilisé pour créer l'héritier parfait. S'il devenait aussi mauvais parent que son paternel, Draco aurait mieux fait de crever pendant la guerre.

« Tu ne lui as pas dit, pour nous ? changea de sujets Ginny.

Non. Je ne crois pas que ce soit ma place de le faire.

Très bien, souffla-t-elle, soulagée. Elle n'a pas besoin de savoir…

De savoir quoi ? demanda Luna en flottant.

Qu'elle n'a pas pu s'empêcher de me parler de son mari, la sauva Draco en nasillant.

Que…‽

J'ai gagné notre pari, Ginny ! T'es incapable de passer plus de quatre heures sans parler de Harry ! se moqua Luna.

C'est quand même grave d'être obnubilée par Potter de cette manière depuis que tu es une demi-portion, fit-il remarquer avec dédain.

Arrêtez de vous foutre de moi. C'est quasiment impossible d'arrêter d'aimer Harry une fois qu'on est tombé dedans !

On te taquine. Je t'aurais désenchantée s'il te faisait du mal. » répondit Luna avec douceur avant de parler des castors de Hongrie.

La suite de l'après-midi passa à une vitesse folle et par un tour de passe-passe qu'il avait mal compris, la seule résidence secondaire des Malfoy encore en leur possession serait occupée par Luna et sa meilleure amie pour l'accompagner au mieux pour la fin de sa grossesse. Tant que Luna était à ses aises pour donner naissance à son fils, Draco n'avait pas vraiment d'objections. C'était le fait de savoir qu'il croiserait encore tant de fois Ginny qui le mettait mal à l'aise.

On frappa à la porte. La nouvelle personne qui s'invita dans cette cabane perdue au milieu des bois fut Potter. Et par sa simple présence, Draco eut envie de déguerpir. Cela lui donnait toujours envie de fuir lorsqu'il le croisait.

Pourtant, ce n'était pas si rare qu'ils tombent l'un sur l'autre depuis que Draco avait repris contact avec Andromeda et Edward. Mais leurs rencontres restaient gênantes. Il ne savait pas quoi penser du brun. Draco ne savait que faire de cette ancienne animosité, du malaise qu'il ressentait à chaque fois qu'ils étaient dans la même pièce. Draco savait qu'il lui devait beaucoup, que c'était en partie grâce à son témoignage qu'il avait pu reconstruire sa vie. Malgré tout, il n'avait aucune envie de voir Harry Potter plus que nécessaire. Il avait présenté ses excuses qui ne pouvaient pas rattraper le temps où ramener les morts à la vie. Revoir le héros du monde sorcier lui rappelait trop ses propres manquements.

«Bonjour Luna, Malfoy. » gratifia-il avant d'être enveloppé par les bras fins de la chercheuse.

« Je suis ravie de te voir en si grande forme. Tu sens le chocolat… fit remarquer Luna avec douceur en prenant son visage entre ses mains.

On a fait plusieurs gâteaux avec les gosses.

Super ! Il en reste pour moi ? Je meurs de faim ! » se plaignit Ginny, comme si elle n'avait pas dévoré toutes les pâtisseries dans son champ de vision.

Potter éclata de rire à sa remarque, ne manquant pas de jeter un coup d'œil sur son assiette à desserts bien entamée. Cela faisait des lustres que Draco ne l'avait pas entendu rire avec autant de gaieté. Une réminiscence de leur adolescence lui revint en mémoire alors que Potter pouffait avec ses deux acolytes. Même à cette époque, son rire n'était pas aussi détendu et clair. Draco comprit ce que Luna voulait dire lorsqu'elle lui avait dit que leur couple luisait.

Chaque geste de Potter et Ginny était teinté d'un amour criant, solide, presque palpable sous les doigts. Potter regardait Ginny comme si elle était un miracle et l'emmitouflait dans son écharpe pour la protéger du monde avec une douceur qui surprit Draco. Il ne savait pas que Potter était capable de délicatesse vu sa façon d'interagir avec son environnement et d'entrer dans une pièce avec la grâce d'un hippogriffe malade.

Ils avaient bien fait de confier son cousin à Ginny et Potter. Ils irradiaient de douceur et de compréhension. Ils formaient un environnement plus sain que les larmes et les élucubrations tourmentées d'Andromeda. À leurs côtés, Edward était en sécurité.

Alors que cette constatation se frayait une place dans son esprit, une question qu'il ne cesserait de se poser pour le reste de son existence le frappa. Draco pourrait-il être un havre de paix pour son futur fils ? Alors qu'il n'était lui-même qu'un patchwork né sous potions pour la puissance familiale.


Cela faisait plusieurs minutes qu'il tentait vainement de reprendre son ancienne forme. Teddy ne savait pas comment retrouver sa couleur naturelle, ses pupilles dorées, ses traits , son visage tout simplement ! Il détestait le reflet que lui renvoyait son miroir et les yeux gris qui le fixaient et qui n'étaient pas les siens.

C'était affreux. Être incapable de se reconnaître dans la glace. Ne pas avoir le contrôle de pouvoirs qu'il n'était même pas certain de posséder dans leur entièreté. Teddy s'était vu arraché le contrôle de son corps depuis des lustres. La bête n'en faisait toujours qu'à sa tête. Peut-être bien que Maria et Jane avaient raison. Il était irrécupérable. Les seuls instants où il avait l'impression d'être tout à fait vivant, c'était lorsque son esprit cartésien disparaissait. Et que le monstre qui voulait tout dévorer saccageait et tuait sans état d'âme. Le carnage au rez-de-chaussée était un témoignage criant de son manque de contenance. Il était un danger ambulant. Une bombe à retardement dont son ennemi pouvait se servir à sa guise. Quelle importance que son Alpha puisse le commander ? Toutes ses actions n'avaient pas pour point de départ Greyback ! Il devait se faire une raison. Teddy était incapable d'être un loup-garou sur lequel on pouvait compter.

On lui parlait d'autodestruction, de détestation de son être. Teddy n'était pas certain que c'étaient les mots adéquats pour définir ce qu'il ressentait en cet instant. Il avait simplement envie de se tirer une balle. De sentir l'aconit brûler sa chair et traverser son poitrail pour arrêter de s'apitoyer dans sa chambre. Il était pathétique. Alors qu'il pensait sa santé mentale proche du néant, ses pouvoirs bancaux de métamorphe étaient apparus pour l'achever. Non. On ne mourrait pas en prenant la figure d'un quelconque fantôme du passé. Mourir était trop doux.

C'était sans doute pour ça qu'il n'avait que ça: la métamorphose. C'était un pouvoir qui lui rappelait qu'il ne pourrait jamais avoir un contrôle sur son enveloppe corporelle. Que le statut d'humain, de sorcier, n'était pas fait pour lui. Il n'avait pas l'étoffe pour avoir une baguette entre les mains. Teddy avait fait son deuil de Poudlard depuis longtemps. Il n'en avait plus rien à faire de la magie. Mais le fait que des pouvoirs viennent l'emmerder de la sorte le brisait.

Qui se faisait un malin plaisir de faire de sa vie un enfer ? Il en avait marre d'être un héros digne d'une tragédie !

Comme dans toute bonne pièce qui se prenait trop au sérieux, il ne pouvait pas mourir avant la fin du dernier acte. Ses proches l'aimaient et ils comptaient sur lui malgré ses manquements. Teddy devait continuer de respirer et reprendre assez de contenance pour arrêter de ressembler à un serveur excentrique au look plus que discutable.

Il ferma les yeux. Il pensa à la corne d'argent qu'il devait retrouver, au sang qui avait trop coulé et dans ce chaos dans lequel il se plongea, Teddy sentit deux yeux sombres qui le fixaient dans la pénombre de son esprit.

Cachée au tréfond de son âme, dans le cœur du loup qu'il voulait oublier, Ayaba était là. Elle était si loin que c'en était presque douloureux. Teddy pouvait presque sentir sa peine qu'il ne comprenait pas. Un geignement pathétique s'échappa de lui, du loup et cet élan de faiblesse lui glaça le sang. Il s'approcha de cette masse brûlante, pleine de sentiments qui les liait. Et en la frôlant, Teddy sursauta.

Il rouvrit les yeux. Dans son miroir plein-pied, ne se trouvait plus sa chambre. Il y avait deux grands lits. Des posters, un bureau inondé de produits de beauté et de livres qui ne trouvaient pas leur place. Une fenêtre sans vitre mais avec des barreaux qui ne limitaient pas le passage du soleil. La pièce était baignée de lumière. Et telle la flamme que l'on attendrait pour ranimer la morosité d'une salle sans vie, Ayaba traversa sa chambre.

C'était la première fois que Teddy la voyait aussi soucieuse. Jusqu'à présent, il n'avait vu d'elle que des souvenirs trop vieux pour être d'actualité et une animosité et froideur qu'il ne pouvait que comprendre. Ses bouche charnue était fermée en une ligne soucieuse. Son visage était figé et ses cils papillonnaient à une telle vitesse qu'il se demanda quelques instants si ce n'était pas un subterfuge pour se contraindre à ne pas pleurer.

Ayaba fit les cent pas dans sa chambre avec une aisance qu'il n'aurait pas cru possible avec la robe pourpre traditionnelle qui enlaçait sa taille, ses hanches et ses jambes. Elle soupira, murmura ce qui ressemblait à un juron puis braqua ses yeux sur son miroir. Sur lui.

Le changement de son expression fut si brutale que ça aurait pu être comique si Teddy n'avait pas pu y lire une crainte et un agacement incommensurable.

«Nan mais je rêve ! Manquait plus que ça ! » pouvait-il lire sur ses lèvres.

Teddy était aussi surpris qu'elle par la situation. Elle pouvait aussi le voir depuis sa chambre. Comment leur miroir respectif avait pu faire le pont était un véritable mystère. Ayaba s'approcha de lui, les sourcils froncés. Elle marcha avec une assurance qui le prit par surprise. Et alors qu'il pensait que la sorcière finirait par être arrêtée par la glace, son corps traversa la paroi et les kilomètres qui les séparaient.

Un jappement de surprise échappa à Ayaba alors qu'elle perdit l'équilibre. Dans son atterrissage, Teddy eut le réflexe de la prendre dans ses bras pour ne pas qu'elle s'étale de tout son long.

Le simple contact de ses mains sur ses épaules électrisa Teddy. Le tissu de la robe était plus rêche qu'il ne l'aurait cru. Il pouvait sentir l'odeur des huiles dans ses cheveux malgré le foulard rose pâle qui les recouvrait. Le parfum de sa peau se mêlait aux notes plus nacrées de son eau de toilette, du sable chaud et de plantes qu'il n'arrivait pas à caractériser. Ayaba sentait bon. Et Teddy devrait arrêter de détailler son odeur de cette façon pour conserver sa tranquillité d'esprit.

«Pourquoi est-ce que tu m'as appelé ? s'agaça Ayaba en retirant ses mains de ses épaules.

— Je ne t'ai pas…

— Si. Je sais que ce n'était pas moi. Je n'ai pas utilisé ma magie cette fois, répondit-elle avec assurance avant de concentrer toute son attention sur sa chambre.

— Mais je n'ai pas l'impression que ce soit vraiment…

— Ton esprit est sans dessus dessous. Ça crie partout dans ma tête. C'est insupportable. » déclara Ayaba en s'approchant de sa bibliothèque.

Ayaba détaillait les ouvrages avec attention tout en lui jetant des coups d'œil méfiants. Cette barrière de papiers entre eux était salvatrice et permettait à Teddy de se concentrer sur autre chose que cette sensation de bien-être physiologique qu'il ressentait en sa présence.

« J'avoue que j'ai été un peu hors de contrôle cette après-midi. Mais avec la guerre qui se profile et…

— La guerre ?

— Tu ne lis pas la Gazette ? s'étonna Teddy qui était certain d'avoir entendu Albus mentionner qu'elle voulait peut-être devenir journaliste.

— Je ne ramène pas la Gazette au pays. »

Teddy lui tendit le dernier numéro qu'il avait chapardé au salon et Ayaba le lit avec attention. Il lui expliqua les éléments déformés ou manquants sans rentrer dans les détails pour qu'elle ne soit pas perdue. Il ne lui parla pas de son lien avec Fenrir, ni des tensions internes à la meute.

« Avec tout ça, j'ai pas vraiment eu le temps d'apprendre à utiliser ma capacité de métamorphomage.

— Métamorphomage ? Je pensais que t'avais juste refait ta couleur naturelle. C'est beaucoup plus propre que ce bleu ridicule si tu veux mon avis…»

Teddy allait lui dire d'arrêter de se moquer de lui avant qu'il aperçoive son reflet dans la glace. Il était redevenu lui. Ses boucles châtains cascadaient autour de sa tête et il avait retrouvé toute sa physionomie. Quand avait-il changé ? Il devait absolument comprendre comment ça fonctionnait.

« Comment tu sais que c'est ma couleur naturelle ?

— C'est celle que t'avais à notre première rencontre. Et tu ressembles quand même vachement à ton père. Il suffit de chercher quelques coupures de journaux ou des livres d'histoire plus fourni que le manuel de Poudlard. »

Ayaba s'assit sur son fauteuil avant d'ouvrir son ordinateur.

« Je peux avoir le mot de passe ? J'aimerais utiliser Internet…

— Tu as fait des recherches sur moi ? demanda Teddy tout en accédant à sa requête.

— Bien sûr. Pour savoir à qui j'ai affaire. Pas toi ?

— Non… j'étais un peu occupé… avec tout ça…» dévia-t-il.

Teddy ne voulait pas lui avouer qu'il était mort de peur d'en apprendre plus sur elle. Que lui arriverait-il s'il désirait en savoir plus à force de grapiller des informations ?

« Tu m'en vois désolé, répondit Ayaba sans émotion perceptible dans la voix. C'est dur surtout s'il y a eu des morts dans ton village.

— C'est sûr. »

Teddy avait l'impression que s'il parlait de manière moins détachée, il s'effondrerait. Il préférait parler d'un autre de ses problèmes.

« J'ai bien quelques pouvoirs mais je sens que cette capacité de téléportation ne m'appartient pas. »

Teddy lui tendit ses paumes, qui chatoyaient toujours dans des tons de bleus iridescents.

Ses mains étaient parsemées d'éclats électriques. Teddy n'avait vu cette manifestation que chez Ayaba. Personne d'autre. Il suffit qu'elle frôle ses paumes pour que cette sensation de fourmillement disparaisse enfin. Sa main était douce contre la sienne.

« Peut-être que tu peux puiser dans mes pouvoirs… souffla-t-elle. Si c'est ça, c'est encore pire. C'est déjà assez chiant de t'avoir dans ma tête à longueur de temps.

— Je te sens aussi, je te signale ! s'agaça Teddy. T'es pas la seule en galère…

— Mais je n'ai pas besoin de toi. Avoir un meilleur odorat est pas l'aptitude la plus utile du monde.

Mon loup veut te voir. Pas moi. J'apprécie la nuance…

— Ça revient strictement au même Edward. Je suis ici au lieu d'être avec ma famille. »

Ayaba coupa court à la conversation et se replongea dans sa lecture.

« L'auror Weasley-Granger est sûr qu'il aura la majorité au Conseil ? Il est un poil optimiste si tu veux mon avis, pour ne pas dire plein d'illusions.

— Ce n'est pas certains. Mais c'est vrai que le plus de voix de notre côté serait utile.

Teddy s'arrêta quelques instants. Hésitant encore sur la façon dont il pourrait lui faire sa requête.

«Tu veux que je participe à ce Conseil ? se rendit-elle compte les yeux ronds.

— Si tu pouvais nous rendre ce service, ça nous sauverait. » avoua Teddy en se triturant les mains.

Un silence imprenable s'étira dans la pièce dans lequel Teddy pouvait sentir la tension de sa liée monter en flèche. De colère ? De frustration ? Il ne savait pas trop. Ce dont il était certain, c'était que Teddy était prêt à lui proposer n'importe quel marché pour qu'elle accepte. À sa grande surprise, Ayaba reprit son calme et reporta son attention sur l'ordinateur en face d'elle, sans un mot. Teddy était abasourdi par son comportement stoïque. Elle n'avait pas répondu à sa demande. Alors qu'il allait ouvrir la bouche, Ayaba le coupa dans son élan.

« J'accepte ta proposition.

— Quoi ‽

— T'excite pas trop. Ce ne sera pas gratuit.

— Qu'est-ce que tu veux en échange ?

— Ce bol. J'accepterai de me pavaner à ton bras et de t'offrir mon vote si tu me donnes cet objet. »

Teddy se posta juste derrière elle et fixa la photographie de ce bol nigérian en ivoire conservé dans la galerie nationale.

« Tu veux que je vole la National Gallery pour toi ? Pourquoi ? C'est complètement dingue !

— Pas plus qu'un loup garou et une sorcière inconnue qui vont voter au Conseil des Sorciers, rétorqua Ayaba.

— Comment tu veux que je fasse ça sans me faire prendre ?

— Tu connais des sorciers que je sache. Débrouille-toi. Je vais perdre la confiance de mes parents en te suivant. Faire face aux journaux… Voler sans briser un petit objet ne devrait pas être si difficile pour toi. Ça ne vaut même pas trois millions de gallions. »

Ayaba le fixait avec défiance. Teddy sentait sa fébrilité à la chaleur qui lui montait au cou, son espoir et sa crainte dans les battements un poil plus vifs de son cœur. Ce marché qu'elle lui proposait n'était pas anodin. Mais Teddy ne comprenait pas l'importance qu'elle accordait à cette antiquité. Pourquoi voulait-elle cet objet ?

«C'est un bol magique ? demanda Teddy. On ne dirait pas…

— Ça n'a pas d'importance. Est-ce que tu le récupèreras pour moi ? Si tu le fais, j'accepterai d'affronter le Conseil avec toi. Ce sera plus crédible que tu viennes avec quelqu'un.

— Je suis censé venir avec Harry. Ce ne sera pas nécessaire.

— Tu es le dernier Black. Et un loup-garou impliqué dans toute cette affaire. Tu n'es pas n'importe quelle personne. Et les journalistes se jetteront sur toi. Est-ce que tu arriveras à te contrôler ?

— Il le faudra…» serra des dents Teddy.

Il était agacé qu'elle revienne sur sa faiblesse avec autant de désinvolture.

« Ta part animal apprécie ma présence, n'est-ce pas ? Et puis mon arrivée à tes côtés les surprendra tellement qu'ils pourront même oublier ta condition de loup. C'est une bonne idée, pas vrai ?

—Je n'en attendais pas autant de ta part.

—Ce n'est pas de la charité. Promets-moi que tu me donneras cet objet. Fais un serment inviolable avec moi.

—Ce n'est pas nécessaire. En tant que loup, si j'accepte cette tâche, je ne pourrai pas l'ignorer. Le bol sera entre tes mains. »

Teddy ne pouvait pas se soustraire à la demande de sa liée à partir du moment où il l'avait accepté. Son loup lui ferait vivre un enfer encore plus grand s'il ne s'exécutait pas. Il se gardait bien de le lui dire. Ayaba désirait tant cet objet qu'il lui semblait impossible de ne pas le récupérer.

« On va quand même faire un contrat à l'amiable, déclara-t-elle en ouvrant un fichier sur son ordinateur.

—T'es sérieuse ? pouffa Teddy.

—Très. » répondit-elle en cliquant sur le logo de l'imprimante après avoir tapé sur le clavier avec frénésie.

Deux feuilles chaudes sortirent de la machine. Ayaba les relit en diagonale, satisfaite. Elle signa les deux papiers. Pour la première fois depuis le début de leur discussion, elle sourit. Pas à lui directement, juste à la feuille. Mais cette image provoquait tout de même un soulagement indicible à Teddy. C'était gênant de ressentir ses craintes masquées sans pouvoir la consoler. De ne pas franchir ce mur virtuel qu'ils avaient créé.

«Voici notre contrat ! Tu peux le signer juste là ! déclara-t-elle.

— Laisse-moi le lire avant. Je ne voudrais pas me faire flouer par une Serpentard… répondit Teddy, amusé par tant de protocoles.

— Ça me va. Je préfère avoir un partenaire alerte. » rétorqua-t-elle avec un sourire cynique.

Pendant que Teddy lisait le bout de papier, Ayaba se leva à nouveau. Son hyperactivité lui rappelait celle d'Albus. Elle ne tenait pas en place et se mit à faire les cent pas dans sa propre chambre. C'était une véritable torche incandescente. Elle ouvrit son armoire sans permission. Le claquement sourd de son geste l'irrita. Toute cette masse d'énergie qu'elle larguait lui donnait le tournis.

Son loup était aux anges. Il se gorgeait de son aura et de sa présence toute proche. Il avait tant attendu. Teddy n'arrivait pas à le dompter. Son instinct lui susurrait des idées plus loufoques les unes que les autres pour la pousser à rester avec lui un peu plus longtemps. Lui faire un thé, lui étaler sa science, commenter chacun des livres sur son étagère comme si l'urgence ne collait pas à sa peau. Se transformer en loup, se poser à ses pieds et la laisser le câliner. L'action la détendrait sûrement. Sa liée était habitée d'une tension inquiétante. C'était en partie de sa faute et il pouvait accepter de ne pas la mordre. Il saurait être docile. Le loup avait compris. On n'enfermait pas sa liée entre ses pattes.

Toutes ces images étaient absurdes bien entendu. Mais elles innondaient l'esprit de Teddy. C'était insupportable. Pour ne rien arranger, Ayaba déposait son odeur partout sans même s'en rendre compte.

« J'ai signé, souffla Teddy. Tu as trouvé ce que tu cherchais ?

— Il n'y a rien d'assez clinquant dans cette armoire, critiqua-t-elle. Il faut qu'on soit assortis.

— Draco me trouvera bien quelque chose !

— C'est vrai que mon parrain s'habille bien. C'est pt'être un petit con prétentieux par moment mais on peut pas lui retirer ça. Tu me diras ce qu'il t'a choisi pour qu'on s'accorde. » déclara Ayaba en reprenant la feuille du contrat.

La sorcière la plia en six, la rangea dans son décolleté comme si c'était la chose la plus naturelle du monde. Puis elle le fixa de ses grands yeux sombres. Son assurance nouvelle réhaussait leur profondeur et Teddy se sentit plus qu'intimidé.

« J'ai noté mon numéro sur un de tes calepins. Écris moi pour qu'on mette tout en place.

— C'est parfait. Merci d'avoir accepté. Ça nous sauve…

— Range tes remerciements. Si tu ne fais pas ce que tu m'as promis, tu recevras plus que des Doloris, menaça-t-elle.

— J'ai bien compris. T'es pas obligé d'être aussi pédante et désagréable à chaque fois que tu ouvres la bouche, tu sais.

—Je m'en fiche. C'est ça ou je te lance des sorts, rétorqua Ayaba. Faudrait que je puisse rentrer chez moi si tout est bon…

— Je ne sais pas comment je t'ai appelé jusqu'ici, désolé…

—Je m'en doutais. Je vais essayer de faire comme la dernière fois. Chu est dans le coin ?

— Je ne l'ai pas sentie dans les parages depuis hier. »

La chatte apparut devant la fenêtre de Teddy comme par enchantement. Sa petite patte collée à la fenêtre, elle les fixait de ses yeux vairons. Teddy lui ouvrit et elle se jeta de suite dans les bras de sa maîtresse. Ayaba lui murmura quelque chose dans sa langue avant de gratouiller sa petite tête.

Puis la sorcière ferma les yeux en serrant sa baguette et son pendentif aux perles rouges.

Elle se mit à luire telle une étoile et un tourbillon commença peu à peu à l'entourer, entraînant dans leur souffle vivifiant les papiers qui traînaient sur son bureau. Des éclats indigo irradiaient de toute part et à la plus grande surprise de Teddy, le portail se créa à nouveau dans son miroir. La chambre d'Ayaba apparut à nouveau devant ses yeux. Il commençait déjà à faire sombre dans celle-ci. Et un petit garçon sortit du champ du miroir sans leur jeter un regard.

« Edward, ne meurs pas avant d'avoir respecté ta promesse. Et n'oublie pas de retenir tous les noms des aristocrates les plus importants cette fois-ci. »

Le cœur de Teddy manqua de sauter dans sa poitrine. Ayaba se souvenait de leur première rencontre.

Elle disparut , sans se retourner. Teddy espérait qu'elle était arrivée à bon port. Le bazar dans lequel se trouvait sa chambre était le seul témoin oculaire de son arrivée dans son antre.

Leur pacte était complètement fou. Pourtant, il ne pouvait s'empêcher d'éprouver du soulagement. Teddy pourrait au moins faire avancer leur quête. Permettre à ses amis d'écouter la prophétie. Cela ne devait pas être compliqué avec un peu de magie, de voler cette œuvre d'art. Tout n'était pas si catastrophique. Et il était capable de contrôler son loup et ses sentiments sans lui sauter dessus. Il ne tombait pas amoureux. Tout aurait pu être pire.

Teddy ignora ostensiblement la joie de son loup à l'idée de pouvoir se rouler dans l'odeur que sa liée avait laissé sur son passage. Et le fait que la maison venait d'agrandir d'elle-même sa chambre et son armoire n'était qu'un détail sans la moindre importance.